Littinéraires viniques » 1990

EMMA BOVAROVA …

Oda Jaune. Once in a Blue Moon.

Emma était née misérable. Profondément. Dans un village perdu, loin des yeux de Dieu et des hommes. Au fin fond des plaines Bulgares. Dans une masure insalubre, nichée au milieu d’un conglomérat de bicoques bancales, auxquelles nulle route ne menait. Elle aurait survécu aux plus terribles cataclysmes « modernes », habituée qu’elle était à végéter de racines amères, d’eau croupie, dans le froid humide ou la chaleur écrasante qui lui serraient les os, depuis toujours. Les heures à venir, qu’il lui fallait traverser, pour espérer passer les prochaines, la clouaient au présent. Trouver sa pitance et se protéger de la rigueur des saisons l’occupait tout entière, l’obsédait. « NoFuture » était sa vie.

Un jour d’août qu’elle sommeillait, abrutie, crasseuse et nue, dans l’ombre de sa cahute, un bruit assourdissant de planches explosées, la mit en terreur. Dans le soleil, à contre-jour, une silhouette épaisse et menaçante, mangée par le soleil mourant, occupait presque toute la largeur de la porte délabrée.

Nikifor la regardait…

Il était arrivé dans un Hammer noir, rouge de boue séchée et de débris divers, par un de ces hasards étranges qui guident les prédateurs. Emma avait quinze ans. Grande, déliée, gracieuse, la misère et la saleté n’arrivaient pas à ternir sa beauté native. Ses yeux d’émeraude illuminaient son épaisse chevelure noire et ses lèvres charneuses. Sous les penailles, son corps était sinusoïde, ferme, ductile, au prorata. Elle était – pure grâce -, d’une beauté émouvante, comme un coquelicot sur un tas d’immondices. Nikifor la jaugea d’un regard de maquignon, puis il sourit de toutes ses dents serties d’or. Il sut à l’instant, qu’elle vivait de rêves et de rhizomes, qu’il la subjuguerait sans peine ni violence, lui qui n’hésitait pas à cogner. Il avait la beauté sauvage d’un loup traqueur. Grand, athlétique et souple, le catogan de cheveux noirs qui tombait bas dans son dos, dégageait un visage aux angles découpés à larges coups de yatagan affilé. Ses yeux verts irradiaient une sauvagerie contenue, le goût de dominer, de séduire, ou d’avilir par la force. Comme deux puits ardents qui contrastaient avec la beauté anguleuse et brutale de sa semblance. Seules deux fines rides profondes qui encadraient une lippe à croquer les oiseaux crus, pouvaient laisser penser, à qui savait les lire, qu’il aimait à prendre lentement les vies qui osaient lui résister.

Emma ne vit rien de cela. Elle souriait comme une enfant confiante. Le княз (Prince) était là ! Elle ouvrait grand son regard d’eau claire aux reflets gris, pâle comme cou de tourterelle, qui palpitait de la joie crédule de celles qui n’ont pas vécu. Elle sut d’instinct qu’elle était en partance. Une onde froide la traversa, qu’elle rejeta d’un cœur naïf. Elle crut qu’elle avait une faim soudaine…

L’ombre, aux jambes écartées gaînées de basane noire, ne bougeait pas. Nikifor, souriait, son visage s’adoucissait tandis que ses paupières écrasaient ses yeux, ne laissant passer qu’un mince listel verdâtre, acide comme une pomme crue. Puis il les rouvrit, claire eau de source, et sourit comme un enfant candide. Derrière son masque rassurant, il calculait à toute allure. Ne pas lui faire peur, l’apprivoiser, murmurer des mots de miel, la caresser de la voix et l’emmener en douceur, loin d’ici. Oui, comme ça, avec des chatteries, des brassées de loukoums. A coup sûr, le vent tiède des morbidesses la renverserait…

Alors il s’agenouilla devant elle et lui parla longtemps. Sa voix coulait comme un ruisselet frais, il susurrait, roucoulait des paroles douces en mode « amabile », des chants de sirènes, fluides, lénifiants, qui la bercèrent longtemps, jusqu’à presque l’endormir. Emma était sa принцеса (princesse), son ангел (ange), sa прещип (fée). Ses angoisses fondaient, comme pastèque sous langue aux durs jours brûlants des étés continentaux, quand au bout de ses errances, Dieu lui offrait cette grosse coque verte, oubliée dans un champ. Puis sa main se perdit dans la sienne, quand céda son cœur d’argile. Lovée dans les larges cuirs du gros tank noir, la tête appuyée contre l’épaule de son Prince, elle s’endormait. Ses chairs tendres, tremblantes aux cahots des pistes poudroyantes, auguraient des jours blafards…

La ville l’éblouit…

Les lumières crues de Sofia mangeaient la nuit et lui mordaient les yeux. Des gens, partout, qui riaient ou marchaient à pas pressés, frileux, le cou dans les épaules. Cette première nuit éclairée de sa vie, l’affriolait et l’affolait tout autant. Elle se pelotonna contre son beau seigneur comme un animal craintif, et lui serra le bras. Sa tempe sonna douloureuse et son épaule tuméfiée l’anesthésia, le souffle coupé, après que Nikifor l’eut violemment repoussée, d’un coup de coude assassin, sans même tourner la tête. La peur lui mangea le ventre, brutalement, l’aveuglant. Une sensation pire que la soif, la faim, le froid, lui broya la tête, la privant de penser. Elle venait de rencontrer la terreur, la vraie, la noire, celle qui sidère à jamais…

Plus un mot désormais, mais les horreurs à venir. Du fond de son corps meurtri, elle hurla en silence. Le cercueil noir freina des quatre disques et crissa dans le gravier. Une main, qu’elle ne vit pas, l’empoigna par la nuque et la jeta dans un cul de basse fosse, au fond d’une cave enténébrée. Elle s’écroula sur un bat-flanc, contre un mur aveugle. Un soupirail, mal fermé par des planches disjointes, laissait filtrer la lumière grise d’une aube livide. Chaque jour que durerait son crucifiement, on lui jetterait un pécharma froid et un verre de yaourt aigre. Il ne fallait pas qu’elle perde ses rondeurs, ni son teint de safran. Le temps fut aboli. Emma ne vivait plus qu’un présent de pierre lourde, attendant, recroquevillée, que le prochain fauve malodorant lui perce le ventre ou lui brise les reins. Elle subissait, hagarde, les assauts vulgaires répétés, ne sachant plus distinguer ce qui aurait pu être plaisir, de ce qui lui déchirait les tripes. Elle aurait voulu s’arracher la peau, se bourrer le ventre de cailloux, se coudre les lèvres à vif et se remplir la bouche de goudron chaud, pour échapper aux avilissements répétés. Cela dura plusieurs éternités. Elle se lavait à l’eau croupie, caressant d’une main mécanique le minuscule orvet qui s’était glissé sous sa couche crasseuse. L’animal, à sang froid, la réchauffait pourtant.

Longtemps après que le désespoir l’eut quittée, quand les glaces des douleurs réitérées l’eurent dénervée, deux molosses vinrent la chercher et la trainèrent au rez-de-chaussée. La lumière de l’hiver finissant lui perça les yeux de ses aiguilles acérées. Le silence régnait dans la pièce aveuglante. Des femmes la lavèrent, l’apprêtèrent, la recouvrirent de bijoux éclatants, de crèmes précieuses, de soies vivantes et de brocards anciens. La douceur de leurs mains lui parut étrange, quand elle vit la dureté de leurs regards et l’âpreté de leurs traits. Mais son corps, bleui par les coups, creusé des petits volcans éteints des mégots écrasés, piqueté de divers confetti andrinoples, se délectait de ces doigts qui voletaient sur lui comme oiseaux de paradis. Un plaisir sensuel et doux la comblait, sa conscience faiblissait. Elle flottait. Apaisée, elle ouvrit les yeux sur deux pointes noires vernissées. Les femmes avaient disparu. Emma, lentement remonta les bottes glacées, le cuir lisse d’un pantalon, le gilet court ouvert sur la tâche bleu-nuit d’un satin brillant, pour s’arrêter sur l’or d’une grosse bague ciselée. Le conditionnement repris le contrôle de ses sens, elle n’osa aller plus avant et s’immobilisa, pubis collé au sol, corps à demi levé, bras tremblants et tête basse. Une main légère glissa sous son menton, lui relevant lentement la tête. Les deux yeux verts de Nikifor la fixèrent de leurs ondes aimantes qui l’hypnotisèrent à la seconde. Sa bouche fondit sous la sienne qui lui croqua les lèvres. Le plaisir monta lentement sous les caresses lentes, les promesses et les fausses hésitations. Emma quémanda, Nikifor sourit, la prit au ralenti pour la coller au mur d’un coup de rein bestial. Il lui sembla des heures, qui ne furent que minutes. L’orgasme cinglant la brûla jusqu’à l’âme. Collée au corps de son maître, elle s’endormit un peu…

Adossé aux coussins épais, il la regardait, satisfait de son investissement. Cette idée le fit sourire. Il tenait à la main un verre précieux, taillé vulgairement, comme un diamant de pacotille, à demi plein d’un jus rubis. Le Domaine Boyar 1990, un pur Gamza, son vin préféré, rutilait dans le dernier rayon du soleil mourant. Il le huma d’un nez distrait, le regard absorbé par le corps gracieux au déhanchement enfantin, allongé et confiant. Les fragrances de fruits rouges oxydés, relevés d’une touche sauvage, l’excitaient pourtant. Il avala d’un trait le vin translucide qui lui laissa furtivement en bouche le goût des dernières framboises. Les tannins épais et rustiques lui encrassèrent le palais. Il aimait ce vin râpeux et grossier. Sa main courte et trapue, aux ongles bréneux, excoria légèrement la peau fragile, qui frissonna en se crispant un peu. Emma geignit mais ne bougea pas. Nikifor sourit, satisfait du dressage.

Elle était prête !

L’enfant, qui sortait à peine des brumes du plaisir, sut que le pire, longuement, restait à venir…

Au petit matin d’un de ces petits jours glacés qui gèle les os des rares passants en vadrouille, quelques années plus tard, on ramassa un corps mutilé au visage grimaçant. Autour du corps nu exposé aux regards, les légistes qui l’examinèrent, sortirent, blafards, tour à tour de la salle blanche. Même les plus aguerris eurent du mal à s’en remettre.

Démantibulée, brisée comme une poupée désaimée, Emma ne souffre plus…

EMOBLÈTIMECONE.

C’T’APRÈM, GINETTE LA GARCE VA CHEZ L’GYNÉCO …

Krishnamurti Costa. Ginette ?

Oui, ça y’est, j’en ai marre de faire ma choute sous la plume chipoteuse de cet enfoiré de Littinéraires Viniques ( ta mère comme d’aucuns, à juste litre, se moquent ) ? Allez c’est bon, je jette bas le masque, j’fais plus mon mirliflore (un mot à la con, ma dernière concession – c’est aussi bien que Wine session – , à cette plume aussi poseuse qu’acariâtre, avec ses anacoturluttes à la mords moi l’mont ). Et me voici comment que j’suis en vrai, à poils et à varices, en bas de contention troués, sous mon peignoir râpé qu’était rose avant d’tourner crade, et qui ferme pus et qu’on voit mon cul à faire un pique-nique en famille, tellement qu’il est élimé (mon peignoir pas mon cul, lui y s’rait plus souvent limé que j’dirais rien), prête à larguer mes rotoplos sur le zinc. Sauf que mon kil de rouquin je m’le dézinguerai c’soir, vu que c’t’aprèm j’ai gynéco !

Alors c’en est fini des romances à trois balles, des histoires à faire loucher mon chat, des phrases, « absconses » qu’y disent, et des chichis à la con. J’m’en vais vous causer d’la vie, d’la vraie, d’celle qui sent la rillette le dimanche et l’pâté la semaine. D’mon tous les jours quoi, d’ma vie de pov vieille garce qui s’emmerde plus qu’elle baise. Passe qu’à part l’Gustave qui m’farcit l’entre deux quand il est pas trop bourré (L’Gustave, pas ma fente), c’est à dire pas bien souvent, j’vous jure que j’me fais bien chier entre la table de cuisine et l’pot d’géranium !

Bon, ben aujord’hui c’est spécial, j’le vois tous les dix ans mon Indiana Jones du spéculum. J’aime pas trop ce genre de spéléo, sont trop froids ses bazars, ses fourchettes à huîtres flagadas, et c’te casque à lumière, ça m’rétrécit la rigole. Moi j’préfère quand ça m’chauffe et qu’ça m’fait monter l’eau au ras du lavabo, c’est meilleur pour la fête à minette. Quand qu’c’est comme ça, fini Ginette la Garce, là j’tourne direc Ginette la salope, pas genre chouchou coincée sur le dos qui bouge pas en comptant les mouches au plafond. Ah, non !!! C’est pas tous les jours qu’ça défouraille, alors le petit chauve, j’te le soigne, j’te le travaille à mort, faut qu’y m’donne tout, vu qu’moi, j’y vais à fond. C’est que j’suis vieille et moche, une ruinasse ! Alors j’compense par d’l’activité, j’arrête pas d’bouger, d’tourner comme une toupie molle sus l’dard du gars. A l’rendre aveugle. Et lui y m’dit après, putain t’es une sacrée toi, tu t’y connais dans les agaceries. T’es une gigoteuse ! Faut t’trouver la grotte sous l’gras, mais quand qu’on y est, ça souque à mort ! T’es la reine d’la barre à mine qu’y m’disent. Kerzauson, à côté d’toi, c’est rien qu’un manchot. Moi j’aime ça m’flatte. Dommage qu’y m’donnent pas un bouquet d’fleurs après.

J’aime les roses …

Les belles, les Ronsard, celles du jardin des autres, passe que moi, j’en ai pas d’jardin, j’ai qu’mes pots d’géranium. Sont beaux, j’les arrose. Sauf que l’chat, l’aime pisser d’ssus. Alors j’le zieute ce fumier, j’te l’chope, et j’y arrache une touffe pour qu’il oublie pas qu’y peut pas. C’est pour ça qu’il est tout brindzingue mon Youki, oui, j’l’appelle comme ça. On dirait un tapis plein d’trous. Ouais bon, c’est un nom d’chien, mais j’m’en fous, c’est Youki, et c’est tout !!! Toutes façons ça lui plait, vu qu’y m’a jamais rien dit.

Bon ben c’est pas tout ça, mais faut que je m’prépare. Ben ouais c’est grande toilette. C’est pas la langue de Youki, par-ci par-là qui ? C’est bon quand j’sors pas, et j’sors jamais, sauf pour les courses, mais j’m’en fout. Mais là, y’a du décavage à faire un peu partout, passe que, quand j’écarte devant l’toubib, j’aime pas quand ça craque. Deux trois brocs d’eau dans mon tub, une brosse d’chiendent, un pavé d’savon d’marseille, et j’me frotte dur la couenne. L’eau noircit vite, la crasse dégouline et ça sent la moule à l’ail dans ma turne. Youki, y s’barre sous la commode, il aime pas les éclaboussures et y s’lèche la toison en faisant des mines d’duchesse. ! Ouais faut que j’vous dise que dans ma baraque, y’a pus l’eau courante, et qu’c’est moi qui crapahute dans la cour pour remplir mes bassines. Y z’ont fini par m’la couper l’eau, vu que j’ouvre jamais l’courrier et que j’paye pas. C’est qu’j’ai pas trop d’sous. Ils z’osent pas me virer passe que j’suis trop vieille … Et y veulent pas d’histoire avec l’quartier, mon quartier que j’suis la reine depuis toujours. Enfin j’l’étais quand qu’j’étais jeune et qu’mes oestrogènes y’faisaient baver tous les matous du coin. J’en ai connu des bourgeois ! Y z’ont pas oublié les secousses que j’leur ai filées. Y’me protègent depuis ! Maintenant, j’suis la vieille duchesse de mes deux, increvable et intouchable. Moi ça m’va. Le boucher y m’file un peu de barbaque, l’épicier, des vieux légumes, des fruits pas trop pourris et j’me régale. Même Youki, il a droit à sa ration d’mou mou un peu puant. Mais lui, y s’en fout, il aime quand ça pue. Sinon y pourrait pas m’approcher, sauter sur mes genoux et ronronner comme une bouilloire, pendant que j’sirote mon verre avec des croûtes de frometon. J’aime bien les rogatons d’fromage, c’est le meilleur qu’a du goût. Alors l’épicier, y m’gâte, ça lui coûte rien, ça , et moi j’m’en fous plein la lampe …

Y’a pas grand monde dans la salle d’attente. Que d’la vieille bourge qu’a ses habitudes, qui vient s’faire reluquer chez tonton Gaston. Il les suit depuis leurs premières saillies, y connaît la musique. Quand j’entre, elle reculent dans l’fond d’la salle, les vieilles peaux. Elles savent bien que j’leur ai fait leur fête à leurs vieux gars, dans l’temps. Elle m’lont jamais pardonné ces coincées d’la ducasse à popaul, ces vieilles molles toutes raides, qui savent pas chalouper en cadence pour faire grimper leurs notaires aux rideaux ! Y s’fait vieux l’Gaston, l’est plus trop à la pointe, mais pour s’faire explorer les tubulures, ça suffit bien. C’t’un gynéco à l’ancienne, y travaille avec ses doigts et sa lampe de mineur. Y farfouille là-d’dans, y va vite fait au fond des choses, y ramasse un peu, y regarde si l’jus est encore bon. Y parle pas, moi ça m’va. Pis y m’fait pas payer. Une p’tite gâterie en douce, à genoux sous l’bureau, il aime, ça passe mieux quand y’a plus de dents, ça l’rassure, vu que j’tremble un chouïa quand même. Mais à chaque fois qu’j’lui enchante la flûte, il est tout drôle, y bafouille, ça m’fait peur. A la main y résiste mieux, mais y préfère ma bouche, y dit qu’c’est comme avec un steak chaud. Moi j’m’en fout du moment qu’la consult est gratos, j’veux bien lui faire avec les pieds. Les vioques toutes ratatinées sur leur siège, elle font des moues d’chihuahua, elles serrent leurs pifs tout crémeux et balancent des « pfffiiooouuu » toutes les cinq minutes. Pourtant j’m’ai lavé, merde ! C’est p’t’être mes loques, j’ai remis les mêmes. Ouais j’fais comme ça, j’change toutes les s’maines, je replie bien tout et j’remets dans l’armoire. Passé trois s’maines, j’lave dans mon tub avec l’eau d’ma toilette, un doigt de Paic et deux gouttes d’javel. C’est bien la javel, ça neutralise, sauf qu’ma serviette, j’ai beau l’arroser, elle reste grise et collante. J’fais comme ça, ça m’va, mais là, y’a qu’deux semaines, alors ça schlingue un peu. Pourtant j’ai fait ma Marie Antoinette, j’ai bien poudré et j’ai mis du qui sent bon qu’jai chouré à Monoprix. Mais bon les chochottes elles aiment bien m’emmerder comme ça, mine de rien ; elles la ramènent pas, vu que j’te les reclaque vite fait. Elles deviennent rouges comme des dindes à Noël, elles s’étouffent à moitié, mais elles trouvent rien à répondre, elles mouftent pas, deux trois p’tits cris aigus, et elles s’barrent en serrant leurs gros culs d’gravosses. Tout dans les fringues, rien dans la gueule. Alors pour moi, c’est d’la crème au beurre ces putes honnêtes qui font leurs fières.

J’aime bien la mode, ça m’rappelle quand j’étais luronne, ronde de partout, mais du ferme qu’avait pas peur de Newton. J’avais les lolos les plus fiers du quartier, y regardaient la lune, bien ronds avec d’belles tétines roses. Maintenant, sont plutôt raplaplas, Newton, il a fini par les avoir. Y’a rien d’plus triste que des bonbonnes vides qui t’regardent les genoux …

Salut Ginette, y’m’dit, l’roi d’la foufoune. Pis y s’tait, y laisse faire ses doigts. Y change de gants toutes les trois moules, ça lui fait des économies. Comme ça, y sont bien huilés et j’sens presque rien. Moi d’en haut, j’vois qu’son crâne tout nu, on dirait la pleine lune tellement qu’il est blanc et plein d’cratères. J’suis bien, ça m’chatouille un peu, c’est toujours ça d’pris ! Gaston, y ramasse un peu d’purée, y r’garde, pis y’m’dit, c’est bon, c’est pas pire qu’l’année dernière. La prochaine fois, tu t’laveras un peu mieux, passe que là, y’a des croûtes qui restent, ça m’gène pour rentrer. P…… ! L’enfoiré, j’ai tellement râclé qu’j’avais l’panthéon plus rouge qu’un cul d’babouin. Faudra que j’m’asseye une heure dans l’eau chaude avant de m’récurer la bête, le temps qu’ça fonde ou quoi ? Et qui c’est qui va devoir gratter l’tub à la pierre ponce, après ? Pis Pilate y’s’lave les mains deux fois, pendant que j’manque m’assommer en filant sous l’burlingue. J’lui fais son affaire vite fait, j’avale tout. C’est que j’becte pas d’la protéine tous les jours, alors je m’gave.

Et dire qu’si c’était Strauss Khan, j’serais riche à dollars !

La nuit tombe, plus noire que l’trou du cul d’mon taré d’Ursule quand qu’il était encore vivant. Maint’nant il est mort l’pauv, ça fait vingt ans. Un soir, il est rentré pas tout seul, avec une sacrée muflée dans l’musette. Y pouvait pus parler tellement qu’il était plein. Il a crevé la nuit, y s’est étouffé dans son vomi. Le salaud, y m’a bien fait chier jusqu’au bout, y m’a pourri les draps. Et qui c’est qu’a dû frotter tout l’tintoin? La Ginette, comme d’hab ! Il aimait ça la bibine, y buvait qu’du bon, sauf au bistro où qu’il éclusait du pichtegorne, vu qu’il était plus radin qu’un riche. Oh, on l’était pas pauv, l’Ursule l’avait d’la monnaie qui lui v’nait d’ses vieux. On aurait pu s’la couler douce mais c’putain d’pingre, y lâchait pas sa thune facile. Enfin, ça allait quand même, et y partageait son pinard avec moi. Du bon, du en bouteille, avec des belles étiquettes en couleurs. Y m’en reste plein. C’est qu’l’Ursule, l’avait une tite bite paresseuse, mais une grosse cave.

Alors ce soir, j’vas m’en claquer une, à sa santé !

Une tite jeune, qu’il avait rentrée juste avant d’clam’cer. J’vois pus très bien et l’étiquette a presque fondu, c’est qu’la cave, elle est plus humide que moi dans l’temps. Ah ouais, RomaSaint Viv1990 de chez Dro..in ? Bof, j’m’en fout. Du moment qu’c’est rouge et qu’ça glisse bien … Ben faut vous dire que l’soir, quand j’dépucelle une tite fiole, j’aime bien me coincer dans mon fauteuil en rotin, çui d’Emannuelle à poil dedans, avec Youki qui gratte sur mes gambilles ; enfin maint’nant c’est plutôt genre gros poireaux  tous plein d’poils mes gambettes, mais bon. Y gratte, y gratte le minet, l’est nerveux, y’a plein d’copeaux qui tombent quand j’enlève mes bas, avec d’grandes traces blanches sur ma vieille peau sèche. C’est toujours ça d’propre qu’a pas mangé d’savon, j’me dis. Donc, mon fauteuil, Youki la brosse, et du Chopin. Je m’sors un vieux disque d’sa pochette à moitié déchirée et je m’le colle sur mon Teppaz. Ouais, ouais, j’sais bien, c’est pas du gâteau, genre France Musique, ou genre, la chaîne à 20.000 balles, mais ça m’suffit et j’emmerde les noeuds pap !

Y’a que l’verre d’l’Ursule que j’lave toujours, jusqu’à qu’y soit beau et transparent. Ç’t’un truc qui m’est resté d’lui. Faut qu’c’soit propre qu’y disait, et qu’ça sente rien. Dans l’verre, houa, c’est beau c’te pierre précieuse toute brillante qu’on dirait un rubis. Je pose mon nez d’ssus l’bord, enfin la moitié, vu qu’mon nez c’est comme qui dirait une vieille courgette trop mûre. J’ferme les yeux. Et j’cours dans l’jardin d’mon grand père où qu’y avait plein d’fruits que j’croquais, en juin, planquée dans un coin. Mais quand y m’voyait ma bouche toute rouge, y disait rien l’Gédéon, y souriait dans s’grosse moustache blanche, avec du jaune d’la Gauloise qui pendait sur l’côté. Ça sent bon, trop bon, que j’pleure un peu dis donc ! Ouais c’est que l’vin, quand il est grand, ça m’fait ça, et y’a pus qu’ça qui me l’fait. On dirait même que j’sens la cerise qui croque sous mes chicots. C’est marrant comme rien qu’l’odeur, ça m’ravigote ! J’ai l’coeur qui sourit, et l’Youki aussi, on dirait presque. Dans la bouche, ça m’fait comme un miracle, comme si Sainte Thérèse elle m’embrassait. C’est du jus du bon Dieu, c’vin là, y devraient en boire plus souvent à l’messe les curés, y s’raient moins cons. Plutôt qu’à nous faire peur et à s’taper les enfants d’coeur. C’est que j’le sais moi, y’en a un qui m’la dit. Suis allé l’voir l’curé, j’y ai dit, si t’as l’battant trop dur sur la cloche, viens m’voir et laisse l’gamin tranquille ! L’a rien dit. Bon ben l’jus, il est caressant, l’a pas l’air comme ça, mais il est costaud, y t’remplit la bouche, mais tout fin, tout gracieux aussi. Avec une grosse pâte d’cassis avec du suc dessus qui m’fait des frétillements dans m’bouche et des frissons sous m’jupon (c’est rien qu’pour dire, passe que des jupons j’en mets pas). J’l’avale, même plus qu’un verre, et l’vin est toujours là, y quitte pas ma bouche, même quand j’l’ai bu.

Longtemps, longtemps…

Pis je m’suis endormie, au chaud dans ma sueur et mon p’tit bonheur, avec Youki qui roupille aussi et la bouteille vide posée à côté du fauteuil. Et Chopin qui tourne à vide toute la nuit.

Quand je m’réveille, l’Teppaz y fait, cratch, cratch, cratch …

Comme moi quand je m’gratte.

EMOMORTTIAUXCONES.

OSTERTAG. RIESLING MUENCHBERG 2007.

ostertag_riesling_muenchberg_grand_cru_1

A ce jour, je ne connaissais de ce Domaine réputé, que le Riesling Muenchberg VT 1990, sur la perfection duquel je ne reviendrai pas ici.

Depuis lors, ça a bouillonné longuement sous mon cortex, tout au fond du puits des âges, dans le reptilien, à l’insu de moi-même. Puis un jour, un lendemain d’hier, et une veille de demain comme les autres, un peu comme un gratteur de la Française des Jeux, que la joie de payer des impôts supplémentaires met en érection, depuis que les charmes de maman le laissent indifférent, irrépressiblement, j’ai commis ce qu’on l’on appellerait chez les psys d’obédience consumériste, un «achat d’impulsion», voire de con-pulsion…

C’est ainsi, qu’un carton des vins d’André Ostertag a débarqué chez moi, un beau matin de Printemps. «Beau matin de…» c’est un cliché. En vérité, c’était un p… de matin de m… pisseux à souhait, un de ces matins, qui est à la carte postale printanière, ce que le Président (l’autre) etait à la syntaxe. Du lourd, de l’énorme, comme on se plaît à dire, à tous les coins de bistrots à la mode de chez eux.

 Fin de l’intro.

Voilà que ça re-drache depuis quelques jours. Les nappes phréatiques sont à la fête, elles se gavent. Les «caramuchamboles», qui z’ici ne sont pas de Bourgogne, sont de sortie. Ils ont jeté leurs K-Ways. Toutes cornes dehors, ils broutent herbes et feuilles, grasses et humides. On les entend chanter le jour, les joies mouillées du printemps. Leurs traces, comme autant de lames flasques, zèbrent les ténèbres de mes nuits sans lune, de virgules argentées. Le soir, je poursuis mon voyage immobile au pays d’Ostertag et me faufile, effrayé, entre les branches noires des vignes torturées, qui écorchent ses étiquettes, comme autant de tagsaustères et désespérés. Derrières les ceps noirs, sidérés comme des statues en douleur, sous les cicatrices obscures, dont les cris figés griffent les étiquettes vertes ou bleues, les eaux cristallines de ces vins aigus, invariablement, m’enchantent. Ils sont en harmonie avec les eaux, que les cieux déversent. Seules leurs robes, jaunes et pâles des étés finissants, me parlent des soleils à venir, embusqués sous les nuages d’Avril.

 Rêveries d’avant boire. Le chant des mots.

 Un vin de scène?? Puisque ses vignes croissent, et prospèrent, sur un magnifique coteau de grès rose en amphithéâtre, situé plein Sud dans une vallée au pied des Vosges, sur la commune de Nothalten? Pourvu que ça ne sur-joue pas…

Un vin de moines montagnards?? De la rudesse, de l’austérité, de la spiritualité, de la pureté, de la tension, de l’élan vers le haut? Ces moines blancs aux scapulaires noirs, Cisterciens donc, en l’abbaye de Baumgarten, pas vraiment des rigolos… L’ordre promeut en effet, ascétisme, rigueur liturgique, et érige, dans une certaine mesure, le travail comme une valeur cardinale; ainsi que le prouve son patrimoine technique, artistique et architectural. Dès le XII ème siècle, ils couvrent de vignes, l’amphithéâtre au sol de poudingues, sortes de conglomérats volcano-détritiques de tufs et de cendres. Certainement pas un vin de moinillon replet?? Un vin de la plus «stricte observance» sans doute?

L’épreuve de l’œil. La robe est belle, pure, d’or pâle aux reflets brillants. Le vin colle aux parois de verre, avant de redescendre à regret, en larmes grasses et serrées. A contre-jour, comme une esquisse à la va-vite, du Pont du Gard.

L’épreuve du nez. Une impression générale de profondeur et de richesse. Complexe aussi. Quelques notes fleuries que je ne parviens pas à nommer, comme un effluve d’élixir de pétrole ensuite, de l’ultra raffiné, puis un mélange subtil d’agrumes et de fruits jaunes, de prune, additionné d’une touche de miel. Ni austérité, ni rigueur extrême, ni minéralité débordante. Pas vraiment Cistercien! Mais un bel équilibre olfactif.

L’épreuve de la bouche. L’attaque est douce, moelleuse sur la confiture d’abricot. Insensiblement, le noyau de fruits jaunes fond en bouche. Le vin devient intense, sans perdre de sa rondeur. Du cœur des fruits, sourd une très belle acidité, rehaussée d’épices chaudes et de poivre blanc. Le vin, est d’une précision certaine, il file droit, dynamique, strict mais généreux. La finale s’étire longuement, le vin se tend, se dépouille et découvre tout à la fin sa trame minérale, son «austérité», élégante et racée en quelque sorte…

Le vigneron, ses vignes qu’il biodynamise, les sols, les souvenirs des moines qui planent et veillent sur leurs terres, je ne sais, je les ai imaginés, accompagnés, tout au long de ce voyage sous verre. Toutes ces bouteilles ont une vibration particulière, qui me dit qu’en Alsace, il faut absolument que sucre et acidité s’épousent…

Les quelques jours passés dans les creux effilés de leurs cols m’ont appris, si besoin était, que rigueur est sœur d’exubérance.

ACHILLE ET LE DOIGT DE DIEU …

Michel-Ange. Le doigt de Dieu.Michel-Ange. Le doigt de Dieu.

 

La perspective de ramper à la nuit noire jusqu’à la chambre de Sophie, comme un agent secret, enflammait l’esprit d’Achille. Et ses sens aussi. Quelques jours passèrent le temps que le soufflet retombe. La vigilance des bleues de nuit baissa. Derrière sa porte il les épiait du bout de l’oreille et notait l’heure de leurs rondes qui ne variait que peu, il oubliait de respirer pour ne rien perdre du bruit feutré de leurs pas puis il dessinait des croquis précis de leurs trajets. Très heureusement elles étaient casanières et dépourvues de finesse. Chaque nuit, très exactement, elles remettaient leurs pas dans ceux de la nuit précédente. Machinales et très certainement à moitié engourdies les anges de nuit aux ailes mortes passaient et repassaient. Quand elles poussaient sa porte il dormait sagement, nu sur son lit et sa nudité innocente que le sommeil feint accentuait les arrêtait plus que de nécessaire.

Achille jubilait.

Un soir pendant le tarot, Sophie et lui se regardèrent en silence et décidèrent de passer à l’action. Achille la visiterait le premier.

La lune était noire de nuages épais et les couloirs aussi. Avant de se lancer à l’aventure il avait bourré son lit de couvertures qui imitaient la forme d’un corps endormi. Achille, collé au mur, se mit à ramper au ras du sol, sans bruit, respirant lentement, l’œil aux aguets. La lueur blafarde des éclairages de sécurité grisait à peine les lieux et ne parvenait pas à donner ne serait-ce qu’un semblant de relief aux murs, on aurait cru qu’ils se touchaient. Les fenêtres étaient plus ternes que des yeux aveugles, nulle lumière ne les traversait. Achille bouillait mais le contraste entre la chaleur de son corps en sueur et le froid qui brûlait ses pieds nus le rassurait. Au passage il donna un violent coup de talon dans la porte de la chambre d’Olivier puis accélérant d’un coup il traversa la pièce commune à quatre pattes, longea le bocal comme un reptile apeuré et fila sur sa gauche dans le couloir de Sophie. Comme ils l’avaient prévu Olivier se mit à hurler. Achille se colla contre le mur à s’y fondre et ne bougea plus. Ses vêtements pâles s’accordaient parfaitement à la couleur du mur avalée par la nuit. Il cachait son visage entre ses bras pour masquer la pâleur de son visage et la blancheur de ses yeux affolés. Il avait peur, très peur et c’était délicieux. Le moment était si fort que l’araignée submergée par l’adrénaline jouissait tant qu’elle ne mouftait pas ! La trouille était plus forte que l’angoisse. Achille le comprit à ce moment précis.

Agir inconsidérément diluait sa paralysie ordinaire.

Olivier bramait comme un cerf en rut. Et se pissait dessus sans doute. Dans les chambres ça remuait, la panique gagnait la horde. Une veilleuse de nuit jaillit du local des infirmières à quelques mètres de lui. Sans le voir. Le second cerbère déboucha à toute allure du couloir opposé. Leurs pieds chaussés de crocks patinaient dans les virages, cliquetaient sur le carrelage comme des mille-pattes amputés de 998 pattes. Un rire nerveux enfla dans la gorge d’Achille, il eût tant de peine à le réprimer que son diaphragme se tordit. Un spasme douloureux lui fouailla le ventre. Comme une lame effilée qui lui déchirait les tripes. Il se mit à respirer à petits coups rapides et se vit accouchant ce qui redoubla son fou-rire. Élisabeth serrant entre ses bras décharnés son baise en ville rouge sang, balbutiante et perdue, le frôla dans son linceul de nuit qui volait autour de son corps comme une voile blanche. D’autres silhouettes indistinctes naviguaient au hasard emportées par le vent de panique. Olivier braillait de plus belle malgré les soins du cerbère à deux têtes.

Tout allait pour le mieux …

Quand il entrouvrit la porte de la chambre de Sophie, le sang lui fracassait les tempes, pulsait en ondes fortes, son cœur tapait à grands coups de marteau sur ses côtes et sonnait sous son crâne comme le bourdon de Notre Dame à l’heure de la grand messe. La bouche sèche et le front en sueur Achille se glissa dans l’obscurité puis referma doucement. Il scruta les ténèbres un moment. La chambre était construite à l’inverse de la sienne. Le volet n’était pas baissé, la vitre était de mercure satiné, il n’y voyait rien. La tête lui tourna, ses poumons, en apnée tout au long du trajet, se gonflèrent d’un coup, l’air afflua dans sa poitrine et la pression qui lui vrillait les tempes se calma. Il sentit revenir ses énergies, son cœur s’apaisa doucement et ses muscles douloureux se détendirent enfin. Il inspira et souffla plusieurs fois. Jamais l’air ne lui avait paru aussi caressant, presque sucré. Sa vision augmentait peu à peu, il commençait à distinguer, à percer l’ombre ambiante quand un rai de lumière traversa la chambre. Les nuages, lourds de pluie retenue qui bouchaient le ciel, s’écartèrent et la lune redonna du relief au monde. A quelques pas de lui la clarté laiteuse dessinait à contre-jour une silhouette à demi étendue sur le lit. Les cheveux épais de Sophie descendaient en boucles lourdes de feu au ras de ses épaules dénudées, la lune sculptait son épaule gauche, soulignait sa hanche d’un trait de lait tremblant, se glissait sous son bras arrondissant la courbe pleine d’un sein gonflé de vie. Sur sa jambe la lumière jouait avec un léger duvet, lui faisant peau de velours. Elle soupira d’aise. La lune rebondit sur un miroir et le jour se leva dans les yeux de sa belle. Les aigues-marines étincelèrent étrangement un instant puis la lune s’éteignit.

Dans le couloir, loin, si loin, la java continuait à tourner follement …

Dans la nuit anthracite, enfouis sous la couette chaude, ils échangeaient d’interminables baisers pulpeux, ils ne pensaient plus, ne décidaient rien et laissaient au corps le soin de les guider. Leurs lèvres se trouvaient, anticipaient, se répondaient sans qu’ils aient à réfléchir, à s’adapter, à apprendre. Ils se délectaient comme des morts de faim du bonheur de se dévorer tendrement, comme s’ils avaient attendu longtemps, des milliers de vies, avant de pouvoir se donner, s’unir enfin l’un à l’autre, dans une belle insouciance proche de l’enfance. Ils se pétrissaient avec délectation, de vrais boulangers maladroits ivres de pâtes chaudes, ils erraient au hasard de leurs corps et rien ne les rebutait. Parfois même, devant tant de douceur partagée il glissaient silencieusement jusqu’à ce délicieux moment, où les larmes perlent sans tout à fait couler… Ils franchirent sans encombre les barrières des convenances ordinaires, pour atteindre un monde de félicité qu’ils n’auraient jamais même osé espérer frôler.

La nuit coula comme le miel dans la gorge.

Au petit matin Sophie s’endormit. Elle reposait sur le dos. Pour la première fois Achille la voyait sans défense. Sa chevelure éparse entourait son visage pur de gisant, quelques perles de sueur, sur ses tempes veinées de bleu, brillaient sous la lumière tranchante qui filtrait entre les volets mal joints. De fines lames incandescentes traversaient la pièce et découpaient son corps des pieds jusqu’aux épaules en tranches émouvantes. Les doigts d’Achille, papillons gracieux, frôlaient sa peau tendre et soyeuse. Les creux ombreux, les plis délicats, les vallons en pentes douces, les collines tremblantes aux tétins bombés qu’il butinait éperdu au soleil levant, dépassaient de loin toutes les splendeurs des Jardins Suspendus de Babylone. Sophie, sous la caresse du papillon, souriait comme l’Ange de la Cathédrale de Reims.

Rude nuit blême que cette sorgue de mars. Achille le désemparé rêvasse. Perdu dans l’univers il n’est qu’un atome de chair vieillie au bord du gouffre. Au tréfonds de l’abîme la carogne grimace. La terre est sombre et ses reliefs ont disparu dans l’encre de chine piquetée d’étincelles des espaces effrayants. Quelques entités subtiles sourient peut-être dans l’ailleurs que berce le chant des sphères. Sous les ardeurs dorées de sa lampe de bureau l’ambre liquide a graissé les parois du cristal aux formes hottentotes. Mais Achille tressaille quand il lui semble voir, plongé jusqu’au fond du verre, le doigt de Dieu ! Sous ses paupières closes il revoit une dernière fois la gracile Sophie endormie et souriante sous la main câline effleurant sa peau de pain d’épices.

Oui cette nuit là le doigt de Dieu était sur eux …

Alors Achille sourit, un de ces sourires intérieurs que nul ne voit. Sauf Sophie peut-être, au fond de son souvenir. Ses doigts pincent la tige du verre qu’ils portent sous le nez. Et ses muqueuses frémissent et dédient à l’amour perdu les fragrances puissantes, envoûtantes qu’il perçoit. Mais qu’il eût aimé, sous les rayons ardents de l’Orient, flâner au petit matin, les doigts de sa belle entrelacés aux siens. Il lui aurait appris les senteurs échappées des rayons de miel suintants, les parfums des fruits secs, ceux des abricots écrasés dans les paniers épars, les vapeurs échappées des raisins de Corinthe gonflés par le thé bouillant, les fragrances chaudes des figues mûres et sèches et les fruits gorgés de lumière, tous les fruits pulpeux des jardins des plaisirs.Achille rouvre les yeux pour se perdre dans les mailles grasses que cette « Goutte de d’Or » 1990 du Domaine FOREAU a tissé sur les parois de cristal. L’élixir odorant lui tend ses lèvres comme jadis Sophie. Alors Achille porte le buvant du verre à sa bouche entrouverte que le liquide pénètre. La Loire par Vouvray en quintessence lui donne au palais le plus prodigieux des baisers. A se taire à jamais, à ne plus oser dire tant il les mots lui manquent ! Tout ce qu’un liquoreux peut rêver dans les grains frigorifiés des grappes qui s’accrochent encore aux ceps à l’automne brumeuse est sur sa langue, s’y enroule et la séduit. Longuement. Le vin enfle et le soleil se lève sur la terre au cœur de la nuit. Puissant, délicieux, d’un parfait équilibre, un étalon se dresse, sabots cirés, au centre de la piste. Le Cadre Noir de Saumur !!! Muscles tendus et croupe fine, grâce et majesté … Enfin la fraîcheur vient, tempère le vin et le relance, l’emporte à jamais, l’étalon donne son meilleur sous la main ferme du cavalier. Le soleil a descendu de nuit pour inonder de sa chaleur douce le corps entier d’Achille. Sur ses lèvres en prière le tuffeau a laissé son indélébile empreinte salée. Tout comme les larmes de Sophie jadis. Alors ce soir, il le sait qu’il peut faire soleil à minuit …

Achille vaincu par le vin

A jeté son encre

Et sa plume de rien.

 

EDIMOVITINECONE.

AU SUPPLICE À SAINT SULPICE…

Rembrandt. La leçon d’anatomie.

  

Avril, qui assoiffe les terres, est beau…

Le soleil tendre de ce printemps décuple les forces telluriques, la vigne exulte, avant que la souffrance ne la gagne et ne lui arrache le plus beau du coeur de son jus. Sur la route qui serpente entre les vignes, je roule vers le plateau calcaire de Saint Emilion. Et accompagne, d’une voix de fausset, le timbre beurre fondu d’une cantatrice, qui fait de l’habitacle de ma quatre roues de gomme, le plus confortable des boudoirs masculins. Là bas, tout au bout de ma route incertaine, les forces insoupçonnées qui masquent les destins me guident, mieux que le plus sophistiqué des GPS, vers Saint Sulpice de Faleyrens. M’y attendent de faux inconnus. Oui, les Voies de la Toile, elles aussi, sont impénétrables. Dieu, qui est humour, ne néglige pas ces couloirs virtuels reliant entre eux ces âmes solitaires à deux pattes frêles, qui se prennent pour les maîtres de la création mais qui ne savent pas, orgueilleux comme des paons aux plumages ternes, qu’ils ne gouvernent pas même le bout de leurs humeurs…

Au milieu de l’impasse perdue, impair et gagne, la porte au marteau léonin cache encore à mon regard inquiet, La Fleur et son Cardinal. On ne dira jamais assez combien les vibrations subtiles qui nous entourent, corps invisibles, sont plus puissantes que l’apparence de nos chairs. Aussi temporairement belles soient elles, nos viandes parées, quoiqu’exquises parfois, nous aveuglent, pièges charmants mais grossiers. Au fil des prisons temporelles qui nous abritent, incarnations après vies, nous nous croisons et recroisons. Nos âmes, que nous ignorons, se reconnaissent… elles. Le pas de la porte à peine franchi, la lumière qui éclaire les regards qui m’attendent, me parle sans qu’aucun mot soit dit. Ces deux vies qui s’aiment au-delà des épreuves, je les reconnais d’instinct. Pourquoi, comment, quand, où, je ne saurais dire, mais la certitude qu’ils sont d’anciens compagnons de misères et de joies, fulgure en moi comme un rai coruscant, pur, tranchant comme Chardonnay sur calcaire. Les consciences sourdes, que nous sommes tous trois, balbutient quelques pauvres mots émus. Mais les regards absents de nos vieilles âmes tribulantes, présentes comme nos egos ne le seront jamais, s’étreignent et chantent la joie muette des retrouvailles… Cent, mille mots ne pourraient l’exprimer.

Je suis chez eux, qui me disent en silence que je suis chez moi.

Le Cardinal Daniel doux sera mon guide, comme sans doute j’ai pu l’être, en d’anciens temps. La Fleur, immobile danseuse, belle de toutes ses rondeurs, a le regard noir des plus chatoyantes olives, le cil long et le sourire timide des bayadères caressantes.

Deux jours qui seront Éons…

Isabelle est un essaim d’abeilles*. Toujours en mouvement, elle paraît immobile. Elle écoute, participe, enrichit les échanges, tandis que ses mains, indépendantes, ne cessent de s’activer. Nourricières, elles volètent, concoctent, sans que rien n’y paraisse, plats légers, inventifs et multiples, qui enchantent les palais et charment les esprits. Elle a cette voix douce du corps et du coeur, que l’on écoute sans qu’elle ait à la forcer. Non, ne croyez pas que je flatte, c’est ainsi, simplement. Le Cardinal des Astéries a le regard des conquis, quand au soir d’un long jour le soleil s’attarde. Il a les mots taiseux des pudiques énamourés. Je les regarde vivre et me repais – comme un affamé devant la vitrine embuée d’une pâtisserie un petit matin d’hiver – de ces moments goûteux et charmants…

Toiser, Sériot, malgré son nom, ne sait. Il ne vous parle jamais tant que lorsqu’il se tait. Il a le regard tendre de ceux qui aiment vraiment le vin. Comme un Italien, le pain et les femmes, il aime aussi ! Etrangement me vient le souvenir flou d’un monastère ancien. Lui et moi y cheminons en prière au fil du déambulatoire, et croisons parfois une novice sous voile qui passe furtivement, à petits pas rapides. Nous ne levons pas les yeux, mais le bruissement de son habit et l’air parfumé qu’elle déplace à peine, nous touchent à coeur. Le temps d’un soupir, parfois, affleurent, venues du fond de l’oubli, de mystérieuses réminiscences…

À Larcis Ducasse, à Mangot, à Cassini, à Beauséjour, des Côtes à la Montagne, Daniel m’a emmené. En sortant de Ducasse j’étais loquace, à Mangot ce fut tango, de Cassini je fus épris, à Beauséjour c’était velours… Tranches de bonheurs viniques, différents, uniques, délirants. Attachants. Dents violettes et sourire noir. Nez chargé de fruits, lèvres salées de calcaire et coeur à la chamade. Sérieux comme un pape quand il déguste à la géologue, Le Cardinal des Astéries plonge une seule fois le nez dans le verre, roule quelques secondes trois gouttes de vin en bouche, recrache illico, lève un instant les yeux au ciel quand ils ne restent pas fixés sur le bout de sa chaussure. Puis d’une d’une voix forte et singulière qui n’appartient qu’à ces moment pénétrants, en quatre mots, il décortique, dissèque, analyse et prédit l’avenir du jus qu’il vient de palper du bout des papilles. « La leçon d’Anatomie » de Rembrandt appliquée à l’art de la dégustation ! Le bougre est impressionnant.

Le temps a passé comme une étoile filante dans le ciel ater d’une nuit d’été.

La table des gourmandises est apprêtée. Les verres luisent dans la mi-pénombre. Patricia, oeil de chat, sourire timide et Pierre Bernault, colosse paisible à la voix douce, ouvrent le bal. L’homme est un sourire, sur pattes hautes et large torse. Une gueule, belle, aussi. Chaleureux et taquin, tendre souvent. Yasmine, quatre ans d’ange, belle, ronde, entourée de Papa Sériot Fils et Maman Corne de Gazelle, fait une entrée triomphale, confiante comme une petite vie en herbe. Puis Marie-longue-Lyn se coule dans la pièce, bouquet court de roses multicolores à la main qui met la touche finale à la table. Les verres brillent maintenant comme arc-en-ciel pastel. C’est lumière douce. Elle est grande et souple La Lyn, comme un bambou au vent. Gracieuse, balancée, l’oeil qui rit la malice, elle tient par le « zoom » l’oeil numérique qui ne la quitte pas. Sur son corps –  la courtoisie me retient de me laisser aller… – les tissus, en couches légères, sont vivants. Et glissent sur ses épaules, qu’elle a fines, comme des soies vibrantes. Elle les remonte régulièrement d’un geste inconscient. Tous les mâles en bon état qui m’entourent, pensent en silence comme moi ! Très fort. En souriant bêtement… Sauf le Cardinal qui n’a d’yeux que pour sa Nonne ! Le bougre bafouille quand elle  farfouille déjà en cuisine. Cette presque femme (elle n’est pas encore mariée…) est une énigme. Elle « biloque » comme personne. Une vraie brigade en une seule femme… C’est un harem que le Cardinal épouse tantôt ! Entre la cuisine, le service, les conversations, jamais là et toujours présente, elle trouve encore le moyen de manger, de boire (et bien!) et de filmer scène et hôtes, à la manière d’un Lelouch en dentelles, valsant comme un Derviche. Bruno Delmas, long comme un jour sans (se)(v)in, de noir vêtu comme un sacristain, coupe de cheveux à la parachutiste, regard sérieux, se joint alors à l’équipage. En attendant que le dernier s’en vienne enfin boucler le dixtuor, le nonuor s’installe, prêt à jouer le concerto des mandibules en élixirs majeurs. Mais le voici-le-voilà, l’Arnaud Daudier, accompagné de son double De Cassini. Un regard bleu, délavé par les flux et reflux incessants de la vie, au centre duquel brille une pierre de malice, surmonte un grand sourire, doux et triste à la fois.

A peine est-il assis, que l’odyssée amoureuse de la fine cuisine, de la lymphe et du sang des vignes, commence…

Mais je suis à l’histoire ce que Jeanne Moreau est à la chanson, j’ai la mémoire qui flanche.  Les plats qui nous furent servis, délicats et subtils, se bousculent dans ma tête. Les tétons d’Aphrodite, en langoustine et supion sauce à l’orange télescopent les Saint Jacques à la citronnelle. Les fromages affinés se mêlent aux boules de melon à la crème de fleur d’oranger, tout aussi bien qu’au jambon en daube à vins multiples et fruits de mer décoquillés, aux fèves à l’ail et au caviar d’aubergines  aux anchois. Délices successifs, orgasmes gustatifs réitérés, secousses douces, corps en extase… ont peuplé ma brève nuit de rêves marins et de sirènes souples.

Comme une pluie qui brille à contrejour sur un ciel d’orage, les vins ont coulé dans les gorges offertes. Le bal des luettes fut somptueux. Francis Boulard n’était pas là, mais son « Petraea » a parlé pour lui. Un miracle d’équilibre entre le vineux du Pinot noir et la lame brute-minérale-affutée, adoucie en son milieu par une touche d’oxydation élégante, aussi justement fruitée que maîtrisée. Le foie gras en trio en a fondu de bonheur. Saint Jacques et citronnelle se sont roulés de plaisir sous la caresse élégante, l’équilibre d’école et la fraîcheur sans fin du Meursault Charmes2002 de la Maison Bouchard. Bien loin des jus du derrick, le ” Schlossberg 2009  d’Albert Mann nous l’a jouée, le jeunot, tout en retenue, sur la finesse, la mirabelle mûre et la belle acidité finale. Sous les tétons d’Aphrodite, langoustine et supion ont frétillé dans leur délicate sauce orangée. Sur le jambon mariné braisé, le caviar d’aubergines aux anchois et les fèves à l’ail, il fallait bien Larcis et son cousin Pavie Macquin, en 2004, pour tenir, haute, la note. Qui me dira que 2004 n’est pas des meilleurs n’est qu’un généraliste inculte et n’a pas dégusté les cousins sus-cités ! Larcis, épanoui comme l’odalisque de Manet, montre que vin bien fait vaut mieux que matronne opulente. Pavie, Hermès Trismégiste, au corps musclé dégraissé par les ans, n’est pas loin, ce n’est qu’affaire de goût. Brillat-Savarin et Saint Nectaire à point ont joliment jouté avec Branaire-Ducru 1995, Saint Julien plein, rond, aux tannins polis comme Jésuite charnu en chaire ! Puis vint la fin, l’ultime, le contre-ut des agapes. Imaginez dans la nuit qui s’étire, au sommet d’un long pied, la coupe fragile d’un verre, au creux duquel poudroient, sous la chantilly aérienne que parfume avec grâce l’amande et la fleur d’oranger, quelques billes de melon frappé. A dessert gracioso comme libellule au vent, il fallait une dentelle. Dans le millésime 1990, le SauternesTour Blanche” aux atours d’ambre et de calcite roulée eut la parfaite  élégance attendue. Il dansa au palais la farandole finale des fruits, de la crème et de la bigarade…

A ce moment de la soirée, les rires fusaient à feu continu, les femmes avaient aux joues les couleurs des roses de la table. Le Bernault qui n’est ni Bernin ni benêt, bernait La Lyn à coups de I-Phone malins. La sus-nommée, une main serrée sur le zoom et de l’autre relevant nerveusement un gilet rebelle qui cherchait régulièrement à s’enfuir, mitraillait à tout vat de la troisième – je voyais alors un peu triple – ses pauvres voisins de table, les verres vides, les pleins, les fleurs, les reliefs de repas, les miettes de pain, les couverts. Enfin parfois tout, et souvent rien, comme quoi tout est dans rien… et réciproquement ! Patricia riait, et ses yeux d’écureuil, agiles, couraient de visage en visage. Bruno, à l’arrêt, semblait en prière, visage figé et regard fixe. Arnaud le Double se fendait carrément la poire, son visage n’était que plis de joie, et on voyait comme un soleil couchant dans le lavis bleu de ses yeux. Face à face, Isabelle et Daniel, La Fleur et le Cardinal, regardaient, satisfaits et souriants, leurs convives électriques. Heureux ils étaient, de nous voir transportés. Certes, le Cardinal avait bien la joue rose et le sourire un tant soit peu béat, mais le regard tendre dont sa Nonnette l’enveloppait l’aidait à combattre la torpeur qui le gagnait. Elle, l’Isabelle, contemplait l’aréopage qu’elle avait réuni, d’un regard attendri.

Aux lèvres, l’ébauche de sourire d’une Lisa de Vinci

Bacchus était en nous, hilare, et secouait ses grappes comme un fou ses grelots.

Ah oui, j’oubliais ! Si j’avais été une femme guerrière, j’aurais aimé monter Cassini**

*anagramme.

** celle là, certes mauvaise, m’a gratouillé toute la soirée.

EMOÉTICOMUNEE.

VOYAGE AU BOUT DE LAFAURIE…

Nous aurions pu subir une leçon fastidieuse, assénée par un «Chartronné», compassé, docte et pontifiant…

Vous pourriez aussi penser qu’il va vous falloir passer au travers de mes vaticinations prétentieuses (pléonasme), réitérantes, abstruses, qui n’en finissent de vous agacer, alors que seul le pinard, dont au sujet duquel je suis censé enfin causer (aberrations syntaxiques multiples), n’en finit plus d’être sur le point d’arriver, alors que vous êtes pressés, parce que votre temps est aussi précieux que vous vous sentez indispensables, parce que la vie est courte (charmante Lapalissade), qu’il vous faut aller de l’avant pour ne pas reculer et risquer de vous faire empaler (enculer pour les puristes), qu’il vaut mieux agir que blablater, que vous êtes un de ces entrepreneurs dont dépend la survie de l’espèce, que les I-Phones clignotent autour de vous comme des putes surmaquillées, tandis que la batterie de votre I-Pad bat la chamade et que vos Blackberries sonnent l’hallali des coeurs meurtris. Parce quà cause de tout ça et du reste (expression bien utile), vous allez louper cette putain de grosse transaction juteuse qui vous fait, sinon rêver – parce que le rêve c’est pour les autres – mais bander dur. Oui tout ça, et autres certitudes et truismes inoxydables, propres aux esprits en phase avec ce temps particulier de l’évolution Humaine.

Quant à la Connerie, comme Dieu (qui forcément en est le père!), elle a toujours été, elle est franchement, et elle sera inexorablement, de toute Éternité.

Et bien non, cette fois, je serai efficace comme un comptable, descriptif comme un pro du BTP, froid comme un winemaker Lapon, je serai au service éclairé du vin. Comme un oenologue, entre autres Bordelais, je ferai  mon pro” qui est allé tâté la grappe au travers des brouillards automnaux, là-bas, au bout des ceps de Lafaurie, dans un voyage au fil de la rivière…

Eh bien oui, en cette sinistre veille de Toussaint, sous les rideaux compacts d’une pluie froide qui vernissait la ville, Eric LARRAMONA (ça ne s’invente pas un nom pareil…), le sourire aux yeux, « décontrasté » et immédiatement amical bien que Directeur Général de LAFAURIE-PEYRAGUEY, nous a rejoints au Couvent des Recollets, siège « ordinaire » des dégustations orchestrées par le club AOC dont j’ai l’insigne malheur d’être le scribe très besogneux.

Lafaurie-Peyraguey, 1er Cru, est l’une des valeurs confirmées de l’Appellation Sauternes, 40 ha de vignes disséminées. Une surface moyenne dans la région Bordelaise. Le château, à la confluence de la Garonne et du Ciron subit les assauts des brouillards matinaux dès l’automne venu, lesquels conjugués à la puissance solaire de la journée permet au champignon magique de faire son grand-oeuvre. Botrytis cinerea, car c’est de lui qu’il s’agit, fond alors sur les Sémillons, Sauvignons et Muscatelles bien mûrs, concentrant les grains fragiles en agglomérats flétris et poussiéreux.

Souvent la grâce nait de l’infâme….

OUF, c’est fait!!!

Un gros effort pour moi, que celui de donner dans le dépliant technico-touristique. Vous dire aussi, et enfin, que les terres du Seigneur de Peyraguey descendent, depuis mille six cent et des…. en trois niveaux successifs de graves pyrénéennes, du Château vers les eaux. Que celui qui n’a pas compris s’en aille fûreter du côté de : http://www.lafaurie-peyraguey.com/

LES VINS :

2007 : Il a quitté, à regret, le ventre rebondi de sa barrique de mère, aspiré par une pipette indiscrète pour venir jusqu’à nous….Il aura fallu soixante vendangeurs et sept tries, pour enfanter ce millésime. Dur travail, qui ne donne, au bout du rang, qu’un panier de grappes ridées!!! L’or pâle colore à peine les joues de ce foetus anémié, qui pleure des larmes grasses sur les parois du verre. Le futur nouveau né est fermé et ne livre que quelques fragrances fermentaires, puis des notes de fruits jaunes, de raisin, sec et frais tout à la fois. Du nez à la bouche et l’affaire est tout autre. L’espoir d’un vin apparaît, le sucre est frais, parfumé à l’ananas, mentholé un peu, épicé d’une légère verveine. Le bois transparaît en finale, le rôti aussi.

2002 : La robe de ce « sous-estimé » est brillante, son or est moyen. Toujours cette fraîcheur au nez (le Botrytis concentre les sucres certes, mais l’acidité tout autant). L’écorce d’amande grillée, le Corinthe fin, s’élèvent en d’invisibles fumerolles. La bouche est droite, minérale, tendue, à peine adoucie par les rondeurs bien mûres de l’abricot juteux (encore l’abricot…) et des fruits exotiques. Comme une volupté de jouvencelle… Un régal en l’état.

2003 : L’ambre est dans le verre et le vert est dans l’ambre. Quelle liqueur! De longues jambes fuselées glissent paresseusement sur les parois, pour se fondre, dans un ralenti glycérolé, au disque rebondi… qui peine à épouser le calice. C’est une soie tendre qui emplit la bouche, qui frôle le palais en vagues réglissées. Ca explose, lave douce de noble botrytis, de tendre purée d’abricot, de fruits confits, de pain d’épices. Comme une chaude fraîcheur opulente et safranée qui n’en finit plus… La pierre pour conclure, très longtemps après.

2001 : Voici de l’or franc rehaussé de vert tendre pour la robe de ce millésime copieusement encensé. Ce soir la Diva est boudeuse, elle n’est pas prête à pousser son grand air. Elle minaude, la star capricieuse, et jette à peine, au nez de ses adorateurs transis, quelques notes de mandarine confite, de propolis timide, et de réglisse retenue. Une pincée de poivre blanc, comme une grimace gracieuse. En bouche, agacée par les bruits grossiers des rétro-olfacteurs maladroits que nous sommes, elle donne la leçon! Sa voix élégante, fine, tendue, nous enseigne la race et l’équilibre, en quelques notes fruités et fumées. Tout y est, mine de rien. Le café frais et la pierre brute sur le contre ut final…

1997 : Une pure lumière d’ambre jaune-vert, brillante et limpide. Telle, est teinte, la robe somptueuse de ce vin impressionnant. La puissance et la grâce réunies. Des notes pétrolées fugaces puis une verveine digne d’une vieille Chartreuse, de la figue sèche, du fumé grillé, de la… des… encore, ça n’en finit plus d’exhaler, je n’y arrive plus. Grasse, douce, puissante, soyeuse, fondue, toute en épices, en écorce d’orange confite, et voilà pour la bouche de ce grand vin. La finale, interminable, délivre de nobles amers frais.

1990 : L’âge de la majorité chez l’homme, du sortir des langes pour Lafaurie!!! La couleur de la robe rappelle les « facéties » du bébé : ambre orangé qu’égaie une lueur vert-bronze. Le nez ne se donne pas d’emblée, il faut l’attendre et l’aérer longtemps, l’oublier et le reprendre. Quant enfin il daigne, c’est à la rigueur toute minérale qu’il nous convie d’abord. Puis il s’adoucit, se civilise. Des notes épicées, fumées, fruitées, de menthe poivrée, d’agrumes, d’encaustique jaillissent du verre. La bouche est charnue, d’une grande finesse, toute de botrytis noble, de caramel au lait, et d’épices.

1959 : La robe de ce quinquagénaire est d’ambre et de ténèbre. Sous la lumière, des lueurs orangées et or l’éclairent. C’est la fleur d’acacia qui ouvre le bal, royal, de ce vieux vin ingambe. Lui succèdent le tabac – Virginie et Cuba pour une fois réunis – la réglisse anisée, l’orangette, la peau de noix fraîche… En bouche, le tertiaire pointe le bout de son âge, le cuir aussi s’acoquine. La matière est profonde, bien jeune encore, toute d’agrumes croquants et de fruits blancs frais. La finale est d’une belle amertume crissante, qui laisse en bouche comme une poussière de tanins.

Il pleut toujours et encore au dehors… «Il pleut sur Nantes, donne moi la main, le ciel de Nantes rend mon coeur chagrin…». Et moi, suis en vrac, à Cognac.

 

EBOMOTRYTITICOSÉENE.

TOUS EN CÈNE…

 Simon Ushakov. La Cène. 

  

Vingt et une heures.

Diné sur le pouce. Douche. Pyjama en calicot mercerisé. Il fait frais. Petite laine. Comme chez soi. Téléphone!!!!!

Non, non, rassurez vous, Marguerite Duras est bien morte.

«P….n, qu’est-ce tu fous??? Onnnn t’aaaattennnnd depuis un moment!!! Écoute…»

A l’autre bout de la ville, le sans-fil – je parle du téléphone magique, ordinairement appelé portable – tente de capter sans succès les hurlements de la troupe. Le geste qui aurait du tuer, me fait sourire. Dans ma tête, une question incongrue est passée à toute vitesse, comme un écureuil le long d’un tronc. Va-t-il chier avec son zigouigoui coincé dans le calbar, comme Clavier dans les «Bronzés»!!!???

Silence stupéfait de mon côté. Alzy * a encore frappé… Je tourne et me retourne dans mon calicot. Bennnn… Un petit contre-temps les gars, mais je mets les gaz et j’arrive illico. Gros menteur me dis-je en parallèle!!! T’as oublié c’est tout. Même pas cap de le dire. Houuuuu, la grosse honte!!!

La grosse tablée des voyous ordinaires m’accueille.

Des sourires et des vannes.

Le Grand est là, les bras ouverts, accueillant. «Tata Anne», autrement affublée par mézigue d’un charmant «La Dédée», me fait des yeux qui rient et un sourire qui fait la gueule. Laurent, Charentais de cœur et réincarnation de Sardanapale le fier Assyrien, pelote ses foies gras avant de nous les servir. le Caviste fou, croisement malheureux entre une étoile du Bolchoï et un Bouledogue qui se serait fait refaire la gueule, efflanqué mais moins qu’avant…, ricane. Loulou, la Mongole décalée de l’Extérieur, est aphone ce soir, et sa voix flutée peine à percer. Édouard, le hussard au long sabre, rêve d’enfourcher la cavale. La Jeanne épanouie, et dont aucune ligne droite ne vient affadir la silhouette, est heureuse d’être là. Le Patrice est splendide comme à son habitude. Les quinquets allumés, la moustache en crocs soigneusement apprêtée, et les magrets avantageux. Voilà, le tour de table est fait, je retombe sur le Grand. Il a l’air heureux, frétillant, l’âme élégante et le cœur généreux. Rien que de très usuel chez lui. Je le regarde à la dérobée. Il vibrionne. Il savoure à l’avance, les bonheurs que sa générosité coutumière va dérouler, tout au long de ce moment d’amitié.

Nous régaler, il veut.

   

Magnanimes, nous sommes prêts. Le bonheur de donner, souvent, surpasse celui de recevoir.

La mise en palais se fait sur un Champagne Grand Cru Chardonnay J. Pernet qui déroule sous les nez silencieux, ses arômes fleuris, sa brioche chaude, son miel et ses fruits jaunes. Grand contraste avec la bouche, longue droite, toute d’agrumes et de craie.

Tous s’enfilent ensuite autour de la table ovale. L’orange et le rouge des assiettes égaient la nappe, et annoncent aux convives les couleurs saturées que prendront leurs visages, plus tard, au terme de la nuit joyeuse.

Les foies gras mi-cuits, découpés en tranches épaisses, nature pour les uns, piqué de cerises pour les suivants, apparaissent.

Un Cahors Montpezat 1990 roule dans les verres. Les nez plongent. Mieux vaut avoir un verre sous le nez que l’avoir «inside», me dis-je, fier de ma lucidité, aussi conne-branchée que temporaire. La robe est sombre, évoluée, quelques lueurs violettes persistent. Le nez envoie du zan, des épices et du chocolat. Damned, ça s’effondre en bouche, c’est petit, étriqué. Ad patrem!!!

Lui succède un Cahors Cessac Harmony 2004. Fruits et bois au nez. Belle matière charnue, confiture de prunes et fruits noirs. Frais, épicé, un poil rustique. Un bon Malbec consensuel qui ne me bouleverse pas pour autant.

Puis la Bourgogne s’installe à table. Le Stéphane, l’air faussement détaché, pose au milieu de la troupe, un Drouhin Puligny-Montrachet Premier cru 2001. Le bouchon est vierge… Étrange. Pas dans l’habitude de la maison…L’animal minaude dix bonnes minutes, avant de s’entrouvrir pour lâcher un joli pet citronné, façon des Îles. Puis replonge, et ne donne rien d’autre. Bof, rien de bien enthousiasmant, ça ne semble pas très complexe. La bouche est un peu maigrichonne aussi. Mettre le verre à gauche, et voir plus tard. Ah ben ouiiii. Quand j’y reviens c’est d’un autre voyage qu’il s’agit. Une autre dimension. Fleurs et fruits au nez, finesse et distinction. Tout est intimement mêlé… Mais c’est en bouche que la transformation touche au spectaculaire. A vrai dire, ça me troue… C’est comme dab en fait. Des certitudes et jugements trop rapides. Ne pas se prendre pour ce que je ne suis pas me dis-je… Humilité et profil bas, don’t forget et en toutes circonstances. Détendu qu’il s’est le Puligny, alangui, étalé, déplié. Y’a du vin dans la bouche. Et ça fait le beau. Et ça roule. Et ça gonfle. D’la belle came qui bedonne en bouche – citron confit frais… – onctueuse, fine, qui danse avec la glotte. Les épices apparues rehaussent la matière. Quelque chose de la turgescence vinique s’installe. J’oxygène encore et plus, et ça monte, et ça s’épanouit. Le vin étriqué s’est mué en vin à…. Il n’arrête plus d’enfler. Un vin de folots et autre génies. Posé sur le coin de la table de nuit, il aurait réveillé le Président Lebrun!!! Merci Monseigneur!!! Nous, on est d’accord avec toi!!! Toujours!!! Il t’en reste???

Le suivant à l’atterrissage devrait avoir de la voilure car c’est d’un Drouhin Puligny-Montrachet «Les Folatières» 2005 qu’il s’agit. Une millésime de grande réputation, un climat de près de 18 ha, conséquent donc pour la région. Versé, et mis à gauche aussitôt. Encore une fois, l’air et le temps vont aider à extraire l’esprit de la matière. Ça papote un peu, ça jacasse en périphérie. Tata veille au grain et au gratin. La Loulou muette sourit. Tiens j’ai le tympan gauche qui vibre. Non, non, le Caviste ne ronfle pas, il rétrolfacte comme un dogue en boule dans son panier. Le Patrice, les crocs de la moustache tendus à embrocher tout ce qui passe, se délecte, l’œil vague et le sourire extatique. Il faut dire que les vins ont fait leur effet, les yeux brillent comme des lucioles sous ectasy. La Jeanneton, le regard perdu au plafond, est aux anges, manifestement comblée. Ça va léviter sous peu. Juste à ma gauche, le hussard est prolixe et tout à la fois marmonne, le nez au fond du verre. Il lui arrive même de se répondre à voix basse. Le Grand embrasse la scène – la cène ??? – d’un regard énamouré et se nourrit en silence de nos présences. Il aime que l’on aime «sa» Bourgogne, qu’elle nous cause au creux des papilles, et adoucisse les visages marqués par les tracas du monde.

Mesdames, ce soir la crème de nuit est Bourguignonne!!!

Le vin s’est détendu lui aussi, et brille de tout son jaune chrysocale. J’y descends les yeux fermés. Non, je ne vous ferai pas le coup de la noisette grillée du Puligny des familles. Je lutte contre les clichés que ma mémoire propose, et m’ouvre au vin. Le silence s’installe, les conversations s’estompent, j’entre en conversation intime. Ça fleure bon l’acacia en fleur, le citron frais, la gelée de coing, le beurre frais. Quelques notes miellées aussi. La menthe enfin. Mais par dessus tout, le pamplemousse juteux domine, et fédère les arômes qu’il affine. C’est bien le mot, la finesse, qui résume le mieux le nez de ce vin. Droite, rectiligne, tendue, presque tranchante en bouche, la matière tout en retenue ne se livre qu’à peine. Seul le temps, le vrai, celui des caves aussi fraîches qu’obscures, le délivrera de ses crispations de jeunesse, lorsque au terme de ses rêves, il se déploiera.

Puis vient le temps du mystère – je parlais de la cène il ya peu… – qui se tient là, debout, sous le verre poussièreux d’une bouteile nue. Ni collerette, ni étiquette, ni falbalas. Le Stéphane boit du petit lait. Il se retient de nous aider, jubile et a du mal à se taire. Le jus sans nom remplit les verres. La robe est sombre. Sous la lumière artificielle, le verre levé à bout de bras dévoile un coeur brillant, pur rubis, rouge du sang d’une vigne encore inconnue. Un instant l’assemblée se fige. Sous les corsages, les kiwis, les poires, les pommes, les melons se tendent, et pointent le bout de leurs courtes queues agacées par l’angoisse. Sous le tissu des mâles, les prépuces se rétractent… S’agit pas d’avoir l’air c.. !!! C’est à chaque fois la même chose à l’aveugle. Les Egos s’inquiètent et se toisent, se dressent sur leurs ergos! Quelque chose d’un peu sauvage plane. Du fin fond des âges… Dans le verre aussi, subrepticement. Puis le vin se déchaine, et envoie grave. Des fruits rouges – ça mange pas de pain – en entrée, histoire de se mettre en nez, et surtout en confiance. Puis en rafales, de la mûre et du cassis, qui tournent très vite en confiture, de la réglisse, brute de bâton, du cuir, des épices et du poivre. La deuxième vague, un peu plus tard, révèle la cerise, un grain de framboise, une volute de tabac brun. Pas mal!!! Pas un village, un grand premier sans doute ou un grand cru. Morey me tente. Mille neuf cent quatre vingt dix neuf? J’annonce… Bingo pour le millésime, tiers de oui pour Morey. La matière est puissante, encore ferme, mûre. Elle roule et ravit la bouche, qu’elle marque de ses tannins soyeux et élégants. Les tensions ne résistent pas aux charmes du vin, qui Chambolle n’est pourtant pas. La basse cour caquète à nouveau. On dit et redit. On périphrase, on tourne en rond. Je me perds dans la réglisse épicée et la poudre de soie de la finale, dont la virilité ne me quitte pas. Tout au bout de sa persistance, comme un clin d’oeil jardinier, une pivoine dépose un grain de sucre parfumé sur ma langue pâmée. Stéphane, presque désolé annonce : Drouhin Bonnes-Mares 1999.

Silence.

Bien plus tard les millésimes 68 première mise, 68 deuxième mise, 69, 71,76, 77, 78, Cognacs de la Maison Prunier…Pas goûtés, pouvais plus. Le tenter eut été indigne de ces très beaux alcools. Mon nez, seulement, a survolé les verres. Tous différents, pourtant issu du même cépage. Le 68 première mise m’a enchanté. Pâte d’amande, fleurs, fruits confits, de mémoire…Une autre fois et sérieusement….

Ah, j’allais oublier. Façon de parler en fait. Je me la gardais pour la bonne bouche. La fraîcheur spontanée de Claire, l’une des «grandes» filles de la maison. Son regard espiègle qui tournait sur ce ramassis de vieux pochetrons! Encore que…

Un Bonnes-Mares-Puligny-carrément-Montrachet à elle toute seule.

 * Alzheimer enfant… 
 
 
 

 EPLUSMOTRESTICLAIRECONE.