Littinéraires viniques » LA DÉGUST EXPRESS DU SALE VIEUX CON RÂLEUR …

LA FUITE NOSTALGIQUE, À VARENNES FRANC DE PIED…

Hortense Garand Vernaison. La fuite à Varennes.

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 Je me suis assis sur les marches. La nuit tombe, la fatigue m’écrase.

C’est l’heure magique, quand le chien harassé mord le loup. Salade, entrecôte et fromage m’attendent. Après la poire, le lit. D’une pièce, je m’écroule dans les épaisseurs muettes d’un sommeil de kapok.

Une semaine déjà, que la hotte pèse sur mes épaules et m’enfonce dans la terre, verte de vie mouillée, qui sépare les rangs des vignes. Le nouveau millénaire s’ouvre à peine à nos prochains désespoirs humains. En ce dix Octobre de l’an 2000, le ciel annonce des crises redoutables. La terre, collante des pluies fines automnales, coule, glaçante, le long de mes reins qui s’affaissent sous le poids des cagettes empilées. Maudit lundi que les courbatures, les douleurs, enténèbrent un peu plus. En ce petit matin à la clarté diaphane, les petites misères du corps mâché par les retours incessants, épuisants, pèsent la mort. Les tendons à se rompre, les muscles gorgés d’acide, hurlent au repos. Chaque pas est un combat. Nonobstant, l’aube pointe le bout de son œil livide; chien et loup se séparent pour la journée. La lumière est blême, l’horizon est ailleurs. Les vignes mangent le ciel. Ici, la terre siliceuse est meuble. Elle ne collera pas, en lourds paquets gluants, sous les semelles. Luc, le chef de culture, grand piquet noueux, tente de motiver la troupe des fourbus, plantée en silence, têtes basses, face aux rangs. Sa moustache est sévère, mais son regard est doux. Il sait ce que marner veut dire. Le vignoble de Beaumont en Véron chante sous le crachin. Les coupeuses ramassent leurs seaux, au fond desquels rougeoient les sécateurs graissés de frais, mâchoires closes. Les boudins de mousse, protègent un peu de la morsure des sangles de la hotte que j’épaule, comme une monture qui enfourcherait son cavalier. Je la tiens fermement de mes doigts gourds, déjà crispés. Entre les rangs, les grappes de cabernet, diversement mûres, me sourient affreusement. Sous les feuilles larges, elles me narguent et aspirent à se nicher au chaud de mon dos, lourdes du jus poisseux de leurs gros grains juteux. Au pied des ceps, le microcosme sinople, piqué de gouttelettes translucides, grouille de vie. Les épeires à gros ventre, au cœur de leurs toiles hyalines qui scintillent de toutes leurs perles d’eau pure, m’appellent. Les herbes folles se dressent jusqu’à ma taille et me promettent leurs frôlements soyeux. Elles conservent dans leurs entrelacs complexes, les pleurs de pluie, qui déjoueront les plis (serrés à outrance pourtant), du mille-feuilles de tissu et de toile jaune étanche – il ravirait le plus chevronné des pêcheurs Bretons – censé m’isoler à jamais de leurs chagrins humides. Comme des glaçons fondus, elles s’insinueront, vicieuses, au plus profond de mon caparaçon d’opérette. Tout au long de ce jour sans fin.

La ronde infernale commence…

Le premier matin de cette presque quinzaine, Dominique, souriante, nous attendait. Devant la porte du bureau, les gens, doucement, se rassemblaient. La troupe composite des vendangeurs prenait visage. Les anciens, agglutinés, faisaient bloc et regardaient finement les nouveaux. Gisèle menait le clan. Lourde et carrée, elle dominait la harde. Sous son allure de grume mal taillée, au fond de ses petits yeux de furet vifs et noirs, pelotonnée, timide et tendre, une mésange bleue, qu’elle même ne soupçonnait pas, se cachait. Autour d’elles, les filles, journalières chevronnées, fumaient et riaient, se moquant grossièrement des tendrons jeunes, frêles et isolés, qui ne mouftaient pas. Dominique la secrétaire – confidente, soigneuse de bobos, regonfleuse de moral, maman à ses heures – tissait le lien. Elle volait d’un groupe à l’autre. Gentiment, finement, elle rassurait les nouveaux et calmait la meute massive des aboyeurs burinés. Sur le tard, une compagnie Canadienne qui frisait les vingt ans d’âge moyen, joyeuse et sans complexe, déboula. Étudiant(e)s en voyage entre deux cycles d’études, ils allaient de vignobles en vignobles pour financer leur périple Européen. L’onde fraîche de leurs rires spontanés sonnait comme un hymne à la joie. Treize jours durant, ils chanteront tout le jour, feront la fête toutes les nuits, increvables, insouciants, amicaux. Ce qui aurait pu être un Babel cacophonique, devint un cantique, une ode au plaisir de vivre.

L’agrégat baroque, sonna, symphonique.

De l’autre côté de la route qui mène de Chinon, via Sazilly, à l’Isle bouchard, face au Domaine Joguet, l’Auberge du Val de Vienne allonge langoureusement sa longère. Jean Marie Gervais flamboie en cuisine, Florence la joyeuse, sa femme, sourit aux voyageurs, que la réputation du lieu attire. J’y suis entré, timidement, sur la pointe de mes godillots malpropres, un soir que la misère de mes repas ordinairement bâclés et peu variés, m’a donné le courage d’en pousser la porte. En moins de temps qu’il n’en faut pour priver un cep de ses enfants dodus, les atomes ont croché entre nous et dés lors, je m’y suis régalé chaque soir…Pour une pincée de kopecks, Jean Marie m’a gavé. Frédéric le sommelier est devenu mon complice. Toute la Loire a coulé dans mon verre. «Goûte, goûte», me disait-il, l’œil allumé. A descendre ainsi tous les soirs les vins de l’amitié, mon sang se fit nectar et mes nuits furent profondes. Sereines et pacifiées, elles apaisaient les muscles de mes épaules broyées sous le fardeau des charges quotidiennes.

Au petit jour, dans la lumière opalescente des matins souvent liquides, le temps filait. Les Canadiens, natures saines, chantaient «La vie en rose» et épandaient au pied des rangs, les grappes du même reflet qui n’iraient pas verdir les vins à venir. Parfois, dans un élan de joie d’un autre temps, ils entonnaient «La Marseillaise». Le dernier jour, le jus des ultimes grappes me fit la tête d’un Playmobil, avant de me coller la chemise au dos.

Douché, récuré, la couenne grattée comme celle d’un cochon de décembre, ce fut gala le soir final d’avant le départ. Dans la grande salle de l’Auberge, Jean Marie me mit l’amitié dans les plats. Les yeux humides, Frédéric eut la bouteille rabelaisement généreuse. Dire que je traversai la route en volant, relèverait de l’euphémisme. Les quelques mètres qui me séparaient de mon lit me virent divaguer, bifurquer plus d’une fois, tituber et rire nerveusement à la nuit noire.

L’an 2000 ne donna pas de «Franc de pied»…

Domaine Charles Joguet les Varennes du Grand Clos «Franc de pied» 2004.

La robe d’un lumineux grenat pyralspite, ferait le bonheur d’un ecclésiastique pré-phylloxérique.

Le nez est animal au débouché, mais renvoie la bête dans sa souille quelques heures après que l’air l’a nettoyé. Alors vient le fruit, les fruits plutôt, que le léger fumet sauvage qui subsiste, renforce. Les enfantelets frais du Cabernet bien Franc et bien mûr, jouent sous mon appendice recueilli les jeux innocents et joyeux des marmots au jardin. La fraise domine, mais la cerise et sa peau ne s’en laissent pas compter. Le bois résiste encore, mais on sent que le temps lentement, le fond au fruit. Quelques notes tertiaires pointent discrètement le bout d’un champignon cru. L’humus des sous bois humides s’y marie, et donne à l’ensemble l’espoir d’une maturité qui s’installe à son rythme.

Mais c’est en bouche que le «Franc de pied» se distingue. D’un coup (de pied) il renvoie le poivron à la salade. La bouche est nette, après qu’elle a reçue et goulument embrassée une belle matière, nette, précise, bouchée de fruits tout juste cueilli, dont la fraîcheur tendre décuple l’agrément. Tout cela roule et habille la bouche de tannins fins, subtils et crayeux comme une poudre de tuffeau. Le vin enfle une dernière fois au palais, avant de glisser, laissant derrière lui une juste et longue fraîcheur qui me fait derechef tendre la main, vers la bouteille…Un Cabernet Franc qui n’appelle pas la brosse à dent!

Un vin, à prendre franchement son pied…

 

ENOSMOTALGITIQUECONE.

LE VIEUX TEMPS DES JEUNES ROSES…

Chagall. La femme et les roses.

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Un temps à la fricassée de champignons, aux patates rôties au sel, histoire de remettre à sa place un agneau qui se la pète façon Baron. L’image d’un touriste crispé sur le boitier, tendu, volontaire et qui peine à faire la mise au point manuelle de son boitier «auto-focus» me traverse régulièrement l’esprit depuis ce matin. Je ris en silence pour la vingtième fois…

1979…

Francis Ford Coppola balance «Apocalypse now» dans les gencives auto-satisfaites de nos démocraties confortables, Mère Térésa reçoit le Nobel de la Paix, Kessel rejoint la Savane céleste du «Lion», Paul Meurisse ne chaussera plus son «Monocle», Mikael Cimino nous emmène en «Voyage au bout de l’enfer», Mesrine prend une rafale en plein buffet, Borg plane, Hinault règne, Khomeyni pointe le bout de son intégrisme contagieux, Thatcher sévit sévère, Saddam étrangle l’Irak, Bokassa taille ses diamants… ainsi va le beau monde en cette année ordinaire.

Dans sa vigne Joseph œuvre, discret et pugnace. Toute l’année il aura contemplé le ciel en silence, soigné ses lianes patiemment, calmement comme d’habitude. Il sait que son «Champans» sera rouge, il n’est sûr que de cela d’ailleurs. Tout le monde s’en fout mais il se fout que l’on s’en foute. Il n’est pas de ce monde là…

Au bout de l’année ses vins seront fins et élégants. Oh rien de monstrueux, rien de ces élixirs travaillés que les médias révèrent de nos jours, non rien qu’une simple essence de pinot comme d’habitude. De toute façon l’année ne le permettrait pas.

J’ai ouvert la bouteille une heure avant. Elle est montée en température tranquillement. Dans le verre, sous les rayons timides d’un soleil qui peine à percer la monotonie du jour, comme ma langueur d’ailleurs, brille doucement le cœur pâle et translucide du vin. C’est un grenat clair qui décline à la périphérie la gamme subtile des roses d’hiver, diaphanes et oubliées. Les automnes l’ont marqué lentement de leurs teintes chaudes. Le souvenir des oranges fraîches s’y est inscrit aussi. Bref, l’histoire du vin c’est cette robe dans laquelle je me perds… moi… qui les troussaient assidûment en ce temps-là!!!

Il se dit, le touriste de ce jour là, que la mise au point, c’est pas de la tarte, et songe à graisser l’objectif qu’il n’arrive toujours pas à tourner. Il a chaud et maudit en silence le vieux qui l’emmerde au sujet de ses photos floues … «mais j’l’aurai, j’l’aurai, un de ces quatre je l’aurai le vioque»!!!

C’est au beau milieu d’une galaxie subtile que je plonge tandis que j’inspire, le nez dans le verre. C’est dire que je suis ailleurs, loin d’ici bas. Se pourrait-t-il que Joseph ait planté ses «Champans» à Grasse??? Sans doute. Je vogue au cœur d’un distillat de roses. La fraîche et la fanée célèbrent leurs épousailles au fond du verre, finement, délicatement, subtilement. L’image d’un pétale tendre qui se froisse sous les doigts, d’un alambic tiède d’où sourdent encore les dernières gouttes odorantes d’une eau de parfum, la masse soyeuse des roses du jour qui ont donné tout leurs sucs et qui gisent en bouillie exsangue et pâle dans la pénombre. Comme un vampire végétarien qui serait passé par là…

J.Voillot Volnay «Les Champans» 1979.

Voyage au bout de la finesse…

Le fruit est certes là encore. La cerise juteuse tâche le cuir de la vieille selle accrochée au bois du paddock. La peau d’orange aussi. Mais les roses submergent tout de leurs eaux parfumées. On ne dira jamais assez combien les vieux pinots exultent en leur vieil âge l’extrême finesse de leur délicatesse élégante.

La matière polie par les ans glisse en douceur et caresse du bout de ses tannins veloutés mes papilles conquises. Je me rends à ses charmes affaiblis. Dans le boudoir fragile des beautés de jadis, je m’attarde. Si Toulouse-Lautrec, délaissant un temps son absinthe, avait pu, par une subite distorsion du temps, goûter à cette dentelle de vin, ce n’est pas «La Goulue» qu’il aurait croquée mais «La Frémissante», «La Diaphane», «La Fragile», «l’ Évanescente»…

Un peu de mousse, d’où pointe la tête d’un champignon humide, subsiste, un temps, au fond du verre vide.

EROSEMOCHIFFOTINEECONE.

D’ISPAHAN À LA HAVANE, PAR CORDOUAN ET LA TRUFFE…

Mahmoud Farshchian. Roses d’Hispahan.

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 Quel nom! Eloi Dürrbach.

Eloi tout d’abord, le Saint du même nom était orfèvre et trésorier de Dagobert. Un homme donc, qui devrait savoir ciseler, compter et s’y connaître en pantalon…

Dürrbach. D’Eloi, René était le père. Peintre et sculpteur, il fut l’ami de Fernand Léger, Robert Delaunay, Pablo Picasso. Les étiquettes qui ornent Trévallon témoignent de sa présence, hors du temps compté de la matière. Tout pour faire un vigneron, non? Dont on attend rigueur, poésie, élégance.

Deux cépages, Cabernet Sauvignon et Syrah plantés dès 1972 sur les pentes arides et calcaires du versant nord des Alpilles. Un vin «inventé», anti conformiste qui rejoint dès sa naissance le sein hétéroclite des Vins de Pays.

Ce nom, Trévallon, m’était familier, comme il l’est de tous les amateurs. 1999. Familier certes, mais inconnu de mon palais. Une première rencontre. Un mystère qu’une première, l’émotion de la découverte, le frémissement de l’approche, le recul et l’hésitation, l’enthousiasme, la crainte et l’impatience. La reddition ou la déception.

La couleur aussi du «tonitruant», du Trévallon dont j’ai plaisir à lire les emportements, plus tendres qu’il n’y paraît. Décidément, je ne suis pas sou neuf devant ce vin qui l’est pour moi, et que j’attends, dans cette pénombre de la conscience, sauvage et sensible à la fois? Un voyage dans le verre, incertain, attirant. Oui, je sais bien que tout cela n’a rien à voir avec la dégustation pure et dure, mais existe-t-elle? Tant pis pour ceux qui la prônent, et qui me liront.

Dans le verre aux courbes féminines – on boit toujours dans une coupe qui les glorifient – le vin attend depuis une heure. Tamisée au travers du grenat liquide mêlé d’orange, la lumière pure de cet hiver Hollandais. Le relief de la vie s’y meut au ralenti. Comme un hymne à l’évolution lente, il n’est pas sans rappeler la fausse transparence des eaux tropicales. Une turbidité forte, qui évoque la chair dont on parle souvent.

Imaginez le mariage rare entre une perdrix dodue et un faisan nerveux, affolés par les bruits incongrus des chasseurs, au petit matin brumeux. Vous aurez là, précisément, l’idée du fumet puissant qui frappe mes narines. L’odeur de la curée, de la plume et du sang. C’est une journée qu’il faudra à ce vin, avant qu’il ne daigne se donner davantage!!! J’ai adoré ces premières effluves, si justes, si proches de l’essence même de la peur, qui doit tordre la biche ou le chevreuil coursés dans les bois. Ce mélange enivrant des adrénalines animales. L’effroi qui sidère les viscères, qui affole le cœur et les sudoripares.

Plus tard, au lendemain d’hier, comme un paradis fragile, les roses d’Ispahan surgissent du verre, graciles, délicates et fanées…Le cuir de Cordouan ajoute ses notes à peine grasses aux arômes puissants d’une belle truffe dans sa gangue de terre humide. La boite à tabac s’est ouverte elle aussi et délivre des parfums de Havane. Le tout se fond élégamment, et enrobe d’une sensualité toute en finesse, le cœur calcaire du vin. La rigueur est bien là. Le squelette soutient la chair. De la douceur aussi, qu’équilibre une touche d’amertume.

Il va bien falloir que la bouche accueille et prenne son bonheur…Le sucre et l’amertume, comme un sureau mâché, touchent la pointe de la langue. La sensation de fraîcheur est immédiate, puis les fruits (petits, moyens ou gros, je ne sais…) percent le liquide, et tapissent les papilles d’une chair parfumée. La matière enfle sans ostentation, l’équilibre est constant, comme le rythme d’un pur sang au galop maîtrisé. Cabernet et Syrah se respectent, et s’entendent comme cépages en foire. La finale n’est pas une fin, elle s’étire en lenteur et longueur, les tanins et la craie intimement unis.

Au fond du verre vide, la pivoine s’est invitée, et Ispahan s’étale.

Le pays de la grâce… J’y retournerai.

EQUIMOLÉTIVITECONE.

BOULAND M’A BOULÉ…

Veneto. La circoncision.

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  Encore un vin goûté le week-end dernier en compagnie du Seigneur de C…. et de l’affligeant patte-pelu. Connaisseur, le margay avait carafé le breuvage, depuis …je ne sais plus quand. A l’aveugle, comme de bien entendu et systématiquement….avec ces deux fondus…qui n’ont de Savoyard que le gosier pentu!!

Le cœur battant la chamade, le front plissé et l’angoisse au ventre, je porte le verre au nez, tire et retire sur l’appendice, cherche et recherche, les plus subtiles fragrances que le liquide, à la robe opaque, qui rosit à peine…délivre abondamment.

Sérieux comme un buveur d’eau plate, je suppute, j’analyse et compare, à l’immense bibliothèque olfactive – trop modeste, je sais – qui alourdit ma tête, plutôt légère de nature…. J’y retourne, j’y replonge, à m’y noyer le bulbe!!! Ce coup-là me dis-je « in peto » – domaine dans lequel les deux bougrasses excellent – je me vais, me les enterrer grave-à-donf, les deux moineaux!!! Le vin est magnifique de générosité et de richesse olfactive. Une pointe de grillé, du café, du cacao, de la réglisse (M…e encore un Languedoc???), de la confiture de myrtille sucrée accompagnée de notes terreuses, de poivre moulu, d’épices douces….Je reste coi, coincé même. Mais une intuition, aveuglante comme il se doit, me transperce de plaisir.

Ça y est, je sais, l’évidence même!!!

Détendu et sûr de moi, comme un radar, un quinze Août, face au soleil, vers vingt heures, du côté de Montélimar, je souris intérieurement, dans un délectable état de suffisance délicieuse. Me reste à goûter le vin….bof…pas nécessaire pensais-je, l’ego baudruché comme un Zeppelin. Mais bon, je vais attendre un peu, pour les humilier bien profond, et savourer le plus longtemps possible, le vent que je vais leur mettre!! M’en vais profiter tranquillement du nectar, dont la matière imposante et fraîche, m’agace la bouche, à grand renfort de fruits croquants. La finale est sublîîîmissime de douceur et n’en finit pas de me rouler dans la soie.

Une bouteille d’exception, “pour quand que je serai vraiment vieux” *

Le silence se fait, car la bête est belle. Je les regarde, de l’air innocent du prélat, qui vient de s’essuyer au rideau et leur lâche du bout des lèvres : Gevrey Premier Cru 2002!!!!! Le pépère reste silencieux, comme sidéré. Raminagrobis, vaincu se tait. Il a l’air assommé, KO, pulvérisé!!!! Et voilà les p’tits gars, boum, badaboum, qui c’est le plus balèze????

D’une voix douce qui ne veut pas blesser, plus faux qu’un Oscarisé qui remercie la salle, après un long silence, le grappin mité, dans un souffle, susurre en regardant ailleurs :

Daniel Bouland Morgon VV 2003!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

Ni fleurs ni couronnes.

 * Dédicace “spéciale Equipe de France de foot”.

LES ETOILES DE NUITS ENTRENT AU COUVENT…

Fabienne Rhein. Les Frat’ernelles.

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 Temps sec et frais en ce nocturne 19 Novembre 2009.

Comme une parenthèse au déluge ambiant. Le ciel pleure, quand la Bourse se vide!!!

Les étoiles sont dans ce ciel de nuit, mais faut-il dire pour autant qu’il serait habité?? La question n’est pas là… Seules ce soir sont dans la clarté, les «Étoiles de Nuits». Elles entrent au couvent, néanmoins…alors???

Bon, basta avec tes errements mystico-philosophiques, AOC est une association laïque d’amateurs de vins, qui libationne au Couvent de Recollets un point c’est tout.

Une certitude au moins, Saint Georges veillera sur nous.

Ce soir c’est Bourgogne. Belle soirée en perspective, que ces douze flacons de la Maison Drouhin alignés devant la haute silhouette du Stéphane. Il est grand le Stéphane, encore mince…parce qu’il est grand. Une main, qui se hasarderait le long de son flanc, y rencontrerait quelques discrètes rondeurs…Mais personne ne s’y risque, tant qu’il ne dort pas. Le Charentais est prudent, mais la Charentaise n’est peut-être pas prude, alors… Dire aussi qu’il rentre d’un week-end chargé en Bourgogne… Caves après caves… En apothéose, la Paulée de Meursault (j’enrage!!!). L’abnégation faite homme. Un grand amoureux, qui connaît la Bourgogne sur le bout du goulot. Il faut l’entendre la narrer, comme me parle un grand cru, le soir, au creux de la luette, avec finesse, élégance, grâce et simplicité.

Au risque de me répéter, cet homme, Grand Chevalier de l’Ordre des « Videurs des Divins Flacons », Grand Maitre de la Confrérie des « Gosiers Pentus », Grand Timonier de l’Union des « Arracheurs de Bouchons », Grand Ordonnateur des soirées des « Défonceurs de Capsules » (je vous la fait courte, car les autres titres du Sieur ne peuvent être ici dévoilés, tant ils touchent à des domaines ordinairement « réservés »…) est, de surcroît, grand ami de presque tous les vignerons des deux Côtes, dont le très fragile J.P.Charlot, qui est à la puce des vignes, ce que le Tyrannosaure est à Chaplin… C’est ma peau que je joue là, sauf à ne plus jamais mettre les pieds à Volnay.

Me suis égaré dans le labyrinthe des préambules je crois, mais la vie est courte et les chemins les plus tendrement longs, sont peut-être les meilleurs…???

Bon, ben, va falloir y aller. Savoir enfin que ce qui suit, est à lire, mais pas à prendre à la lettre. Mon esprit s’est par moment évadé, au contact d’aucuns de ces grands jus de vins. Gravir les flancs des monts de la délectation, et/ou se baigner dans les humeurs épicées de la subtilité, ne favorise pas la concentration Cartésienne, ni plus, la prise de note appliquée. Mes oreilles, ravies par le chant velouté des «Petits Monts», n’ont retenu que quelques bribes, des propos, richement incohérents, tenus par les dégustateurs patentés présents. Alors, merci d’être indulgent.

Douze DROUHIN, apôtres des villages et climats de la Côte, nous étaient proposés. Tous jeunets, inscrits aux registres en 2006, oui, les mêmes dans le millésime 78, eussent été sans doute, plus à point, mais à l’impossible, nul…

LES VILLAGES OUVRENT LE BAL.

 John Hoppner. Charlotte Papendick.

Tout au long de la soirée, les robes de ces vins, éclaireront la dégustation de leurs lueurs rubis, qui balaieront sous les lumières douces de la salle, toute la gamme des rouges, de la cerise tendre à peine pubère, au grenat sombre et éclatant des grands crus, en passant par le carmin velouté des premiers crus.

Chorey les Beaune : Un vin simple mais bien fait, sur les petits fruits rouges. Un vin de bonne soif, au fumé agréable, qui finit sur une fraîcheur un peu métallique, cependant. Une belle «charcutaille», l’aurait sans doute magnifié.

Vosne Romanée : Le charme de Vosne assurément, déjà. Un bouquet de pivoine en signe de bienvenue, puis une palanquée d’arômes fondus. Fruits rouges, cuir, vanille, poudre de cacao, en cascade complexe. Bel équilibre en bouche, la puissance maitrisée de Vosne pointe déjà le bout de sa séduction. La finale fraîchement épicée, dévoile de jolis tanins, réglissés et soyeux.

Chambolle Musigny : Un nez, encore sous l’éteignoir, qui daigne, après qu’il a bien pris l’air, laisser échapper des notes de fraise à peine écrasée. La bouche est subtile, comme se doit de l’être tout Chambolle bien élevé. L’image d’une crinoline, tendre, fragile et souple, qui valse entre les bras virils d’une jeunesse rieuse, me traverse l’esprit…Des tanins, encore saillants, qui demandent à connaître la lime attendrissante du temps, durcissent à peine la finale.

Gevrey Chambertin : La muscade, que l’amande rafraîchit, fragrance fugace et fragile, rode, délicate, l’espace d’un soupir. Puis le nez trouve le plaisir, dans une appétissante purée de fruits rouges. De la puissance en bouche pour ce village de bonne origine. Des épices ensuite, qui marquent franchement une finale aux tanins mûrs, réglissés, qui je l’espère, perdront de leurs épaules dans les trois ans… pour le moins.

Nuits Saint Georges : Un nez très aromatique, floral d’entrée, puis tout en fruits. Tout au bout, de la peau d’orange. L’attaque en bouche est sucre de fruits mûrs, la matière, conséquente, est encore en bloc, serrée. Le zan domine la finale aux tanins ronds, mais un peu verts.

LES PREMIERS CRUS ACCELERENT LA CADENCE.

 Maxwell Armfield. Faustine.

Nuits Saint Georges «Procès» : De vieilles vignes, de plus de soixante quinze ans, ont enfanté ce vin, qui vous plonge le nez dans la fourrure chaude, dès l’ouverture…Mais qui s’en plaindrait!!! De la réglisse, du cuir, de la cerise à l’eau de vie et son noyau, du cassis, puis du cèdre, suivent en foule bigarrée. Ça en jette, et ça pulse sous la narine, qui alerte les glands salivaires, lesquelles, accueillent en bouche un jus glissant, puissant et doux à la fois. C’est d’la bonne came ça madame!!!! Qui frétille sur la langue, et vous laisse en finale, le souvenir ému du passage impressionnant d’une marée gouteuse de tanins ronds, réglissés et croquants. Manquent à la fête, les fibres tendres d’une belle viande, rassie à point.

Morey Saint Denis «Clos Sorbé» : Les raisins de ce vin proviennent des vignes du «Père Jacquot», que Robert Drouhin vénérait, paraît-il. Les Bourguignons comprendront… dixit Stéphane, qui a trainé ses savates dans plus d’un chai. Il m’arrive de me perdre, délicieusement, dans les plis d’une robe de soie. Celle ci est profonde, comme l’eau d’un rubis Indien. Et quelle nez ma bonne!!! Rien n’y manque. Cassis, myrtille, cerise, ronce, réglisse, et fumé encore. La cadence vous dis-je!!! L’attaque, ou plutôt la caresse en bouche, est fraîche, comme une main réconfortante sur un front enfiévré. La matière, ronde, est d’un équilibre qu’envieraient nombre de Socialistes et Umpistes confondus, et confondants (Ah que la langue Française est belle et insolente!!!). Il y en a partout, dans tous les coins de l’hexagone buccal. Oui je sais…la bouche est ronde…sauf chez les gueules carrées. Les fruits sont aussi frais que rouges, les tanins sont aussi épicés que fins. La finale, encore un peu serrée, est longue et séveuse.

Chambolle Musigny 1er Cru : Ce «Cambolla» est une mosaïque, issue de différentes parcelles et finages, étoiles autour du soleil Musigny. Le premier nez est musqué, comme la trace d’un lièvre effrayé, surpris entre les ceps, un petit matin brumeux d’automne. Puis, le «paysage» olfactif, prend un air printanier, et s’élargit sur la fraise des bois, la cerise noire, les épices, la réglisse. Je perçois une touche de terre sèche aussi…La bouche réitère en tous points les bonheurs du nez. La finale est épicée, réglissée, sur des tanins de velours, fins comme un second degré dans une assemblée de primates.

Vosne Romanée «Petits Monts» : Ce climat, petit par la taille, est en haut de coteau et converse à mi-voix, dans le secret des vignes, des privautés insupportables, que le percheron à la crinière blanche – ne balaie-t-il pas effrontément de sa large queue, de vieux ceps irascibles!!! – se permet, tandis qu’il gratte en douceur, l’épiderme sensible du bas du dos du Mont?? Le Richebourg, en vieux sage, écoute et compatit…Le lièvre est aussi passé par là-haut. Il a laissé dans le verre, le fumet de sa fourrure chaude. Les cailloux du coteau, la griotte mûre, un soupçon de menthe, qu’exhauste un bouquet d’épices, marquent en finesse, le nez en devenir, de cet enfant de vin. La matière, déroule en bouche, les plis mouvants d’une soie, piquée d’imperceptibles tanins crayeux. La finale, encore sous le joug délicat d’un bois noble, s’éternise déjà, enrobant les papilles extasiées, d’un auditoire en prière.

Quand je vous disais que la Bourgogne tutoie le ciel…

LES GRANDS CRUS «MOLTO VIVACE».

 Cabanel. La comtesse de Keller.

Jeunes, hélas, trop jeunes.

Grands Échézeaux : Un jeune et grand Bourgogne, privé de ses cerises, qu’elles soient Griotte ou Burlat, serait un pauvre petit Chaperon, orphelin du rouge de sa cape. Divaguerai-je… Un peu sans doute??? Mais pas tant que ça, en fait. Les «Grands…» en bons orthodoxes, embaument la griotte d’emblée, la prune mûre aussi, la muscade, la menthe, le champignon frais, le cuir et les épices enfin. Ah, j’allais oublier le gibier à plume, qui voleta un instant, au sortir de la bouteille. Grand cru, grande matière??? Oui, pour celui-ci. Conséquente, tendre et tendue, elle vous relève les sourcils et s’installe, indolente. Que de promesses en bouche, jusqu’à la finale, épices, amande et réglisse en fanfare, fraîches et persistantes.

Griotte Chambertin : Petit «Grand Cru» que la Griotte; moins de trois hectares. C’est du bas pentu de la parcelle, qu’elle provient. Plus de terre, plus de puissance??? La robe est d’un grenat profond, presque ténébreux. Une lumière aigüe, d’un rubis éclatant, semble sourdre, du cœur du vin. Puissance toujours, au nez. Les arômes de fruits rouges, que la cerise domine (encore!!!), sont francs, et vous fouettent les naseaux. Le vin se donne sans préliminaire, le cuir neuf, la muscade, sont aussi de la noce. Puissance itou en bouche. La chair du vin se fait onctueuse déjà; la volupté demandera quelques années de plus…La bougresse ne boude pas ses tanins, ronds et soyeux, qui épicent avec beaucoup de fraîcheur, une finale qui s’étire, en relevant la queue. Une Griotte, qui me surprend je dois dire, habitué que j’étais jusqu’alors avec elle, plus à l’ingénue fragile, qu’à la cavalière énergique. Le temps domptera, sans doute, sa fougue.

Musigny : Le lièvre, décidément en pleine forme, est passé par ici aussi!!! Il s’éloigne vite et poursuit sa course folle, au long des coteaux du pays de Nuits. Élégance, me vient immédiatement à l’esprit. Le vin est jeune, mais affiche pourtant, la classe d’un jus, qui aurait fréquenté les écoles les plus huppées. C’est par petites touches raffinées, qu’il s’exprime au nez. Par petites bouffées de violette, de framboise, de cassis, de noyau de cerise, le nez se construit, timide encore. Le contraste, est patent en bouche. La matière est charnue, puissante («énorme»!!! pour les djeun’s), sauvage, «testostéronée» et fringante, comme un yearling fougueux. Élégance toujours, quand la finale s’élance, toute d’épices et de poivre habillée, longue comme un jour sans vin…Le temps sera son maître.

Douze vins, tous à leur place, parfaite illustration de la pertinence hiérarchique, patiemment élaborée par les générations Bourguignonnes… Quand le temps prend son temps… au temps des agités, des compulsifs, des «Nioxeurs» qui font du roman de Morand, leur unique et indiscutable bible, quelle leçon…!

Travailler lentement pour travailler mieux???

EMOTILIEVREOUTORTUECONE???