Littinéraires viniques » 2006

LA TERRE EST SOMBRE ET SIRIUS EST EN SYRAH…

 Sous le regard des deux lunes de Sirius…

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De là-haut, la terre est à pleurer, tout est beau. Et pourtant…

Plus beau que somptueux même, magnifique, voire féerique par endroits. Hors caresse de l’astre roi, la Terre, longtemps, fut nuitamment, de pur jais, insondable. Sa face sombre est maintenant piquetée d’étincelles, d’éclats, de fils de lumière, d’étoiles artificielles, dont les ganses de velours palpitantes soulignent les continents en les arrachant aux ténèbres. Les Fils de Sirius, qui croisent à l’occasion, n’en croient pas leurs antennes. Cette vieille terre, la «boule des débiles», comme ils l’appellent entre eux depuis l’aube des temps, cette vieille reine de rien, cette chiure de constipé du bulbe, qui souillait l’Univers, resplendit depuis peu (comme un clignement de paupière, à l’échelle sidérale). D’aussi loin qu’ils s’en souviennent, dans la totale obscurité galactique, son côté sépulcral ne se détachait pas des espaces à perdre la raison, et nombre de fois, leurs vaisseaux l’avaient évité de justesse. Quelques Flèches d’Orion, toujours téméraires, ont laissé quelques traces de leurs trépas brutaux sur les flancs des Andes, dans les déserts Australiens aussi. Les fourmis bornées, qui rampent au creux de l’extrême densité terrestre, se grattent – l’occiput pour les rares plus futés, et le coccyx pour les autres – depuis des millénaires, à la vue des étranges stigmates de toutes formes, qui balafrent par endroit, le sol dur du caillou stupide… Ces peuples ailés, que ne contrarient plus les pesanteurs de toutes natures, ces formes ultimes de l’évolution, pour lesquelles le 2.0 renvoie à l’époque reculée des fractales dichroïques (l’équivalent de nos Calendes Mésopotamiennes), stationnent volontiers dorénavant, au large de la honte du système solaire, fascinés par les sols dont s’échappent ces langues de lumière qui trouent, comme des aiguilles vibrantes, les ténèbres épaisses. Certaines contrées semblent même avoir totalement déchiré le manteau mortel des nuits, tant leurs énergies palpitent, jusqu’à aveugler les spectateurs de l’espace.

Des masses de ferrailles, en tonnes tourmentées, tournent autour de la Terre, satellites abandonnés et autres immondices humaines, polluent déjà l’espace. L’Homme est un Chieur Universel, une abomination sidérale et sidérante, un puits sans fond de bêtise concentrée, de fatuité vide et d’égoïsme délirant. C’est en très raccourci, ce que sait l’Étre (?), invisible tant il est substance légère et subtile, qui observe la Planète qui fut bleue. Oui, vous dire aussi que Léon (je lui donne un nom pour plus de commodité), ne pense pas, il sait. Et oui, d’emblée. En relation constante avec le grand livre de l’Akasha, il a accès à l’ensemble de l’histoire détaillée de la Terre comme à celle de l’Univers d’ailleurs. Akasha, la grande “Bibliothèque”, au sein de laquelle sont imprimés dans l’Ether, images, pensées, actes, paroles. D’avant les origines au plus lointains avenirs, tout est dans le «livre» éthérique, de ce qui a été, aurait pu être, est multiplement, à ce que pourrait être l’infinité des futurs possibles. N’imaginez surtout pas Léon engoncé dans une combinaison flashy, aux commandes d’une grosse ferraille à propulsion hypra – prostatomique. Bien sûr que non, misérables petits adorateurs de l’I-Phone 4 ! Léon n’est qu’énergie pure.

La perfection est simplissime…

Ce que Léon veut, Léon l’obtient, instantanément. Absolument tout lui est possible. IL est hors matière, sans être pour autant pur esprit. Mais il ne peut vouloir et atteindre, que ce qui est en parfaite harmonie avec l’équilibre du Tout. Léon ∞-∞ de Sirius est l’aboutissement de l’évolution, tandis que l’homme en est l’avant commencement… Vortex impalpable, luminescent, volatile et mouvant, Léon de Sirius est pur Amour, ni plus ni moins. Des contrées les plus insensées lui parviennent, les bruits, les vies, les joies, les douleurs des Mondes. Alors, en équilibre à la périphérie terrestre, il souffre abominablement. Le fracas de la terre, les souffrances des martyrs de chairs molles, les pensées terrifiantes des êtres de boue grasse, l’épouvantent.

Mais que fait-il là? Qu’espère t-il? Nos inconséquences le lacèrent, nos cupidités l’effraient, le culte imbécile que nous vouons aux accumulations sans fin l’épouvante, l’étrange adoration qui nous attache à ces tas de petits papiers froissés, à cet «argent» puéril, à ce métal, aussi mou que doré, le navre. Mais ne le décourage pas! C’est qu’il m’observe moi, oui moi, moi qui suis à l’Alpha et l’Oméga, ce que la défécation des mouches est à la mécanique Quantique.

«Étonnant, non?»

Enfin moi, non, mon ego m’égare! C’est plutôt ce verre, remplit de pur liquide rouge, qui le fascine. Ce modeste sang des vignes dont il s’abreuvait jadis, il y a si longtemps, plus longtemps encore que naguère, du temps où l’espace et le temps l’emprisonnaient dans une coque de viande rouge et d’os blancs, du temps où la pesanteur l’écrasait, au temps où il traversait ses expériences humaines, du temps des limites, de l’aveuglement, du désespoir, là-bas, sur les murailles de Saint Jean d’Acre, prisonnier d’une lourde armure brûlante sous le soleil de Palestine. A chaque fois que les misères de l’incarnation – et il a bourlingué le Léon, de la banlieue de Cassiopée à Sirius, en passant par ses quelques dix mille séjours chez les bouseux d’en bas, il a connu bien des expériences, de la plus infâme à la plus tendre (les dents de nacre d’Isabeau, sa démarche à peine chaloupée, ses cheveux drus, le creux tendre de sa hanche, son regard qu’il avait cru si franc, cette dague acérée qui lui vide le cœur, ce sang, ce sang, toujours ce sang…) – s’abattaient sur son échine, pourtant ployée, quand il sentait ses forces le fuir, sa raison faire feu d’artifice, il se réfugiait entre les bras berçants de Sainte Syrah. À travers les âges, Sœur Syrah a accompagné son lent chemin de géhenne, elle l’a consolé, lui a redonné des forces, du courage, lui a lavé la conscience, lui a, à chaque fois rappelé, que le chemin de l’évolution, l’élévation progressive de l’âme, demeuraient le but. Au fur et à mesure que ses vies s’empilaient, Léon sentait bien que sa perception du monde, puis des mondes, évoluait. Non, non, là j’embellis, je brode! Léon, a trainé pattes et galères des vies durant, essayant de survivre, basta! Mais aujourd’hui – ce présent transcendé – l’être spirituel qu’il est devenu, accède au langage absolu, à la Musique des Sphères, à l’expression suprême de toutes les langues des mondes empilés. Dans sa conscience pleinement ouverte, le verre pansu qui brille, et le rubis étincelant qui palpite en son sein, l’émeuvent au plus haut point.

Léon irradie mon chakra coronal de sa présence muette. Hommelet grossier et aveugle, je pédale maladroitement sur mon clavier de plastique figé, lorgnant du coin de l’œil ce vin qui se réchauffe lentement, perdu au fin fond ignoré de l’infini de la création, atome nanoscropique, gouttelette dérisoire, infime particule de vie.

Le cristal limpide, rempli à mi hauteur, tremble, au cœur de ma nuit. Du disque fragile, invisibles et prégnantes, s’échappent en volutes fragiles, les chants sucrés des pivoines en fleurs. Léon pleure en pleine communion avec mes sens extasiés. Les arômes Rôti(e)s de cette Côte sont déjà fondus, qui donnent à humer l’olive, la framboise puis les épices douces et le jambon cru à peine fumé. Une sensation crémeuse vient, en finale olfactive, anoblir le bouquet épanoui de cette syrah tendre. Perché entre les étoiles qui constellent le vide interstellaire, Léon tremule au souvenir des grappes croquantes qui ont ensoleillé ses anciennes douleurs. Il ne fait qu’un avec moi, étroitement enlacé à ma vie qui l’ignore. Ses vibrations hautes, rehaussent les miennes, et je frissonne sans savoir pourquoi. Une étrange émotion me gagne. De mes yeux clos, coulent à flots tièdes, des pleurs qui m’enchantent et me consolent. Mon esprit obtus ne comprend pas, mais la sensation est si douce, si pleine, si noble que je me laisse ouvrir, comme la bouche de mon amour sous ma langue humide.

Le jus frais, finement extrait, des raisins de septembre 2006, inonde mes papilles attentives. Un sentiment de plénitude et d’équilibre me prend à plein corps. Tout là-haut, Léon chatoie. Sa substance délicate se moire d’arcs-en ciel fragiles, et les chants éthérés des chœurs supposés Angéliques, vibrent à l’unisson. La matière mûre des fruits rouges éclatés sous la presse, déferle en vagues successives. Le mot pâmoison vit au palais de ma bouche consentante. Léon lance le cri silencieux qui apaise, et fend, un instant, le mur d’airain des ignorances crasses. L’harmonique de son chant inaudible arrête le temps, unifie les vies polymorphes, et mets l’univers en symphonie. Le vin est le creuset de la création, il fait jour un instant éternel dans ma nuit, mon amour est à mes cotés… J’exulte. L’incroyable puissance douce de Léon est sur moi, en moi. Mes cellules grésillent comme oeufs au plat, ma carcasse grince de toutes parts comme une vieille machine en surchauffe. Pourtant je suis en jubilation, il me semble presque léviter, une onde surnaturelle me traverse, m’allège et me porte…

Je meurs à l’étriqué et m’ouvre à l’immense.

Pour la première fois, je saisis l’essence de la Joie, je danse sur l’ineffable, me heurte à l’indicible… Par la grâce de Léon, l’Illuminé Céleste, cette Côte Rôtie 2006 du Domaine Burgaud devient la quintessence de ces syrah septentrionales, que la fraîcheur des coteaux magnifie. Le vin coule dans ma gorge, et Léon l’avale. La robe scintillante du Sirien pulse comme danseuse Espagnole sur récifs tropicaux, quand la lune ronde, opalescente comme un oeil aveugle, éclaire la nuit terrestre. Ma conscience vacille, clignote, au bord de l’abime, prête à se fondre dans l’espérance. Mais le temps d’après, bien proche pourtant, n’est pas encore venu. Alors j’avale le vin, qui dévale mon oesophage accueillant, pour gagner mon centre. C’est une poudre de tanins juste réglissés, fine et croquante, très longue en bouche, au bout de cette liqueur de félicité, qui me ramène devant l’écran de mes écritures titubantes.

La nuit n’en finit pas.

Harrassé je me sens, sans trop savoir pourquoi. Cette syrah somptueuse, m’aura, sans doute, un peu estourbi…?

Reviens Léon…;-)

 

EC’ESTMOTIFOUCONONNE?

QU’ELLE EST BONNE LA MARTINE…

Jan Steen. La mangeuse d’huîtres.

 Saint Jean des Monts sur Côte Vendéenne, en ce début Novembre 2010 de la fin du monde. Sur les 250 kilomètres qui séparent Cognac de cette Chouannerie, nombre d’Arches de Noé tentent de se construire, régulièrement démontées par les bouffades enragées d’un vent tempétueux. Agrippé comme Agrippine au poignard de Néron, soudé au volant comme huître à son rocher, les quadriceps en fusion et les bras noués, je cherche mon chemin de paradis, entre les vagues hurlantes des eaux, catapultées d’un ciel en sinistrôse profonde, par un Éole frénétique. Au bout de l’enfer liquide, le sourire chaleureux d’un homme à La Pipette curieuse qui en vaut quatre, accoudé, du bout de son sourire barbu, au bar de bois nature d’un caviste fêlé, qui règne démocratiquement sur son Carlina de Chai. Il fait bon vivre, rire et boire entre les murs de ce lieu convivial, beaucoup moins foutraque qu’il n’y semble au premier abord. Plus un espace libre sur les murs, que tapissent à la va-comme-j’te-pousse, les souvenirs sur planche de caisse des hôtes de passage, la collection de boites de sardines du patron, des dessins d’enfant, des bouteilles vides en groupes ou en pagaille, les cailloux du Petit Poucet semés par-ci par-là, et foultitude de petites choses de toutes provenances…, un étrange foutoir surréaliste et chaleureux, qui vous console d’avoir bravé Zeus en bagarre, avec Neptune en furie.

Derrière le bar, en salle, à la cave, en cuisine, partout à la fois et en même temps, Philronlepatrippe semble mener une existence stroboscopique. Entre ses mains rapides, les bouchons volent comme abeilles de liège. Sur le bar, les bouteilles, serrées les unes contre les autres, orphelines craintives, se tiennent mutuellement frais, et suent par-dessus leur verre tant elles angoissent d’être vidées trop vite, ce qui définitivement les priveraient des longs regards amoureux, que leurs jettent la brochette mal cuite, de picoleux impatients accrochés au zinc.

La soirée, vouée aux méléagrines d’origines diverses, est – Novembre oblige – intitulée «14-10-huîtres»… Plus précisément douze variétés d’Ostrea sont proposées deux par deux, soit vingt quatre mollusques salés à téter, à slurper, à gober bruyamment, à ramasser, parfois lourdement chus sur le pantalon, comme glaviots glaireux. Bref, à déguster avec des mines de patte-pelu gourmand. Autour des reines du soir, beurres AOC, du doux au demi-sel, en passant par le délicieux beurre aux algues. Histoire de pousser les molasses au-delà du canal de la luette, douze vins différents de toutes régions, mais tous blancs of course (les Vendéens ne sont pas Parigots branchouilles qui assassinent ces pauvres bébêtes sans défense à grandes lampées de Bordeaux sévèrement douellés ), ont été choisis pour les exalter. Douze vins donc, parmi lesquels le «Clos des Rouliers» 2008 de Richard Leroy me séduit à nouveau, quand il envoûte de son Chenin longuement élégant, la chair pâmée de la «Prat ar Coum» Bretonne. Mais entre toutes ces belles offertes, c’est sans conteste pour l’Irlandaise, la «Muirgen» qui finit son élevage à Cancale, que sonnent les cornemuses de la victoire. Il vous faudrait la décoller délicatement de sa coquille, puis verser une giclée blonde du «Phénix» 2009 de Guy Bussière dans son écrin, enfin vous mettre le tout en bouche, pour comprendre combien la finesse, le croquant, la douceur, la longueur de la chair, fouettée par ce «modeste» Melon du Val de Saône, vous caresse longuement le palais. D’autres vins, dont nombre vouent un culte mérité à Demeter la Grecque agricole, réussissent leurs épousailles avec les bivalves. Le Muscadet 2009  “La Bohème” de Marc Pesnot, le Sancerre  2008 de Gérard Boulay envoient, pour l’un, au septième ciel, le sarcoplasme iodé de la «Vendée Nord Ouest pleine mer», pour le second, c’est le pied tendre de la «Utah Beach» Normande qui enfle de plaisir. Tout est là, jouissance et volupté en bouche…

Mais le temps s’écoule et la parenthèse se referme. Le bitume succède à la grève venteuse, le vent persiste mais les eaux restent au coeur des cieux lourds. Au platitudes bocagères Vendéennes succèdent les reliefs doux de la Saintonge, puis les plaines et coteaux de la Charente, jaunis ou rougis par les vignes, qu’enflamme encore l’automne. Céans, l’eau, abondament bue, me nettoie les cellules quelque peu engorgées par les jus blancs, les beurres et les corps croquants des belles de mer. Mais ce jour, après deux jours, me revient l’envie d’un tour en Macônnais, en Chardonnay gourmand. Là-bas, entre les roches célèbres qui se font face, non loin du Val Lamartinien, à Uchizy, un peu plus au nord le climat «La Martine». Un vin de poète? Peut-être, mais pas Lamartinien pour un sou…

La robe de La Martine est pâle, rehaussée d’ors lumineux.

Les parfums de Martine montent au nez, bien plus mûrs qu’elle. De son corsage, qui rebondit au rythme de sa course innocente, s’échappent en volutes chaudes, des odeurs de petits matins de pâtisserie, de paniers de fruits jaunes et dorés à l’étal d’un marché d’été, de bocaux de fruits confits, de boites de Calissons d’Aix. Un bâton de réglisse retient la cascade blonde de ses cheveux. Les fleurs des chèvrefeuilles s’écartent sur son passage et ajoutent à sa trace odorante… C’est un bonheur de la suivre du bout du nez.

La suite de ce Mâcon-Uchizy, en bouche, est plus délicate….Je ne m’y risquerais pas et dirais succinctement qu’elle est est à l’avenant, une gourmandise mais avec de la matière, un jus délicieux que tend et rehausse une finale délicieusement fraîche. Martine est un bonbon dodu que l’on aime à croquer, qui gicle sensuellement entre les dents, pour vous prendre langue et palais, de toutes ses rondeurs généreuses et fruitées. Les 2006 des “Bret Brothers” du Domaine de la Soufrandière sont, pour ceux que j’ai goûtés jusqu’à présent, la gloire d’un millésime bien maîtrisé.

Ce que qui précède est pure fiction, résultat d’une récente nuit trouée par une insomnie blafarde. Seuls sont réels les mollusques et les vins cités.

EFEMOTILEECONE.

SOUS LE VOILE…

La Cotinière. Oléron. Mars 2009.

 Pour ce qui concerne ce vin, après les fermentations d’usage, les 85% de Chardonnay auxquels se marient sous la contrainte, 25% de Savagnin sont mis à l’abri sous voile pendant près de trois ans, loin du regard, loin de l’air corrupteur.

 Un vin de Burka en somme.

C’est donc l’Afghan du Jura, le Laurent Macle de Château-Chalon qui a patiemment accompagné ce Côtes du Jura 2006 dans le secret du clair-obscur de ses caves. Lui seul, le Maitre était autorisé à se glisser sous la soie cryptogamique, de temps en temps, doucement, sur le bout des papilles histoire de voir si la jouvencelle avançait en beauté. Il faut dire que le jus des vignes de vingt ans ça se ménage, ça ne se bouscule pas, ça se lisse du bout de la pipette. Il faut en prendre soin exquisément pour en tirer le meilleur vin possible. Et cette eau délicatement translucide qui moire comme une soie vivante dans la lumière chaude du chai, est plus tendre, plus fragile encore que le jeune cep. Il faut l’amener aux fermentations sans l’effrayer, dans la fraîcheur naturelle de l’hiver. Rien ne sert de la brusquer, de chercher à l’énerver en l’exposant à des températures artificielles. Les démarrages en côte abiment le moteur. La transmutation a besoin de soins discrets mais attentifs.

Tout doit être paix, luxe et volupté.

Impossible de se tromper, la robe a la couleur d’or et de vert du voile…

Sous le nez du pèlerin timide le vin s’exhibe innocemment. La noix qui n’est pas de Saint Jacques, est fraîche. Comme à peine cueillie, elle a laissé tomber sa peau d’amertume pour gagner en émotion olfactive. Le curry ami de la noix vient à son tour donner aux narines des envies exotiques. On mesure déjà à ce stade que la puissance virile du Savagnin a bien besoin de l’élégance du Chardonnay, pour ne pas tomber dans l’extravagance, voire dans l’excès. Des notes de fenouil, de poires puis d’abricot et d’anis, subtilement haussent le col.

L’attaque en bouche est tendre avec ce qu’il faut de gras pour émouvoir le palais. La matière apparaît dans toute sa puissance épicée dès que le vin se met à rouler. La noix et le curry réitèrent puis les épices que domine un poivre blanc tout frais et réglissé, apportent au vin une superbe fraîcheur. La finale sur le céleri rechigne à redescendre, le vin n’en peut plus de lever la queue.

Sûr que le Savagnin est un mâle!!!

 

EMOUSMOTITICOLLEENE.

CE SOIR JE CLAQUE DU BECK…

 Schneekugel mit Teddybaer.
 

Je ne peux toujours pas écouter Bashung sans avoir le coeur dans la gorge…

 Le soleil de Septembre brille de ses feux encore chauds, avant de nous planter orphelins quelques mois. Le monde, lui, est froid. «Les petites choses qui luisent» sont toujours «des hommes dans des chemises». Bashung plane, bel aigle envolé. Le peuple des acariens en costard-cravate, s’est remis de ses fausses inquiétudes. Putain ça repart comme en quatorze. Le top justbeforetoday, c’était les assurances vie Américaines rachetées à bas prix aux loosers que la crise – Sainte crise, encore merci – avait  jetés à la rue. Les traders flamboyants sont encore et toujours à la curée. Villages de toiles, associations médico-caritatives se sont affairées… Plus tu penses ignoble, plus la thune tombe. Les banques vertueuses aux poches lourdes ont largué les bonus comme napalm au Vietnam. Obama aurait bien voulu bien a t-il semblé, but he couldn’t…

La grippe à la mode de chez les grands labos pharmaceutiques boostés par notre ravie plantureuse, a plané sur nos civilisations frileuses. Les maladies peuvent tuer dis donc! Un scoop. Il est temps de goûter à nos jus de raisins fermentés. Va savoir…!!

Pendant ce temps là les vignerons  inconscients au volant de leurs Porsches poivrées comme Chambertin Grand Cru *, vont bientôt vendanger.

Sur le flanc des collines, comme un trait d’union vert qui relie le village de Dambach aux ruines du château de Bernstein sur la crête, les vignes souffreteuses du Frankstein peinent à produire. Orientées en arènes Est et Sud-Est, elles plongent leurs racines assoiffées au plus profond de la roche de granit à deux micas…, qui ne font chanter que les vins. La terre, enfin les sables de granit délités par le temps et l’érosion, est pauvre. A terre pauvre, vins riches mais droits ?

LES VINS DU DOMAINE BECK-HARTWEG.

La première des coquines à couiner sous mon vieux tire-bouchon qui est à l’ouverture des cols ce que Rocco est à la plomberie, c’est la «Prestige». Ça ne fait pas un pli, le bouchon «glope» comme le dernier des péteux, avec un bruit sec.

Riesling «Cuvée Prestige» 2008 :

Sur l’étiquette un peu kitsch – ce qui n’est pas pour me déplaire – en ces temps de design branchéglacéloungedéjàdémodé – dans un coin, l’ours de Dambach se régale de raisins, au creux d’un blason rouge et noir…

La robe est jaune citron pâle à reflets gris.

A l’ouverture le vin perle un peu. Pas de pétrole à l’horizon olfactif. Le nez est franc, pur et droit sur la pêche blanche, la rhubarbe crue et le citron Beldi confit dans sa saumure.

Le toucher de bouche sucré-salé est net, la matière est juteuse, un gras léger lui donne une consistance bienvenue qui attendrit et modère l’acidité bien présente. Une note de fruits jaunes arrondit la dominante citronnée qui affole les papilles. La finale correcte se dépouille de sa chair fruitée, le vin se tend comme les reins de ma belle joueuse pour laisser au palais de fines notes de sel et de noyau de prune. Finale tranchante, vachement minérale (j’emmerde la Science) en fait!

Le lendemain, le vin a été bu sur deux jours, quelques volutes de rose ancienne, de fleur d’aubépine et de jasmin aussi – fugacement – s’échappent du dernier verre, vide of course!

C’est bien bon, difficile de ne pas y retourner illico. Sur un tajine citron confits et poulet, une cuisine Thaï aussi, épicée?

Riesling Grand cru Frankstein 2006 :

Toujours cette robe pâle d’or gris.

Une belle finesse sous les naseaux, toute en citron confit, en sucre d’orge, en miel un peu, en fruits blancs, enrichie par une note de mandarine, en poivre blanc aussi et en épices enfin. Mais… un nez relativement fermé cependant, même le lendemain, qui ne se donne pas totalement. Petite bouderie adolescente passagère?

En bouche le toucher est d’une grande finesse, marqué par une impression minérale qui semble tendre et fondre à la fois les composants de la palette gustative. Sans doute la qualité première de cette «pierre franche» est-elle de donner au vin ce supplément de subtilité?? La matière est conséquente, charnue, mûre, bien équilibrée par une acidité aérienne qui cisèle le gras, le léger sucré et les fruits. Finale riche qui se dépouille lentement, jusqu’en son cœur de sel et de pierre.

Un bout de foie passait par là, Frankstein l’a vidé de ses lipides parfumés. Personne ne s’est plaint. J’ai même entendu quelques bruits suspects de succions appuyées, suivies de soupirs profonds. Le bonheur serait-il dans la bouche???

Gewurztraminer Grand Cru Frankstein 2004 :

Cette fois la robe est d’un or gris plus soutenu.

Le premier nez parle de fleurs, jasmin et acacia mêlés. Puis viennent les fruits jaunes réglissés, le pain d’épices, le miel et les épices. Un nez très fin, une fois encore.

La bouche est douce et opulente de prime abord. La matière est riche, ronde, grasse ce qu’il faut, toute en fruits mûrs réglissés exhaussés par les épices et tempérés par une fraîcheur minérale qui donne à l’ensemble un bel équilibre. La rétro sur la pêche blanche accentue l’impression épicée, presque pimentée. Très belle finale florale qui tourne au noyau de pêche finement amer pour s’étirer et se dépouiller ensuite, révélant ici aussi, la pierre salée.

Pinot noir «F» 2007 :

Robe rubis foncé, limpide. Reflets violets et vieux rose.

Mon premier pinot noir Alsacien envoie. Un nez dédié aux fruits mûrs. Cassis, fraise un peu sur fond de mûres. A l’aération des notes de réglisse, de fumé, d’épices, de caillasse.

La bouche se repaît d’une belle purée de fruits rouges frais, avec plaisir. Le vin est consistant mais reste fluide et roule agréablement. De beaux tannins fins, mûrs et légèrement crayeux émergent ensuite du velours de fruits et parlent de la jeunesse du vin. Mais ça ne gâche pas le plaisir. La finale est longue. Elle conjugue à nouveau les fruits réglissés et fumés puis s’étire et s’épure dans le temps, découvrant une minéralité fine. Un peu de sel sur les lèvres. La bouteille n’a pas fait long feu! Le pinot noir et l’Alsace sont faits pour s’entendre.

* Mais non, je blague…

 

ECAILMOLASTISEECONE.

UNE GERMINE TOUTE GAMINE…

 Yves Magnani.
 
«La terre comme Terre est d’abord la sombre “poussée” (“Empujo” ) qui germine depuis la noirceur des fonds, qui enfle lentement et soudain “pointe”.»

 

Le printemps, le temps de l’empujo, de la montée des énergies de vie, de la renaissance toujours la même et toujours unique, fragile, d’amour et de joie univoques, couleurs tendres, pastels humides, pureté extrême des enfances, formes tremblantes des innocences exacerbées… Tandis que le sang des hommes coule inutilement, les lianes des vignes exultent lentement. Sur les ceps taillés au plus court, perlent les bijoux émouvants des vins à venir.

Mais que se passe t-il au fond des bouteilles tandis que l’espoir d’un vin nouveau perce à peine??? Se pourrait-il que les jus mûrs des récoltes anciennes, l’espace d’un printemps, s’ouvrent à nous, pauvres humains stupides, avides et inconscients, pour nous donner, avant de replonger dans les profondeurs mystérieuses de la maturation, à goûter un peu des plaisirs à venir???

Comme l’image fugace d’un bonheur tout proche qui se dérobe.

Car le vin gracieux, bien mieux que nous, se donne sans espoir d’un hypothétique retour. Il n’attend rien, si ce n’est peut-être l’onde de plaisir imperceptible qui irradie l’âme du buveur transi.

Le retour sur investissement n’est pas de ce monde là…

Dans nos crânes cadenassés, encastrés dans nos vies réduites, nos petites pensées écrasées sous le poids des nécessités étouffent. La grande force de vie s’échine, pousse et fulmine mais nous ne sommes pas des vignes… Rien ne nous traverse plus. La beauté a disparu de nos vies engoncées et nos terroirs, dévastés par les fausses valeurs futiles des avoirs délirants, ratiocinent, et bégaient les croyances naïves de nos idéologies mortifères coulées dans le bronze, lourd comme ma prose, de nos libertés aliénantes.

Complétement barjo ce mec là!!! Carrément métamorphique…

Le bouchon flambant neuf, propre comme un jeune sou, «plope» du col de la bouteille. J’émerge du torrent furieux de mes pensées délétères. Calme toi pépère c’est un tango!!! Arrête ton moulin à poivre!!! Laisse venir à toi cette trop jeune bouteille, cette Syrah sur Leucogneiss de ce millésime 2006 que l’on dit réussi en Rhône Nord. Les vignes en échalas y ont donné paraît-il, de forts beaux raisins. C’est de «La Germine», sise au cœur de «Tupin», une Côte rôtie du Domaine Duclaux dont au sujet de laquelle il s’agit de gloser doctement.

La robe brillante de la belle est belle.

Elle est faite pour faire danser le soleil qu’elle a aimé à mûrir. D’un grenat-violet si profond, qu’il finit dans un cœur noir comme nos illusions perdues.

Aimable et élégant ce nez! Des senteurs de pivoine discrètement sucrée nappent le haut du verre immobile. Bel accueil ma foi. Les arômes sont déjà fondus qui donnent à humer l’olive, la framboise puis les épices douces et le jambon cru à peine fumé. Une sensation crémeuse aussi.

C’est un sentiment de plénitude équilibrée – Bliss trop tôt disparue! – qui domine en bouche. La matière est ronde, concentrée en douceur. Encore une fois la Syrah trouve sa plus belle expression en Rhône Nord. Cette foutue Syrah qui peut-être si fine ou si lourde selon qui la caresse, et en quels lieux on la met à vivre. Les tannins d’une extrême finesse allongent interminablement une finale réglissée, finement. Ma connaissance des Côte Rôtie est pauvre car le prix des belles n’est pas donné. Mais ce vin de plénitude tranquille que je ne peux guère comparer à d’autres célèbres cuvées, me semble néanmoins superbe. Très expressif pour son jeune âge, il devrait vieillir avec grâce.

En attendant, c’est déjà un jus de félicité.

 

EMAMOJOUESURTITESCILSCONE.

QUAND GUFFENS FAIT SA LOLITA…

Cognac. septembre 2010.

 

Moi qui suis un fan absolu de Guffens depuis…je ne sais même plus….Ô rage, Ô désespoir, Ô jeunesse ennemie, n’ai-je donc tant vécu que pour l’avoir dans le ***??? Il est des situations qui appellent à la vulgarité, tant le choc est rude.

C’est vrai que j’y ai pensé….

Les ombres conjointes et menaçantes des empêcheurs de siroter les vins jeunes, ont tremblé sur le mur de ma mauvaise conscience et silencieusement vociféré, agaçant le fond de mon oreille interne, le temps de quelques «caudalies».

Au diable les inquisiteurs!!!

Nonobstant, ma main n’a pas failli. Je les ai repoussés. Le poing serré et les muscles bandés, n’écoutant que les enseignements du Che, j’ai arraché dans un geste d’indépendance et de révolte, le très sain bouchon, du col serré de la bouteille. Mais c’est qui le patron ici, nom de ****!!! Un demi verre et un jour plus tard, hélas, je ne peux que me lamenter, pleurer et me battre la coulpe d’avoir cédé à la tentation. Le Mâcon-Pierreclos “Premier Tri de Chavigne” 2006 fait sa mijaurée. Le genre, grande timide, qui bat des cils sur un regard provoquant.

Je n’ai jamais aimé la Lolita de Nabokov. Alors quand elle s’en vient tortiller son petit cul maigre dans mon verre!!!

J’enrage, je vitupère, je crache ma misère, le nez au fond du verre. Je tire sur l’appendice comme un fumeur sur sa Saint Claude; dans une inspiration si violente et saccadée, que j’en perds l’ouïe et la vue un instant. Réduit j’en suis, à ces bruits de «succion nasale», tant mes premières inspirations de marquise anémiée qui cherche les fragrances délicates de la fleur de printemps, ont très lamentablement échoué. Non mais c’est quoi cette absence de tout??? Comme si Guffens m’avait vendu l’eau du vin et gardé pour lui, les guirlandes, les bouquets, les paniers de fleurs et de fruits qui font d’ordinaire la joie des amateurs!!! Non, c’est une farce, une blague!!! Un ectoplasme, peu subtil assurément, se serait introduit chez moi cette nuit tel un passe-muraille, pour dépouiller en ricanant affreusement, ce vin invariablement divin, de ses vertus et charmes. Il aura du laisser derrière lui quelque trainée méphitique qui aura irrémédiablement corrompu ma cave. Les dégâts seront énormes, définitifs, à côté desquels, les soubresauts obscènes des ténors encensés des places boursières internationales, sont billevesées, évènements périphériques et superficiels. Pourvu que l’Europe des états me laisse mes profits et encaisse mes pertes!!! Demain sans faute un cierge aux pieds de Jean Monnet le bien nommé. Saint Mâcon, viens moi en aide toi aussi…Mieux vaut deux que jamais, la monnaie et le pinard font souvent bon ménage.

Mais peut-être, me dis-je – m’accrochant à l’espoir comme un sénateur à son fauteuil – la bouche, oui la bouche, ah la bouche, me donnera tout et même plus, histoire de me consoler et de me dire au creux de la langue que tout cela n’est qu’un mauvais rêve, un charme, un sortilège, que m’auraient jetés, par jeu et sans méchanceté, mes très chers arbitres du bien-boire sus-cités…La bonté me submerge, je leur pardonne déjà.

«J’entends» au fond de ma mémoire le goût humide et tendre de la pêche blanche, le grain soyeux de l’abricot mûr, je me souviens de cette boule gourmande qui roulait au palais, qui s’étirait EmuVatine, pour mieux se resserrer…Ah oui, ce bonheur complet, cette tension, cette puissance baroque et cette rigueur, indéfectiblement alliées. Que les souvenirs sont précieux quand le réel est cruel!!! Tout est absent en ce soir de deuil, la bouche comme le nez, est morte, pas née, mal née, aux abonnés absents, que dalle, niente, nada!!!!

La traîtrise est complète et je reste hébété, anéanti, désespéré.

Vivement que le libéralisme revienne et que la bourse ressuscite…

 

 

EPLUMOTÔTTICONE.

GANEVAT, GAVE T’AN…

Aston Martin V8 “Vantage”.

Éloge de la pureté…

Si j’étais blonde, fraîche, avec des yeux de Husky et des cils longs, à se faire tout pardonner. Si de surcroît je rétro-olfactais avec une exquise innocence (feinte?), entre mes jolies lèvres plissées. Toutes sortes de vins, issus de tous les arrondis de la planète. Si je disais «minairrralité» à tous les coins de vidéos et que c’est top-fun-à- boire-lol-miam-miam-tendance-kit-de-survie-jeune-super-cool-trippant-hot-party-branché-vibe-du-web. Si je flashais comme un bonbon Anglais dans mes «p’tits hauts», qui pètent la joie et le printemps, en toutes saisons. Si je rehaussais mes jolis doigts blonds longs, d’une touche de rouge volcan en éruption. Si je parlais simple, comme le monde il est. Si je causais «nature», devant un joli fond gris – souris – beeiin sûr, avec un rang de bouteille floues, dans le fond, que c’est un as du market-in qu’a ciblé la bonne tranche de jeunes, mais pas trop, qu’aiment les Lounge cosy et qu’a d’la thune, nature. Si je ne me snobizais pas la tronche, avec des mots, qu’il faut une biblio pour les comprendre…

Eh bein, hé bein, oui bein, tout le monde tomberait fou amoureux du vin!!!

Et c’est bein ça qui compte!!! Non???

Elle ne doit pas encore avoir trop exploré les creux et bosses du massif Jurassien, la charmante. Me ferais bien guide occasionnel, avant qu’Olif ne sonne de l’olifant du fond de sa combe. La guerre de blogs aura bien lieu. Une guerre de rêve, une guerre pacifique, une guerre froufroutante et rieuse, une guerre en dentelle!!!

Vive la guerre des roses, épanouies, dans les jardins d’Ispahan…

La tradition Jurassienne, (du moins, telle que le gnou à burnous que je suis, la perçoit, derrière le prisme du «j’y connais rien, mais péremptoire, j’affirme», ainsi que font, à longueur de fibres, les petits marquis – araignées multicolores changeantes, sous les lumières artificielles des conventions établies – grands édicteurs de principes, lanceurs de modes, arbitres du bien boire), voudrait que le Jura sente le cerfeuil, la noix roulée dans le curry et que, TOUT, là bas, au fin fond du trou du cou du monde, soit jaune, sous un ciel et des barriques perpétuellement voilés… jusqu’à ce que les temps du «faut pas qu’ça cesse, parce que c’est comme ça et pas autrement», se mettent à la nuance.

Mais, si tu prends un enfant de par là-bas, et qu’à grands coups de bottes au cul, tu le sors de son fjord sec et que tu le colles au taf, dans un vrai pays de vin, comme la Bourgogne – au hasard(!!!) – pour qu’il boive autre chose que son jus de céleri habituel…ben ça te transforme le gars et, partant, ses vins d’après, quand il est grand!!! Attention, les vins du Jura, dans la tradition, entre les mains jaunes des grands faiseurs, c’est très superbe. Et j’insiste bien. Si tu te colles un Tissot dans l’Overnoy, tu connais le bonheur illico, d’autant que t’y intercales un Magnin, histoire de stimuler les hormones (je pense endorphine, anything else!). Ceci dit dit, le raisin, si tu lui caresses le cep toute l’année, si tu le laisses mûrir, assez mais pas trop, déjà, ça peut faire bon. Et si ce bon jus, bourré (c’est bien le moins pour un moût) de quiddité de terroir, tu l’ouilles amoureusement deux ans, tandis qu’il glougloute au frais dans ses demi muids de bois, y’a des chances, que le dit-Savagnin du millésime 2006, parcimonieusement récolté à 18 Ho/Ha, il fermente très confort et fasse sa malo comme un grand (je dis ça, pour faire l’oeno-technico, mais j’y connais rien)…

Trois ans et quelques broquilles plus tard, tu te bats contre la cire, pour extirper le bouchon de la bouteille de «Les Chalasses Marnes bleues» de J.F Ganevat – revenu au pays – posée sur ton bureau, qu’ça part en confetti entre les touches de ton clavier! Maudite cire jaune!!! Clin d’œil à la tradition???

Robe jaune doré, soutenu. Reflets à peine verts. Soie brillante, lumineuse qui irradie sous le verre. Fermé, replié, boudeur le vin. Foutez moi la paix, je pousse., j’me constitue, j’me développe…ça c’est le nez. Bon, attendre un jour de plus et voir. Ouvert un peu plus, le vin enfin, s’est. Ça sent le grillé, mais pas celui du bois. Puis, Annie aime les sucettes au candi. Oui, l’acidité a une odeur, celle du candi sur sa sucette de pierre, plongée dans la mangue sèche, le coing et les écorces d’agrumes. Mais il est où le Savagnin??? Et surtout, l’impression d’une grande pureté olfactive, quelque chose de tremblant sous le nez, aussi. De la race des grands jus de roche, des eaux cristallines, des grands blancs de toutes régions, que tu sais qu’ils sont «au-dessus», parce que justement, ils tremblent, ils vibrent tellement, que t’as peur qu’ils s’évanouissent ailleurs, avant qu’t’as le temps de lever ton verre. Comme une onde, spéciale aux blancs, qui transcende les cépages, les terroirs, les vignerons.

Bouche d’agrumes, d’épices, frappée au coing de la fraîcheur à pointe amère. L’acidité mûre est une lame qui coupe sans que le sang ne coule. C’est une foutue vivacité exquise, quelque chose comme le plaisir au bord de la douleur. Installée, roulée en boule en bouche, la matière, conséquente, se détend et enfle «surprenament». Comme un jus de cristal, une essence, un principe, un alcoolat, une quintessence, un substrat, une âme, un élixir. Sécheresse totale, la mangue, le coing, le citron, se sont envolés, n’en restent que les extraits.

La finale, salivante et longue, dépouille le vin de ses attraits, de ses atours. Doucement, fruit après fruit, laissant au palais, la trace saline de la sucette au caillou…

EMACHOMOTIONNEETICONE…

COMME UN PAPILLON…

 Norval Morrisseau. Chaman entre deux mondes.

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 Personne ne l’attendait, surtout pas moi.

 Pourtant, traversant l’épaisseur hébétée de ma conscience assoupie, le Chaman m’a visité.

 Il était noir, le poil hirsute. De couleurs vives et de peaux rapiécées vêtu, il était aussi l’aigle que les Indiens révèrent, le lion que chassent les Masaïs, la panthère noire de tous les cauchemars humains. Mille pattes agile, lézard figé sur les sables brûlants des déserts immémoriaux, phalène fragile et cobra dressé aussi, cet être étrange, intermédiaire entre l’homme et les forces de la nature, portait autour du cou un collier d’os séchés qui cliquetait au rythme de ses piétinements. Il psalmodiait d’étranges mélopées gutturales et douces à la fois. Pétrifié dans mon fauteuil, solitaire et insomniaque au milieu de l’épaisse nuit silencieuse, je le regardais. Une douce quiétude m’envahissait. Les brumes glauques de mes inquiétudes latentes se dissipaient. Rêve éveillé, cauchemar venu du fin fond des temps, à vrai dire cela ne me concernait plus. Je me perdais dans le jais intense de son regard. L’onde puissante et bienveillante de son pouvoir, doucement me rassurait. Je me sentais sa chose mais aucun danger ne me menaçait. Il m’accaparait sans toucher à ma liberté. Tout à fait au fait des mœurs occidentales, d’un geste furtif de la main, il me fit signe de remplir mon verre de ce vin qui trônait sur la table basse. Une fois n’est pas mortelle, c’est d’un vin de Bordeaux que j’avais fréquenté longuement, qu’il s’agissait. Il était assis sur mes notes de dégustation qui disaient…

 GRAVES, CLOS FLORIDÈNE 2006…

 Un cabernet, bien né et respecté, n’est jamais vulgaire. Son compère le merlot l’arrondit à souhait. Même plus large que long, il donne un plaisir qui n’a rien de convenu.

 Sa robe est rubis sombre, brillante, limpide, grasse comme le sang qui sourd d’un cœur brisé en plein élan. Sur ses bords instables, fleurit sous la lumière qui l’accroche, l’idée d’une pivoine.

 Ce nez, riche comme une terre grasse sous la pluie chaude, puissant comme la trace d’un troupeau qui fuit, est intense, complexe, très Bordeaux classique, élégamment boisé et toasté sans excès. Cèdre, fruits mûrs, framboise, fraise des bois, poivron mûr, réglisse, fumée et cuir gras montent, telles les fumées invisibles, d’un feu brûlant sous la pénombre liquide du vin. Cette bouche élégante, souple et distinguée, moelleuse et fraîche, unit les fruits mûrs à la menthe fondante. La matière est conséquente, sans trop, charnue mais fine, toastée. Les tannins sont ronds et crayeux. La finale est fraîche, longue, mêlant épices et poivre.

 Devant la bouteille, aussi vide que je suis plein, je me sens léger comme les plumes du capteur de rêves que le Chaman agite au ralenti… D’un geste lent de la main, puis de l’épaule et du corps, il m’emporte vers les terres du ciel, des contes enfantins.

 «Regarde» me dit-il.

 Vibrant, comme le plus incertain des mirages perdu, au plus loin d’un désert inconnu, je regarde les scènes folles et floues qui s’enchainent et j’écoute…

 «Longtemps, je t’ai crue écureuil, le poil dru, vive, à l’affut, curieuse de tout, prête à te repaître de vent et de noisettes. Incapable de résister à l’attrait des nourritures solides, toujours à prévoir, à planifier, à craindre le manque, la disette. Partant, j’ai compris qu’il te fallait et faudrait,irrépressiblement, amasser, entasser au fond de ton nid…on ne sait jamais! Aveugle, je te voyais. C’était au temps du printemps éblouissant des lumières, des douceurs, des tendresses, des illusions…

 Puis l’été est venu et ses orages fulminants.

 Alors, souris tu t’es faite. Courant de ci de là, anxieuse, fureteuse, craintive, tremblante, effrayée par le gros rat qui habitait chez toi. Il t’as fallu te méfier de l’acier froid qui tenait les fromages gras et odorants. Desserrer les mâchoires et te jeter avide sur l’un, l’autre et d’autres encore et toujours. Planifier, compter les graines, en demander, en gager, en vendre, pour mieux en racheter. Frémissante, inquiète, petite souris tu t’es enfuie, la tête basse, au détour d’un automne, ne te retournant pas, de peur d’un regard…

 De l’autre côté des mers tu es partie. Sur la place, aveuglée par la lumière crue des convoitises, petite mangouste grassouillette et cruelle, tu t’es installée, prête à dévorer tous les crotales des sables qui oseraient croiser ton chemin. Rien n’est plus dur, plus implacable, que le regard acide d’une mangouste exilée…»

 Sur le coussin de cuir, ma tête enfiévrée s’est embuée, a pleuré toutes les larmes de son cuir chevelu. Un verre vide s’est brisé sur le carrelage blanc. Les bords aigus des éclats de verre sont rouges du sang Bordelais perdu. Le soleil d’Octobre perce les volets disjoints….

 Sur la table de marbre ancien, une plume pâle tremble…

 Qu’est tu devenu, petit papillon fragile?

 

EMOTICONEDD.

AU NORD C’EST JIMI GEVREY!!!

Jimy’s fan…

 Les temps sont durs pour les gourmands, les buveurs de bon, les fans de rock et les renifleurs sensuels…

Impossible de se taper la cloche, sans que la nuit suivante, ne t’envoie au pays des cauchemars coupables et horribles, auprès desquels les joutes politiques les plus insanes – ces jours-ci n’en manquent pas – paraissent chœurs angéliques éthérés. Pourtant qu’il est bon de se taper sur le bide, pour la petite musique aqueuse qu’il émet. Ah, accompagner les riffs gutturaux d’une Fender râpée à l’acide, de battements puissants – en rythme por favor – comme des tablas sur les tablettes, est une forme d’érotisme rare… Comme une ode vibratoire, dédiée à la montée de tous les obélisques, qui immortalisent les victoires passées et celles à venir. Les trépidations des muscles te résonnent dans les entrailles, et jusqu’au bout de l’essentiel. Tu te retrouves comme un derviche, enroulé dans l’incantatoire, que scandent tes fibres les plus intimes.

Oui mais, si tu veux te faire ta petite graisse de «raisonnance», façon tambour de garde champêtre, genre djembé griot dreadlocké, manière tambourin arlequin, ou style grosse caisse comices agricole, t’es bien obligé de donner dans le j’m’empiffre à l’ancienne??? Et ben non, histoire d’échapper aux interdictions médicales, aux diktats de la mode occidentale, histoire de déroger aux «t’as pas le droit de mourir», je te conseille le cataplasme Charentais!!!

Rien de plus simple.

Le soir au coucher, hacher menu deux bons kilos de rillons de porcs, pétés de lard. Les délayer à l’huile d’arachide pure. Laisser mariner une bonne heure, en touillant régulièrement. Puis à l’aide d’une spatule en bois bio, se recouvrir très généreusement les tablettes de chocolat, de la mixture ci-obtenue. Bien serrer le tout, sous une bonne bande velpeau épaisse. Se coucher sur le ventre (le tien), t’endormir du sommeil épais de la bonne conscience gastro anatomique, au moins douze heures. Résister aux remugles pestilentiels, qui ne manqueront pas de t’assaillir insidieusement, la nuit durant. Ça ne sera pas de la tarte, mais il faut savoir souffrir pour être laid… Remettre le couvert trente nuits, durant sans faiblir. Le résultat est au bout. Quel bonheur que ce beau bide tendu, au nombril profond, luisant et pâle, comme le teint maladif d’un cancérologue en bonne santé, et qui s’étale, se répand, et déborde voluptueusement, sous tes yeux rougis, qu’ont dessillé les triglycérides volatiles de tes nuits laborieuses!!! Elles sont là tes tablas indiennes, rondes, dodues, tremblantes, émouvantes… Tu te mets un bon Clapton de trente ans, et tu rythmes «Layla» comme un malade. Ta prise de sang, vierge de toutes traces de cholestérol, pliée en quatre sous le pied de ton fauteuil en skaï, prouve, à qui voudrait bien la lire, que t’as l’aorte aussi clean, que le tunnel du Mont Blanc refait à neuf. Que t’es aux normes, insipide, et politiquement correct.

Là, tu constates, atterré, que le son c’est pas ça, ça claque trop sec. Manque le petit côté liquide de la caisse de Ginger!!! Nom d’un cochon, tout ça pour rien??? Que nenni de porc!!! Dehors ça tombe en trombes, ça crépite sur le sol sec, qui se gave, et remercie en fumant. Sous le bitume, on entend la terre, qui aspire goulûment l’eau de vie, que le ciel généreux déverse. Merci la Nature… Eurêka!!!.

« Alors, on dirait que t’es le sol, que t’as soif et que t’as pas d’eau… »

Heureusement que le Jérôme Castagnier de Gevrey, t’as vendu, pas cher l’année dernière, son Gevrey 2006. C’est du jeune qui doit pas se boire, qu’ils disent, mais bon, ils le sauront pas. Et puis c’est pour la musique, alors circulez y’a rien à boire. Sous ta peau distendue, la compote de rillons applaudit de tout son gras. Tu vois que ça bouge de joie en dessous, comme si t’attendais un cochonou tout doux, après t’être fait explosé par un énorme verrat en rut, quand la dernière nuit de ta cure de graisse, t’as fait cet insoutenable cauchemar, où tu ramassais des glands, la nuit dans la forêt avec ta copine le Chaperon rouge…Sûr que le Gevrey va bien te mouiller le lard, et que ça va sonner onctueux après. Layla énamourée va aimer, elle va t’appeler Ginger, quand tu lui taperas sur ses «Cream» de fesses.

Dans le verre, le vin est rouge, incandescent comme les lampes d’un vieil ampli, après quatre heures de concert à donf, sous les griffes d’un Jimi en surdose, qui triture la bannière étoilée. Tu sens que le flamboyant va suivre… Le liquide est à peine gras, qui s’accroche comme l’alpiniste sans crampons, aux hautes parois lisses du Mont Riedel. Sous la lumière rasante qui perce l’orage comme un laser rageur, Gevrey exulte. Toi aussi. Le rayon aveuglant s’éteint d’un coup, laissant au cœur du vin, la puissance concentré,e d’un soleil de sang de taureau miniature. Non t’es pas à Chambolle, ni même à Morey, c’est le NOOORD, ça envoie, ça te bourre le mufle direct. Des fruits et des fruits, rouges eux aussi. La vanille du bois subsiste, et civilise un peu tout ça. Puis les épices, le poivre et la réglisse renforcent encore l’impression brute, voire sauvage, du début. La marmelade de goret claque du bec, impatiente et vorace. Alors t’obtempères. De prime abord, ça ressemble à du mine de rien. Le jus roule sans un mot, juste frais, un peu péteux, comme désolé, autiste. Mais t’as la langue chaude, c’est pas d’hier. Le palais brulant, et la papille qui sait y faire avec les timides. Immédiatement, en moins de temps qu’il ne faut à Janis pour cramer un rail, tu sens qu’il y en a sous la jupe. En une nano seconde, le vin choqué par l’air et la chaleur moite, se rétracte, comme l’huitre sous la lame. Mais t’es un pro, tu prends l’affaire en main. Sous tes papilles expertes, la matière pointe le bout de ses tannins, puis explose et se lâche. Tu rétrolfactes. Elle râle et enfle. T’es bien à Gevrey. L’inverti devient extra. Tout ce qui avait enchanté les naseaux, réitère, et te prends à pleine bouche. Les fruits gonflent, et les épices relèvent. Les tannins jeunes encore, mais mûrs, grattent, avec ce qu’il faut de virilité, pour réveiller le pourceau. Ça s’allonge comme il faut, et plus que ce tu pourrais espérer d’un Village. Au bout du plaisir, la vague roule sa dernière écume, et finit en pureté…

Allez, t’as été patient, t’es allé jusqu’au bout… Après… le vin… c’est le souvenir qu’il te laisse.

 

EYEMOTIAHCONE.

LES ETOILES DE NUITS ENTRENT AU COUVENT…

Fabienne Rhein. Les Frat’ernelles.

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 Temps sec et frais en ce nocturne 19 Novembre 2009.

Comme une parenthèse au déluge ambiant. Le ciel pleure, quand la Bourse se vide!!!

Les étoiles sont dans ce ciel de nuit, mais faut-il dire pour autant qu’il serait habité?? La question n’est pas là… Seules ce soir sont dans la clarté, les «Étoiles de Nuits». Elles entrent au couvent, néanmoins…alors???

Bon, basta avec tes errements mystico-philosophiques, AOC est une association laïque d’amateurs de vins, qui libationne au Couvent de Recollets un point c’est tout.

Une certitude au moins, Saint Georges veillera sur nous.

Ce soir c’est Bourgogne. Belle soirée en perspective, que ces douze flacons de la Maison Drouhin alignés devant la haute silhouette du Stéphane. Il est grand le Stéphane, encore mince…parce qu’il est grand. Une main, qui se hasarderait le long de son flanc, y rencontrerait quelques discrètes rondeurs…Mais personne ne s’y risque, tant qu’il ne dort pas. Le Charentais est prudent, mais la Charentaise n’est peut-être pas prude, alors… Dire aussi qu’il rentre d’un week-end chargé en Bourgogne… Caves après caves… En apothéose, la Paulée de Meursault (j’enrage!!!). L’abnégation faite homme. Un grand amoureux, qui connaît la Bourgogne sur le bout du goulot. Il faut l’entendre la narrer, comme me parle un grand cru, le soir, au creux de la luette, avec finesse, élégance, grâce et simplicité.

Au risque de me répéter, cet homme, Grand Chevalier de l’Ordre des « Videurs des Divins Flacons », Grand Maitre de la Confrérie des « Gosiers Pentus », Grand Timonier de l’Union des « Arracheurs de Bouchons », Grand Ordonnateur des soirées des « Défonceurs de Capsules » (je vous la fait courte, car les autres titres du Sieur ne peuvent être ici dévoilés, tant ils touchent à des domaines ordinairement « réservés »…) est, de surcroît, grand ami de presque tous les vignerons des deux Côtes, dont le très fragile J.P.Charlot, qui est à la puce des vignes, ce que le Tyrannosaure est à Chaplin… C’est ma peau que je joue là, sauf à ne plus jamais mettre les pieds à Volnay.

Me suis égaré dans le labyrinthe des préambules je crois, mais la vie est courte et les chemins les plus tendrement longs, sont peut-être les meilleurs…???

Bon, ben, va falloir y aller. Savoir enfin que ce qui suit, est à lire, mais pas à prendre à la lettre. Mon esprit s’est par moment évadé, au contact d’aucuns de ces grands jus de vins. Gravir les flancs des monts de la délectation, et/ou se baigner dans les humeurs épicées de la subtilité, ne favorise pas la concentration Cartésienne, ni plus, la prise de note appliquée. Mes oreilles, ravies par le chant velouté des «Petits Monts», n’ont retenu que quelques bribes, des propos, richement incohérents, tenus par les dégustateurs patentés présents. Alors, merci d’être indulgent.

Douze DROUHIN, apôtres des villages et climats de la Côte, nous étaient proposés. Tous jeunets, inscrits aux registres en 2006, oui, les mêmes dans le millésime 78, eussent été sans doute, plus à point, mais à l’impossible, nul…

LES VILLAGES OUVRENT LE BAL.

 John Hoppner. Charlotte Papendick.

Tout au long de la soirée, les robes de ces vins, éclaireront la dégustation de leurs lueurs rubis, qui balaieront sous les lumières douces de la salle, toute la gamme des rouges, de la cerise tendre à peine pubère, au grenat sombre et éclatant des grands crus, en passant par le carmin velouté des premiers crus.

Chorey les Beaune : Un vin simple mais bien fait, sur les petits fruits rouges. Un vin de bonne soif, au fumé agréable, qui finit sur une fraîcheur un peu métallique, cependant. Une belle «charcutaille», l’aurait sans doute magnifié.

Vosne Romanée : Le charme de Vosne assurément, déjà. Un bouquet de pivoine en signe de bienvenue, puis une palanquée d’arômes fondus. Fruits rouges, cuir, vanille, poudre de cacao, en cascade complexe. Bel équilibre en bouche, la puissance maitrisée de Vosne pointe déjà le bout de sa séduction. La finale fraîchement épicée, dévoile de jolis tanins, réglissés et soyeux.

Chambolle Musigny : Un nez, encore sous l’éteignoir, qui daigne, après qu’il a bien pris l’air, laisser échapper des notes de fraise à peine écrasée. La bouche est subtile, comme se doit de l’être tout Chambolle bien élevé. L’image d’une crinoline, tendre, fragile et souple, qui valse entre les bras virils d’une jeunesse rieuse, me traverse l’esprit…Des tanins, encore saillants, qui demandent à connaître la lime attendrissante du temps, durcissent à peine la finale.

Gevrey Chambertin : La muscade, que l’amande rafraîchit, fragrance fugace et fragile, rode, délicate, l’espace d’un soupir. Puis le nez trouve le plaisir, dans une appétissante purée de fruits rouges. De la puissance en bouche pour ce village de bonne origine. Des épices ensuite, qui marquent franchement une finale aux tanins mûrs, réglissés, qui je l’espère, perdront de leurs épaules dans les trois ans… pour le moins.

Nuits Saint Georges : Un nez très aromatique, floral d’entrée, puis tout en fruits. Tout au bout, de la peau d’orange. L’attaque en bouche est sucre de fruits mûrs, la matière, conséquente, est encore en bloc, serrée. Le zan domine la finale aux tanins ronds, mais un peu verts.

LES PREMIERS CRUS ACCELERENT LA CADENCE.

 Maxwell Armfield. Faustine.

Nuits Saint Georges «Procès» : De vieilles vignes, de plus de soixante quinze ans, ont enfanté ce vin, qui vous plonge le nez dans la fourrure chaude, dès l’ouverture…Mais qui s’en plaindrait!!! De la réglisse, du cuir, de la cerise à l’eau de vie et son noyau, du cassis, puis du cèdre, suivent en foule bigarrée. Ça en jette, et ça pulse sous la narine, qui alerte les glands salivaires, lesquelles, accueillent en bouche un jus glissant, puissant et doux à la fois. C’est d’la bonne came ça madame!!!! Qui frétille sur la langue, et vous laisse en finale, le souvenir ému du passage impressionnant d’une marée gouteuse de tanins ronds, réglissés et croquants. Manquent à la fête, les fibres tendres d’une belle viande, rassie à point.

Morey Saint Denis «Clos Sorbé» : Les raisins de ce vin proviennent des vignes du «Père Jacquot», que Robert Drouhin vénérait, paraît-il. Les Bourguignons comprendront… dixit Stéphane, qui a trainé ses savates dans plus d’un chai. Il m’arrive de me perdre, délicieusement, dans les plis d’une robe de soie. Celle ci est profonde, comme l’eau d’un rubis Indien. Et quelle nez ma bonne!!! Rien n’y manque. Cassis, myrtille, cerise, ronce, réglisse, et fumé encore. La cadence vous dis-je!!! L’attaque, ou plutôt la caresse en bouche, est fraîche, comme une main réconfortante sur un front enfiévré. La matière, ronde, est d’un équilibre qu’envieraient nombre de Socialistes et Umpistes confondus, et confondants (Ah que la langue Française est belle et insolente!!!). Il y en a partout, dans tous les coins de l’hexagone buccal. Oui je sais…la bouche est ronde…sauf chez les gueules carrées. Les fruits sont aussi frais que rouges, les tanins sont aussi épicés que fins. La finale, encore un peu serrée, est longue et séveuse.

Chambolle Musigny 1er Cru : Ce «Cambolla» est une mosaïque, issue de différentes parcelles et finages, étoiles autour du soleil Musigny. Le premier nez est musqué, comme la trace d’un lièvre effrayé, surpris entre les ceps, un petit matin brumeux d’automne. Puis, le «paysage» olfactif, prend un air printanier, et s’élargit sur la fraise des bois, la cerise noire, les épices, la réglisse. Je perçois une touche de terre sèche aussi…La bouche réitère en tous points les bonheurs du nez. La finale est épicée, réglissée, sur des tanins de velours, fins comme un second degré dans une assemblée de primates.

Vosne Romanée «Petits Monts» : Ce climat, petit par la taille, est en haut de coteau et converse à mi-voix, dans le secret des vignes, des privautés insupportables, que le percheron à la crinière blanche – ne balaie-t-il pas effrontément de sa large queue, de vieux ceps irascibles!!! – se permet, tandis qu’il gratte en douceur, l’épiderme sensible du bas du dos du Mont?? Le Richebourg, en vieux sage, écoute et compatit…Le lièvre est aussi passé par là-haut. Il a laissé dans le verre, le fumet de sa fourrure chaude. Les cailloux du coteau, la griotte mûre, un soupçon de menthe, qu’exhauste un bouquet d’épices, marquent en finesse, le nez en devenir, de cet enfant de vin. La matière, déroule en bouche, les plis mouvants d’une soie, piquée d’imperceptibles tanins crayeux. La finale, encore sous le joug délicat d’un bois noble, s’éternise déjà, enrobant les papilles extasiées, d’un auditoire en prière.

Quand je vous disais que la Bourgogne tutoie le ciel…

LES GRANDS CRUS «MOLTO VIVACE».

 Cabanel. La comtesse de Keller.

Jeunes, hélas, trop jeunes.

Grands Échézeaux : Un jeune et grand Bourgogne, privé de ses cerises, qu’elles soient Griotte ou Burlat, serait un pauvre petit Chaperon, orphelin du rouge de sa cape. Divaguerai-je… Un peu sans doute??? Mais pas tant que ça, en fait. Les «Grands…» en bons orthodoxes, embaument la griotte d’emblée, la prune mûre aussi, la muscade, la menthe, le champignon frais, le cuir et les épices enfin. Ah, j’allais oublier le gibier à plume, qui voleta un instant, au sortir de la bouteille. Grand cru, grande matière??? Oui, pour celui-ci. Conséquente, tendre et tendue, elle vous relève les sourcils et s’installe, indolente. Que de promesses en bouche, jusqu’à la finale, épices, amande et réglisse en fanfare, fraîches et persistantes.

Griotte Chambertin : Petit «Grand Cru» que la Griotte; moins de trois hectares. C’est du bas pentu de la parcelle, qu’elle provient. Plus de terre, plus de puissance??? La robe est d’un grenat profond, presque ténébreux. Une lumière aigüe, d’un rubis éclatant, semble sourdre, du cœur du vin. Puissance toujours, au nez. Les arômes de fruits rouges, que la cerise domine (encore!!!), sont francs, et vous fouettent les naseaux. Le vin se donne sans préliminaire, le cuir neuf, la muscade, sont aussi de la noce. Puissance itou en bouche. La chair du vin se fait onctueuse déjà; la volupté demandera quelques années de plus…La bougresse ne boude pas ses tanins, ronds et soyeux, qui épicent avec beaucoup de fraîcheur, une finale qui s’étire, en relevant la queue. Une Griotte, qui me surprend je dois dire, habitué que j’étais jusqu’alors avec elle, plus à l’ingénue fragile, qu’à la cavalière énergique. Le temps domptera, sans doute, sa fougue.

Musigny : Le lièvre, décidément en pleine forme, est passé par ici aussi!!! Il s’éloigne vite et poursuit sa course folle, au long des coteaux du pays de Nuits. Élégance, me vient immédiatement à l’esprit. Le vin est jeune, mais affiche pourtant, la classe d’un jus, qui aurait fréquenté les écoles les plus huppées. C’est par petites touches raffinées, qu’il s’exprime au nez. Par petites bouffées de violette, de framboise, de cassis, de noyau de cerise, le nez se construit, timide encore. Le contraste, est patent en bouche. La matière est charnue, puissante («énorme»!!! pour les djeun’s), sauvage, «testostéronée» et fringante, comme un yearling fougueux. Élégance toujours, quand la finale s’élance, toute d’épices et de poivre habillée, longue comme un jour sans vin…Le temps sera son maître.

Douze vins, tous à leur place, parfaite illustration de la pertinence hiérarchique, patiemment élaborée par les générations Bourguignonnes… Quand le temps prend son temps… au temps des agités, des compulsifs, des «Nioxeurs» qui font du roman de Morand, leur unique et indiscutable bible, quelle leçon…!

Travailler lentement pour travailler mieux???

EMOTILIEVREOUTORTUECONE???