Littinéraires viniques » Christian Bétourné

ET DIEU CREA LA CÔTE…

Bartolomeo Veneto. Lucrèce Borgia.

 Dieu, qui ne manque pas d’humour – Lumière suprême,  il joue avec les ombres –, a chopé Adam (l’innocent gambadait comme un con dans les verts pâturages…) par la nuque. L’ancêtre, confiant, s’est laissé faire en souriant. D’un coup sec et d’un seul, Adonaï lui arracha une Côte, proche du Py, qui n’était pas vitale, grâce à Dieu!!!

Et YAHVÉ-ELOHIM créa la femme.

Que ceux, qui se demandent toujours, pourquoi Monique ne refuse jamais un petit coup de rouquin, avant comme après la bataille, cessent de se torturer les méninges. Ils ont enfin la réponse à leur vague-à-l’âme post coïtal…

Quelques éternités plus tard, par un petit matin, l’œil chassieux et la barbe aussi dure que l’analyse cruelle d’un serial financier – manieur de fond de pensions voués aux développements durables -, lisant le Financial Times au bar du Fouquet’s, Jean Marc, enfile ses chaussettes de laine vierge. Il est temps pour lui, d’aller biner ses chers ceps, au pied de la Croix. Le millésime 2009 promet d’être grand. Entre ses doigts gourds et raidis par les tannins, la tasse de café brûlant irradie. La chaleur douce des plateaux Éthiopiens, monte, sensuelle et revigorante, le long de ses bras engourdis. Sous la couette de duvet bio, sa femme continue paisiblement sa nuit. C’est qu’elle est belle sa Christine. C’est par elle qu’il a conquis le Py… C’est pour elle, autant que par amour du sang de la messe, qu’il a pouponné ses lambrusques, pour en faire de vieilles souches tourmentées et souffrantes. Plus il les taille, plus elles se tordent sous les morsures amoureuses de son sécateur, plus elles pleurent au fil des ans, un jus riche et goûteux.

Va comprendre Alexandre!!!

L’hiver est coruscant cette année. Ça brille à vous consumer le cristallin. Les brumes du petit matin étêtent les collines alentour. Les vignes dénudées crèvent la neige fraîche comme autant de doigts arthrosés. De loin, on dirait un tapis de clous de vieilles girofles, égarées en Antarctique. Ce matin la Croix du Py est remontée au ciel. Nul doute qu’Adam, au dessus des nuages bas qui rognent le paysage, se gratte les flancs du bout du crucifix. Sur sa peau éternelle, la cicatrice pâle de l’Ève à tout jamais perdue, le démange. Comme une trace de l’enfer évité de justesse.

Dieu est grand, qui a créé le Py!!!

A la même latitude, mais sept cent kilomètres plus à l’ouest, le temps des hommes s’en va, tout aussi lentement. De la klepsydra invisible, qui marque les vies des bipèdes insolents que nous sommes, l’eau paisible qui s’écoule en silence, marque midi. Une mi-journée, lourde de tous les nuages sombres des amours légères, que les vents emportent, comme autant de feuilles décomposées.

«Mieux vaut boire seul que mal accompagné» se dit-il pensivement. De sa main gauche, ordinairement malhabile, il enroule le métal brillant de la vrille acérée, dans le bouchon tendre, qui se lamente doucement. «Quoi de plus sensuel quand on n’a plus que ses yeux pour pleurer?» pense t-il, s’esclaffant en silence. Le Côte du Py 2007 de J.M Burgaud a tant à donner qu’il croit le bouchon… comme repoussé par le vin. Il se marre derechef, heureux que personne ne puisse lire, derrière son front plissé, les stupidités qui l’assaillent. Ça sent bon la raviole fraîche et les aiguillettes rôties, sur la table. Une rasade de Morgon et ça va vibrer sur les papilles. D’un geste presque brutal, il verse à gros bouillons le vin, dans l’aiguière aux formes chastes et déliées. Du col effilé, montent en fragrances pures, la framboise fraîche, encore humide de la rosée du septembre d’alors. Dans le verre, replet comme un cul de contrebasse, le grenat sombre, agité de reflets violets, du vin à peine versé, tremble de tous ses atomes amoureusement brutalisés. Il contemple le disque brillant, dont la limpidité obscure, semble le remercier de l’avoir ainsi aéré. L’homme et le vin entrent en dialogue. Quoi de plus intime, quoi de plus musical que cet échange secret, assourdissant et silencieux? Émus, ils se regardent et se hument, comme deux amants frissonnants d’impatience. Les phéromones se toisent et s’attendent, pour mieux s’attirer. Le premier, le vin se donne. Sous les narines dilatées de l’homme aux yeux fermés, montent en vagues courtes et odorantes, les parfums frais de la framboise écrasée. Elle s’écarte aussitôt, libérant le sucre acide de la gariguette de Mai. Les fruits rouges du printemps embaument en ce triste jour de Février. C’est comme un soleil rouge, d’une totale pureté de fruit, qui lui déconnecte l’hypothalamus. S’ensuit une giclée d’endorphines, qui lui embrasent le corps et l’âme. Pâmé, il s’envole un instant. Sept euros cinquante le snif…

Ça va te mettre tous les dealers au chômedu, c’te bombe là!

Insensiblement, irrésistiblement, sa bouche s’approche, puis caresse d’une lèvre humide, le buvant du verre. Il l’humecte du bout de la langue, furtivement, puis s’écarte et replonge le nez vers le disque, au travers duquel, un soleil timide berce de fugaces lueurs incarnates. Lâchant prise, d’un geste maîtrisé, il relève le verre. Une gorgée de jus frais lui emplit la bouche. Surtout ne pas bouger, garder les yeux fermés, laisser le vin prendre place, s’insinuer, baigner langue, palais, joues et muqueuses. Puis, rouler tendrement la matière ronde et mûre, qui enfle comme un air-bag délicieux puis s’étire… à n’en plus finir… Certes le vin est jeune, mais le plaisir immédiat qu’il donne laisse espérer des lendemains enchantés. L’équilibre est magistral, entre les fruits mélés, la chair tendre et intense, les tannins polis au double zéro. Rien ne dépasse, tout s’accorde et joue ensemble le même concerto de plaisir… en raisin majeur!!!

Le jour où le Jean Marc a croisé la Christine, Dieu avait une idée derrière le cep.

Assurément.

EBEMOATITECONE.

MAIS QUI C’EST QUI M’A FAIT ÇA???

Véronèse. Mars et Vénus.

 

Ne vous attendez pas à monts et merveilles, mais à merveille peut-être.

Vous le croirez si vous voudrez…(les puristes me pardonneront, mais je l’entends à longueur de journée, même dans les lieux les plus «in», que je fréquente assidument, cela va de soi).

Pas de Montrachet dans ma cave, et nulle âme généreuse, nul GJE à l’horizon qui me supplie de partager la moindre bouteille… Point de Prince qui me sourit. Faut dire que… question Princesse, point très crédible ne suis. Point de mécène, point d’Arnault. Lequel, ébloui par la sûreté de mon palais, l’élégance discrète de ma plume, jette à mes pieds, quelques caisses qu’il me demande de sublimer par la magie de mon verbe, as generous as a Montrachet… Point de Libanaise pulpeuse qui m’enlève et me jette sous les douze mats de son yacht, me demandant de faire le treizième, les lombaires tendues à craquer, récompensé (moi, pas mes lombaires) par quelque flacon rare de chez Leroy venu, histoire de me refaire la moelle avant de retourner au turbin. Même pas une vieille rombière décatie à la poitrine aussi flasque que mon compte en banque, mais à la carte bleue aussi rigide que… la Justice. Laquelle, en larmes devant ma majesté, remplirait jusqu’à plus soif, mon immense Riedel – taillé «all exclusive» dans un diamant Sud Africain, gros comme un ballon de rugby – du plus immmmense, du plus intennnse, du plus subtiiil, du plus rarissiiiime des Montrachet, que vous – pauvres hères – puissiez imaginer. Tout droit sorti d’un domaine dont nul n’a jamais bu ou boira les vins, et dont je me gaverais jusqu’à rouler sous la table d’albâtre oriental, sur laquelle trôneraient en rangs serrés, langues de colibris, cervelles de cancrelats, magrets de Châs, mollets de serins, triceps de phasmes et autres nombreuses succulences térébreuses. Alors, comme la plus odieuse des stars de l’inutile, comme le plus people des égotiques, comme la plus hypocrite des ONG, j’humilierais la pauvre vieille veuve richissime, en recrachant son vin!!!

Oui, c’est pas très beau, pas très correct tout ça, mais ça me console.

La robe de ce vin «dit blanc», brille, limpide. Elle est d’un bel or pâle comme le teint de Marguerite. Les jolis reflets verts qui la nuancent, annoncent que la Margot (pas le vin), crachera ses jeunes os dans les camélias, sous peu.

Point d’erreur possible.

C’est un Chardonnay, or de la Côte si bonne, qui fume et s’ouvre sous mon nez. Le bougre n’est pas pingre et exhale de généreux arômes, complexes comme ceux des plus beaux des crus. Impression d’élégance, de finesse, de fruits à point. Fleur d’acacia, zeste et jus de citron mûr, pêche blanche, se donnent timidement. Un nez de bonne «facture»*, vibrant, fringant, délicat et tendu. L’aération et la montée en température libèrent quelques discrètes fragrances exotiques, un soupçon de vanille itou. Encore un qu’il va falloir attendre un peu…

Délicieusement gras et frais en bouche, le jus roule tout seul. Équilibré, il récite sa gamme, en tout point conforme aux prémisses olfactives. Puis il fait la boule, s’ouvre et s’étale. Une matière moyenne, certes, mais bien dans l’esprit général du vin. Agrumes et fruits tapissent et séduisent le gosier avec subtilité. Subsistent longuement, le poivre blanc, une belle acidité et un petit goût de craie qui s’incruste longuement.

Un Bourgogne « blanc » (des fois que ça s’rait pas clair…) 2007 du Domaine Buisson-Battault, tout ce qu’il y a de plus générique et qui m’en donne bien plus que mes sept euros cinquante*.

Un peu après, sur mes lèvres, le sel dont la vie est souvent avare, me régale.

 

EENMOBUISSOTINEECONE.

AU GUI L’AN NEUF!!!

Véronèse. Les Noces de Cana.

 Tous les ans on l’attend.

 Cette année je choisis en Août, la fête à neuf-neuf *.

A minuit les viandes saoules se rouleront des pelles rances, baveuses et aromatisées au Ricard, au Pinard, au Moussard, au Champard, au Montrachard ou à la Cocaïne selon qu’elles seront riches ou misérables, actionnaires ou intérimaires. Dans les rues des Métropoles, des hordes de voitures feront hurler leurs avertisseurs, tandis que d’autres brûleront à la périphérie, «tradition» oblige. Des accidents, des morts, des broyés et des blessés sans nul doute.

La routine.

Sous les cartons, les bâches, les tentes de fortune, au milieu des villes de nulle part, les paumés, les rejetés, les handicapés de la vie et de l’amour des autres, au cœur du cœur de la cour des miracles de l’occident triomphant, boiront à petite gorgées prudentes, des liquides chauds tendus par les mains anonymes, de quelques Saints laïques. La fête battra son plein. Au paroxysme, les homards, les rots, les mets délicats, les liquides subtils, dégorgés en longues vagues brulantes et acides, engorgeront les canalisations trop étroites de nos tout-à-l’égout… quelques heures durant.

Chiens, châs, vaches, cochons, ratons-laveurs, tamanoirs, mille-pattes, de nos agitations du trente-et-un, eux, s’en battent les flancs royalement et vaquent à leurs occupations essentielles. C’est pas les tiques à croquer qui manquent, ni les pâtées à baffrer et encore moins les femelles à saillir. De toutes façons nous les humains, on le leur rend bien. Leurs histoires, on s’en bat les c……s. Parfois «l’inconscience» est superbe quand elle est partagée, comme le miroir et son reflet.

Pour les saillies faut voir quand même…

Les arbres, ça les fait rigoler, eux, qui pour certains passent mille ans. L’hiver, en plus, ils ne font pas les beaux et vivent au minimum. Pas beaucoup de jus dans les troncs. S’agiter toute la nuit sur les musiques minimales et indigentes de vedettes éphémères, ils le voudraient, qu’ils ne le pourraient pas. Un baobab et un séquoia tendrement enlacés sur un sirop dégoulinant!!! Nom de Dion, la fête…

Alors les roches, les cailloux, les pierres, tout ce minéral qui nous fait palabrer à n’en plus finir, ça compte en millions d’années chez eux…Tu parles que les flonflons de nos grandes et grosse bouffes, les litres du vin de leurs copines les vignes qui leur chatouillent les côtes dans le secret des falaises, voir plus sans doute, si affinité, va savoir!!! Ça leur passe laaaargement au-dessus des strates. De toutes façons, ils ne comprennent pas. Entre deux battements de paupières chez eux, c’est à chaque fois Nouvel An chez les agités qui leur marchent dessus, sans même s’excuser, à longueur de Civilisations.

Les cailloux, c’est les Suisses de la Création.

Et la Nave va…

* Rien que pour la rime avec le Gui…

 

EY’AMD’LAOTIJOIECONE…

LA TÂCHE 1989 QUI TUE!!!

Des années qu’elle se reposait au calme, au frais, objet de toutes les attentions, de tous les soins, dans un environnement calme et reposant. Elle était régulièrement caressée du regard, parfois même une main tremblante d’émotion effleurait son ventre d’odalisque. On rêvait d’elle régulièrement qui illuminait nos nuits…la fulgurance de ses parfums, le goût sublime de sa bouche prometteuse transcendaient allégrement nos stress, soucis, cauchemars diurnes et nocturnes….Elle était la promesse qui donnait sens à nos vies!!!!

On, c’est la bande de gougnafiers qui ce soir là ne quittait pas de l’œil le tire bouchon, neuf pour la circonstance, qui non content d’avoir délicatement décapsulé la belle, s’était ensuite enfoncé au plus profond de son bouchon qu’il s’évertuait à remonter doucement avec respect et humilité. Je vois encore les yeux émerveillés des sus-qualifiés, autant de phares à iodes perchés au dessus de bouches entr’ouvertes et humides…..L’avidité régnait sur les esprits.

Las, avant que les verres n’atteignent nos nez, aux narines aussi avides qu’épatées, la lumière s’éteignit…

Je venais de perdre connaissance abattu comme le vieux chêne par l’attaque imparable d’un bouchon défectueux.

La Tâche est morte et je pars pour l’hôpital, le cœur en piteux état……

EMOTICONEEXPLOSIFIEE.

Ce texte a déclenché de très vives réactions sur site, de toutes sortes, du rire à la compassion. A la question, «Qu’avez vous bu à la place», il m’a bien fallu répondre…

Vous ne croyez quand même pas qu’un tel nectar se jette!!! A six, ça nous a fait chacun une hypodermique de 12 centilitres. Il est vrai que celui qui s’est injecté le fond de la bouteille s’est retrouvé en Colombie illico…..On ne l’a pas revu depuis. Comme dirait un mien ami, il a du se trouver une Meuf!!

La consolation est venue d’un magnum de Villageoise qu’un des protagonistes avait précieusement entreposé depuis des lustres dans le coffre de sa Twingo.

La vie, nous a sauvée, il a!!!

Dès que j’aurai surmonté l’inévitable épreuve du deuil, je contacterai la DRC. Pourvu qu’ils ne m’envoient pas le GIGN!!!

EMOTICONEMARTYRISEE.

LA ROCHE TARPEIENNE…???

L’attaque qui suit est un peu rude, certes, mais sans ressentiment aucun.

Il est vrai, que depuis déjà quelques années, après de rudes et vrais efforts, les frères Bret se sont hissés, à force de travail et de talent, jusqu’au Capitole. Une ambition qui ne sacrifie pas au consensuel. De leurs vins, depuis 2002, je me régale. Bon an, mal an, ils exaltent les grands millésimes et réussissent les «petits», sans patte trop lourde ou trop légère. Leurs vins, ne sont jamais, de chai, nés.

Pourtant, de loin en loin, parfois de près en près, récurrentes donc, quelques bouteilles, après avoir donné bien des bonheurs, tombent dans la misère oxydative, comme dans une maladie, que l’on peut dire honteuse.

La dernière en date, «La Roche» 2006, combinait «Tatinite» outrageuse et amertume quasi «Barbe de Capucin». Pour n’en citer qu’un autre, « Les Remparts 2002″, qui en leur temps m’avaient navré, eux aussi. «En Carementrant» 2006 aussi, carrément trop cuit après avoir été si prometteur! D’autres, que je n’ai pas compte-rendus (j’ai du mal… à dire du mal…), dans la catégorie «moins pire» étaient aussi touchés et se seraient sans doute complétement «pommés» au fil ou plutôt au «four» du temps, si je ne les avaient précipitamment bues, presque de force. Perdre un vin, pour fait de bouchon ou de déviance, je le confesse mes frères, m’enrage, me court-circuite la raison et me branche sur la boite à éructations, qui est à l’élégance, ce que le pétrole est à l’écologie. Le ciel veuille que vous ne m’entendiez jamais jurer. C’est à peu près comme un tonnelier qui se coince le doigt dans sa futaille, un vigneron lâché par son importateur Américain, un politique pris par la (les) patrouilles, un alcoolo devant un bouteille de coca, un Colombien devant un sac de farine, un hétéro feinté par un travelo, un cycliste qui perd sa selle…

Vous me direz mes bons, que d’autres aussi, qui «donnent dans le vin»feraient mieux de se mettre au Calva; mais, qui aime bien châtiant bien, je ne listerai pas ceux, qui m’ont aussi fait le coup, mais dont je n’attendais pas vraiment, de grandes secousses.

Il en va du vin comme du vivant…

Difficile de se sentir «trahi» par celle que l’on aime, qu’elle soit bouteille ou «gourde».

Histoire de me remonter le moral vinique, j’ouvre en direct et à nouveau, l’oeil humide, la papille turgescente, histoire de finir sur un sourire et une bonne giclée d’endorphine, «Les Carementrant» 2006 bis.

Pas de bol, si j’aurais su, j’aurais pas bu. Jaune de jaune et pomme cuite de chez la mère… Derrière l’attaque pourtant, au nez comme en bouche, y’aurait eu du vin!!! Les caves qui les ont «coucounées» sont d’une régularité exemplaire, treize à l’année, fidèles comme des «Carmélitres», propres, bichonnées. Pas de promiscuité douteuse. Les vins viennent du domaine. Alors???

Mais qu’est-ce qui z-ont t-y fait ces gars là?

Vérole de moine congestionné, me v’la reparti dans les tours!!!

EMOTIVRAIMENTCONE.