Littinéraires viniques » Riesling

OSTERTAG : HEISSENBERG 2007.

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Je tombe – le «hasard» est souvent maître – sur un texte aussi délirant que navrant commis par un illuminé mystico-hystérique qui voit des tags austères sur les bouteilles des excellents Alsace de Monsieur Ostertag!

Non seulement le mot est facile, mais je trouve l’entreprise farfelue et les commentaires plus réducteurs que la pire des piquettes lavassées qu’il m’a été donné d’avaler!

Que ce monsieur, qui se pique de donner un avis, sombrant très vite dans le désolant, relise un peu modestement nombre de textes humbles, descriptifs, modérés, pesés, argumentés et réfléchis qui pullulent sur le Web!!!

Non mais!!!

Il est urgent de mettre de la mesure dans ce bordj virtuel! Il est temps que la caravane puisse suivre la piste sans essuyer les crachats purulents des mécréants de toutes obédiences, partis ou sectes.

Voilà Monsieur Chris-machin, je vous le dis en «direct-live» (suis quand même top-branché-télé pour un vieux, non?… Suis à la mode ce que le sucre est aux fraises.). Assez de vos délires incontrôlés. Foin de vos élucubrations ésotéri-coco-grinçantes. De grâce, por favor, ti prego, revenez parmi nous, essuyez vos narines enfarinées par l’extrait sec de coca pilé, conformez vous aux règles que suivent et respectent les contributeurs sérieux qui enrichissent de leurs commentaires pointus, de leur reportages fouillés, de leurs états d’âmes maîtrisés, cette interface dédiée au vin. Cette boisson divine que tous ici révérons, encensons, vénérons.

A vous lire nous sommes unanimement vénères!!!

Ceci étant dit, je vous conserve et mes camarades de libations aussi et néanmoins une considération toute minérale qu’il ne tient qu’à vous de consolider. Rejoignez-nous donc enfin. Que votre plume s’assagisse, que votre âge s’apaise, que votre morgue s’épuise, que vos commentaires rejoignent le cortège éclairé des respectueux, des énamourés du rouquin, de la bibine, du mazout, du piccolo, du pinard, du reginglard, du rouge comme du blanc.

Ce n’est pas que je sois un adepte du politiquement correct – le PDR lui-même, tantôt a su parler vrai aux besogneux de base. Mais… de là à sombrer dans l’obscurantisme, tant lexical que syntaxique, il y a moyen de faire moins par pitié, mais mieux… voire de défaire!!!

Sur le bord de mon bureau exempt de toutes fantaisies inutiles, vibre, sous l’effet de mon indignation sus-exprimée, l’or pâle – dans le verre qu’illumine la lumière chaude d’une lampe basse consommation (soin de la planète oblige) – de L’HEISSENBERG 2007 DU DOMAINE OSTERTAG.

Alors là, c’est du sérieux!!!

Je ne partirai pas Messieurs dans une série de digressions absconsantes, ronflantes, grandiloquentes, déclamatoires, boursouflées, creuses, emphatiques, voire ampoulées. Non j’irai droit au verre. Je m’attacherai, tel un maître de recherche du CNRS, à l’étude précise, exhaustive et froide de l’objet-vin.

Ah Putain Martin, pourtant…

Quand tu fourres le blair dans le cristal, ça fouette, dur et bon. Exotiques les fruits, l’ananas mûr surtout. C’est du chaud qui sucre le nez. Quelques notes, que dis-je, quelques soupçons sous-homéopathiques d’un pétrole si fin que les générations futures post-consuméristes en auront depuis longtemps oublié l’odeur subtile, quand l’un de nos très arrières petits enfants, ouvrant la bouteille nue dénichée sous un tas d’Ipad éventrés dans l’ancienne cave où vous entreposiez amoureusement, la nuque humide et le souffle court, vos précieux flacons deux cents ans auparavant, re-découvrira interloqué cette fragrance, plus ancienne que les parfums suaves des roses disparues. De la pierraille aussi, les fleurs blanches odorantes du printemps à venir, les vergers d’Israël et leur pamplemousses juteux également dans ce jus frais, dont les parfums vibrent comme l’eau d’un lac d’altitude sous une brise d’été.

Tu peux pas t’empêcher d’y mettre la bouche. Impossible, tant le nez t’a envoûté et fait de toi un esclave définitivement docile. T’arrive pas non plus à sortir le nez du verre. Alors, pour toi dont la trompe est moyennent subtile, pour toi qui ne pourra jamais déclamer la célèbre tirade c’est une séance de contrôle conjugué des appendices qui commence. Tu continues à respirer lentement tout en happant, au risque de te froisser la luette, une gorgée de liquide. Là tu te dis que t’as bien fait, parce que du nez à la bouche tu ne t’es pas rendu compte du passage tant les étages du vin sont équilibrés et harmonieux. La réglisse douce n’a pas fini de t’enchanter le reniflard que déjà les fruits, aussi mûrs que jaunes, t’emplissent le gueuloir. Une pointe de miel, fugace, une once de gras puis la lame sort du fourreau et te tranche tout ça menu menu… Les épices font cause commune pour tenir en respect les quelques tentatives susucrées qu’osent les fruits. Poivre blanc et piment enrobent un bois de réglisse douce qui s’efface sous l’action sans concession d’un suc de granit concassé, qui te laisse la dent blanche et la langue rose. Un petit voile salin sur les lèvres, aussi, que tu lèches avec gourmandise.

Sans doute le plus extraverti des vins de la gamme. Né des grès roses et des sables rouges Vosgiens, il est aussi solaire que «Fronholz» est aigu.

Tu vois Chris-crucifié, pondre un compte rendu de dégustation qui se tient c’est quand même pas l’Alsace à boire…

RENÉ MURÉ. RIESLING « Clos Saint Landelin » SGN 1983.

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Ou, comment un bon moine Irlandais donna son nom à un vin qui n’était pas de malt …

« Situé au sud de la ville de Rouffach, Le Clos St Landelin s’étend sur une surface de 12 hectares. Il constitue l’extrémité sud du grand cru Vorbourg. Ses pentes abruptes d’exposition sud nécessitent la culture en terrasse. Le sol est argilo-calcaire avec beaucoup de cailloux ; le sous-sol est formé de grès calcaire du Bajocien et de conglomérats calcaires de l’Oligocène. L’ensoleillement intense dont il bénéficie en fait un terroir d’une grande typicité ». D’après http://www.mure.com/

Ceci étant rendu à René, autre César, je regarde cet élixir de pur bronze au creux duquel les rayons du soleil, apparu entre les nuages lourds qui traînent à ma fenêtre, mettent le feu du ciel en cet avril boudeur. Paisible est ce vin étendu dans sa couche de cristal fin. Comme un lac de plaisir étincelant, perché, à l’équilibre, sur la longue tige que je saisis d’une main émue.

 Comme à l’habitude, je ferme les yeux et me recueille un instant.

C’est bien la moindre des choses quand on ouvre largement le nez au-dessus d’un jus de quarante ans d’âge, né de raisins grillés et précautionneusement triés. Le vin est breuvage qui se respecte. Comme l’homme il vit sa vie et vieillit lentement, et comme trop peu d’entre eux, hélas, il se bonifie. A la première inspiration, je me sens me décoiffer, tant le bouquet que je capte est fondu, complexe, et captivant. Un feu d’artifice de flaveurs que l’aération a décuplé. En foule, ensemble, entrelacées, des fragrances de fumée, minérales, au dessus de notes, ou plutôt de croches, parfumées – comme un contrepoint sans fin de Bach – déroulent leur musique. La fleur d’acacia, le miel, l’orange confite, la pêche jaune à la chair sucrée, l’abricot éclaté sous la poussée du jus, la propolis, la prune épanouie comme le ventre de l’odalisque, les fruits confits, caressent mes narines ravies.

Le temps a passé, au buvant du verre je prends en bouche un peu de cette pluie de vin, tandis qu’au dehors les nuages se vident, et tapissent le sol de grosse bulles tièdes. Rond, puissant, gras à souhait, avec juste ce qu’il faut de sucre, le vin me pénètre, enfle, et lâche au creux de mon gueuloir avide, une brassée de fruits mûrs.

Puis viennent les épices, la cannelle poivrée, le jus s’allonge comme une danseuse qui s’étire. Enfin la fraîcheur surgit derrière le fruit et fait danser, danser le vin. Dans ma bouche désertée la pierre s’attarde très longuement, qu’exalte la fraîcheur, la dragée à l’anis et la fine amertume des noyaux.

Sous la bure austère de Saint Landelin se cachaient des trésors profanes, sans doute ignorés de ses frères prieurs …

 Avec quelque chose d’une sonate,

De Scarlatti

Aussi …

Al-JAMÎL, L’AFGHAN BLOND …

Alexandra Boulat. Afghane brûlée sous voile.

—-

Comme la musique les mœurs, le rire adoucit les émotions…

L’Oud acide,égrène ses notes de citronnelle en arabesques complexes, souvent ensoleillées, gronde et roucoule, s’enfuit et revient, caresse et égratigne la palmeraie échevelée des pensées emmêlées. Les doigts longs du musicien volent sur le manche étroit, sa voix grave psalmodie à l’unisson. La mélopée sourde, au-delà des mots, comme une eau lustrale, dénoue, apaise et lave les tourments ordinaires de l’âme repliée. Dans ses plis rigidifiés, les modulations ondoient et se lamentent, coulent et glissent, tièdes et légères, alâchissent nœuds et spasmes douloureux, détendent les certitudes et déraidissent le trismus des mâchoires serrées. Insensiblement les mains se détendent, les yeux se ferment, la demi conscience s’installe, qui aime tant à voyager.

Sur le visage, dolcissimo, naît un sourire …

Al-Jamîl s’est enroulé dans les laines brutes. Leurs odeurs de suint gras ne suffisent pas à masquer les volutes d’encens de bois d’Agar, de labdanum, de myrrhe et de benjoin, qui embaument la tente jusqu’au cœur des fibres des tapis épais. Le vent coulis qui rafraîchit l’air brûlant du jour échu agite à peine les toiles épaisses du campement perdu dans les sables. La nuit est claire, le ciel de jais est piqueté d’étoiles brillantes qui pulsent comme les yeux des fennecs sous les grands feux de bois sec. Très haute, la lune opaline blanchit les sables et habille de velours gris les reliefs des dunes en vagues. Les brûlements du feu de camp ont faibli, les flammes bleues ne lèchent plus qu’à-peine les troncs quasi calcinés que le vent, par instant, rougit encore. Quelques craquements accompagnent les flammèches jaunes,qui jaillissent en chuintant par instant du dessous des bûches. Seul un tapis de braises mourantes, au travers des cendres grises qui le gagnent, bat encore, lentement, comme un cœur à l’agonie.

Six mois qu’il a changé de peau déjà, à endurer l’entrainement âpre, les privations de sommeil, les départs impromptus, les nuits écarquillées, les yeux sableux et rougis qui grattent et pleurent malgré lui. La barbe blonde et drue, en longues boucles lui mange le visage sur lequel il enfonce son pakoul de laine épaisse jusqu’aux sourcils, cherchant à masquer le plus possible son regard azurin aux yeux de ses compagnons de Jihâd…

Le choc de l’obus, qui s’est écrasé dans un geyser de flammes et de poussière ocre quelques dizaines de mètres devant lui, l’a brutalement isolé des staccatis déchirants qui scandaient le petit jour laiteux au dessus des montagnes alentours. Seules les flammes oranges, petits soleils fugaces, qui fusent des kalachnikovs fumantes comme autant de crachats mortels, le maintiennent au contact du réel. Les hommes en terreur se terrent, aspirent à se fondre à la terre sèche et se recroquevillent dans les moindres plis du terrain. Les roches éclatent en étincelles coruscantes, le sang jaillit des ventres cisaillés, des gorges arrachées et des corps démembrés. La panique gagne les esprits, la charogne ricanante fauche à tout va. Al-Jamîl, sous l’assaut des brûlures d’angoisse qui lui broient le cœur et lui révulsent l’estomac, vomit de la bile grasse à flots continus, à même la terre qui lui entre dans la bouche qu’il tient collée au sol, comme s’il voulait se dissoudre dans les entrailles protectrices de Gaïa la primordiale. Une barre de plomb fondu lui enserre la tête, la terreur le submerge, sa conscience vacille, puis s’éteint comme bougie peureuse au vent. Cordes vocales distendues, il croit hurler,mais on ne l’entend pas.

Alors qu’il flotte entre deux états, une balle de laiton, marquée d’une croix grossièrement taillée au couteau, lui perce le nombril en son parfait milieu, éclate dans ses tripes dont elle fait de la bouillie putride puis lui fracasse l’iliaque avant de se ficher en terre. Du trou béant qui lui dévore le dos, un liquide épais, de sang, de merde verte et d’os broyés, s’écoule en flots grumeleux. Al-Jamîl, insensibilisé par la violence du choc, hoquète et balbutie des mots sans suite apparente. Puis la douleur peu à peu irradie. Elle gagne cellule après cellule. Comme un rat affamé elle grignote les bords déchiquetés de son ventre béant, court le long de ses nerfs déchirés, plonge dans ses entrailles de chairs broyées, remonte jusqu’au bout de ses doigts, descend en même temps le long de ses jambes flasques, lui enserre la gorge et lui sort les yeux des orbites. Après l’avoir tout entier infesté, elle gagne en intensité, déploie ses tentacules de feu, se mue en torche incandescente qui l’embrase de l’intérieur. Il lui semble que son cerveau bouillonne comme une eau grasse au coin du feu, qu’il va se désintégrer, comme un fruit trop mûr lâche sa pulpe épaisse sous la dent. Al-Jamîl est inerte. Seuls ses doigts se recroquevillent, grattent spasmodiquement la roche friable, comme les griffes d’un beau rapace fauché par le tir d’un chasseur détraqué. La bataille continue de faire rage mais il ne l’entend plus, sa conscience s’obscurcit, ses souffrances décroissent, seule la chaleur du sang qui bat faiblement dans son hypogastre liquéfié s’écoule et recouvre la terre ocre sous son dos d’un fin réseau de fils rougeâtres, comme la résille affriolante, fine et ornementée, d’un bas de femme fatale.

Puis la lumière s’éteint lentement …

Dans la conscience clignotante du moribond les souvenirs affluent à la vitesse ou la vie le quitte. Une main douce caresse le front d’un enfant paisible, que captivent les rayons de lumière crue diffractées par les gros cabochons accrochés aux bagues scintillantes des doigts de soie tiède posés sur sa poitrine. Dans les grands lacs bleus du bambin le regard est doux, sa bouche minuscule, comme une rose aux lèvres fines, babille mots et bulles. Le vélo rouge aux pneus pleins dérape dans la pente abrupte, le jeune champion aux boucles blondes chute sur le bitume rapeux qui lui couronne les genoux d’étoiles sanglantes. Sur un bat flanc crasseux, au fond d’une cave malodorante, un jeune mâle à la peau pâle éperonne férocement une adolescente maigre que deux mains sales empêchent de hurler. Ses jeunes seins, à peine pointés, comme deux yeux aveugles, subissent les attouchements brutaux d’un troisième agresseur hilare, tandis qu’à l’arrière plan, dans l’obscurité, brillent les regards salaces de ceux, jeans au chevilles, qui attendent leur tour. Al-Jamîl, – Kevin en ce temps-là –  dont les yeux blanchissent peu à peu, vomit une bile épaisse. Une toux rauque et effrayante le saisit tandis que Kevin, à la pointe du couteau, descelle une pierre derrière laquelle s’entasse des petits paquets immaculés. Dans les douches carrelées de blanc sale d’une prison vétuste, il subit maintenant les assauts d’un monstre aux épais muscles tatoués, plaqué sous l’eau brûlante qui lui cloque le cou. Ses dents se brisent en crissant sous le poing qui s’abat. Un fin croissant bleu, comme le dernier quartier d’une lune descendante, dépasse à peine des paupières d’Al-Jamîl, dont les orbites, maintenant quasi remplies par les billes d’albe veinées de rouge de ses sclérotiques, lui font des yeux de poisson asphyxié. Dans le gymnase reconverti en mosquée improbable, Al-Jamîl le nouveau né, récite mécaniquement les sourates du Coran, puis, puis… il peine à suivre le fil des souvenirs qui défilent à l’accéléré. Des tâches de couleurs, à une vitesse folle, se succèdent, qui deviennent un flot translucide à hautes fréquences éblouissantes qui l’entraînent toujours plus vite au long d’un large tunnel immaculé …

Soudainement tout s’arrête …

Al-Kevin survole la scène. Le corps torturé de celui qu’il fut baigne dans une mare de sang noirâtre à demi coagulé. De grosses mouches vertes bourdonnent sur les lèvres crispées du supplicié qui tressaille encore par instants. Autour de lui, d’autres cadavres mutilés parsèment le sol excavé par les obus qui l’ont déchiré. Des roches rouillées encadrent, au hasard de leur chute, les corps désarticulés des combattants, comme des tâches fauves tombées du pinceau délirant d’un Van Gogh pervers. La nuit, comme un seau d’encre jeté au ruisseau, s’abat d’un coup. « Dieu-Allah-Yavhé » ne supporte plus la stupidité barbare des hommes qui massacrent en son nom ! Épouvanté, Il a déserté les cieux.

Autour de la table la famille se recueille et regarde l’homme qui déflore, d’un geste aussi sec que précis, une lourde bouteille opaque. Devant lui la corolle d’un verre, au buvant resserré sur de larges flancs évasés, posé sur un long pied délicat, attend d’être honoré par le vin à venir. Le rituel dominical commence. Le flot gras du vin roule le long de la paroi de cristal fin et monte, prenant son temps, jusqu’au tiers de la hauteur. D’un geste mille fois répété l’homme penche le verre vers la nappe blanche. Le liquide roule sous le mouvement souple du poignet, le vin, à la robe d’or franc moirée de vert olive, ondoie comme un derviche. A mots précis qui ne souffrent aucun commentaire l’homme décrit le vin, la famille, silencieuse écoute. Les petites, bouclées de paille dorée, baillent déjà, Kevin mobilise toute sa volonté pour ne pas entendre mais n’y parvient pas. Les petites et courtes mains de la mère, couvertes de pierres étincelantes, lancent au plafond de furtives et changeantes étincelles de lumière vive qui distraient les filles, mais agacent instantanément le maître des agapes. Comme deux oiseaux vifs les mains disparaissent sous le corporal de lin blanc brodé aux initiales de la famille et dédié au cérémonial vinique hebdomadaire. Sous sa tignasse blonde Kevin rougit de rage et couve sa mère d’un oeil humide. « Nous sommes en 2002 poursuit le père, sur le Kastelberg du Domaine André et Rémy Gresser qui cultivent leurs lambrusques en biodynamie, depuis déjà bien avant que les spécialistes ne s’y intéressent, et que les citadins, amis des chapelles étroites, en parlent comme de la Sainte Onction !» poursuit le père en ricanant. Sous le crâne de Kevin des bâtons de dynamite pas bio explosent dans les oreilles du pater. Puis la messe profane se poursuit, quand le nez plongé dans le verre, yeux clos, l’officiant poursuit. « De belles odeurs de naphte brut, goudronnées donc, à peine fumées et épicées, au coeur desquelles surgissent – bonheur de fraîcheur bienvenue ! – de fines et gourmandes fragrances d’agrumes juteux, nous signalent que les ceps puisent la spécificité de leurs jus au profond des schistes de steige du Silurien, de couleur bleu/noir à reflet violacé, au tréfonds de ce magnifique terroir  ». Malgrè la lumière vive qui inonde la pièce le silence s’épaissit. « Il est en forme ce vieux con » marmonne Kevin, sous une acné qui lui fait faciès de homard mal cuit. Enfin le « Dab », comme le nomme Kevin en secret, lève le hanap sacré à ses lèvres pointées et laisse glisser une gorgée d’élixir d’Andlau jusqu’entre ses muqueuses en attente. Il fait rouler le liquide longuement d’une joue à l’autre comme un hamster gourmand, l’agite et le brusque tant plus, puis, transformant son visage émacié en cul de poule plissé rétro-olfacte, si longuement et bruyamment, qu’une des petites filles en col claudine réprime à grand peine un sanglot rond qui remonte jusqu’à ses yeux, pour glisser, silencieux, le long de l’orbe de sa joue. « Fichtre » s’écrie l’homme, tête levée et voix forte, « La matière est belle, grasse ce qu’il faut, onctueuse à point, tendre comme la combe potelée d’une houri alanguie ! Zestes d’agrumes et légers fruits exotiques l’arrondissent bellement ! ». Au bout de sa messe le maître ferme les yeux, avale le jus désaltérant et s’exclame, « Et voici que parle la fraîcheur du schiste d’Andlau, qui laisse palais propre, papilles vibrantes et gorge enchantée par une subtile touche de miel. Dieu que c’est long ! ». Il se rassied enfin, la tablée muette soupire, bouches closes …

Ite Missa Est …

Sous la table, tête basse, épaules nouées, Kevin, de la pointe du couteau se perce la cuisse.

Quelque part,

Perdu sous le soleil ardent,

D’un col Afghan,

Al-Jamîl expire…

 

 

ESIMODÉTIRÉECONE.

À LA GARDE NOIRE…

La Garde Noire.

 Une Maison d’Alsace Jean Baptiste ADAM comme il y en a tant d’autres en Bourgogne ou ailleurs… Un vin le Riesling Kaefferkopf Grand Cru 2007.

Mais ADAM, je ne sais pourquoi, à peine lu, je me retrouve apnéïque en réa – qui n’est pas paradis! Un corps d’ébène qui fut puissant, vieilli, immobile. Seul le bruit cliquetant des robots crève le silence sépulcral de cette salle High-Tech. Depuis deux lustres et demi, Jean Pierre Adams survit. Coma abyssal dont il n’est jamais sorti. Karma-Coma? Ah, la Garde Noire… La gigantesque, l’infranchissable, une ligne qui n’était pas Maginot. Pas de ces boursouflés richissimes qui traînent leurs fatuités incultes, oreilles bouchées et regards vides, sur les vertes pelouses des paradis de pacotille. Les idées auraient elles leurs vies propres, leurs associations intimes, à l’insu, secrètes et qui renvoient notre sentiment de liberté pleine et entière au rayon des illusions pas perdues pour tout le monde? Trésor-Adam(s), comme si le premier homme gagnait au Loto!!! Ça se bouscule, ça s’entrechoque dans l’espace-temps. Oui c’est bizarre les neurones, ça peut occulter le quart d’heure passé et vous aspirer dans le plus profond des comas dépassés du passé…Sans doute pas des jumeaux le J.B et le J.P, ou alors une grand mère volage, séduite au coin d’une grange, au cours de je ne sais plus trop quelle guerre du siècle dernier, au temps où les les colonies et les DOM-TOM n’étaient pas avares de chair à canon bon marché… Depuis on leur sert une solde de misère… Ah la République, qu’est si généreuse avec avec les tatas et les tontons qu’en ont pourtant tant, l’est pas toujours ben glorieuse la bougrasse!!!

Parenthèse 1.

«Ô temps, suspends ton vol! et vous, heures propices,

Suspendez votre cours!

Laissez-nous savourer les rapides délices

Des plus beaux de nos jours!

Assez de malheureux ici-bas vous implorent;

Coulez, coulez pour eux;

Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent;

Oubliez les heureux.

Mais je demande en vain quelques moments encore,

Le temps m’échappe et fuit;

Je dis à cette nuit: «Sois plus lente»; et l’aurore

Va dissiper la nuit.

Aimons donc, aimons donc! de l’heure fugitive,

Hâtons-nous, jouissons!

L’homme n’a point de port, le temps n’a point de rive;

Il coule, et nous passons!»

Alphonse de Lamartine.

Jean Baptiste… Hérode, Salomé, de quoi s’attendre à une tête de cuvée!

Un vin issu d’une sélection des parcelles les mieux exposées du Kaefferkopf, comme il se doit donc… Les terres granitiques et marno-calcaires, l’année favorable ont porté et façonné ce vin que je regarde tandis qu’il roule jaune à reflets verts, au long des flancs rebondis du verre qu’illuminent à peine les lueurs plombées d’un ciel menaçant. Les cieux sont obstinément ténébreux ces temps-ci et gardent en cet automne triste, le cœur éteint et fade d’un hiver opiniâtre qui aurait sauté l’été. Seules les robes pâles des vins qui m’égaient, parsèment mes jours de soleils anciens que le verre des bouteilles exacerbe. Un peu, le temps que l’illusion d’éternité, qui me berce et nous bercent malgré nous, encore et toujours, s’atténue…

Parenthèse 2.

«Sous le pont Mirabeau coule la Seine

Et nos amours

Faut-il qu’il m’en souvienne

La joie venait toujours après la peine.

Vienne la nuit sonne l’heure

Les jours s’en vont je demeure.

Les mains dans les mains restons face à face

Tandis que sous

Le pont de nos bras passe

Des éternels regards l’onde si lasse.

Vienne la nuit sonne l’heure

Les jours s’en vont je demeure.

L’amour s’en va comme cette eau courante

L’amour s’en va

Comme la vie est lente

Et comme l’Espérance est violente.

Vienne la nuit sonne l’heure

Les jours s’en vont je demeure.

Passent les jours et passent les semaines

Ni temps passé

Ni les amours reviennent

Sous le pont Mirabeau coule la Seine.

Vienne la nuit sonne l’heure

Les jours s’en vont je demeure.»

Guillaume Apollinaire.

Non, le Nirvãna n’est pas l’absurde «Paradis» auquel accèdent les justes, il en est même l’antithèse puisqu’il n’est pas un lieu mais plutôt un état de paix intérieure totale et permanente, la fin de la croyance en un Ego autonome et tout puissant. Ah mais!!! Le voilà qui déraille encore, qui nous emmêle et nous perd dans ses errements abscons et hors de propos. A force de dérailler, il va se retrouver planté, debout sur les pédales, hors de souffle, les mollets saillants et la tête… peut-être enfin au Nirvãna?

Ce vin me conduira t-il au détachement?

Le soleil timide pousse un rayon peureux entre les ouates grises d’un ciel gonflé de pleurs en attente. Le vin flamboie un instant et brasille d’un jaune vert-gris limpide. Je baisse la tête vers la surface du disque qu’irise mon souffle paisible et attentif. Les effluves simples mais franches d’un citron qui aurait quelque peu confit me caressent les cellules olfactives. Patient et concentré je cherche d’autres fragrances. Quelque chose de fruité, plutôt blanc, me parvient. Puis quelques notes diluées, justes miellées, tendres et mûres. En point d’orgue une touche tout juste anisée. Le tout, harmonieux et frais.

Trois mille papilles prennent le relais. C’est du sérieux la bouche, y’a du monde à l’ouvrage. Le toucher est doux, à peine gras. Puis comme souvent sur les Alsace que je fréquente ces temps-ci, le fruit apparaît. De la pêche blanche qu’adoucit un soupçon de miel. Très vide l’acidité perce et tend le vin, l’élève et le gonfle. Sur la rétro, des épices empierrées. Ça finit long et très frais. J’en ai la langue qui bande.

A Brahmâ, Vishnu, Shiva.

 

EMOTICAUUUMMM…

CE SOIR JE CLAQUE DU BECK…

 Schneekugel mit Teddybaer.
 

Je ne peux toujours pas écouter Bashung sans avoir le coeur dans la gorge…

 Le soleil de Septembre brille de ses feux encore chauds, avant de nous planter orphelins quelques mois. Le monde, lui, est froid. «Les petites choses qui luisent» sont toujours «des hommes dans des chemises». Bashung plane, bel aigle envolé. Le peuple des acariens en costard-cravate, s’est remis de ses fausses inquiétudes. Putain ça repart comme en quatorze. Le top justbeforetoday, c’était les assurances vie Américaines rachetées à bas prix aux loosers que la crise – Sainte crise, encore merci – avait  jetés à la rue. Les traders flamboyants sont encore et toujours à la curée. Villages de toiles, associations médico-caritatives se sont affairées… Plus tu penses ignoble, plus la thune tombe. Les banques vertueuses aux poches lourdes ont largué les bonus comme napalm au Vietnam. Obama aurait bien voulu bien a t-il semblé, but he couldn’t…

La grippe à la mode de chez les grands labos pharmaceutiques boostés par notre ravie plantureuse, a plané sur nos civilisations frileuses. Les maladies peuvent tuer dis donc! Un scoop. Il est temps de goûter à nos jus de raisins fermentés. Va savoir…!!

Pendant ce temps là les vignerons  inconscients au volant de leurs Porsches poivrées comme Chambertin Grand Cru *, vont bientôt vendanger.

Sur le flanc des collines, comme un trait d’union vert qui relie le village de Dambach aux ruines du château de Bernstein sur la crête, les vignes souffreteuses du Frankstein peinent à produire. Orientées en arènes Est et Sud-Est, elles plongent leurs racines assoiffées au plus profond de la roche de granit à deux micas…, qui ne font chanter que les vins. La terre, enfin les sables de granit délités par le temps et l’érosion, est pauvre. A terre pauvre, vins riches mais droits ?

LES VINS DU DOMAINE BECK-HARTWEG.

La première des coquines à couiner sous mon vieux tire-bouchon qui est à l’ouverture des cols ce que Rocco est à la plomberie, c’est la «Prestige». Ça ne fait pas un pli, le bouchon «glope» comme le dernier des péteux, avec un bruit sec.

Riesling «Cuvée Prestige» 2008 :

Sur l’étiquette un peu kitsch – ce qui n’est pas pour me déplaire – en ces temps de design branchéglacéloungedéjàdémodé – dans un coin, l’ours de Dambach se régale de raisins, au creux d’un blason rouge et noir…

La robe est jaune citron pâle à reflets gris.

A l’ouverture le vin perle un peu. Pas de pétrole à l’horizon olfactif. Le nez est franc, pur et droit sur la pêche blanche, la rhubarbe crue et le citron Beldi confit dans sa saumure.

Le toucher de bouche sucré-salé est net, la matière est juteuse, un gras léger lui donne une consistance bienvenue qui attendrit et modère l’acidité bien présente. Une note de fruits jaunes arrondit la dominante citronnée qui affole les papilles. La finale correcte se dépouille de sa chair fruitée, le vin se tend comme les reins de ma belle joueuse pour laisser au palais de fines notes de sel et de noyau de prune. Finale tranchante, vachement minérale (j’emmerde la Science) en fait!

Le lendemain, le vin a été bu sur deux jours, quelques volutes de rose ancienne, de fleur d’aubépine et de jasmin aussi – fugacement – s’échappent du dernier verre, vide of course!

C’est bien bon, difficile de ne pas y retourner illico. Sur un tajine citron confits et poulet, une cuisine Thaï aussi, épicée?

Riesling Grand cru Frankstein 2006 :

Toujours cette robe pâle d’or gris.

Une belle finesse sous les naseaux, toute en citron confit, en sucre d’orge, en miel un peu, en fruits blancs, enrichie par une note de mandarine, en poivre blanc aussi et en épices enfin. Mais… un nez relativement fermé cependant, même le lendemain, qui ne se donne pas totalement. Petite bouderie adolescente passagère?

En bouche le toucher est d’une grande finesse, marqué par une impression minérale qui semble tendre et fondre à la fois les composants de la palette gustative. Sans doute la qualité première de cette «pierre franche» est-elle de donner au vin ce supplément de subtilité?? La matière est conséquente, charnue, mûre, bien équilibrée par une acidité aérienne qui cisèle le gras, le léger sucré et les fruits. Finale riche qui se dépouille lentement, jusqu’en son cœur de sel et de pierre.

Un bout de foie passait par là, Frankstein l’a vidé de ses lipides parfumés. Personne ne s’est plaint. J’ai même entendu quelques bruits suspects de succions appuyées, suivies de soupirs profonds. Le bonheur serait-il dans la bouche???

Gewurztraminer Grand Cru Frankstein 2004 :

Cette fois la robe est d’un or gris plus soutenu.

Le premier nez parle de fleurs, jasmin et acacia mêlés. Puis viennent les fruits jaunes réglissés, le pain d’épices, le miel et les épices. Un nez très fin, une fois encore.

La bouche est douce et opulente de prime abord. La matière est riche, ronde, grasse ce qu’il faut, toute en fruits mûrs réglissés exhaussés par les épices et tempérés par une fraîcheur minérale qui donne à l’ensemble un bel équilibre. La rétro sur la pêche blanche accentue l’impression épicée, presque pimentée. Très belle finale florale qui tourne au noyau de pêche finement amer pour s’étirer et se dépouiller ensuite, révélant ici aussi, la pierre salée.

Pinot noir «F» 2007 :

Robe rubis foncé, limpide. Reflets violets et vieux rose.

Mon premier pinot noir Alsacien envoie. Un nez dédié aux fruits mûrs. Cassis, fraise un peu sur fond de mûres. A l’aération des notes de réglisse, de fumé, d’épices, de caillasse.

La bouche se repaît d’une belle purée de fruits rouges frais, avec plaisir. Le vin est consistant mais reste fluide et roule agréablement. De beaux tannins fins, mûrs et légèrement crayeux émergent ensuite du velours de fruits et parlent de la jeunesse du vin. Mais ça ne gâche pas le plaisir. La finale est longue. Elle conjugue à nouveau les fruits réglissés et fumés puis s’étire et s’épure dans le temps, découvrant une minéralité fine. Un peu de sel sur les lèvres. La bouteille n’a pas fait long feu! Le pinot noir et l’Alsace sont faits pour s’entendre.

* Mais non, je blague…

 

ECAILMOLASTISEECONE.