Littinéraires viniques

DE CALIFORNIE EN CASTILLON, IL COURT, IL COURT, L’HOMME DE RENOM…

Stéphane Derenoncourt. 26 Août 2011.

Deux grandes rides descendent de chaque côté de ses yeux de mer. Profondes comme des cicatrices, elles disent que son combat n’a pas toujours été facile en Bordelais. Avant que les batailles de la reconnaissance ne s’apaisent et qu’il puisse prendre racine et se poser, comme un « A » majuscule en Castillon, il lui a fallu trimer, et faire ses preuves, pour être reconnu comme l’un des plus grands vigneronsconsultants de la planète. D’entrée, sans être fermé pour autant, le visage est viril et impressionne. L’œil bleu turquin ne livre rien mais regarde droit. Une force tranquille, en attente des premiers gestes, des premiers mots, de ceux qui le visitent. Quelques phrases, quelques souvenirs, les atomes crochent. Et le visage s’éclaire quand les yeux cérulent, quand au bas du visage, un sourire venu de l’enfance gomme les traces profondes des joutes âpres d’avant Castillon, et souligne les ridules, déposées par quelque oie maligne, au coin des paupières. Transfiguration… Quand l’enfant transparaît pour adoucir le visage de l’homme, c’est qu’il – l’enfant – n’est pas mort. Tandis que nous nous dirigions vers le chai, n’a t-il pas lâché, « Je sais d’où je viens, je n’ai pas oublié ».

C’est qu’il est descendu, de BrayDunes, petite ville de pêcheurs à la frontière Franco-Belge, jusqu’aux plus prestigieux châteaux (rive-droite comme rive-gauche et satellites) Bordelais, après une scolarité brève (que d’aucuns disent tumultueuse, « l’ado » n’était pas un agneau de pré-salé !!!). Porté par une sacré volonté, doublée d’une ambition porteuse et d’un travail acharné, Stéphane le rêveur est devenu «DerenoncourtConsultants», qui accompagne et conseille près d’une centaine de propriétés … De Coppola à Bangalore. Au début des années 80, sac au dos et guitare en bandoulière, il musarde vers le sud, attiré par le soleil Marocain, s’arrête en bordelais, et se met à travailler aux lambrusques pour survivre… Autodidacte donc, qui a bourlingué à la vigne et au chai, l’homme s’est forgé de solides et multiples expériences, riches de toutes les galères endurées.

Bordeaux n’est pas «ville ouverte»…!

Il se met à nous parler de sa propriété…, le Domaine de l’A, acheté en 1999, une ruine complète, dit-il, qu’il a restaurée. Les belles pierres calcaires du libournais sertissent tous les murs des bâtiments, devenus les uns après les autres, cave, chai, bureau, salle de dégustation. Le domicile est une magnifique maison qui surplombe la plaine castillonnaise, comme celle de Verdi regardait le « Torrente Parma » … Les parfums qu’on y respire et l’atmosphère qui s’en dégage, parlent aussi de Stendhal et de son Italie rayonnante…

Le Domaine de L’A, c’est 13 hectares de vignes acquis progressivement, sur un sol qui a séduit le couple qu’il forme avec Christine, à Sainte Colombe, en Côtes de Castillon. Au moment où Stéphane nous rejoint, le Penseur de Nicolas Lavarenne nous happe et nous ravit : entre inquiétude et sérénité, entre songe et attention, dans la contention, selon Isabelle, de pensées tumultueuses, ou tout simplement géniales parce que portées par la philosophie terrienne de «O Fortunatos, nimium, sua si bona norint, agricolas»… et supportées par les barres qui le mettent en apesanteur. Belle préfiguration sculpturale, synthèse définitoire d’un esprit et d’une volonté. Celle de réussir. Rachats de vignes abandonnées, agrandissement progressif d’un Domaine… Ah oui, tiens ! et pourquoi Domaine de L’A ? « Parce que tous les mots qui nous plaisaient (on épluchait le dictionnaire…) commençaient tous par A. La lettre est donc une synthèse contractée de notre Ambition, de notre Amour, de notre Aventure… à Christine (sa femme) et à moi… »

En dégustant le beau fruit rond et dense du Domaine de L’A, l’évidence et la victoire coulent grassement le long des parois du verre. Victoire arrachée à bout de bras, pilonnée durant plus de 15 ans sur les machines viticoles, qu’il a promenées sur les chemins de la vie, en se désindustrialisant, pour n’être pas le ladre chevalier mais le servant des gents de Saint Emilion. Rançon de la gloire, sa signature respectée est partout sollicitée. « Je ne veux pas que mon nom apparaisse comme le garant promotionnel d’une propriété viticole ». « Si l’on me confie le rôle de conseiller, faut s’attendre à me voir bosser et à faire bosser ». Son combat, accompagner les domaines, les propriétés, qui savent mettre en valeur leur terre, et qui font que Bordeaux, grâce à eux, n’a d’identité que son terroir.

Stéphane a gardé de son parcours l’idée d’une coopération nécessaire et indispensable entre le chai et la culture de la vigne. Le vin est le résultat d’un « travail d’équipe » aux corps soudés, dont tous les maillons sont d’égale importance. Dans cet esprit, il a souhaité mettre en place un décloisonnement des compétences. Il est indispensable que le maître de chai maîtrise, comme le chef de culture, les travaux de la vigne, voire réciproquement…

Le domaine est un centre d’expérimentation et aussi une école pour les vignerons. Mais pourquoi le choix de ce terroir, pourquoi en Côtes de Castillon ? Christine et lui voulaient acheter… en rive droite ! Stéphane est un passionné de la rive droite. Saint Emilion est une terre de calcaires uniques au monde, les très fameux « Calcaires à Astéries » qui plaisent tellement à l’ex géologue Daniel, que les initiés surnomment, entre autres sobriquets, « Astérie l’Oligocène ». L’appellation Côtes de Castillon est récente : elle englobe un terroir intéressant qui ne supporte pas la médiocrité, d’une fausse réputation de rusticité… Certains vignobles, qu’il a rachetés, étaient délaissés. Il leur redonne vie, comme en pèlerinage vers les Terres Saintes non Emilionnaises…, avec un idéalisme généreux, lucide, vivant ! Bel itinéraire ; les cartes repères sont évidemment les tracés géologiques et le travail parcellaire, le viatique est le grain de raisin, goûté régulièrement. Voyage de la vie, du vin, rien qu’au Domaine de L’A, mais aussi tellement ailleurs … En Inde, au Liban, en Californie, en Syrie … Pour l’heure, Stéphane voue un culte aux divinités chtoniennes… (Caprice de star, évidemment …) et nous annonce un scoop. Il va nous présenter la vedette du Domaine de L’A dans le rôle titre : le Pigeur Manuel (un manche à balai planté sur une traverse trouée) ! Puis… dans les seconds rôles, Bacchus… et enfin, l’inévitable Pipette.

La cave (grande fierté de Stéphane), à la bourguignonne, petite, simple, voûtée d’un seul tenant…) nous accueille. Sous les bondes, dans les fûts, le millésime 2010, mature. Les vinifications sont conduites en cuves bois tronconiques ouvertes, aux noms fleuris, « Acanthe, Magnolia, Passiflore… , dédiées à chaque parcelle ». Les baies ne sont pas foulées, elles deviennent « caviar… », image qu’emploie souvent Stéphane. Puis il nous dit que « Faire du vin, c’est facile… ». Nous sommes de bonne volonté, nous voulons bien le croire. Avec l’aide d’Einstein, le temps suspend son cours, la relativité, c’est extrêmement simple : « Asseyez vous auprès d’une jolie fille, une heure vous semble une minute »… Sans se presser, au creux de la conversation, Stéphane nous livre, mine de rien, ses Dix Commandements !

1. Des grains entiers, non foulés, tu vinifieras.

2. Des macérations pré-fermentaires à froid, tu ne feras.

3. Tu ne levureras pas.

4. A des extractions douces, tu procéderas.

5. Le piégeage manuel, tu préféreras.

6. Des vins sur lies, tu élèveras.

7. Aucun soutirage, tu n’accompliras.

8. Ni collage, ni filtration, tu ne commettras.

9. Par gravité, tes vins, tu écouleras.

Et enfin, et dixièmement :  En barriques, tu élèveras…

Simple, simple ? Vous avez dit simple… !

Le temps au Domaine de L’A est effectivement relatif. Il se fige, il se pétrifie comme le calcaire qui nous entoure, et tout devient limpide. Beau… bon… Comme la dégustation sur fûts des vins 2010… Les deux premiers échantillons (du même tonnelier Taransaud) proviennent de vignes acquises sur le plateau de Belvès, à l’origine une parcelle de vieilles vignes plantées à trois mètres, ce qui a nécessité de planter en rangs intermédiaires des jeunes vignes, pour réduire l’écartement à 1.50 mètres et pour obtenir une densité de 5500 pieds à l’hectare.

1- Merlot, vignes de onze ans : Nez doucement expansif aux senteurs douces de cerise et de fleurs. La bouche combine aux impressions de cerise, des notes précises de fraise et de framboise, d’une belle netteté, d’une grande fraîcheur, jusque dans la finale portée par des retours floraux, de rose en particulier.

2- Merlot, jeunes vignes : Un nez plus expressif que le précédent, aux parfums de fruits rouges, tellement frais, qu’ils paraissent mentholés. La bouche est pleine, gourmande, agrémentée des mêmes saveurs réglissées et mentholées. Les tannins sont d’une belle finesse, presque « crayeux ».

3- Merlot sur les vieux rangs : Le nez est peut-être plus discret, mais l’olfaction décèle des notes épicées, douces et amènes. La bouche est très fine, souple, aux tanins d’une grande subtilité. La finale, en fruits apothéotiques de framboise et de cerise, rappelle une dernière et longue fois, les épices respirées.

4- Cabernet Franc : Un beau floral, dominateur, au nez. La bouche ronde, pleine, armée de tanins serrés, d’une puissance domptée dans une construction allongée, dans une finale fruitée, irriguée par des flaveurs de fruits sauvages, d’épices et d’impressions salines rafraîchissantes.

5- Les vieux merlots (80 ans) : Le nez embaume les fruits écumeux, denses et capiteux, complexifiés de fragrances florales. La bouche est d’une onctuosité fine, sphérique, fraîche, au fruit pur de cerise, construite autour de tannins fins et serrés, enrobés d’une belle chair dense.

Tout cela fera sans doute un bel assemblage, qu’il est temps d’aller déguster sur les millésimes précédents. Tout doucettement, nous quittons le chai, pour la salle de dégustation… Située à l’entrée du domaine elle est simple, fonctionnelle, lumineuse, belle et blanche. Sur la paillasse, Stéphane aligne trois millésimes récents, de bonne, voire excellente réputation.

Domaine de l’A 2009 : La robe est profonde, avec des nuances violines, le nez est net, intense et très séduisant, sur des arômes floraux (pivoines et violettes), la boite à épices, les fruits variés ( cerises mûres, rehaussées d’une touche de cassis et de réglisse), l’élevage est en retrait. La bouche est charnue, avec des tannins élégants bien enrobés. Le vin s’installe avec autorité, le milieu de bouche est sphérique, dense, avec des saveurs fruitées gourmandes, relevées d’épices douces. La finale est persistante, veloutée, sensuelle, équilibrée, fruitée, épicée (dont le girofle) ; avec une petite note saline. Noté 16,5, note plaisir 17 dans ce millésime que Daniel aime beaucoup.

Domaine de l’A 2008 : La robe est un peu moins profonde que celle du millésime 2009, avec des reflets couleur pourpre à sanguine, l’olfaction est délicate et soutenue, avec des parfums floraux (pivoines et une note de violette), de fruits rouges (cerises), de fines épices, de très légères notes réglissées. L’élevage est discret. La bouche est élancée, avec des tannins fins, enveloppés d’une chair délicate mais serrée. Le vin prend de la consistance en son centre, au corps fusiforme et plein, rehaussé de fruits mûrs et expressifs. La finale est étirée, fraîche, précise, savoureuse (fruits purs, épices et réglisse), avec des notes salines nettes. Noté 16,5, note plaisir 16et plus dans quelques années.

Domaine de l’A 2005 : La robe est profonde, avec un liseré de couleur sanguine à violine. Après une bonne aération, le nez est profond et pur, avec des arômes de truffes noires, de roses séchées, de violettes, de fruits noirs mûrs (cerises et mûres sauvages), d’épices douces et de zan. La bouche est veloutée, dotée de tanins finement tramés, enrobés d’une chair généreuse. Le milieu de bouche est plein, dense, très rond dans son dessin, avec une texture toujours aussi élégante, accompagnée de fruits expressifs, purs et épicés. La finale est longue, d’une bonne fraîcheur, intense, avec des saveurs de fruits variés, dominées par une cerise très pure, rehaussée d’épices douces et de notes salines. Un vin un peu plus évolué que celui dégusté en bouteille (75cl), il y a deux mois. Noté 17, note plaisir 16,5. *

Joli trio que ces trois vins unanimement appréciés, avec pour ma part, une petite préférence pour le 2008… Au mur de la salle, sur toute sa longueur, impressionnantes, alignées simplement, la troupe, presque complète des bouteilles issues des propriétés suivies et conseillées. Une seconde rangée en devenir, plus bas, sur la paillasse. Je me retourne, me lève et les détaille. Stéphane surprend mon manège, et me propose d’en choisir une. À la fin de la rangée du haut, une bouteille de « Les Carmes Haut Brion », l’une de mes premières amours Bordelaises, d’il y a … quelques lustres, un domaine complètement perdu de vue vers 1992, quand les prix ont commencé à flamber dans la région… Stéphane s’absente un instant et revient désolé, deux bouteilles sous le bras. Plus de Carmes en cave ! Il nous propose de goûter le remplaçant à l’aveugle. Daniel, « l’implacable » reconnaît le terroir, Stéphane déshabille la fillette : Château Allary Haut Brion 2008, (l’une des 2400 bouteilles produites), qui agita, il y a peu, le « microcosme Chartronnais ». Une parcelle de 1ha 31 au coeur du célébrissime Château Haut Brion, récupérée par son propriétaire en 2006. Un vin rare et délicieux, commenté par Daniel.

La seconde bouteille, c’est la bouteille « dentifrice », un blanc destiné à rafraîchir le palais, après les neufs rouges tastés. Un chardonnay, « Dolmen » 2009, cépage reconnu sans difficulté, du Domaine Belmont appellation « Vin de Pays » du Lot ! Surprise que ce chardonnay, frais élégant et long, que nous apprécions grandement (commenté par Daniel).

Deux heures et plus, ont semblé un quart d’heure, passées à cinq : Stéphane, Daniel, Isabelle, mézigue et… Einstein !!! Quand le temps se contracte, c’est que la compagnie est bonne. Nous repartons, les bouteilles des Châteaux et Domaines Alary Haut-Brion et Belmont sous le bras. Comme ça, simplement offertes, histoire de les finir à table, sans faire de bruit.

Stéphane, cet homme qui aime la fraîcheur des vins et n’en manque pas lui-même, devisant et paisible, nous raccompagne et nous quitte.

Coppola, le Liban, déjà, l’attendent …

* Les commentaires, texte en partie, et notations sont d’Isabelle et Daniel Sériot (Journal d’un passionné de la rive droite). Dieu, Marie, et Hadès reconnaîtront les leurs…

FAISONS TAG-TAG PAR BEAU TEMPS…

“Tag” de Jean Michel Basquiat.

…Dehors à l’ombre des palétuviers à deux pas de l’Atlantique, allongé sur le dos,  je sens monter en moi le syndrome DSK (dans son k…) à cause du Morgonneux opiniâtre qui m’a collé dans cette galère, dans un de ces jeux à la mords moi le n… qui fleurissent dans la verte prairie Face-Bookienne où l’on croise aussi bien des gnous, des blaireaux, des pauvres petites jeunes et belles qui cherchent le portefeuille frère, des connards masqués, et j’en passe, que des fauves et fauvettes de haute lignée… Je ne citerai à ce propos qu’un céphalopode marin orphelin de sa moitié d’orange, coutumier de jeux de mots mémorables et buveur de vins, vivants mais parfois capricieux.

A l’origine de ce pensum, la très pétillante Eva, qui se remet depuis peu à rogner, de ses charmantes petites dents – encore presque de lait – aigües, son Nonos. Elle hurle, à qui veut la lire : Taguez moi, taguez moi plus fort”, formule étrange, voire ambigüe, gimmick de geek sans doute, auquel j’aurais donné un sens plus pénétrant si, par malheur pour elle, elle s’était trouvée, à mes côtés, à l’ombre des palétuviers côtiers !!!

Il m’importe donc de jouer à ce jeu hilarant qui consiste à répondre à des questions connes qui me rappellent une interview “croisée” (heureusement d’ailleurs que le croisement n’a rien donné…) entre une Beaujolaise d’obédience Anglo-Saxonne, animatrice de rassemblements productifs à la Baden-Powell-tendance-i-phone, et mézigue, le prétendu mal-embouché, interview orchestrée par l’homme qui aime à faire péter les pétards sur la Toile, le très sémillant Vindicateur, grand emboucheur de trompes en tous genres…

Bon, mais revenons à ce jeu charmant. Il faut, outre répondre aux questions, désigner cinq autres blogueurs (bien fait pour leur trogne), chargés de passer le témoin (coucou DSK..), histoire que le flambeau ne s’éteigne pas. C’est pourquoi, je désigne d’un annulaire, tendu et vengeur : Le couple des Diaboliques buveurs de Bordeaux (j’entends d’ici le tohu-bohu dans les “chapelles”), Le Suisse sauvage exilé, grand buveur de Riesling devant Bacchus, L’amateur de chèvres de toutes provenances (même de l’Est), la petite manieuse de bulles, au nez rouge, à l’ivoire blanc, au sourire doux et à la plume (je devrais dire le duvet…) légère. Et pour clore le chapitre des porteurs à venir de la lumière artificielle, je désigne, le meilleur copain de Milka !

Adonc pauvres gens, que je vous inflige derchef et sans aucune diplomatie, mes navrantes réponses à ces questions du plus haut intérêt (coucou DS…, non pardon, KouKou Kouchner!) !

  • L’avarice : Quelle bouteille avez-vous trouvé outrageusement bonne malgré un prix honteusement bas?

Toutes les superbes ou immondes bouteilles – gratuites – que j’ai eu l’heur de boire en compagnie d’amis, rares mais chers. Amis de mon coeur, si vous me lisez, puissiez vous me pardonner de m’être ainsi fait graisser gracieusement le palais. Et ne vous privez pas de m’inviter encore et encore.

  • La paresse : Quel vin n’avez-vous jamais goûté par flemme de vadrouiller dans X cavistes pour le trouver?

Tout d’abord, je ne vadrouille pas chez les cavistes, ils sont rares dans ma province. Lorsqu’il m’arrive d’entrer chez le caviste de mon coin, je le fais pour tailler le bout de gras, uniquement. Je connais les vins qu’il propose et je possède ceux qui  sont à mon goût. Aucune étiquette tendance à l’horizon le long de la paisible Charente, aucun vin dit “vivant”, mais de bons, voire de très bons vins… Vive la flemme!

  • La luxure : Dans quel vin aimeriez-vous prendre un bain et faire des bisous (oui, il y a des enfants dans l’assemblée, on fait soft) avec votre moitié?

In first, les enfants ne lisent pas mon blog beaucoup trop emmerdant. Prendre un bain dans du vin, non merci. Le Sauternes, ça colle aux fesses, le Bourgogne, c’est acide, ça agace les muqueuses, le Bordeaux, faut y aller au lance flamme pour se débarrasser ensuite des tannins, les vins “Nature”, ça mousse et ça chatouille entre les doigts de pieds. De toute façon, je ne copule qu’avec de la bonne grosse fermière Charentaise pas farouche, aussi, je mets du lait dans ma baignoire et je l’appelle “Cléôpatre” …

  • L’envie : Quel vin dégusté sans vous par l’un de vos amis ou connaissances vous a fait le plus envie (et enragé)?

La Romanée Conti 1964, en Jéroboam, que mon ami Bernard Arnault a bu au goulot, profitant que je vomissais dans les toilettes le magnum de Pétrus 1945 que j’avais sifflé en douce, pendant qu’il était aux chiottes en train de débagouler le Nabuchodonosor de La tâche 1947 qu’il…

  • La gourmandise : Quelle bouteille pourriez-vous siffler tout seul d’une seule traite ou presque?

C’est ainsi que je procède la plupart du temps, alors, vous dire laquelle ?  Sans doute une James2005 de Jean Marc Burgaud.

  • La colère : Quel vin vous a tellement déçu que vous l’avez jeté de colère après l’avoir dégusté?

Je ne jette jamais un vin, je le reconditionne, je change l’étiquette, je rajoute un peu d’eau et je mets en vente sur E.Bay.. Si elle ne se vend pas, je l’offre à Daniel Sériot ou à Olivier Grosjean, selon ce qu’il y a dans le flacon …

  • L’orgueil : Quelle bouteille pensez-vous être le seul à pouvoir apprécier à sa juste valeur?

Exactement la question que je ne comprend absolument pas. Je ne vois que les vins que je bois dans mes rêves, parce que les rêves sont miens et que personne ne peut les partager…

Ah putain Martin, suis arrivé au bout de l’exercice.

Alors, voici voilà,

Du fond de la cambrouse,

Je vous salue.

AVEC DEPEYRE, PAS DE BILE À SE FAIRE…

Nikki. L’Agly, pool.

Un domaine de treize hectares conduit en tandem par Serge Depeyre et Brigitte Bile, donc… Créé en 2002 et sis dans une maison parmi d’autres, au milieu des rochers (Cases de Pène) dans la vallée de l’Agly, en Roussillon. Sur les terres avoisinantes de marnes, de schistes noirs et argilo-calcaires aussi, des lambrusques, devenues vignes à force de soins, qui peuvent être vieilles, voire canoniques (plus de 80 ans pour certaines), croissent dans la douleur et les forts vents méditerranéens. C’est ainsi que le duo veille amoureusement sur une armée de ceps qui sont grenache gris, blanc, noir, syrah, carignan, ainsi que mourvèdre. Quelques cousins Ibériques de lladoner pelut, par-ci, par-là.

Les gens d’expérience sont souvent raisonnables, c’est pourquoi le couple travaille en lutte raisonnée. Pas de traitements systématiques, pas d’engrais chimiques, analyses régulières des sols, feuilles et grappes. Labourage à la mule, sans chenilles donc ! Vendanges manuelles en caissettes et égrappage intégral, pressoir vertical traditionnel en bois et vinification traditionnelle elle aussi, sans intrants. Vins non filtrés et non collés. Des rendements drastiques… De 14,5 à 30 hectos à l’hectare : 14,5 pour «Symphonie» 2009 et «Rubia Tinctoria» 2009, 25 pour «Sainte Colombe» 2008 et 30 pour la cuvée «Domaine Depeyre» 2009. De là à dire, que par là-bas les vignes ont la prostate fragile…

Le Domaine n’est pas grand consommateur de bois neuf que seule connaît «Symphonie», de grenache blanc et gris issue. Il est vrai que les vignes de 80 ans, «ça ne craint pas»… Un VDP des Côtes Catalanes qui fait ses dents en barriques et demi-muids neufs. Dans le millésime 2009 qui demande un carafage conséquent, ce jus d’or pâle au nez de fleurs, de fruits jaunes, d’amande amère, d’écorce d’orange et de réglisse anisée, vous emplit la bouche d’une matière conséquente, grasse, onctueuse, riche d’abricots mûrs, de confits, que rehausse la réglisse épicée. Un vin «cabot» qui ne veut pas quitter la bouche et qui éteint, plus que très lentement, ses lumières de réglisse fumée. Puissance et finesse habilement conjuguées.

Après que le blanc, impressionnant, a baissé son pavillon de pierres épicées, c’est le début du voyage au pays des robes impénétrables… Place au rouge de la cuvée «Domaine Depeyre», assemblage de syrah, grenache noir et carignan à proportion de 50, 25 et 25%. Un vin qui bien que de pure cuve, demande un bon carafage. Mais avec tous les vins – certes jeunes – du domaine, patience est souvent mère de plaisir décuplés par l’attente. Vent et soleil marquent le vin de leur puissance sauvage fruitée et maîtrisée.

«Sainte Colombe», c’est un degré de plus dans l’expression du terroir. Syrah, grenache, carignan à proportions égales et 10% de mourvèdre. Fruits noirs, cerise mûre, pierre sèche, réglisse fine et poivre dominent. Le toucher de bouche est caresse fluide, d’une onctueuse élégance, la matière est conséquente mais sans affectation. Cerise noire juteuse à nouveau. La finale, aux tannins fondus, empourpre la bouche d’épices longues, réglissées, poivrées, légèrement fumées. Au bout du bout subsiste au palais, une violette. Une fleur d’avenir…

«Rubia Tinctoria», 80% syrah, mourvèdre et grenache à 10%, garance teinturière entre les rangs des vignes, mais pas gros qui tâche en bouche pour autant. Vin de pure cuve, jus de jais à peine ourlé de violet. Joli fumet de fourrure de lièvre à l’ouverture qui laisse rapidement place à des arômes de prune, de bigarreau et de cassis très frais. Une matière fluide et onctueuse en bouche, qui allie légèreté et puissance contenue. Une eau de vin soyeuse, précise, gourmande qui caresse le palais de sa volée de fruits et laisse à la finale de petits tannins délicats et goûteux. Une syrah du sud mutine, fraîche comme une crinoline sous le vent.

Les vins de Serge et de Brigitte sont aux Roussillon de naguère ce que la plume est au burin…

EMO!SCHISTITESCONE.

DE RETOUR DES ENFERS…

Paul Gauguin. L’esprit des morts veille.

Saison 2.

Au coeur des nécessités j’ai navigué, toutes ces semaines rouges.

Les laves brûlantes ont rougi mes veines, craquelé ma peau, rongé mon cortex en deshérence. Mais il me fallait bien regarder jusqu’aux entrailles fumantes de la bête qui me narguait, crocs luisants, haleine fétide, oeil plus glauque que chassieux, rieuse et dévoreuse comme la pire des hyènes jaunes qui serait née des amours putrides du Diable et de la goule noire. Sous les croûtes râpeuses des volcans faussement éteints, les magmas soufrés ravivent les souffrances frelatées des espoirs incertains. Oser cracher à la face de Méphisto, arracher les racines gluantes de ses baisers acides qui laissent aux dents le goût métallique des vanités déçues.

Sache Amigo qu’il fait mauvais se frotter aux comptables avides,

Aux papillons fragiles des lampadaires factices,

Aux serments de cendres que volent les vents

Mauvais, qu’ils disent, les poètes extasiés,

Des livres racornis, que délaissent,

Les démons souriants,

De mes nuits glaçantes

Et Ramadanesques…

Le séjour au royaume des niais niés m’a brûlé jusqu’au coeur de l’os. Le feu, fût-il d’ardentes nuées malignes, est le grand dévastateur des douleurs blanches, celui qui ne donne pas dans la dentelle, qui éradique, qui crame tout, qui voue les nuances et les atermoiements aux gémonies et aux géhennes funestes, qui lave, par la puissance de son degré,  jusqu’aux tréfonds enténébrés des plus secrets coffres des inconsciences accumulées.

Le mythe du phénix n’est pas un mythe,

Mais il laisse la peau fragile,

Le coeur exsangue et l’oeil baptisé.

Les souvenirs des fumets odorants crépitent et gémissent comme Cathares en autodafé, dans le silence bruissant des grillons symphoniques. Nul ne sait jamais comment vont tourner les vents noirs des bûchers finissants. Les cyprès dolents jouent avec le vent. La main, dans la pénombre des nuits sous lune, gratte le drap à s’en polir les ongles, dans la ruelle déserte les chiens coursent les chats, la vie continue de rouler ses plaies et ses bosses…

Dans le matin pur, un enfant hurle à la vie naissante.

MOITECONE…

LA DAME DU HAUT ADIGE…

Nicolas de Staël. Nu couché bleu.

Là haut dans la montagne, là haut, tout là haut, dans la vallée froide de Rotaliano et depuis plus de vingt ans, Elisabetta Foradori, du domaine éponyme, remet au goût du jour, un cépage, plus qu’obscur hors les terroirs du Mezzolombardo, le Teroldego, qui fut célèbre au… Moyen-Âge. Trente cinq hectares de cette curiosité ampélographique subsistent, du fait de la pugnacité de cette montagnarde dont le caractère et le charisme ne sont pas sans rappeler les roches escarpées des Dolomites. Son visage, sans apprêts, est pur oval et son regard franc a la fraîcheur de la torrentueuse Adige, qualités que l’on retrouve dans ses vins…

Trentin, Haut Adige, Dolomites, altitude, vallée froide, on s’attend – les associations d’idées sont souvent trompeuses – à des vins plutôt raides, sans doute rugueux, issus d’un cépage rustique, capable de résister et croître sous un climat contrasté !

Que nenni ! Car à caractère fort, main douce. Conviction, patte légère et savoir faire font des miracles. Et dans la plaine aux galets roulés, seuls les flancs des Dolomites sont rugueux comme pierres coupantes. Adepte de la biodynamie – qui ne veut que respecter la terre et soigner, le plus naturellement possible la vigne en respectant les grands équilibres naturels – Elisabetta a hissé le Teroldego, élevé et vinifié par ses soins, au rang des plus grands.

Le Teroldego Rotaliano 2004 est sombre et intense comme un soleil prisonnier d’un coeur de pigeon. Dans le cristal fragile largement ouvert, la cerise toujours, s’étale et s’aleste de belles fragrances de fruit mur, de noyau, de bois humide, de graphite et de goudron. Odeur de pierre fumée aussi, comme celle que les carriers ont laissé dans les entrailles du vin, souvenirs des étincelles qui jaillirent de la roche sous leurs burins… Le vin ravit aussi la bouche, lisse, frais et fluide, comme les eaux des torrents marquées par la roche. Croquant comme la peau sucrée des cerises, qu’épice la réglisse, et que tend le caillou, dont la poudre austère, tout au bout de l’avalée, laisse sa trace pimentée… Quelques roses parfument encore, longtemps après que le vin a disparu, le verre vide.

La robe obscure du Granato «Vignete del Dolomiti» 2004 semble engloutir le verre. Seul un liseré rose violacé éclaire la périphérie du disque vineux. Il faudra prendre temps et patience avant que la lumière puisse l’éclairer. Du fond de sa pulpe de jais, montent le printemps du fruit, rouge comme le cassis et la framboise. Vagues successives qui vous chatouillent doucettement l’hypothalamus. Des notes fumées et réglissées s’y adjoignent, l’odeur de la terre humide aussi. Un beau nez pur, de race, à la Rostand.

Le baiser du vin de la dame est fraîcheur tendre, comme celui supposé, de Roxane. La matière enfle le jus et le plaisir de boire. La chair, pulpe lissée de tanins murs, étire la densité souple du vin.

Comme l’union aérienne du velours et de la grâce dans un bas de soie…

EῬωMOξάTIνηCONE…


IL EST TEMPS DE REFERMER …

…de refermer les pages de ce livre virtuel. Il est bon que le silence succède au tumulte quand vient que la page reste blanche. Comme l’oeuf non fécondé. Nul ne sait jamais ce que sera la prochaine seconde. Le vent souffle sous la calotte, qui se fait tant de mondes, que glacière elle en devient. Le temps implacable s’écoule tandis que je fuis. Allons donc voir mignonne ce que sont les hommes outre mer, à l’endroit précis où bouillonne la lave brûlante d’une vie qui répugne à mourir. Dans les fils de lumière continuent de passer les aurores, les soleils torrides et les nuits vertes de peur ou d’espoir…

Les abeilles labiles sont de pauvres alliées,

Que le vent éparpille comme fleurs fanées.

Que dans vos verres coulent les élixirs vineux des vies à venir….

A la revoyure donc, en d’autres terres de peu…

Catachrèsement votre

DES PRUNES DANS LE COGNAC… ?

Stéphane Burnez.

Depuis 1769, officiellement (depuis les premières lumières du dix huitième en fait) et sans faiblir, les Prunier ont aimé assembler – ou non – les eaux de vie issues, après double distillation, des arbres nains à toutes petites prunes dorées. Jusqu’en 1918, de Jean à Alphonse, les Prunier ont secoué les ceps de Colombard, de Folle blanche et d’Ugni blanc surtout (98% des surfaces cultivées). A l’extinction de la branche directe, le neveu Jean Burnez, puis ses descendants ont assuré sans faillir la succession.

Stéphane Burnez, grand «Prunier», aux branches toujours agitées, qui flirte avec les deux mètres, assure la direction de la maison depuis 1987. A l’appel de son père il a quitté la Bourgogne et la maison de son oncle Robert Drouhin au sein de laquelle, pendant six ans il avait assuré la charge essentielle de courtier exclusif, pour rejoindre Cognac et ses terroirs multiples. Ami de Robert Groffier à Morey, de Jean Pierre Charlot à Volnay, entres autres, formé par son maître Max Léglise, il a apporté dans ses bagages la finesse et la droiture d’un nez et d’un palais, rompus aux subtilités bourguignonnes.

Dans le paysage monolithique des grands groupes monopolistiques, la maison Prunier revendique son statut artisanal. Dix neufs employés font tourner – très bien – la boutique… Du VS au XO, en passant par le VSOP, les assemblages sont tous bien plus vieux que les comptes 2, 4 et 6 imposés par la loi. C’est ainsi que ce sont des comptes 3 qui font le VS, des comptes 5 le VSOP et des compte 45, le XO, bon an mal an ! Alors tendez vos verres. Tant que de telles maisons vivront, il faudra s’en régaler !

Après quelques heures passées à secouer les branches du Stéphane, il vous dira, humble sans le savoir, et le regard dans les nuages : «Un grand cognac est un cognac qui m’échappe…», qu’il ne cherche pas la standardisation à tout prix mais qu’il lui préfère «la sinusoïde douce !». Et surtout, citant Franck Zappa, qu’il vise, espérant l’atteindre un jour, «la continuité conceptuelle». De son ancienne vie de courtier bourguignon, il a gardé, l’âme du chineur de bon. Dans un coin de sa mémoire, dans son petit panthéon, il garde le souvenir de cette «Borderie Réserve» assemblage minimal d’alcools des millésimes 1992 et 1993, aujourd’hui introuvable, et dont les parfums d’une finesse d’école, exempts des pommades ordinairement adjuvées, n’en finit jamais de vous ravir le nez et de vous initier aux mille baisers du kamasutra gustatif.

En vente toujours, la «Réserve de la famille» dont l’assemblage est constitué de Grande-Champagne, Petite-Champagne et Fins-Bois (celui-ci est de 1938 !), le «Vingt ans» d’âge dont les Fins Bois, coquets, en ont vingt six… Et joyaux sur la couronne, ne passez pas à côté des «Millésimes» actuellement disponibles, les 1964, 1969, 1971, 1975, 1979 et 1989 qui vous diront qu’en ces terres calcaires et argilo-calcaires, les millésimes jouent leurs subtiles partitions au sein du grand orchestre des terroirs.

Foncez et n’ayez pas peur de secouer le Prunier, ses prunes sont d’ambre et d’or…

EIMOGNITISEECONE.

PAPA NOEL, DEUX LIBELLULES ET SEPT NAINS…

Vladimir Kush. “Departure of the Winged Ship”.

C’était le début de l’été, peu avant que Décembre attaque…

Les forces marchandes annonceraient un Noël 3D, rouge, vert et relief. Papa Barbe Blanche et cadeaux incontournables commenceraient à me manger la tête et les yeux. Dans les bassins encore tièdes, belons et portugaises trembleraient sous l’eau des claires, dans le miroir desquelles se mirerait encore un soleil anémié. Les feuilles quitteraient le gîte bruissant des arbres en pleurs. Bientôt ils seront nus, décharnés et branches tordues, sous la morsure acide des vents glacés…

Les jus des vins de l’année mangeraient leur alcool et se prépareraient à la « malo » qui les ferait embryonner au printemps. Tout semblerait aller pour le mieux dans le meilleur des petits mondes possibles. Au dessus de leurs claviers, aux quatre coins Français du Web Hexagonal, les amoureux du vin des treilles – pour nombre d’entre elles encore peu connues – concocteraient leurs petits papiers sans importance. Discussions, découvertes, chamailleries puériles, échanges, iront leur train de sécateur. En vrac, tout de trac, sans arrières pensées, comme des enfants dans la cour de récréation… A l’échelle du Web Gaulois, le monde du vin est microcosmique, à hauteur planétaire le Web Gaulois est œuf de colibri et le placard vinesque est micro-atomique. C’est pour cela qu’il émet, plus souvent que supportable, de petits pets foireux dont certains sont carrément puants… Grâce soit rendue au Dieu Matrix, chiffonneries et pestilences sont jasmins en fleurs, au regard des vides intersidéraux alentours.

Or donc, au cœur de notre belle capitale, un jeune nain, geekounet invétéré, écrivaillonneur à l’occasion, se mit à rêver de mers immenses et de pirates audacieux. Fureteur comme tout bon I-Phoneur à géométrie Twittée, et petite Face de Bouc à ses heures, il se résolut, hardi, décidé et énergique, à monter un équipage, qui au secret de ses plus folles chimères, envahirait le monde concret du papier à bord d’un vaisseau de haut bord, utilement titré « Guide des vins Pirates ». Lequel prendrait d’abordage l’escadre souveraine des Corsaires du Roi du parchemin, et révolutionnerait à boulets rabattus les mœurs très hiérarchisées du Lilliput livresque vinique ! Bien sûr, ce très tout petit Nain Parisien ne se berçait d’aucune illusion et voulait simplement ficher un insolent mini coup de pipette dans l’ordre très établi des strates empilées de nababs cauteleux. Histoire de commettre un petit attentat, aussi pacifique que l’océan éponyme, une sorte de tsunamini de papier, une pincée de poil à gratter, qui mettraient à l’honneur quelques vignerons, peu connus ou nouveaux, mais pas thermos-régulés, amoureux des petites fleurs dans les vignes, des défricheurs de terres nouvelles, et de mœurs œnologiques au plus près possible du « naturel » mais pas pour autant disciples de la queue de renard trempée dans le pinard. Tout un tas de vrais faiseurs de bons ou futurs presque grands vins, autrement amicalement surnommés « Les Co-Bions » et autres énergétiques dynamisés.

Les Nains de Blanche Neige étaient sept. Candide le Geekounet sus-présenté en convainquit six autres sans trop d’efforts. Les blogueurs non rétribués sont gens fous, très souvent aventuriers intègres. Au long cours de sa campagne électorale, il prit aussi à sa pipette gouailleuse deux libellules aux ailes plus ou moins kilométrées qui voletaient alentours les vignes propres. Certes les nains avaient quelque(s) surnom(s) chacun mais je n’en connais très bien qu’un seul, le mien : Grincheux le Chieur qui vous conte ce Conte naïf, où les Princesses meurent éventrées et les Princes empalés par un Père Noël transformiste…

Or donc bis, Candide, alias Enrageek le Poulbot se mit en quête d’un investisseur en pâte à papier encrée qu’il convaincrait derechef et mettrait extasié à ses pieds, hypnotisé que serait le marchand de feuillets, par l’originale qualité du projet ainsi que par la faconde enthousiaste et communicative du petit sieur. En moins de temps qu’il n’en faudrait pour vider sept verres, un facteur d’in-quarto, de belle envergure, fut séduit par le projet et la gouaille du poulbot. Papa Noël, de son nom de chantre du papyrus, nous réunit, nains et libellules – YESSSS ! – en la Capitale elle même. Échappés de leurs jardins de provinces et autres lieux reculés, homoncules et demoiselles blogueu(se)rs, déjeunèrent, burent puis signèrent nombre exemplaires de contrats abscons (mais pas pour Papa!) à l’heure du café. Ébahis et repus, confiants et décidés, tous s’en retournèrent à leurs travaux gustatifs prêts à tirer les bords inédits qui les mèneraient à l’in-octavo.

Dare-dare, illico presto autant que d’arrache-pied, l’équipage de baltringues extatiques se mit à l’ouvrage. Dans les bruissements multiples de la Toile, on entendait cliqueter furieusement leurs claviers. Aux confins des Marches de l’Est, Timide Le Bon autrement surnommé Le Précis, voire Le Méticuleux, tricotait assidument ses textes autour de vignerons étincelants dans l’ombre des Grands Crus aux noms imprononçables… Joyeux l’Enveloppé, autrement affublé de surnoms fantaisistes tels que Le Grand Nain Jaune, L’Arpenteur sévèrement Trompé, Le Savant Gnain… courait par monts et vaux, si verts par chez lui, portraiturant à sa manière impressionniste d’obscurs ouilleurs, lumineux sous leurs voiles fragiles. Au delà des Alpes Françaises, dans les verts pâturages peuplés de vaches violettes et de coucous bruyants, Dormeur Le Lent, ainsi injustement supputé, tant les lieux communs attachés au pays des Cantons sont stupides et tenaces, se démenait comme un beau diable entre Petite Arvine, Cornalin et autre Chautagne exotiques, tantôt escaladant, tantôt dévalant… Clochette l’Evanaissante, ainsi rebaptisée tant sa jeunesse mutine et rieuse, dynamisait la troupe, remontait la Loire, de Paris à Nantes à grands coups de pagaies quand elle n’empruntait pas les chenins de traverse qui l’emmenaient à l’école buissonnière des talents naissants et des anciens nouveaux génies à demi ignorés… Atchoum Le Chouan chevauchait les longues cavales grises qui roulent incessamment au long des ciel venteux des Côtes Atlantiques, galopant à travers Fiefs et Melons de Bourgogne, barbe frisée, huîtres grasses, lippe gourmande et beurre salé à la main… Prof le Sage, que le moindre Verdot envoie au Cabernet pas toujours Franc devait son hétéronyme à de récents travaux Girondins, unanimement encensés, toutes chapelles confondues ou presque. Éclectique, il puisait à bâbord comme à tribord des perles de vins de grands fonds, qu’il polissait et repolissait longuement jusqu’à ce qu’elles étincèlent, plus encore que couronnes royales. Enfin O’Catharinette La Brune, également appelée gourmandement La Ronde Du Vin, s’échappait régulièrement de son arrondissement bridé, n’hésitant pas à descendre le couloir du Rhône pour explorer la Provence, la Corse et autres terres ensoleillées. Curieuse, elle dénichait de jolis œufs tous frais, au creux de nids tièdes encore inconnus des coucous…

Le Grincheux qui vous narre, n’en finissait pas de râler, de vitupérer à longueur de mails, agaçant ses congénères, réclamant, menaçant, recadrant, défendant sa soif de liberté étroite, voulant à tout prix jouer sa petite musique acide. Ses frères Nains et sœurs de petite importance, patients, l’écoutaient, le rassuraient, le supportaient. Il n’en pondait pas moins moult textes introductifs aux belle Régions de France et autres vignobles Européens, à sa façon, autant de contes destinés à ravir les lecteurs espérés curieux. Le temps passait, tous s’échinaient à donner leur meilleur.

Plus de cent et quelques textes après la ligne de départ, un beau jour qui voyait le frêle esquif fendre les flots et prendre les vents portants vers l’imprimerie, proche désormais, l’armateur éditeur précautionneux rompit le gouvernail qui envoya la coque de noix fraîche se fracasser contre les récifs aigus des prétextes économiques. Le bateau n’était plus viable « at all », comme ça, d’un coup, en un beau jour de Printemps. Il paraissait alors que les marchands, comptables du Temple Éditorial, avaient usé leurs crayons à d’obscurs calculs complexes qui démontraient la chose. Mieux valait abandonner le rafiot à deux encablures du port et jeter l’encre par dessus bord. La joyeuse troupe de nains naïfs fut sacrifiée sur l’autel de la rentabilité prétendument inatteignable et la nef rejoignit la flottille des Hollandais Volants qui naviguent, à tout jamais perdus, dans l’entre-deux monde des avortements livresques honteux.

La messe était dite, les Nains besogneux ne verraient jamais leurs amours sur papier, et tout resterait en l’état frileux et immuable dans le meilleur des mondes conventionnels possible. Déception, désillusion, petites colères passées, le Grincheux que je suis continue de vaticiner à l’ombre des contre-allées. Les autres membres de cet équipage de minuscules poursuivent leurs chemins de passion, de partage et d’écriture, tout comme avant, continuant de plonger leurs plumes bien taillées dans les encres multicolores de leurs rencontres…

Alors amis de passage, méfiez vous des Pères Noël suceurs d’oreilles tendres qui prétendent déposer à vos petits petons, de rutilants cadeaux !!!

Apprenez à nager avant de prendre la mer…

Même plus soif….

ESOMODOTIMICOSEENE.

LES SOURIRES DE CATHERINE…

  Cranach l’Ancien. Les fiançailles mystiques de Sainte Catherine.

 

Une énigme sur longues jambes que cette femme roseau. Brune haut perchée, esprit vif, et revers de volée à qui la cherche. Mais fondante aussi, derrière le masque fermé de ses sourires absents. Une ligne à hanter les cocktails parisiens… rive droite, des mains certes soignées, mais marquées quand même par les travaux des vignes. Une femme complexe donc, qui marne dur dans ses Villafranchiens, ses Carbonifères et ses Basaltes sévèrement burinés. Les terrains volcaniques, somme toute, lui vont bien ! Selon les caprices du temps, elle est en « Lune Rousse », en « Lune Blanche », en guerre avec « Arès » qui boude sa malo, quand « Les Six Rats Noirs » embaument le cassis dans un coin du chai.

Vous dire, que de visu, jamais je ne l’ai vue. C’est une virtuelle. Mais une amie, car la fibre ne ment pas, et par l’étrange voie de l’optique lumineuse, les atomes crochent envers et contre toutes idées reçues. Ceci dit par honnêteté de blogueur, pas « Ô Ministre… », mais intègre néanmoins. Et vertueux, qui se veut aussi. Mais laissons là Victor et son Ruy. Blasé ne serai point. Et passerai au tamis implacable de mon palais de peu, les vins de la sus-évoquée.

Madame n’est point seule sur les rangs de Carignan, Syrah, Grenache, Roussane, et autre Mourvèdre. Daniel Leconte des Floris, son ex-mari lui reste associé, pour le pire comme pour le meilleur du labeur. Une belle paire de complémentaires, passionnés, opiniâtres, et durs au mal d’airain. Madame écume les piscines (municipales) pour se délasser les lombaires que la vigne lui noue. Daniel, lui, je ne sais, mais l’homme a l’air suffisamment Villafranchien, pour résister aux tourments du corps meurtri par les travaux de la terre si basse. C’est que vie de vigneron n’est pas  champ de poète, et la terre ne donne que ce qu’elle reçoit. La pioche sur silex résonne dans les bras, le basalte est compact et la végétation recherchée envahissante parfois. Saison après saison, ça n’en finit jamais !

Or donc mes gens, on travaille propre au Domaine, qui sans hurler avec les loups, à gorge éructante, respecte plantes et sols, n’engraisse pas la terre et ne l’inonde pas non plus de produits délétères. Naturellement Bio-Ecocerté dès le prochain millésime… La moindre des politesses, quand « des Floris » clôt en bouquet le patronyme particulé de ces jardiniers des lianes.

Mais allons voir mignonne si ces particules dorées et pourprées, n’ont point perdue en cette vesprée, leurs charmes annoncés. Et supputés…

La première approche est un échec. « Arès » 2007, fier guerrier, ne se rend pas au « sommelier » affûté, qui lui attaque pourtant le col en extrême douceur. Il préfère mourir, pollué par le bouchon ! Foutre d’Archevêque vérolé, marri je suis. Navré aussi. Résigné, enfin.

Mais sous son aube faussement pacifiée, la vieillesse est un volcan paisible sous les cendres duquel grondent encore les flots brûlants des magmas filandreux, rouges de tous les sangs noirs des désillusions passées. Me fiant à ma douceur naturelle, au charme lumineux de mes grands yeux bleus, à demi recouverts par l’âge qui effondre les paupières, je me dis que nulle « Lune », fut-elle « Blanche » et native de 2007, ne saurait me résister. Mais ne point effrayer la fragile surtout. Alors, c’est avec un doigté d’Archiprêtre grand manieur d’encensoirs fragiles, que je me fais plus léger que papier d’Arménie. La belle ne bronche pas quand je la décapsule de la pointe légère du canif. C’est en lui souriant, droit dans l’étiquette qu’elle a claire et ourlée de caractères tourbillonnants élégamment, qu’avec la plus infinie tendresse, je lui glisse la lame hélicoïdale de mon vieux sommelier poli par l’âge et les expériences moultes fois répétées, au plein centre de son bouchon encore pâle. Prudemment j’extirpe sans à-coups – de ces à-coups réservés aux vieilles lunes – l’oblong cigare de liège tendre qui la protège des tentations du monde. Elle émet un bruit gracieux, un petit pet clair, sous lequel montent déjà effluves et parfums. Jamais, je le confesse humblement, je n’avais eu mouvement aussi parfait de la lame, extirpation aussi compassionnelle. Généreuse, ravie, reconnaissante, la jeune lune s’offre alors à mes désirs multiples. Cette lune en premier quartier ne donne à humer que parcimonieusement. Elle prend air et temps pour monter au zénith. La pierre fumée domine d’abord, dans un corset fin d’épices douces, de cire, puis de pêche et d’abricot. Ajoutez une once de vanille, un soupçon de réglisse et vous aurez sa palette de jeunesse. C’est une autre affaire en bouche ! La donzelle ouvre largement ses quartiers et se montre pleine, ronde, caressante, fine et complexe. Enveloppée d’un gras gourmand, elle inonde le palais de fruits jaunes mûrs, de miel d’acacia, amer ce qu’il faut, et prend un beau volume. En milieu de bouche, elle enfle et lâche généreusement, la pêche, l’abricot et la réglisse. Derrière les fruits, c’est une soie délicate, fraîche et tendue qui relance le vin. La finale, sur le noyau et le poivre blanc, est longue et rechigne à faiblir. Le dernier quartier de cette gibbeuse n’est pas pour demain ! Et si tous les vins de lune avaient ce charme gracieux et cette opulence fraîche, je voudrais bien m’appeler Pierrot !

Petit tour, avant que de m’en aller, du côté du « Carbonifère ». Enfant j’entendais souvent : « Si tu n’es pas sage, tu finiras en Carbonifères !». La grosse trouille et les pleurs assurés. Mais place à l’une des Œuvres au Noir du domaine, sur Carbonifères justement (Schistes, grès, argilites…), au rendement de 25 Ho/Ha, élevages en demi-muids neufs et de un à deux vins… 2007 flambe sur l’étiquette et 2008 pyrogravé sur le bouchon !! Le mystère plane, que le vin va dissiper. Le temps qu’il daigne sortir de son placard. Pas très causant ce soir au premier fond de verre, le vin se révèle le lendemain midi.

Plutôt engoncé dans une stricte robe, opaque comme celle de la plus pudique des rosières, le vin ne laisse entrevoir de sa chair qu’un fin liseré rose soutenu, au bord du disque étroit. Après qu’agité à tours de poignet au long des courbes cristallines du verre fin, l’invisible pinceau de la vigne, esquisse le Pont du Gard et les frêles arrondis sous piliers ténus des chefs-d’œuvre Romans

Comme une poignée de cerises noires et de cassis écrasés sur un lit de mures mûres traversée d’épices douces fumées, et d’une furtive pointe de zan, chapardé par un gamin gourmand à l’étal d’un marché de printemps, me titille gaiement ce parfois bel organe fragile, qu’abondamment Rostand détaille.

La matière dense, fraîche et pulpeuse fait sa ronde charnue, qui s’étale et se déploie en ondoyant. Au sortir des fruits, la pierre sort de sa gangue et retend le vin comme un arc de pierre aiguë. Passé l’étroit détroit de la luette, la finale installe longuement au palais enchanté d’imperceptibles tanins crayeux, épicés et réglissés.

Quant au sourire de Catherine, c’est dans ses vins, pudique, qu’il se cache…

EHIMOLATIRECONE.

 

HONNI SOIT QUI MONA MAL Y PENSE…

  Racine avec son amie boit l’eau.

(Image empruntée à « Journal d’un épicurien et sa Mona »).

 

Le Web balance comme mer agitée. Le curieux s’y perd aux fils gluants entrelacés. Et passe d’enfer en paradis, le temps d’un « clic ». Des cliques les plus vulgaires aux petits bonbons doux finement acidulés. Google le tout puissant, guide pas très innocent, vous épie, vous jauge, et vous emmène, à l’insu du plein savoir de votre naïveté, droit aux Marchands du Temple, affamés. Tout y est manigancé pour vous promener le long des larges fils dorés des profits en tous genres espérés. Gogo confiant, il vous faut le temps d’apprendre à esquiver les pièges épais de la consommation à outrance. Celui qui sera détaché des désirs vulgaires, peut y croiser de petits bonheurs d’esprit et d’écriture. Certes, il vous faut surfer, hanches souples et quadriceps bandés, à l’équilibre sur la planche fine de la curiosité affûtée. Alors baladins avertis, vous échouerez sur les plages vierges et les îlots fragiles, qui parsèment, entre les écueils acérés des récifs proposés, les chemins tortueux des hasards préservés.

Je voulais voir Vinci et j’ai trouvé Mona !

Il m’a fallu patienter jusqu’à la page onze du googlesque pisteur pour la découvrir, pimpante, en compagnie de son Lépicurien d’amant ! Patience est mère de petits bijoux et de bonheurs subtilement élégants. Parti pour me rincer les yeux des grisailles alentours, aux chatoyances inspirées de Léonard, je m’y suis plongé jusqu’à la délivrance. Ragaillardi, catharsisé, purifié, par les feux translucides de sa palette si douce, au détour d’une page, Mona m’est apparue…

J’ai toujours bien aimé les Lémuriens aux grands yeux qui montrent le ciel de la queue. Ce nouvel animal qui sait lire et écrire, je l’ai aimé aussi au premier mot. Oui Lépicurien, dandy né d’un croisement hasardeux entre humour cultivé improbable et dalle en pente, est devenu mona mi. Inutile qu’il le sache. Qu’il s’occupe mano a mano de sa Mona et boive bon à toutes les sources de l’insolence, et de l’impertinence aussi. De l’élégance surtout.

Je lève mon verre qui étincèle au soleil couchant, moitié plein, à demi ras-bord, d’un breuvage rouge sang de fée, beau Vacqueyras millésime 1452 du Domaine de la Monardière

A la tienne lépicure !

A Mona, un doux baiser,

Volé.

Un an déjà que Lisa s’est ré-envolée…

EMEMOLANTICOLICOQUENE.