C’T’APRÈM, GINETTE LA GARCE VA CHEZ L’GYNÉCO …

Krishnamurti Costa. Ginette ?

Oui, ça y’est, j’en ai marre de faire ma choute sous la plume chipoteuse de cet enfoiré de Littinéraires Viniques ( ta mère comme d’aucuns, à juste litre, se moquent ) ? Allez c’est bon, je jette bas le masque, j’fais plus mon mirliflore (un mot à la con, ma dernière concession – c’est aussi bien que Wine session – , à cette plume aussi poseuse qu’acariâtre, avec ses anacoturluttes à la mords moi l’mont ). Et me voici comment que j’suis en vrai, à poils et à varices, en bas de contention troués, sous mon peignoir râpé qu’était rose avant d’tourner crade, et qui ferme pus et qu’on voit mon cul à faire un pique-nique en famille, tellement qu’il est élimé (mon peignoir pas mon cul, lui y s’rait plus souvent limé que j’dirais rien), prête à larguer mes rotoplos sur le zinc. Sauf que mon kil de rouquin je m’le dézinguerai c’soir, vu que c’t’aprèm j’ai gynéco !

Alors c’en est fini des romances à trois balles, des histoires à faire loucher mon chat, des phrases, « absconses » qu’y disent, et des chichis à la con. J’m’en vais vous causer d’la vie, d’la vraie, d’celle qui sent la rillette le dimanche et l’pâté la semaine. D’mon tous les jours quoi, d’ma vie de pov vieille garce qui s’emmerde plus qu’elle baise. Passe qu’à part l’Gustave qui m’farcit l’entre deux quand il est pas trop bourré (L’Gustave, pas ma fente), c’est à dire pas bien souvent, j’vous jure que j’me fais bien chier entre la table de cuisine et l’pot d’géranium !

Bon, ben aujord’hui c’est spécial, j’le vois tous les dix ans mon Indiana Jones du spéculum. J’aime pas trop ce genre de spéléo, sont trop froids ses bazars, ses fourchettes à huîtres flagadas, et c’te casque à lumière, ça m’rétrécit la rigole. Moi j’préfère quand ça m’chauffe et qu’ça m’fait monter l’eau au ras du lavabo, c’est meilleur pour la fête à minette. Quand qu’c’est comme ça, fini Ginette la Garce, là j’tourne direc Ginette la salope, pas genre chouchou coincée sur le dos qui bouge pas en comptant les mouches au plafond. Ah, non !!! C’est pas tous les jours qu’ça défouraille, alors le petit chauve, j’te le soigne, j’te le travaille à mort, faut qu’y m’donne tout, vu qu’moi, j’y vais à fond. C’est que j’suis vieille et moche, une ruinasse ! Alors j’compense par d’l’activité, j’arrête pas d’bouger, d’tourner comme une toupie molle sus l’dard du gars. A l’rendre aveugle. Et lui y m’dit après, putain t’es une sacrée toi, tu t’y connais dans les agaceries. T’es une gigoteuse ! Faut t’trouver la grotte sous l’gras, mais quand qu’on y est, ça souque à mort ! T’es la reine d’la barre à mine qu’y m’disent. Kerzauson, à côté d’toi, c’est rien qu’un manchot. Moi j’aime ça m’flatte. Dommage qu’y m’donnent pas un bouquet d’fleurs après.

J’aime les roses …

Les belles, les Ronsard, celles du jardin des autres, passe que moi, j’en ai pas d’jardin, j’ai qu’mes pots d’géranium. Sont beaux, j’les arrose. Sauf que l’chat, l’aime pisser d’ssus. Alors j’le zieute ce fumier, j’te l’chope, et j’y arrache une touffe pour qu’il oublie pas qu’y peut pas. C’est pour ça qu’il est tout brindzingue mon Youki, oui, j’l’appelle comme ça. On dirait un tapis plein d’trous. Ouais bon, c’est un nom d’chien, mais j’m’en fous, c’est Youki, et c’est tout !!! Toutes façons ça lui plait, vu qu’y m’a jamais rien dit.

Bon ben c’est pas tout ça, mais faut que je m’prépare. Ben ouais c’est grande toilette. C’est pas la langue de Youki, par-ci par-là qui ? C’est bon quand j’sors pas, et j’sors jamais, sauf pour les courses, mais j’m’en fout. Mais là, y’a du décavage à faire un peu partout, passe que, quand j’écarte devant l’toubib, j’aime pas quand ça craque. Deux trois brocs d’eau dans mon tub, une brosse d’chiendent, un pavé d’savon d’marseille, et j’me frotte dur la couenne. L’eau noircit vite, la crasse dégouline et ça sent la moule à l’ail dans ma turne. Youki, y s’barre sous la commode, il aime pas les éclaboussures et y s’lèche la toison en faisant des mines d’duchesse. ! Ouais faut que j’vous dise que dans ma baraque, y’a pus l’eau courante, et qu’c’est moi qui crapahute dans la cour pour remplir mes bassines. Y z’ont fini par m’la couper l’eau, vu que j’ouvre jamais l’courrier et que j’paye pas. C’est qu’j’ai pas trop d’sous. Ils z’osent pas me virer passe que j’suis trop vieille … Et y veulent pas d’histoire avec l’quartier, mon quartier que j’suis la reine depuis toujours. Enfin j’l’étais quand qu’j’étais jeune et qu’mes oestrogènes y’faisaient baver tous les matous du coin. J’en ai connu des bourgeois ! Y z’ont pas oublié les secousses que j’leur ai filées. Y’me protègent depuis ! Maintenant, j’suis la vieille duchesse de mes deux, increvable et intouchable. Moi ça m’va. Le boucher y m’file un peu de barbaque, l’épicier, des vieux légumes, des fruits pas trop pourris et j’me régale. Même Youki, il a droit à sa ration d’mou mou un peu puant. Mais lui, y s’en fout, il aime quand ça pue. Sinon y pourrait pas m’approcher, sauter sur mes genoux et ronronner comme une bouilloire, pendant que j’sirote mon verre avec des croûtes de frometon. J’aime bien les rogatons d’fromage, c’est le meilleur qu’a du goût. Alors l’épicier, y m’gâte, ça lui coûte rien, ça , et moi j’m’en fous plein la lampe …

Y’a pas grand monde dans la salle d’attente. Que d’la vieille bourge qu’a ses habitudes, qui vient s’faire reluquer chez tonton Gaston. Il les suit depuis leurs premières saillies, y connaît la musique. Quand j’entre, elle reculent dans l’fond d’la salle, les vieilles peaux. Elles savent bien que j’leur ai fait leur fête à leurs vieux gars, dans l’temps. Elle m’lont jamais pardonné ces coincées d’la ducasse à popaul, ces vieilles molles toutes raides, qui savent pas chalouper en cadence pour faire grimper leurs notaires aux rideaux ! Y s’fait vieux l’Gaston, l’est plus trop à la pointe, mais pour s’faire explorer les tubulures, ça suffit bien. C’t’un gynéco à l’ancienne, y travaille avec ses doigts et sa lampe de mineur. Y farfouille là-d’dans, y va vite fait au fond des choses, y ramasse un peu, y regarde si l’jus est encore bon. Y parle pas, moi ça m’va. Pis y m’fait pas payer. Une p’tite gâterie en douce, à genoux sous l’bureau, il aime, ça passe mieux quand y’a plus de dents, ça l’rassure, vu que j’tremble un chouïa quand même. Mais à chaque fois qu’j’lui enchante la flûte, il est tout drôle, y bafouille, ça m’fait peur. A la main y résiste mieux, mais y préfère ma bouche, y dit qu’c’est comme avec un steak chaud. Moi j’m’en fout du moment qu’la consult est gratos, j’veux bien lui faire avec les pieds. Les vioques toutes ratatinées sur leur siège, elle font des moues d’chihuahua, elles serrent leurs pifs tout crémeux et balancent des « pfffiiooouuu » toutes les cinq minutes. Pourtant j’m’ai lavé, merde ! C’est p’t’être mes loques, j’ai remis les mêmes. Ouais j’fais comme ça, j’change toutes les s’maines, je replie bien tout et j’remets dans l’armoire. Passé trois s’maines, j’lave dans mon tub avec l’eau d’ma toilette, un doigt de Paic et deux gouttes d’javel. C’est bien la javel, ça neutralise, sauf qu’ma serviette, j’ai beau l’arroser, elle reste grise et collante. J’fais comme ça, ça m’va, mais là, y’a qu’deux semaines, alors ça schlingue un peu. Pourtant j’ai fait ma Marie Antoinette, j’ai bien poudré et j’ai mis du qui sent bon qu’jai chouré à Monoprix. Mais bon les chochottes elles aiment bien m’emmerder comme ça, mine de rien ; elles la ramènent pas, vu que j’te les reclaque vite fait. Elles deviennent rouges comme des dindes à Noël, elles s’étouffent à moitié, mais elles trouvent rien à répondre, elles mouftent pas, deux trois p’tits cris aigus, et elles s’barrent en serrant leurs gros culs d’gravosses. Tout dans les fringues, rien dans la gueule. Alors pour moi, c’est d’la crème au beurre ces putes honnêtes qui font leurs fières.

J’aime bien la mode, ça m’rappelle quand j’étais luronne, ronde de partout, mais du ferme qu’avait pas peur de Newton. J’avais les lolos les plus fiers du quartier, y regardaient la lune, bien ronds avec d’belles tétines roses. Maintenant, sont plutôt raplaplas, Newton, il a fini par les avoir. Y’a rien d’plus triste que des bonbonnes vides qui t’regardent les genoux …

Salut Ginette, y’m’dit, l’roi d’la foufoune. Pis y s’tait, y laisse faire ses doigts. Y change de gants toutes les trois moules, ça lui fait des économies. Comme ça, y sont bien huilés et j’sens presque rien. Moi d’en haut, j’vois qu’son crâne tout nu, on dirait la pleine lune tellement qu’il est blanc et plein d’cratères. J’suis bien, ça m’chatouille un peu, c’est toujours ça d’pris ! Gaston, y ramasse un peu d’purée, y r’garde, pis y’m’dit, c’est bon, c’est pas pire qu’l’année dernière. La prochaine fois, tu t’laveras un peu mieux, passe que là, y’a des croûtes qui restent, ça m’gène pour rentrer. P…… ! L’enfoiré, j’ai tellement râclé qu’j’avais l’panthéon plus rouge qu’un cul d’babouin. Faudra que j’m’asseye une heure dans l’eau chaude avant de m’récurer la bête, le temps qu’ça fonde ou quoi ? Et qui c’est qui va devoir gratter l’tub à la pierre ponce, après ? Pis Pilate y’s’lave les mains deux fois, pendant que j’manque m’assommer en filant sous l’burlingue. J’lui fais son affaire vite fait, j’avale tout. C’est que j’becte pas d’la protéine tous les jours, alors je m’gave.

Et dire qu’si c’était Strauss Khan, j’serais riche à dollars !

La nuit tombe, plus noire que l’trou du cul d’mon taré d’Ursule quand qu’il était encore vivant. Maint’nant il est mort l’pauv, ça fait vingt ans. Un soir, il est rentré pas tout seul, avec une sacrée muflée dans l’musette. Y pouvait pus parler tellement qu’il était plein. Il a crevé la nuit, y s’est étouffé dans son vomi. Le salaud, y m’a bien fait chier jusqu’au bout, y m’a pourri les draps. Et qui c’est qu’a dû frotter tout l’tintoin? La Ginette, comme d’hab ! Il aimait ça la bibine, y buvait qu’du bon, sauf au bistro où qu’il éclusait du pichtegorne, vu qu’il était plus radin qu’un riche. Oh, on l’était pas pauv, l’Ursule l’avait d’la monnaie qui lui v’nait d’ses vieux. On aurait pu s’la couler douce mais c’putain d’pingre, y lâchait pas sa thune facile. Enfin, ça allait quand même, et y partageait son pinard avec moi. Du bon, du en bouteille, avec des belles étiquettes en couleurs. Y m’en reste plein. C’est qu’l’Ursule, l’avait une tite bite paresseuse, mais une grosse cave.

Alors ce soir, j’vas m’en claquer une, à sa santé !

Une tite jeune, qu’il avait rentrée juste avant d’clam’cer. J’vois pus très bien et l’étiquette a presque fondu, c’est qu’la cave, elle est plus humide que moi dans l’temps. Ah ouais, RomaSaint Viv1990 de chez Dro..in ? Bof, j’m’en fout. Du moment qu’c’est rouge et qu’ça glisse bien … Ben faut vous dire que l’soir, quand j’dépucelle une tite fiole, j’aime bien me coincer dans mon fauteuil en rotin, çui d’Emannuelle à poil dedans, avec Youki qui gratte sur mes gambilles ; enfin maint’nant c’est plutôt genre gros poireaux  tous plein d’poils mes gambettes, mais bon. Y gratte, y gratte le minet, l’est nerveux, y’a plein d’copeaux qui tombent quand j’enlève mes bas, avec d’grandes traces blanches sur ma vieille peau sèche. C’est toujours ça d’propre qu’a pas mangé d’savon, j’me dis. Donc, mon fauteuil, Youki la brosse, et du Chopin. Je m’sors un vieux disque d’sa pochette à moitié déchirée et je m’le colle sur mon Teppaz. Ouais, ouais, j’sais bien, c’est pas du gâteau, genre France Musique, ou genre, la chaîne à 20.000 balles, mais ça m’suffit et j’emmerde les noeuds pap !

Y’a que l’verre d’l’Ursule que j’lave toujours, jusqu’à qu’y soit beau et transparent. Ç’t’un truc qui m’est resté d’lui. Faut qu’c’soit propre qu’y disait, et qu’ça sente rien. Dans l’verre, houa, c’est beau c’te pierre précieuse toute brillante qu’on dirait un rubis. Je pose mon nez d’ssus l’bord, enfin la moitié, vu qu’mon nez c’est comme qui dirait une vieille courgette trop mûre. J’ferme les yeux. Et j’cours dans l’jardin d’mon grand père où qu’y avait plein d’fruits que j’croquais, en juin, planquée dans un coin. Mais quand y m’voyait ma bouche toute rouge, y disait rien l’Gédéon, y souriait dans s’grosse moustache blanche, avec du jaune d’la Gauloise qui pendait sur l’côté. Ça sent bon, trop bon, que j’pleure un peu dis donc ! Ouais c’est que l’vin, quand il est grand, ça m’fait ça, et y’a pus qu’ça qui me l’fait. On dirait même que j’sens la cerise qui croque sous mes chicots. C’est marrant comme rien qu’l’odeur, ça m’ravigote ! J’ai l’coeur qui sourit, et l’Youki aussi, on dirait presque. Dans la bouche, ça m’fait comme un miracle, comme si Sainte Thérèse elle m’embrassait. C’est du jus du bon Dieu, c’vin là, y devraient en boire plus souvent à l’messe les curés, y s’raient moins cons. Plutôt qu’à nous faire peur et à s’taper les enfants d’coeur. C’est que j’le sais moi, y’en a un qui m’la dit. Suis allé l’voir l’curé, j’y ai dit, si t’as l’battant trop dur sur la cloche, viens m’voir et laisse l’gamin tranquille ! L’a rien dit. Bon ben l’jus, il est caressant, l’a pas l’air comme ça, mais il est costaud, y t’remplit la bouche, mais tout fin, tout gracieux aussi. Avec une grosse pâte d’cassis avec du suc dessus qui m’fait des frétillements dans m’bouche et des frissons sous m’jupon (c’est rien qu’pour dire, passe que des jupons j’en mets pas). J’l’avale, même plus qu’un verre, et l’vin est toujours là, y quitte pas ma bouche, même quand j’l’ai bu.

Longtemps, longtemps…

Pis je m’suis endormie, au chaud dans ma sueur et mon p’tit bonheur, avec Youki qui roupille aussi et la bouteille vide posée à côté du fauteuil. Et Chopin qui tourne à vide toute la nuit.

Quand je m’réveille, l’Teppaz y fait, cratch, cratch, cratch …

Comme moi quand je m’gratte.

EMOMORTTIAUXCONES.