Littinéraires viniques » Musigny

L’INTERCESSION DE RITA…

Weinman. Sweet dream of Sainte Rita.

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 Blanc, somme de toutes les couleurs ou absence, c’est selon…

L’addition des couleurs-lumières crée l’immaculée, celle des pigments entraine la négation, l’absence, le noir, d’avant et après la vie. L’esprit serait l’éblouissance de ce petit matin de presque hiver? Et la matière, le dense, le compact, le pesable, le mesurable, serait le point ultime de l’entropie, la disparition, la négation, l’inanimé, la mort? Questions pas très fashion-victim, certes. Désolé pour toutes les ViWi qui se seraient égarées en ces lieux de perdition… L’avenir, pour nos sociétés supposées responsables, est action, projet, investissement, consommation, frénésie, course, accumulation, genre syndrome de Bahlsen, more and always more. Alors, qu’il neige de l’amour ou qu’il pisse du sang sur les landes Irlandaises comme dans les entrailles fumantes de l’Afrique, quel importance, quel intérêt?

A gros flocons poudreux les cieux ont, doucement déversé sur les villes engourdies leur manne de caresses ouatées qui assourdissent les chants rauques de nos ordinaires agitations matinales. Les os noirs des arbres déplumés ne se découpent plus sur le ciel sans relief, épais, lourd, apathique, couleur plomb et mercure pesants. Les cris, comme les angles agressifs de nos villes cubiques, sont étouffés, gommés, par les voiles, légers et voletants, des eaux sidérées. La courbe est reine. La neige, subtile, nous enseigne la beauté émouvante des rondeurs, comme le charme d’une hanche d’opale bleutée, alanguie dans la lumière naissante de ce petit matin figé du monde, l’intensité des sensations simples aussi, comme le baiser mordant de la ouate givrée, fondant entre col et cou.

Hors la ville, la neige révèle, souligne, sculpte, redonne à la nature la primauté, en effaçant les routes, en soulignant les lignes torturées des vignes nues. La nature retrouve sa virginité, sa nudité, à peine marquée par les tatous délicats des oiseaux, qui effleurent le sucre glacé des prairies immobiles, de leurs pattes tridactylées

Mais l’amour n’est ni de mise, ni de mode, dans les cités fascinées par les leurres grossiers des avidités triomphantes. Bientôt les gommes épaisses des monstres de tôles vernissées, à quatre roues motrices, tous crabots engagés, écraseront les plumes fragiles qui brillent – encore un instant, por favor – et escamotent le bitume. Les chaussées noirciront. La boue grasse des âmes perdues, éperdues, tracera les chemins lourds de nos entêtements bornés. Les maîtres sont de retour, qui déversent inconsidérément sur les sols, le sel arraché à la terre. Rien ne doit arrêter, voire freiner – un instant de ce temps, qui nous effraie tant – la marche forcée de notre monde, si fragile…

«E la Nave…» folle des Nations aveuglées, «…Va»…, droit dans le mur, à (court?) terme!

De droite et de gauche, ça roupille! Il faut qu’un ex-rebelle des pelouses dorées s’y mette, col relevé et verbe coloré, style direct, reprise de volée assassine, en plein dans la gueule dentue des vautours de la Phinance. Allez retirer vos petites éconocroques citoyens, reprenez vos quatre sous, dépouillez les banques qui se gavent de vos kopecks! Proposition généreuse mais illusoire, les garces ont verrouillé leurs coffres. Essayez donc de récupérer vos misères pour voir!

Non mieux que ça, plus malin, plus facile à faire. Demandez aux Banques Éthiques (vocable peu usité, dont la signification nécessite le recours au dictionnaire, désolé!) de vous héberger. Elles sauront transférer vos avoirs, liquides, solides, gazeux, sans que les Hyènes Lyonnaises, Populaires, Paribas, Mutuelles (!!!), ne vous arrachent au passage quelques pitoyables lambeaux supplémentaires. Pour mettre à genoux la Phinance insolente, sans mettre les équilibres en dangers, pensez Équitable, Moral, Solidaire, Durable. Et de surcroît, apaisés, vous dormirez mieux!

Allez, c’est fini! Pour ceux qui auront, jusqu’au bout, traversé ces insignifiantes diatribes, sans vomir sur leurs Rolex, l’heure de la récompense, enfin, est venue!

A froidures hivernales, neiges pures et considérations nébuleuses, il faut du blanc. Mais quel blanc? Un Austral, sorbet vanille? Un Sudiste alcooleux? Un Côte Chrysocalien flamboyant, à prix d’or? Non, vendre ma Rolex? Que non, et toujours non! Mais alors, à quel Saint se vouer? Ruminations longues, réflexions volcaniques, synapses en feu, hémorroïdes corticales imminentes, fistules purulentes du cervelet, vérole du pont de Varole, varices suintantes de l’hypothalamus, hypertrophie brutale de l’hippocampe, et trois aspirines plus tard, me retrouvent, hébété, presque égaré, au fil des longues galeries de calcaire brut de mon immense cave. A perte de vue, murs de bouteilles, piles de Jeroboams, murailles épaisses de «Romanée-Conti» des origines à demain, enceintes bâties à grands coups de briques de Nabuchodonosors de tous les «Musigny» qui douillent, de tous les somptueux «Charlemagne» des collines de «Corton», échafaudages serrés de «Montrachet» prestigieux… Perdu je suis. Déboussolé, égaré, déprimé, j’en appelle à la très Sainte Rita. Ô toi, Patronne des causes désespérantes et des êtres désespérés, viens t-en vers moi, que ta main de lumière, pure et chaste, éclaire le chemin du pauvre hère en perdition, que je suis. Yeux fermés, lèvres crispées, fesses serrées, de peur de me prendre la paroi de calcaire en pleine poire (un Meursault peut-être?), pogne tremblante, tel le mendiant trébuchant de Noël (un Banuyls blanc?), j’avance à petits pas apeurés. La très Sainte me guide. Derrière le mur opalescent de mes paupières closes, palpite la vision, floue, d’une après mort sereine. Mais je m’égare…

Au juste moment, où le désespoir épais s’apprête à étreindre, de ses cercles d’aciers glacés, mon torse gracile, voici que glisse entre mes doigts gauches, tel un gode givré dans le cul d’un banquier qui verrait fondre ses profits (je blague!), le col fin d’une bouteille. Le ciel a parlé, c’est d’un blanc qu’il s’agit. De la Côte certes, mais de la pauvre (enfin…, comparée à l’autre), celle que l’on dit Chalonnaise. Un de ces blancs bien nés, qu’élève avec un soin, une rigueur et une simplicité toute Cistercienne, un de ces rares hommes qui a voué sa vie au vin. Dans son Domaine de Bouzeron, petit village, habillé de vignes, depuis que les moines de Cluny en supputèrent la qualité, Aubert et Pamela de Villaine font leurs vins. Sans esbroufe ni tapage, le co-gérant de la DRC, avec classe et discrétion, cultive sa vigne et élève rigoureusement ses jus. Pas le roi du buzz cet homme, plutôt taiseux, mais avec cette petite lueur d’humanité souriante, rare de nos jours, qui éclaire un visage plutôt sévère, si ce n’était justement… La Rita maline, solidarité (ben oui, il faut taper bien haut pour la trouver by now!) oblige, m’a fourré (pardon très Sainte!) une «Les Saints Jacques» Rully 2008 au creux de la main.

Encore proche de l’extase mystique, je gravis quatre à quatre, les 11000 marches qui montent au rez-de-chaussée de mon logis. Là, presque nu, tant la chaleur des demis chênes, qui roussillent dans la cheminée marmoréenne d’un de mes salons, est torride, je décapsule, non pas une de ces vierges recluses dans un harem proche oriental, mais la modeste bouteille, encore fraîche de la cave. Puis d’un tour de poignet tendre et leste, je la déleste du bouchon quasi vierge, qui lui lui coupait le souffle. Elle me remercie d’un petit «plop» timide. Dans le grand verre aux formes replettes, dont le cristal reflète les lueurs changeantes des braises andrinoples, auréolées de flammèches bleu saphir, la robe d’or de ce vin modeste, pâle comme ces auréoles décolorées, qui ceignent les icônes, dans la pénombre spirituelle des monastères Byzantins, palpite comme un Mondrian miraculeusement animé. Il me faut l’élever, vers la lumière neutre d’un lustre de cristal de Bohème, pour que vive la pure brillance limpide de son or argenté.

Cette parure du vin m’hypnotise, tandis que mes doigts se perdent dans la fourrure épaisse d’un Tigre du Bengale sur lequel je suis à demi étendu, la tête confortablement relevée, par le crâne rayé du félin apaisé, dont l’haleine puissante, m’oblige à m’écarter un peu. Accoudé à la table marquetée de jade, d’orichalque, et d’écailles de tortues bicéphales, le verre posé devant moi, je sens sous mon séant assis, la douce chaleur du cuir de buffle nain hémiplégique, qui tapisse le fauteuil accueillant. De mon auriculaire recourbé, j’approche le hanap fragile de mon appendice en prière. Ce sont des effluves, subtiles et élégantes, de fleurs délicates et blanches, qui ravissent, tout d’abord mon odorat. Puis montent en volutes fines, des fragrances de beurre frais, et comme l’idée d’une poire. Puis une touche subtile de citron salé, et l’amertume d’un noyau, finissent de me frôler le renifloir. Un dernier souffle de ruche chaude, enfin, tel un clin d’œil du printemps à venir.

L’enfance du vin murmure à peine en bouche. Certes la matière est là, qu’allège un gras mesuré, mais elle semble encore repliée, comme les pétales d’une rose, à la coque à peine entrebâillée, au matin de sa vie. Entre les capitons gourmands des fruits mûrs, et la fraîcheur élégante des citrons de Palestine, le sel des coraux anciens, entroques du secondaire des temps primordiaux, enrobe la sécheresse du calcaire, de ses épices fines. Un vin qui ne se paye pas de race, qui ne l’affiche pas, mais n’en manque pas pour autant. Retenue de l’âge, élégance du Chardonnay en Septentrion, «éducation» discrète en foudres de «quercus» porte glands, sont esquisse élégante d’un vin promit à l’équilibre sous peu.

Mais le «Hollandais Volant» repart en pays de chimères, et le claquement métallique du vide-ordure sur le palier, me ramène brutalement à la réalité banale, de mon HLM en léthargie.

Dans mon verre vide, rode encore le parfum troublant d’un rêve.

EBIMODÉTIDIÉECONE.

LES ETOILES DE NUITS ENTRENT AU COUVENT…

Fabienne Rhein. Les Frat’ernelles.

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 Temps sec et frais en ce nocturne 19 Novembre 2009.

Comme une parenthèse au déluge ambiant. Le ciel pleure, quand la Bourse se vide!!!

Les étoiles sont dans ce ciel de nuit, mais faut-il dire pour autant qu’il serait habité?? La question n’est pas là… Seules ce soir sont dans la clarté, les «Étoiles de Nuits». Elles entrent au couvent, néanmoins…alors???

Bon, basta avec tes errements mystico-philosophiques, AOC est une association laïque d’amateurs de vins, qui libationne au Couvent de Recollets un point c’est tout.

Une certitude au moins, Saint Georges veillera sur nous.

Ce soir c’est Bourgogne. Belle soirée en perspective, que ces douze flacons de la Maison Drouhin alignés devant la haute silhouette du Stéphane. Il est grand le Stéphane, encore mince…parce qu’il est grand. Une main, qui se hasarderait le long de son flanc, y rencontrerait quelques discrètes rondeurs…Mais personne ne s’y risque, tant qu’il ne dort pas. Le Charentais est prudent, mais la Charentaise n’est peut-être pas prude, alors… Dire aussi qu’il rentre d’un week-end chargé en Bourgogne… Caves après caves… En apothéose, la Paulée de Meursault (j’enrage!!!). L’abnégation faite homme. Un grand amoureux, qui connaît la Bourgogne sur le bout du goulot. Il faut l’entendre la narrer, comme me parle un grand cru, le soir, au creux de la luette, avec finesse, élégance, grâce et simplicité.

Au risque de me répéter, cet homme, Grand Chevalier de l’Ordre des « Videurs des Divins Flacons », Grand Maitre de la Confrérie des « Gosiers Pentus », Grand Timonier de l’Union des « Arracheurs de Bouchons », Grand Ordonnateur des soirées des « Défonceurs de Capsules » (je vous la fait courte, car les autres titres du Sieur ne peuvent être ici dévoilés, tant ils touchent à des domaines ordinairement « réservés »…) est, de surcroît, grand ami de presque tous les vignerons des deux Côtes, dont le très fragile J.P.Charlot, qui est à la puce des vignes, ce que le Tyrannosaure est à Chaplin… C’est ma peau que je joue là, sauf à ne plus jamais mettre les pieds à Volnay.

Me suis égaré dans le labyrinthe des préambules je crois, mais la vie est courte et les chemins les plus tendrement longs, sont peut-être les meilleurs…???

Bon, ben, va falloir y aller. Savoir enfin que ce qui suit, est à lire, mais pas à prendre à la lettre. Mon esprit s’est par moment évadé, au contact d’aucuns de ces grands jus de vins. Gravir les flancs des monts de la délectation, et/ou se baigner dans les humeurs épicées de la subtilité, ne favorise pas la concentration Cartésienne, ni plus, la prise de note appliquée. Mes oreilles, ravies par le chant velouté des «Petits Monts», n’ont retenu que quelques bribes, des propos, richement incohérents, tenus par les dégustateurs patentés présents. Alors, merci d’être indulgent.

Douze DROUHIN, apôtres des villages et climats de la Côte, nous étaient proposés. Tous jeunets, inscrits aux registres en 2006, oui, les mêmes dans le millésime 78, eussent été sans doute, plus à point, mais à l’impossible, nul…

LES VILLAGES OUVRENT LE BAL.

 John Hoppner. Charlotte Papendick.

Tout au long de la soirée, les robes de ces vins, éclaireront la dégustation de leurs lueurs rubis, qui balaieront sous les lumières douces de la salle, toute la gamme des rouges, de la cerise tendre à peine pubère, au grenat sombre et éclatant des grands crus, en passant par le carmin velouté des premiers crus.

Chorey les Beaune : Un vin simple mais bien fait, sur les petits fruits rouges. Un vin de bonne soif, au fumé agréable, qui finit sur une fraîcheur un peu métallique, cependant. Une belle «charcutaille», l’aurait sans doute magnifié.

Vosne Romanée : Le charme de Vosne assurément, déjà. Un bouquet de pivoine en signe de bienvenue, puis une palanquée d’arômes fondus. Fruits rouges, cuir, vanille, poudre de cacao, en cascade complexe. Bel équilibre en bouche, la puissance maitrisée de Vosne pointe déjà le bout de sa séduction. La finale fraîchement épicée, dévoile de jolis tanins, réglissés et soyeux.

Chambolle Musigny : Un nez, encore sous l’éteignoir, qui daigne, après qu’il a bien pris l’air, laisser échapper des notes de fraise à peine écrasée. La bouche est subtile, comme se doit de l’être tout Chambolle bien élevé. L’image d’une crinoline, tendre, fragile et souple, qui valse entre les bras virils d’une jeunesse rieuse, me traverse l’esprit…Des tanins, encore saillants, qui demandent à connaître la lime attendrissante du temps, durcissent à peine la finale.

Gevrey Chambertin : La muscade, que l’amande rafraîchit, fragrance fugace et fragile, rode, délicate, l’espace d’un soupir. Puis le nez trouve le plaisir, dans une appétissante purée de fruits rouges. De la puissance en bouche pour ce village de bonne origine. Des épices ensuite, qui marquent franchement une finale aux tanins mûrs, réglissés, qui je l’espère, perdront de leurs épaules dans les trois ans… pour le moins.

Nuits Saint Georges : Un nez très aromatique, floral d’entrée, puis tout en fruits. Tout au bout, de la peau d’orange. L’attaque en bouche est sucre de fruits mûrs, la matière, conséquente, est encore en bloc, serrée. Le zan domine la finale aux tanins ronds, mais un peu verts.

LES PREMIERS CRUS ACCELERENT LA CADENCE.

 Maxwell Armfield. Faustine.

Nuits Saint Georges «Procès» : De vieilles vignes, de plus de soixante quinze ans, ont enfanté ce vin, qui vous plonge le nez dans la fourrure chaude, dès l’ouverture…Mais qui s’en plaindrait!!! De la réglisse, du cuir, de la cerise à l’eau de vie et son noyau, du cassis, puis du cèdre, suivent en foule bigarrée. Ça en jette, et ça pulse sous la narine, qui alerte les glands salivaires, lesquelles, accueillent en bouche un jus glissant, puissant et doux à la fois. C’est d’la bonne came ça madame!!!! Qui frétille sur la langue, et vous laisse en finale, le souvenir ému du passage impressionnant d’une marée gouteuse de tanins ronds, réglissés et croquants. Manquent à la fête, les fibres tendres d’une belle viande, rassie à point.

Morey Saint Denis «Clos Sorbé» : Les raisins de ce vin proviennent des vignes du «Père Jacquot», que Robert Drouhin vénérait, paraît-il. Les Bourguignons comprendront… dixit Stéphane, qui a trainé ses savates dans plus d’un chai. Il m’arrive de me perdre, délicieusement, dans les plis d’une robe de soie. Celle ci est profonde, comme l’eau d’un rubis Indien. Et quelle nez ma bonne!!! Rien n’y manque. Cassis, myrtille, cerise, ronce, réglisse, et fumé encore. La cadence vous dis-je!!! L’attaque, ou plutôt la caresse en bouche, est fraîche, comme une main réconfortante sur un front enfiévré. La matière, ronde, est d’un équilibre qu’envieraient nombre de Socialistes et Umpistes confondus, et confondants (Ah que la langue Française est belle et insolente!!!). Il y en a partout, dans tous les coins de l’hexagone buccal. Oui je sais…la bouche est ronde…sauf chez les gueules carrées. Les fruits sont aussi frais que rouges, les tanins sont aussi épicés que fins. La finale, encore un peu serrée, est longue et séveuse.

Chambolle Musigny 1er Cru : Ce «Cambolla» est une mosaïque, issue de différentes parcelles et finages, étoiles autour du soleil Musigny. Le premier nez est musqué, comme la trace d’un lièvre effrayé, surpris entre les ceps, un petit matin brumeux d’automne. Puis, le «paysage» olfactif, prend un air printanier, et s’élargit sur la fraise des bois, la cerise noire, les épices, la réglisse. Je perçois une touche de terre sèche aussi…La bouche réitère en tous points les bonheurs du nez. La finale est épicée, réglissée, sur des tanins de velours, fins comme un second degré dans une assemblée de primates.

Vosne Romanée «Petits Monts» : Ce climat, petit par la taille, est en haut de coteau et converse à mi-voix, dans le secret des vignes, des privautés insupportables, que le percheron à la crinière blanche – ne balaie-t-il pas effrontément de sa large queue, de vieux ceps irascibles!!! – se permet, tandis qu’il gratte en douceur, l’épiderme sensible du bas du dos du Mont?? Le Richebourg, en vieux sage, écoute et compatit…Le lièvre est aussi passé par là-haut. Il a laissé dans le verre, le fumet de sa fourrure chaude. Les cailloux du coteau, la griotte mûre, un soupçon de menthe, qu’exhauste un bouquet d’épices, marquent en finesse, le nez en devenir, de cet enfant de vin. La matière, déroule en bouche, les plis mouvants d’une soie, piquée d’imperceptibles tanins crayeux. La finale, encore sous le joug délicat d’un bois noble, s’éternise déjà, enrobant les papilles extasiées, d’un auditoire en prière.

Quand je vous disais que la Bourgogne tutoie le ciel…

LES GRANDS CRUS «MOLTO VIVACE».

 Cabanel. La comtesse de Keller.

Jeunes, hélas, trop jeunes.

Grands Échézeaux : Un jeune et grand Bourgogne, privé de ses cerises, qu’elles soient Griotte ou Burlat, serait un pauvre petit Chaperon, orphelin du rouge de sa cape. Divaguerai-je… Un peu sans doute??? Mais pas tant que ça, en fait. Les «Grands…» en bons orthodoxes, embaument la griotte d’emblée, la prune mûre aussi, la muscade, la menthe, le champignon frais, le cuir et les épices enfin. Ah, j’allais oublier le gibier à plume, qui voleta un instant, au sortir de la bouteille. Grand cru, grande matière??? Oui, pour celui-ci. Conséquente, tendre et tendue, elle vous relève les sourcils et s’installe, indolente. Que de promesses en bouche, jusqu’à la finale, épices, amande et réglisse en fanfare, fraîches et persistantes.

Griotte Chambertin : Petit «Grand Cru» que la Griotte; moins de trois hectares. C’est du bas pentu de la parcelle, qu’elle provient. Plus de terre, plus de puissance??? La robe est d’un grenat profond, presque ténébreux. Une lumière aigüe, d’un rubis éclatant, semble sourdre, du cœur du vin. Puissance toujours, au nez. Les arômes de fruits rouges, que la cerise domine (encore!!!), sont francs, et vous fouettent les naseaux. Le vin se donne sans préliminaire, le cuir neuf, la muscade, sont aussi de la noce. Puissance itou en bouche. La chair du vin se fait onctueuse déjà; la volupté demandera quelques années de plus…La bougresse ne boude pas ses tanins, ronds et soyeux, qui épicent avec beaucoup de fraîcheur, une finale qui s’étire, en relevant la queue. Une Griotte, qui me surprend je dois dire, habitué que j’étais jusqu’alors avec elle, plus à l’ingénue fragile, qu’à la cavalière énergique. Le temps domptera, sans doute, sa fougue.

Musigny : Le lièvre, décidément en pleine forme, est passé par ici aussi!!! Il s’éloigne vite et poursuit sa course folle, au long des coteaux du pays de Nuits. Élégance, me vient immédiatement à l’esprit. Le vin est jeune, mais affiche pourtant, la classe d’un jus, qui aurait fréquenté les écoles les plus huppées. C’est par petites touches raffinées, qu’il s’exprime au nez. Par petites bouffées de violette, de framboise, de cassis, de noyau de cerise, le nez se construit, timide encore. Le contraste, est patent en bouche. La matière est charnue, puissante («énorme»!!! pour les djeun’s), sauvage, «testostéronée» et fringante, comme un yearling fougueux. Élégance toujours, quand la finale s’élance, toute d’épices et de poivre habillée, longue comme un jour sans vin…Le temps sera son maître.

Douze vins, tous à leur place, parfaite illustration de la pertinence hiérarchique, patiemment élaborée par les générations Bourguignonnes… Quand le temps prend son temps… au temps des agités, des compulsifs, des «Nioxeurs» qui font du roman de Morand, leur unique et indiscutable bible, quelle leçon…!

Travailler lentement pour travailler mieux???

EMOTILIEVREOUTORTUECONE???