Littinéraires viniques

ACHILLE ET LE FESTIN DE SOPHIE …

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ACHILLE a fini par tomber …

Dans le fond du trou de la mort approchée, dans un mercure fondu, il est anéanti, tout près de la camarde dont il sent le fer lui caresser la joue. Tombé dans l’érotisme glacé d’un sommeil délétère, à mi genoux dans les flots noirs du Styx, il caresse les flancs de la barque, sent le souffle froid qui l’étreint, lui gèle les reins, dans sa poitrine les battements de l’horloge liquide ralentissent, s’épaississent, son sang circule à peine, c’est doux, reposant, Charon, patient, lui sourit. Dans sa chambre, silencieuse et obscure, la soie d’obsidienne de la tueuse le frôle, il gît sur le dos, un sourire étrange flotte sur ses lèvres, si pâles, sa peau grise, il respire, mais si peu qu’on pourrait le croire parti. De guerre lasse, lentement, Achille lâche prise … Et se vide comme une viande avariée.

Le pavillon « C » est parfaitement silencieux, Olivier ne hurle pas, Élisabeth non plus, aucun glapissement ni bruit de pas traînants autour des toilettes, pas de souffles rauques, de sifflements aigus, nulle poitrine ne s’exprime, les corps des barjots recroquevillés dans leurs lits de souffrance semblent morts eux aussi. Oscar, perché sur une haute branche du pin échevelé qui surplombe le bâtiment, regarde l’étoile noire tombée dans le parc, avec ses larges baies éteintes aux yeux blanchâtres de poisson mort. Étale, flasque et immobile comme une astérie en décomposition.

Dans les couloirs déserts, au sortir des douches, une ombre s’est glissée. Sans bruit, pieds nus, elle se déplace, sûre de ses pas, furtive, souple, légère. Accroché à son épaule gracile, un lourd sac balance. Au passage d’une fenêtre, son ombre opaline dessine sur le mur du couloir, le temps d’un battement de cils, l’esquisse d’une ballerine gracieuse, pieds agiles, déformée, un peu menaçante, mais belle, aux attaches si fines qu’elles semblent sur le point de se détacher de son corps. Ses doigts d’ombre distendue, comme des rasoirs miniatures, ont un instant griffé les murs. On pourrait presque entendre, en tendant bien l’oreille, le bruit de ventouse mouillée que font ses pieds blancs sur le carrelage froid. Elle s’est arrêtée devant la chambre d’Achille, elle respire à petites goulées, longtemps, sa main a saisi la poignée de la porte, qu’elle tourne au ralenti, puis entrouvre le battant. Achille a frémi quand une onde a irisé sa peau nue, il est remonté des abîmes où il avait chu comme une pierre molle. Dans la lumière grise qui sourd de sa porte entrebâillée, la silhouette noire qu’il devine lui coupe le souffle, la résignation gluante dans laquelle il baignait reflue. Comme un mineur harassé, noirci par ses ténèbres, qui remonte de ses profondeurs.

 Se pourrait-il que ce soit … ???

Ce soir, pendant le changement d’équipe, au juste moment où les filles se croisent, quand les veilleuses de nuit et les infirmières de jour se passent en papotant les consignes, Sophie s’est glissée, si vivement que nulle ne l’a vue, entre les portes de verre du pavillon. Puis elle s’est enfermée dans les douches au fond du couloir, a refermé la porte d’un box, s’est accroupie, son sac entre les jambes, a fermé les yeux, séché ses larmes, attendant que le calme s’installe. Des eaux translucides et grasses ont coulé de ses yeux clos. Sous ses paupières humides, elle semble prier. Sophie se prépare, une dernière fois.

Au festin …

C’est bien elle, il en jouerait son âme. Achille, à demi pétrifié par les battements affolés de son cœur qui cogne violemment dans sa poitrine, n’en croit pas ses yeux. « Putain, je rêve, je deviens fou, je ne veux pas, je ne peux pas le croire … ! ». Alors, sous un couvercle brûlant, il tente convulsivement d’étouffer espoirs et désirs, il se cabre à se briser le dos, les mains à demi fondues, tendues vers la porte entrouverte, comme s’il voulait repousser au fond des enfers cette vision qui l’épouvante. Et pleure comme s’il montait à l’échafaud. Implore les anges absents, sanglote à gros bouillons gras, le visage couvert par la morve qui dégouline de son nez, de sa bouche, l’aveugle, et l’étouffe. Sophie a ouvert son sac au pied du lit, s’est penchée sur lui et a posé un instant ses mains fraîches sur son visage grimaçant, puis elle l’a longuement léché, comme une louve son petit. Elle pleure doucement. De ses lèvres coule un chant doux, apaisant, une étrange mélopée tendre et rauque à la fois, et cette liqueur de notes en pluie argentée, remontée des temps immémoriaux, dépose sur leurs visages un baume salé, émollient, qui les apaise tous deux. Achille, un long moment, a pris entre ses mains le visage de Sophie dont les lèvres frôlent sa bouche. Leurs souffles synchrones abolissent le temps, effacent l’espace, comme s’ils tissaient un invisible cocon revivifiant, leurs lèvres humides se caressent lentement, leurs langues s’épousent, s’avalent dans un long baiser dévorant.

Sophie s’est relevée lentement, d’un geste de l’épaule, elle s’est dégagée de ses tissus légers qui plissent à ses pieds comme des parachutes de soie froissée. Elle a étalé au pied du lit son trésor de victuailles, les aligne en ordre parfait, se relève, étalant à large main sur son corps nu, une couche luisante de beurre frais. Un rayon de lune l’éclaire, elle brille comme une brioche gonflée au sortir du four, ses seins fruités et ronds, aux aréoles pâles, regardent les étoiles, son ventre blanc palpite doucement, sur sa toison claire, le beurre en gouttelettes translucides, scintille au rythme de sa respiration. Puis elle tend la motte fondante qu’elle peine à retenir. Achille, stupéfait, assis au bord du lit, la prend, se lève et enduit soigneusement, à larges paumes ouvertes le dos ferme de Sophie, s’agenouille, crème l’amphore de ses hanches, pétrit ses fesses onctueuses avec délice, s’attardant sur la raie qui les fend. Son doigt, gras de beurre, glisse longtemps d’un bord à l’autre de la faille, déplisse religieusement la petite combe brune qui s’y cache, glisse entre les cuisses, ses doigts écartent au passage les lèvres fines de son sexe étroit pour empoigner la toison épaisse qui les surmonte. Sophie a frémi, sa peau épouse le chemin que trace les mains d’Achille, elle soupire. Alors, à deux mains enveloppantes, il graisse d’un geste sûr les deux longues jambes de Sophie, jusqu’à ses pieds, qu’il relève l’un après l’autre pour les ferrer de beurre frais. Il s’attarde entre ses orteils qu’il masse un moment puis frotte la plante cambrée de ses pieds. Elle soupire à nouveau, profondément, et tremble sous sa peau quand il la lâche.

Achille s’est relevé et lui fait face, elle le pousse légèrement, il s’affale sur le lit. Allongée sur lui, elle l’enlace en se frottant, ondule, se colle à lui comme une écorce à sa pulpe, jusqu’à même que leurs yeux se touchent et les fassent pleurer un peu plus encore. Achille la suit quand elle se retourne et enduit son dos des excès du sien. Il ne bouge pas, la laisse conduire la danse grasse de sa main qui roule sur son ventre et le met en émoi. Sophie s’attarde, fourre sa tête entre ses cuisses et le respire à plein nez comme une gourmande affamée. La caresse l’emporte en vagues fortes vers des mondes insoupçonnés. Elle se promène maintenant, langue chaude, sur son corps tout entier, d’entre ses orteils jusqu’aux creux de ses oreilles, comme une limace lente qui prend le temps de faire son chemin. Le plafond de la chambre est plus jaune qu’un soleil levant, il ondule au rythme du voyage, les murs ont disparu, les arbres se penchent sur lui, Oscar les regarde. Enfourché comme un Appaloosa par une Algoncoquine en rut, Achille ne dit mot quand sa cavalière écrase sauvagement une tomate mûre qui gicle son jus rouge sur sa poitrine, et dessine des rigoles étroites le long des seins de l’amazone au galop. Achille, hypnotisé, regarde d’un œil fixe la graine verte en suspens sur le tétin turgescent du sein gauche de la démone. Il se relève d’un coup de rein, le gobe, et retombe sur le lit comme un caméléon épuisé. Sophie marmonne, bouche pleine du sang végétal qu’elle crache salement sur sa poitrine, lui prend le goulot pour le remplir de pulpe mâchée, qu’il malaxe à son tour pour la lui recracher en pleine gueule. Le jus longuement partagé coule à présent sur son visage. Sophie, aigues-marines enflammées comme des phares de pleine mer, goule pointue, telle une gargouille échevelée, l’asperge. Puis elle se penche, le lèche à coups de langue rapeuse de chatte, et dépose chaque lapée dans sa bouche au cœur d’un baiser profond. C’est le temps des humeurs partagées, des incorporations et des accouchements mutuels. Il a tellement perdu conscience de son sexe qu’il lui semble devenir la grotte détrempée qu’il matraque à lourds coups de burin. Sophie le chevauche comme une cavale folle, ses seins tressautent au dessus de lui, elle a enfoncé ses doigts dans son gosier, elle agrippe sa langue, la tord, ses mains fouillent entre ses lèvres écartelées, puis elle les suce longuement, le regard fou, le corps en demi pâmoison, il suffoque, le museau plein à ras bord de la bouillie incarnate qu’elle continue de vomir comme une vouivre déchaînée. D’entre ses cuisses elle puise l’eau trouble de son plaisir dont elle l’enduit. Suçoir gavé, éructante, baveuse, elle le mord au sang, et dépose dans son ciboire grand ouvert de longs filets visqueux, colorés par les chairs et les fruits de tous les jardins.

Dompté, dominé, effrayé, Achille est submergé par la peur, une angoisse terrible, la peur de disparaître d’un coup, avalé par la matrice folle qui le dévore, l’envahit, il lui semble perdre sa substance, ses os fondent, ses chairs bouillonnent, sa moelle épinière déliquescente pulse à longs jets de lave blanche, son cœur ralentit, son souffle s’éteint tandis que son regard noircit. Il meurt, une grande mort, comme un orgasme définitif, le terrasse. Dans un dernier regard, Sophie se confond avec l’araignée suceuse qui le mine depuis des mois ! Ses cheveux blonds trempés de sueur battent l’air comme les pattes velues de son monstre intérieur, le ciel, qui a percé le plafond de la chambre, verdit, sa conscience faiblit, le monde n’est plus qu’un point, rougeâtre comme les yeux du diable chitineux qui le réduit à l’état de peau flétrie … Il jouit si fort que son foutre traverse la diablesse et se déverse, chargé de sang, de bile puante et de trempe visqueuse, jusqu’au fond de son estomac dévasté …

Il croit devenir fou.

Un goût sucré le réveille, il ouvre les yeux. Au dessus de lui, Sophie, embaumée de sueur, les aigues-marines injectées de sang noir, la main serrée sur une poignée de miel d’ambre liquide qui lui échappe lentement, regarde le nectar couler en larmes grasses entre les lèvres tuméfiées de son amant épuisé. Le sucre doux le régénère, il l’avale avec délices, et l’amertume fraîche de l’acacia le désaltère. Sophie pleure, l’eau salée de ses lacs translucides tombe en flots ininterrompus, elle lave, lustrale, les croûtes séchées du visage d’Achille. La chambre est silencieuse, un petit jour livide éclaire le plafond et les murs revenus des enfers délicieux, Achille, hébété, soupire comme une vessie qui se dégonfle, dans son ventre un creux le griffe quand Sophie se relève, leurs sexes se séparent en chuintant, elle se penche vers lui, sa langue lui lave l’entrejambe, elle prend une dernière fois entre ses lèvres gonflées sa verge vidée de sang, qu’elle nettoie méticuleusement, pose un baiser léger sur ses lèvres, se rajuste, murmure un adieu à peine audible, et quitte la chambre sans se retourner.

Achille l’abandonné, blotti dans sa pelisse rouge, ne bouge pas, exténué par son voyage au pays de cendres de son passé douloureux. Dans sa bouche entrouverte, le goût sucré du miel perdu le tenaille. Sa lampe irradie étrangement, sa lumière tremble, et son rayon d’ambre coruscant se teinte de béryl luminescent quand les aigues-marines disparues reviennent une fois encore à sa mémoire. Une larme a coulé sur le cuir vert bronze de son bureau. Une seule, l’ultime, la dernière. Avec le temps ses yeux ont séché, son vieux cœur est sec, ses reins sont vides, et sa bouche de carton pâteux. Dans le cristal, qui flamboie sous le fil incandescent de son luminaire, le miel pâle du vin tremblant sous la buée, l’attend. Achille s’y plonge et se repaît des fragrances délicates qui s’en échappent. Les fleurs blanches, acacia léger et jasmin en bouton, à peine perceptibles, précèdent la pêche blanche bien mûre et le nectar, puis le calcaire de Puligny-Montrachet affleure, s’y mêlent le poivre blanc, les épices douces et la réglisse. « Les Pucelles » – Achille, le vieux cochon, en rit franchement – du Domaine Morey-Coffinet, millésime 2010, longuement carafées (si tant est que les pucelles se carafent …) tournent dans le verre comme les danseuses de Degas, légères et affriolantes. La lampée qui dévale sa bouche le réconcilie avec la vie, tant elle est fraîche et douce à la fois. D’un équilibre parfait, le vin, puissant et délicat pourtant, déplie sa matière, il exsude son miel et ses fruits, ses épices l’exaltent, il enfle puis se tend et repart, porté par une vivacité gourmande. Ces Pucelles en remontreraient à bien des Bâtards !!! Rires. Putain que cette Bourgogne est belle, belle comme le cul tubéreux de Sophie !!!

 Achille soupire de bonheur.

 Loin, très loin,

 Au bras de son flûteux

 Tremblant et cacochyme,

 Triste et décharnée,

Sophie ne sourit plus,

 Et l’araignée expire …

EDÉMOPIAUTITÉECONE.

LE MONT PELÉ …

 

 

Pouvoir,

Vouloir,

Surseoir,

Tanguer,

Hésiter,

Sauter

Pieds joints,

Dépoitraillée,

Franchir,

Blêmir,

Paupières crispées,

Glisser

Dans les eaux

Froides,

Agitées,

De l’aventure

Évitée.

Sourire …

Sur les sentiers

Désolés

Des espaces

Inconnus,

Elle s’en va,

Tralala,

Joyeuse,

Inquiète,

Le regard

Encore tourné

De l’autre côté,

Ne sachant plus

Quel sein

Donner.

Cambrée,

Mouillée,

Givrée,

Désolée

l’âme au coeur …

Il y aura

Des roses

Dépareillées,

Aux pétales

Tourmentés,

Des chiens

Furieux,

Aux crocs

Sanguinolents

Qui croqueront

Tes chairs

A pleines dents,

Bavants

Hurlants,

Aux yeux,

Injectés

De sang.

Des doigts

De soie,

Sur ta peau

Hérissée,

Affolée,

Électrisée.

Dans ta bouche

Entrebâillée,

Ils glisseront,

Curieux,

Prendront

Ta langue,

Ta voix,

Tes mots,

Rouges

Comme des flambeaux,

Au vent joyeux,

De tes yeux

Amoureux …

Tu oublieras,

Qui tu es,

Deviendras

Ce que tu

N’es plus,

Chapeau pointu,

Ne seras plus,

Femme folle,

Ouverte

Au gland

Précieux

Qui te,

Oui, qui te,

Fera oublier,

Qui tu as,

Remords

Moi encore,

Crucifié …

Au moins sais-tu,

Boule de pus,

Ne plus puruler.

Que vouloir

Tout avoir,

Ne pas choisir,

Ne pas laisser

Ton cœur

Flotter,

Laisse

Ton âme

Pourrir,

Ta chair

Noircir,

Ton cœur

Blêmir ?

Sous tes oripeaux,

Asticots,

Cafards

Et regrets,

Dévorent

Ta vie.

D’un geste

Lent,

Au rond

De ton flanc,

L’aiguille

Effilée,

S’est enfoncée,

Souffle

Glacé,

D’un geste,

Désespérée

Elle t’a

Crevée.

Tes chairs

Tuméfiées

Hurlent

A la nuit,

Le chant

Sanglant

De mon

Gland

Exsudant …

Sur le sommet

Du mont

Pelé

Me suis

Décomposé,

Le temps

Me tue,

Pauvre

Sangsue.

L’éclat

Des vers

Ensanglante

Ma vie,

Aigues-marines

Perfides,

Languides,

Rêvées

Que les diables

Vous prennent

A tout jamais …

ACHILLE EST UN TUEUR DE FLÛTE …

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Trois jours dans le tambour …

De la machine à laver les malheurs, à décrasser les têtes, à javelliser les vies. Néant profond, remontée partielle, coma éveillé, nourritures enfournées, merdes déféquées sous surveillance, cul mal torché, douches brûlantes, se succéderont quatre vingt seize heures durant. Le cinquième jour Dieu a créé les oiseaux et les poissons, et ce cinquième jour d’hiver, Achille, dont Dieu se fout comme de sa première côte, a passé la journée à tenter de sortir de son abrutissement, à éliminer les anti-ci, les anti-ça, les anal-machins et les neuro-trucs dont on l’avait gavé, histoire de l’aider à digérer le goût de poing de mammouth qu’il avait pris en pleine poire devant Beaubourg, cette espèce d’horrible machine à laver !!! Achille s’est remémoré le parvis, le maigrichon noiraud, Sophie dans ses bras, son choc à lui, la main tendue alors qu’il se sauvait, cette espèce d’épouvante qui l’avait gagné. Puis plus rien, jusqu’à ce matin brumeux, son corps flasque, ses jambes tremblantes, ce sentiment confus de s’Oliviériser …

Marie-Madeleine s’est amenée dans sa chambre. C’est bien la première fois qu’elle visite un loquedu à domicile. Achille n’a pas mis les petits plats dans les grands, il l’a laissée entrer, poser son cul galbé sur une chaise, coller ses reins cambrés contre l’inconfortable dossier de bois verni, remuer un peu, croiser ses jambes gaînées de soie fragile. Il n’a rien dit, l’a auscultée comme un maquignon une génisse prête à vendre, il a souri d’un air vulgaire en laissant son regard glisser entre ses melons tavelés, a passé goulûment sa langue sur ses lèvres, s’est régalé de sa peau de lait, a attendu sans dire un mot, le regard fuyant juste ce qu’il faut. Un vrai vicelard. Elle s’est tortillée un peu, mal à l’aise, est passée d’une fesse sur l’autre, a tiré nerveusement sur sa jupe, histoire de le laisser mariner dans son jus noir. Achille a plongé la main dans son pyjama, s’est bruyamment gratté le scrotum, s’est léché les doigts d’un air pervers ; et s’est rendu compte qu’il retombait, encore, dans la séduction malsaine. Il a rougi, a balbutié quelques borborygmes mouillés et incompréhensibles en guise d’excuses, puis s’est tu. Alors la spécialiste des douleurs enfouies et des camisoles chimiques réunies, s’est fendue de son petit couplet mille fois répété, ses paroles ont sonné faux comme une cloche mal accordée, comme une campane fêlée. ACHILLE l’a coupée durement, « allez vous faire refondre !!», ça l’a coupée net au milieu de son sermon à trois balles, elle est restée bouche bée, vexée, ne comprenant rien, elle a rougi, il lui a trouvé une ressemblance frappante avec une tomate cœur de bœuf, sa bouche, rétrécie par la stupeur et la colère mêlées, lui fendait le visage comme une vilaine cicatrice. Comme une marmande éclatée au soleil de sa rage. La belle Irlandaise a retrouvé un peu de flegme, un soupçon d’empathie, et a lâché « reposez vous encore un peu monsieur Achille ». « Non, non, j’ai besoin de courir si vous n’y voyez pas d’inconvénient » lui a-t-il rétorqué d’une voix ferme. Elle a hoché la tête, a souri maladroitement, puis est sortie. Son cul rebondi l’a suivie en se dandinant, fesses humides et serrées.

Le long des allées ombragées, les yeux mi-clos Achille a filé cœur à terre, rasant les branches basses, Oscar a été là tout de suite et ne l’a pas quitté, toujours aussi rapide, agile, joueur, son pote à fourrure. Soudain Oscar a quitté le sentier, s’est enfoncé dans le bois, Achille l’a suivi sous la futaie, s’est fait griffé sévèrement les jambes, a pataugé plus d’une fois dans les terres grasses, est tombé de tout son long dans la boue, jusqu’à presque devenir un gnome parmi les gnomes qui se gondolent à lui faire des croche-pattes. Gluant et dégoulinant de terre mouillée, le visage plus noir qu’un démon de foire foraine, Achille se régale, l’eau sale l’a trempé, elle glisse entre ses fesses durcies par l’effort, il lui semble fumer, il se sent bien, la course le nettoie, la terre le gonfle d’énergie douce, le débarrasse de son chagrin. Oscar s’est arrêté au centre d’une minuscule clairière, perché sur un éboulis de pierres moussues, il l’attend en croquant à toute vitesse un gland du printemps dernier tombé d’un chêne dénudé. Achille s’est aussitôt arrêté, le souffle court, s’est approché doucement de l’écureuil qui n’a pas bronché. Entre les pierres disjointes d’un monticule ancien, une vierge de pierre, érodée par le temps, est tombée entre deux roches et le regarde de ses yeux qu’elle n’a plus, à la renverse, socle en l’air. Surpris, Achille s’est assis à quelques pas d’Oscar, le dos appuyé à l’écorce râpeuse d’un vieux chêne. En deux bonds, l’écureuil s’est retrouvé à moins d’un mètre de lui, et se régale d’un autre gland, que ses pattes et ses dents pointues décortiquent à tout allure. Jamais il n’a été aussi près, immobile, assis sur sa queue, confiant. Ses petits yeux brillants fixent Achille et ne le quittent pas. Entre eux deux, dans le silence du parc à peine troublé par le vol lourd de quelques faisans en vadrouille, on entend le craquement sec des branches sous le vent, le gargouillis à peine audible d’une source d’hiver quelque part sous la mousse. Un grand moment de petit bonheur paisible. Achille soupire d’aise, sous ses côtes battantes il entend les battements rapides de son cœur, la chaleur du sang dans ses veines, sa peine qui s’enfuit dans le tronc ligneux du gros chêne, une douce chaleur l’envahit comme si la nature le délestait du poids qui l’écrasait encore il y a peu. Achille a fermé les yeux, Oscar s’est approché encore, à presque le toucher, à deux doigt de sa main gauche. Son corps s’allège à presque s’envoler. Le temps s’est enfuit, le soleil d’hiver est passé de l’or à l’orange, et s’enfonce lentement entre les arbres. Achille respire profondément, doucement, à se remplir l’âme des fragrances d’humus et de champignon qu’exhale le sol. Oscar a couiné, s’est éloigné en deux bonds, s’est retourné vers lui, comme s’il l’invitait à le suivre. Ils sont repartis à vive allure, l’homme suivant l’animal qui lui montre le chemin. Aux abords du pavillon, Oscar a fait deux pirouettes, a secoué sa queue largement étalée, et a disparu d’un coup.

Cette nuit la lune est noire, la chambre d’Achille est un vrai tombeau, il ne dort pas mais flotte entre deux eaux. Les images du parvis l’obsèdent et tournent en boucle sous ses paupières, la fatigue de sa course peine à l’emporter, il a beau se concentrer, les images le tiennent et le ravagent, sa rage et sa tristesse sont plus fortes que les somnifères. Il patauge depuis des heures dans cet état intermédiaire, qu’inconsciemment il entretient. Entre les plans séquence de ce film qui n’en finit pas d’être rejoué, de brefs plans de coupe apparaissent sans crier gare, de plus en plus violents. Carotide tranchée, mains qui farfouillent au fond d’un torse béant, bouche aux dents aiguës qui déchirent et étripent un ventre vert de merde éclaboussée, gros plan de rasoir gluant, de murs tâchés de rouge, de verre pilé enfoncé dans une bouche hurlante, les images scandent le film. La bande son s’y met aussi, ça chuinte le gras écrasé, ça grasseye les veines tranchées, ça pchouille quand le sang colle aux murs, ça crisse le verre qui déchiquette les chairs, ça slurpe les lèvres maculées d’incarnat tiède. Achille jubile dans sa sueur glacée. Il se venge, détruit, anéantit, éclate, disperse en lambeaux, atomise, écrase, défigure, égorge, mord, arrache la tronche, le corps de ce flûtiste de merde, ce crevard qui l’a volé !!! Il inspire de toutes ses forces, espérant sentir l’odeur de la mort, appelant à lui tous les succubes, les dragons, les furies, les harpies, les hydres, les basilics, les guivres et les amphisbènes tapis au fond des ténèbres d’avant la création …

 Irrémédiablement.

ACHILLE le démembré, les yeux injectés, éclatés, infectés par la bile verte du démon qui l’a possédé jadis, lutte, se démène comme un beau diable pour se défaire du monstre, qui l’a jadis contaminé une longue nuit durant. Dans sa bouche, sèche comme un vieux cuir tanné par le temps, la poudre corrosive de ses dents brisées n’en finit pas de lui lacérer les muqueuses. La lumière blanche de sa lampe de bureau, lentement le ramène au présent de cette nuit, au cœur duquel elle inscrit un cône étincelant, comme un havre de paix. Dans l’eau d’or pâle de son verre, chardonnay, pinot noir et meunier assemblés, au travers de la paroi embuée, laissent monter un fin cordon de bulles fines qui finissent de lui rafraîchir la cervelle. Sous son nez penché sur le cristal, du Champagne Francis Boulard 2006 montent en fragrances délicates de fines senteurs florales, fleurs blanches tremblantes et jasmin en bouton fragile, puis les fruits blancs rehaussés par une note fugace d’abricot mûr, de miel dilué, de calcaire broyé et de pelure d’agrumes, finissent de le ramener à la vie. Une larme salée, est tombée dans le vin, Achille ému porte la bouche au buvant, le jus frais lui fouette les salivaires, les fruits largement roulent et le ravissent, si finement, qu’il lui semble croquer le vin. Puis la matière élégante s’allonge comme un ressort qui se détend et lui fait bouche propre, passe la luette et lui met soleil au ventre. Le vin délicat a tué le dragon et lui laisse aux lèvres le sel des calcaires qui ont porté ses fruits.

 Et lui murmure

 A l’oreille,

 Que parfois

 Dieu est bon,

 Que Bacchus aussi

 Est son nom.

 Ailleurs,

 Malheur,

 Sophie

 A souri …

ERASMOSSIETICONE.

CROQUE-COUILLES …

Tu pleures

Les larmes

De ma vie.

De tes yeux

Chargés

Coulent

Les eaux

Claires

De l’amour,

Que nul, jamais,

N’imaginera,

Même.

Pauvres blêmes !

Mon poème.

D’entre

Tes cuisses

Qui palpitent,

Sourdes,

Lourdes

Et si pâles,

Le ru d’amour

Glisse.

Au long

Des collines

De sable blanc,

Il irrigue

L’âme

Égarée

Au fin fond

Des déserts,

De cette vie

Sans goût

Tu me rends fou

Ma Lou …

Croque-couilles,

Folle rouille,

Douce crapouille

Tu enchantes

Mes reins,

Qui d’airain

Ne sont,

Mais de balsa.

Ma falbalas

Fragile,

Sois douce,

Et ne me brise,

Quand tu frises

Au-dessus de moi.

Mon amazone

Aux seins

De lait,

Infiniment,

S’il te plaît,

Mon amande,

Mon lait.

Accroche

Au pommeau

De ma selle

Les étoiles

Sales

De tes yeux

Heureux.

Divague,

Balance,

Que ma lance,

Rougie

Au feu

Des enfers,

T’élance

Jusqu’aux embruns

De la vague.

Caresse

Mon flanc

De tes doigts blancs …

Ma dingue,

Ma cradingue

Aux doigts

Saignants,

Plonge

Dans ma bouche,

Tes rêves louches

Et tes élans.

Je fesse

La rose

De tes fesses.

Drôlesse,

Tu balances

Ta crinière

A tous les vents.

Les onguents

D’orient

Apaisent

La flamme

Qui rougit

La soie

De ton cul

Juste meurtri.

Sans un cri.

Rires légers,

Baisers mouillés …

Que de plaisirs

Sous les draps embellis

Du désir.

Zéphyrs,

Pierres taillées

Aux ailes

Déployées …

Ailes d’anges,

Ma mésange,

Vole,

Ne désole plus,

Ma vie.

Baise moi,

Poésie.

PAUVRE SERIN …

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Dans la nuit de La De.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

—–

Disparue

La brioche

Dorée

Qui hante

Mes nuits

Comme un souci …

—–

Absente

Sous mes doigts,

Simple brume,

Vision,

Tension,

Désirs,

Soupirs …

—–

Aimer,

L’enduire,

Encore,

Toujours.

Baiser

Sa tendre

Peau frissonnante …

—–

Le cœur

En sang,

Le souffle absent,

La main figée,

Dans les cendres

De mes nuits …

——

Je bêle

En vain,

Pauvre lutin.

Ma belle catin,

Tu n’es pas là,

N’ai plus de voix,

T’appelle en vain …

—–

Pauvre serin,

Loin de ton sein.

A mort

La Maure,

Amour

A rebours,

Fracasse moi

Envahis moi.

—–

Je suis la croix …

ACHILLE EN EAU SALÉE …

Sibylle Ruppert855

Sibylle Ruppert.

Voici que vient le grand temps des migrations …

Oies cendrées, mésanges bleues, ragondins musqués, muscadins, gandins, “incoyables et méveilleuses”, petits marquis, comtesses légères et gnous en troupeaux serrés, se sont engouffrés sur les routes surchauffées des transhumances estivales. De tous poils, bords ou plumes, par rails, ailes d’acier ou cages roulantes, ils ont désertés les villes, pour d’autres villages, rivages ou monts. Où ils aimeront à retrouver les queues qu’ils, elles, aiment tant à faire et à défaire, à caresser du bout de leurs longues attentes en les regardant grossir …

Alors Achille par un de ces petits miracles que lui permet ma plume, a gélifié le temps, a arrêté le cours immuable des heures et des secondes. Pétrifié comme une statue de sel pour s’être innocemment retourné, il attend que Chronos veuille bien le libérer, et lui permettre de continuer le cours tumultueux de sa vie, de ses apprentissages, de ses rencontres, de ses joies, de ses peines. Il ne dit mot, car il sait qu’au premier geste du Dieu, il reprendra le chemin, suivra les sentes et continuera à explorer les contre-allées. Le temps suspendu l’a mis en sidération, coeur de cristal figé, os calcinés et corps de chairs durcies, il a disparu de sa propre conscience et s’est évanoui dans l’espace temps. Les regards, pourtant aiguisés, de ses quelques suiveurs ne perceront pas les brumes de l’inter monde dans lequel il flotte, comme une esquisse à l’arrêt.

Achille est mort le temps d’un temps, mais la fraîcheur espérée de septembre lui redonnera peut-être vie, si le fatum ne s’en mêle pas …

Puisse le soleil bienveillant,

Guider la petite mésange,

Qu’elle retrouve son chemin,

Et ne se perde pas,

Dans les mirages de l’été,

Et le regard trouble

Des flûteurs…

E LA NAVE VA.

ACHILLE, MARMELADE ET DÉCONFITURE…

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Là, à quelques pas de lui …

SOPHIE !

ACHILLE ne bougeait plus de peur de la voir disparaître. D’abord, il ne sentit plus son corps, puis toutes ses sensations physiques revinrent brutalement pour se décupler douloureusement. Achille était pur regard intense, le cœur au ras des yeux, si violent que le couple, la blonde et le tondu entre lesquels il la fixait, se retourna, comme si l’intensité qu’il dégageait les perturbait. Ses yeux buvaient Sophie, l’appelaient, il hurlait son nom en silence, toute sa chair vibrait, sous le coup de l’émotion terrible qui faisait craquer ses membrures comme un rafiot en pleine tempête.

La troupe de baladins en costume moyenâgeux finissait son madrigal sur des notes aigrelettes, celles d’une flûte à bec suraiguë. Sophie releva la tête, délaissant son luth, ses aigues-marines débordaient des eaux pâles qu’il aimait tant ; elle hésita un moment, comme si elle savait, fronça les sourcils et se retourna vers lui. Le parvis disparut, les badauds s’envolèrent, le temps les effaçait, leurs regards crochèrent longtemps, sans ciller, s’agrandirent, et Achille plongea dans les eaux fraîches de son amour tant cherché, partout et ailleurs encore. Pour s’écraser sur la surface dure d’une pupille qui venait subitement de se rétrécir, puis de se refermer. Sophie se leva. A côté d’elle, le flûtiste essuyait méticuleusement son instrument. C’était un garçon long, grand et fluet, tout en os saillants, en tendons apparents et en muscles fins, sa barbe courte couvrait son visage aigu de tâches noirâtres disparates. Il avait le port gracieux des hommes féminins sous ses vêtements vaguement d’époque, sa tignasse noire dépassait en boucles drues d’une coiffe de serge grossier à oreillettes, son torse gracile flottait dans un bliaud grisâtre qui tombait bas sur des braies informes, sous lesquelles ses pieds maigres s’avachissaient dans une paire de sandalettes de cuir mal taillé. Son nez, long et pointu descendait au ras de ses lèvres, si fines qu’elles semblaient avoir été oubliées. Ses petits yeux noirs en tête d’épingle, brillaient d’une eau fiévreuse, bougeaient, et clignaient sans arrêt. Sophie posa la main autour de ces épaules étroites, ses lèvres déposèrent un baiser appuyé sur la broussaille de cette joue cireuse et creuse, puis elle lança vers Achille un regard dur, furtif, sans équivoque …

Les jarrets coupés au ras des genoux, les jambes d’Achille cédèrent, il s’assit sur ses talons, puis s’écroula les fesses au sol. Personne ne fit attention à lui. Sophie lui avait tourné le dos, sous son ample robe de coton léger que le vent coulis agitait, il reconnut, le cœur inversé de son cul, dans l’entrebâillement, sous son bras gauche, l’ébauche de la courbe pleine de son sein lui mit la sueur au front. Toutes les images de leurs nuits défilaient sous ses paupières baissées, et l’odeur du jasmin exhaussée par sa peau fit gicler les larmes au ras de ses cils. Sous son crâne bouillant, les mots d’amour, balbutiés toutes ces nuits, tournaient en ronde de fruits frais. Pêches juteuses, cerises charnues, abricots fondants, défilaient dans sa mémoire. Puis ils se ridèrent, se crevassèrent et s’écroulèrent en bouillie gluante, informe. L’air sentit l’aigre. Il perdit conscience quelques secondes qui lui parurent sans fin. Une main se posa sur son épaule, glissa sur son bras, prit sa main, il leva les yeux, le regard interrogateur, et fut avalé par l’océan, lumineux sous le soleil rasant, sans fond, caressant, des eaux de Sophie. Qui lui souriait. Elle le releva. Achille ne put parler, il l’écouta lui dire qu’elle aimait aussi son musicien à la figure sombre, son ténébreux. Elle vivait avec lui un amour fort et paisible qui la contentait. Lui dire aussi, à voix murmurante, qu’elle le chérissait, l’aimerait à jamais, comme elle n’avait jamais aimé personne d’autre, qu’il demeurait l’amour de sa vie, sa moitié, sa force, sa vie. Que l’autre et lui, étaient incomparables. Ses lèvres frôlèrent les siennes, Achille sentit son corps mourir et son âme pleurer. Puis la colère l’envahit, il se durcit et s’entendit siffler d’une voix noire « Je ne suis pas Jim ! ». Nonchalant, le suceur de flûte qui s’était rapproché entendit les mots d’Achille, et ajouta en souriant « Je ne suis pas Jules non plus ». Sa voix douce déplut à Achille, une envie meurtrière, dont il ne se serait jamais cru capable le submergea, puis s’éteignit aussitôt quand Sophie, se tourna vers l’autre et lui embrassa la bouche. Le bruit de succion, son avidité, le dégoûtèrent, il s’arracha aux mains de Sophie, la repoussa, elle trébucha, le flûteur la rattrapa et l’entoura des ses bras protecteurs, sûr de son fait, il lui jeta un regard plus moqueur que méprisant. Sophie ne bougea pas mais tendit les bras vers lui, ses mains s’ouvraient et ses doigts griffaient l’air, elle pleurait « mais tu sais bien que …. ».

Cause toujours mon amour.

 Achille était déjà loin.

En pilotage automatique, il est rentré sans trop savoir comment, métro, RER, Institut, chambre, lit, noir, habillé, chaleur, couverture, suées, sueur, douleur, agitation, désordre, sommeil en tranches d’argent coupantes, rêves brefs, durs, saignants, violents, extrêmes, avilissants, labyrinthes obscurs, toiles diaphanes, diamants fragiles, chitine croquée, crocs noirs, aiguilles velues, lacs bleus crevés, iris d’obsidienne fondue, peau si pâle, grain soyeux, souple, odorant, jasmin chaud, sang bouillant, chute, cris, terreur, volcans rouges, laves hurlantes, cheveux en feu, si doux sur sa peau froide … Achille s’est réveillé au cœur exact de cette nuit maudite à jamais, il s’est levé, a caché ses coussins sous les draps, est sorti, a glissé comme un fantôme blême sur le carrelage glacé, a baissé la poignée de la porte. Fermée. Il a roué le bois de coups de poings, à faire éclater ses mains, le sang a éclaboussé partout, a dessiné sur la porte blanche un Pollock mortel, comme des fruits écarlates écrasés, comme la marque furieuse de son amour envolé, comme Sophie qu’il frappe et frappe encore, en lui hurlant d’ouvrir cette putain de porte qui clôt à jamais sa vie. Achille est à genoux, son cœur voudrait exploser mais il ne le peut contraindre à, sa tête rebondit, il est le battant de Notre Dame, lourd, régulier, puissant, qui veut fêler le bronze hiératique du destin qui l’étreint de sa main gigantesque, et qui rit grassement dans la nuit de sa conscience dépassée, son front a éclaté, dans l’ombre du couloir, l’os de son crâne luit, et le sang de couler encore, toujours, inépuisable, il bave, ses dents craquent sur le bois à demi éclaté, qui cède enfin. Dans la chambre béante, personne n’apparaît.

Les cerbères, enfin l’ont entouré, deux infirmiers l’ont saisi fermement, efficaces comme des pros à sang froid, un troisième l’a piqué habilement alors qu’il se débattait dans la flaque de son sang, sur le carrelage qui sera lavé illico. Demain la porte sera neuve, le couloir embaumera la lessive parfumée, Olivier y laissera les traces sales de ses pieds suants, Achille dans une cellule, attaché, dormira d’un sommeil de marbre, comme un gisant à jamais en repos.

 Sophie,

Est vivante,

Et morte.

A tout jamais.

Sous la camisole,

Malgré la,

Achille

Pleure …

Sur le bronze luisant du cuir vieilli de son bureau, ébloui par la lumière crue de sa lampe neuve, Achille le ressuscité des guerres dévastatrices, cette nuit revécues dans les brumes épaisses des souvenirs déchus, regarde, l’œil ensanglanté, le ruisselet qui sourd de ses yeux chassieux, et tache de plaques noires, le grain tanné de son vieux chagrin odorant. Le parfum musqué des longues heures passées à le polir sous ses coudes écrasés, de tout ces temps entassés, d’écritures ignorées, de sueurs exsudées et prégnantes, monte en fragrances familières qui l’aident à retrouver ce présent, obscur et exécrable. Sa main glisse jusqu’à la tige fragile et lisse de son verre, auquel il s’accroche et reprend vie. Son regard se noie dans l’onde foncée du grenat qui repose, les parfums des fruits noirs et mûrs de cette pure syrah, de ce Cornas 2005 du Domaine Robert Michel, le sorcier des coteaux, l’enchantent et le calment. Les notes florales délicates sont la dentelle de ce jus paisible, avant que des notes de jambon gras, d’épices douces ne se donnent. Le sang frais de cette « Cuvée des Coteaux » lui charme la bouche de sa matière dense et fluide à la fois. D’une construction d’école, longue de bout en bout, elle déverse ses fruits, son poivre et ses olives noires, puis le fumé du jambon s’y mêle, délicat et gourmand. Achille est de retour, l’amour est à rebours, rien n’est velours sauf la longue finale de ce jus du septentrion rhodanien qui lui caresse la bouche, comme jadis Sophie, de ses tannins serrés, enrobés et réglissés …

ETROPMOCONTINECONE.

MON ULTRA …

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Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

—–

Je t’aimerais

Mon ultra

Salope,

Je serais ton

Foutraque

Lumineux.

Enfoncé

Dans ton cul,

A te sentir

Vibrer

Comme

Ma cloche

Fêlée.

A pleurer

Pour que ça dure

Et reste

Longtemps,

Infiniment,

Dur …

—–

 Dans tes yeux

Innocents

Au regard

Ambigu,

Je verrais se lever

Les désirs

Inconnus

Qui durcissent

Tes seins

Et enflamment

Ton cul.

Tu seras

Ma loche,

Mon ultime,

Qui s’accroche,

Qui dévore,

Incorpore,

Crache,

Ma bravache,

Ma cravache,

Ma baveuse

Extasiée,

Mon diamant

Ciselé …

—–

 Ton nez

De furet

Curieux

Furieux,

Baveux,

Promènera

Partout,

Renifleras

Comme une folle

Les odeurs

Fortes

De mes viandes,

Mes purulences

Parfumées.

Tes joues

Caresseront

Ma hampe

Au bord

Des crampes,

Et tu m’engloutiras

D’un coup,

Jusqu’aux genoux …

 —–

 Entre tes seins

Gonflés,

Tu poliras

L’épée

De mon envie,

Durcie.

A gestes

Répétés

Tu la feras

Flamber.

Mon cœur,

Amour,

A mort,

Tu m’emmènes

Chanter,

Hurler,

Pleurer,

Jurer,

A jamais …

—–

 Toi la

Sorcière

Aux charmes

Déployés,

Ton cul,

Mon papillon,

A déclenché

La poudre,

Qui sur ta peau

Transie,

Laisse des traces

Lourdes,

Dont d’une main

Émue

Tu tartines

Ton cul,

A le faire luire

Comme

Un phare

Dans la nuit.

Giclées

Beurrées …

—–

 Ma ronde

De minuit.

Tes escarpins

Si fins,

Allongée

Sur le lit,

Tes yeux

De félin,

Ton sourire

Comblé,

Ton vagin

Purpurin,

Dévasté,

Conque

A bout

De souffle,

Comme une chaloupe

Tes hanches.

Je calanche …

—–

 Amour.

ACHILLE, AU PARVIS S’EST PROMENÉ …

Bougereau OrestesW. Bouguereau. Oreste.

 

Achille a décidé de se bouger un peu …

De sortir de cet enfermement dans lequel, il le sent, il se complaît un peu beaucoup. Allez c’est dit, plus que décidé, il bougera ce week-end, osera s’aventurer plus loin qu’à la périphérie du cocon, il prendra le train, affrontera les foules affairées, il goûtera la présence absente des citadins, oui, à Paris, s’y perdre un peu, se gaver de bruits, d’odeurs et de couleurs, noyer sa solitude dans le grand lac des destins qui s’ignorent, couler ses pas dans les rails des sacs de peaux en représentation, regards tendus vers les horizons absents, surfaces lisses, intouchables.

De l’institut à la gare, quelques minutes qui font vite une heure, à tergiverser, à rebrousser chemin, à repartir, à hésiter, à geindre en silence, à compter ses pas. Le quai, enfin. Achille s’est appuyé contre un mur, à côté d’un banc vide, c’est l’heure d’après le rush du matin, après que la foule somnolente s’est engouffrée dans les entrailles, dans la ferraille, entre les portes, agglutinée, s’est fourrée, farce composite, dans les anneaux du lombric. Sous le soleil, les rails brillent, et les reflets coruscants lui brûlent les yeux qu’il a à demi fermés. Pendant, qu’à Montparnasse, le vers luisant chie sa bouillie multicolore, Achille, patient, attend le suivant. Il compte les mégots, tête basse, tous freins serrés pour ne pas repartir. Quelques capuches en grappes, avec des mains qui bougent, poussent des cris rauques, ricanent, se séparent, se bousculent, puis se reforment en jetant des regards alentours, les yeux comme des crochets, en quête de regards à pouvoir provoquer. Mais ne voient pas Achille enfoncé dans son mur, des mégots plein les yeux, qui tremble en douce, de peur et d’exaltation, à rejeter la mort au loin, vers les capuches, sombres comme les enfants de la camarde. Une casquette, tête de mort au front, visière basse, s’est approchée de lui à le frôler, l’odeur brutale, celle des hormones accumulées, aigries par une peau mal lavée, le frappe en plein plexus, Achille n’a pas bronché, a empêché sa trouille de sourdre, d’alerter l’odorat sous la visière, de prévenir le reptilien sous le cortex du crâne épais qui lui fait face. Une main se lève vers lui, griffue, menaçante, accompagnée de mots rauques qu’il ne comprend pas, écoutilles closes, fesses serrées, il ne bouge pas. La main s’agite, puis d’un coup sec, insultant, le frappe négligemment, dominatrice, sûre d’elle, de son pouvoir. Dans les yeux d’Achille, les yeux bleus de l’enfant se sont ouverts plein d’une rage immédiate, mortelle, incontrôlable, qui envoie le genou gauche d’Achille, s’écraser d’un coup vif, précis, si rapide que personne ne l’a vu, dans ce bas ventre naïvement offert, comme une invitation. Casquette sursaute puis se replie sur lui même, sans un cri, souffle coupé, avant de tomber à genoux, les deux mains serrées sur ses couilles meurtries. Remontées au ras des dents. Casquette a vomi. Dans la chaleur du soleil, les roues du train ont crissé longuement, Achille a sauté dans un wagon, les capuches entourent Casquette qui hurle enfin. Les portes se referment en chuintant. Le ver de fer a filé. Les capuches, en mal de vengeance, courent. En vain. Lumbricus leur montre son cul …

La dernière marche du train descendue, Achille est happé par la fourmilière. Pressé, il doit se mettre au rythme de la file qui file, fluide et compacte à la fois, vers le bout du quai. Alors il se colle au premier pylône croisé, et laisse se tarir le flot. Quelque peu oppressé, il se concentre sur sa respiration, qu’il met en mode abdominal, à longues goulées profondes. Ça pue l’air stagnant, chargé d’odeurs, lourdes comme des femmes harassées, parfums fanés de jambes gonflées, de vêtements souillés, d’œstrogènes artificiels, de beautés factices, de fesses irritées, et de prurit congestifs. Fragrances épaisses aussi, de poussière grasse, de plastique chaud, de sièges écrasés par tous les culs du monde, de sueurs froides, d’aisselles humides, de graisse figée, qu’exhalent les bouches ouvertes des machines à l’arrêt. Mais ces odeurs de vie en marche forcée lui plaisent, ça sent les destins qui se croisent sans se voir, les amours ratées pour un métro à prendre, les remugles de Verdi sans la musique, le requiem sans Fauré, ça pue le pot de déconfiture. Achille s’en gave au ras du cœur, au bord des lèvres, jusqu’à n’en plus pouvoir. Un instant le quai se vide, juste avant qu’une autre fournée n’arrive d’un enfer périphérique, qu’une autre coulée de lave humaine ne recouvre le pavé. Alors il lâche son pylône et court vers la lumière qui pointe son mercure fondu, au fond là-bas, vers la sortie.

Achille marche depuis des heures, le longs des boulevards encombrés qui se ressemblent, monotones et sans limites, c’est la deux cent cinquantième rue qu’il traverse, au mépris des feux, comme s’ils n’étaient pas tricolores, agressé par les klaxons indignés des agités dans leurs caisses métalliques, roulant au plus vite, occupés à sauver le monde d’un désastre imminent. Montparnasse, Saint Michel n’en finissent pas. Achille ne regarde même pas les voitures, il avance d’un bon pas et compte les croisements. Au hasard, après avoir traversé la seine et continué tout droit, il laisse Sébastopol, bifurque sur sa droite et débouche du côté de Beaubourg, par Rambuteau. Les petites rues adjacentes lui plaisent et le retiennent dans un périmètre restreint. A deux pas de là, le brouhaha du plateau de Beaubourg lui parvient. Percussions, flûte en volutes passagères, cordes diverses le bercent et l’attirent. Alors Achille part à la dérive, tire plusieurs bords, au gré des notes, rebondit de vitrines en échoppes, se laisser bercer par les blanches, ensorceler par les noires, captiver par les croches, les trilles qui traversent l’espace comme des arcs-en-ciel, aux couleurs douces ou rutilantes, selon. C’est comme un labyrinthe complexe qu’il parcourt, à l’oreille, envoûté, l’esprit en berne, il avance à l’intuition, au mystère, il ne touche plus terre, il vole entre deux espaces, entre rêve et réalité, à demi inconscient, sa conscience sourde à la barre. Et débouche sur le parvis de Beaubourg qui n’est pas Notre-Dame. Sur la pente qui descend vers la cathédrale douteuse, aux tours de fer-blanc et d’altuglas, bateleurs à dreadlocks, jongleurs maigres, haridelles en extase, groupes d’illuminés aux sourires doux, acrobates incertains, hercules à bretelles, gratteurs de cordes à linge s’en donnent et se donnent. L’air est doux, ça sent le graillon et la frite chaude, le kebab et la bière tiède, les promeneurs, chalands, marie-salope en pause, clopes tirées à longues bouffées, aux bouts plus rouges que les glands qu’elles ont branlés, tout un monde d’humains à l’arrêt, déambule, écoute, s’arrête, se déhanche en cadence, quelques couples s’embrassent à bouche que veux-tu dans l’indifférence générale. La vie, cette garce, les réunit un instant, solitudes agrégées, apparentes proximités. Entre eux s’étendent les déserts béants des indifférences, seul les baladins les rapprochent, le temps que leurs notes cristallines, leurs feux éphémères, se dissolvent, s’éteignent. Leurs regards ne se voient pas, ne se sourient pas, leurs paroles pourrissent au fond de leurs gorges sèches, seule la mort, sublime pute aux fards éclatants, les réunira, à temps, pour longtemps, sans qu’il s ne sachent jamais qu’ils ont crevé ensemble.

A l’écart, Achille ne voit que des dos qui lui racontent leurs histoires, il imagine, riant en silence, les faces de ces dos, leurs visages, leurs corps dénudés, ces flopées de bites qui pendent dans leurs culottes plus ou moins sales, ces armées de chattes déplumées, rasées, fermées comme des grottes tristes, fendues par les soies, les cotons, tous ces petits bateaux qui voguent sur l’océan des pisses déversées au cours des ans, sur les mares molles des merdes douloureusement chiées. Comme un camaïeu de tons bruns, comme les feuilles qui s’entassent à l’automne sous leurs pieds innocents. Achille a ri, soudain, d’un rire perlé, comme des pets de lumière noire, sous le soleil dru.

Son rire se casse d’un coup, lui bloque la gorge, il étouffe, cherche l’air longuement, le ciel rougit, le pavé verdit, son estomac se révulse, il vomit à l’intérieur, la bile lui déchire le ventre, c’est comme une dague effilée qui lui perce les tripes, comme un Groenland qui lui glace le cœur, tout s’assombrit, il s’écoute et s’entend mourir, ses jambes mollissent. Puis l’air siffle entre ses muqueuses bloquées et afflue, ses yeux s’ouvrent à demi, les couleurs s’apaisent, le monde redevient triste, bien plus sombre encore que la minute d’avant son étouffement. C’est qu’entre une blonde bouclée et un crâne tondu, furtivement il a cru apercevoir, le temps de sa mort ratée, un profil émouvant, florentin, une tête baissée sur un oud, et cette aigue-marine qui luit comme une escarboucle au coin de son œil, et ne le voit pas …

 Et il a regretté,

A pleuré,

De tout son corps,

De n’être pas mort …

Achille le dispersé peine à se rassembler. Son regard est encore là-bas, jadis, accroché aux arabesques vénitiennes, à ces boucles menues, lianes perdues à la courbe de ce cou gracile, il caresse de sa pupille désemparée les ellipses gracieuses de ce corps-à-corps perdu, foutu. Pourtant sous ses mains étalées, il sent le grain poli de son vieux cuir, de cette patine de bronze luisant qui recouvre le présent de son bureau. Ses doigts se crispent, il s’extirpe de son putain de passé comme une pieuvre de son rocher. Une vision qu’il redoutait, qui l’a rattrapé au coin de cette nuit, pleine de lune, tant pleine à interdire la nuit ! Il aimerait à cet instant pendre au gibet, pourrir, balancer sous le poids des corbeaux affamés, rire de toutes ses dents cassées sous ses lèvres tuméfiées, arrachées, sanglantes, et que son haleine putride plus figée encore, empuantisse les mondes ! Mais non, il est toujours là, ratatiné sous la lumière éclatante de sa lampe neuve, à croire à l’éclosion de ce qui couve en lui depuis des années qu’il a passées à ne pas savoir qu’un jour, une nuit peut-être, une mouette huppée, seule de sa race, aux ailes immenses, amerrirait, gracieuse, rémiges frétillantes, sur la piste vierge de son cœur extasié. Que de ses pattes palmées, elle grifferait, si douce et si sauvage, la surface lisse de ses eaux pacifiées. Et poserait son ventre de duvet léger sur le sien, fatigué. Alors, il a tourné les yeux, oublié un instant le passé, désiré le futur, a saisi d’une main ferme la tige de son cristal brillant, s’est perdu sous la robe ensoleillée de ce vin délicat, a levé la coupe fraîche à son nez en attente, a respiré les parfums délicats des fleurs qui le ravissent, les fruits mûrs et charnus, la dentelle de naphte qui les exaltent, et porté à ses lèvres la chair légère, grasse et ronde de cette Petite Arvine du Domaine des Crêtes, sis en Val d’Aoste, née en cette année 2005, généreuse et si fine. Et ce vin l’a longuement caressé, s’est déployé jusqu’aux confins de son palais, a roulé sur sa langue, n’a plus fini de lui donner, encore et encore, à goûter au plaisir sans fin de son jus racé. Puis le vin a basculé, lui laissant aux papilles, interminablement, la trace accrochée de sa terre crayeuse, réglisse subtile, à peine salée …

 Oiselle tremblante,

Sous ta peau

D’albâtre,

Tes plumes

Précieuses,

Indécise,

Viens t-en,

Enfin …

 

EENMOATTITENCOTENE.

SUR LA PIERRE DURE …

A la cime

S’en aller,

Oser

Grimper,

S’accrocher,

Glisser,

Se redresser,

Jarrets crispés,

Tendons

A se rompre,

Je saigne,

Ma musaraigne,

Tu règnes.

Quand s’estompent

Mon espoir,

Ma gloire

Et ma rime

Je frime,

Et me blesse,

Aux éboulis …

Sur la falaise,

Suspendu,

Comme un presque

Pendu,

Le vent,

A mes oreilles,

M’entends

Tu ?

Toi qui sommeilles

Au creux

Des bras

Rugueux,

Musculeux,

De l’être cher,

Qui caresse

Tes chairs

Disparues.

Ventre velu,

Torse

Tendu,

Il t’as crochée

Au ventre,

Blessée,

Tu es perdue …

Ciguë,

Tu me tues,

Me désespères,

M’exaspères

Le soir venu.

Quand à la fraîche,

Pauvre ventrèche,

Mes ongles,

Ma ronde

Gironde,

Griffent

Les draps.

Ma soie,

Où que tu sois,

Je sens ton souffle

Qui court,

Lourd

D’amour,

Sur les eaux

Blanches,

De tes soupirs.

Délires,

Ma voix

Pâlit,

Mon cœur durcit,

Pauvre Mowgli,

Sur sa branche,

Calanche.

Opale ternie …

La Gironde

Gronde,

A l’estuaire,

Le courant,

L’onde,

Roule

Son flot

Puissant.

Fou de

Bassan.

Bassin,

Crachin,

Tu tangues,

Comme la barque,

Aux Parques,

De ton lit.

Le roulis,

T’éblouit,

Il débarque,

Et t’enduis.

Le ciel d’azur,

Fille si pure,

Dore tes mèches,

Et tu souris.

Reine comblée,

Amour gelé …

Sur la pierre dure

Du sommet,

Un faucon

S’est posé,

Déplumé …

Rien n’y fera,

Tu n’es pas là.