Littinéraires viniques

MOTS, HUMEURS, COULEURS, EN ROMANÉE…

Kats. Ryan Juli Cady.

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Le temps serait incolore et s’écoulerait – serein – à la vitesse de la clepsydre ancienne, comme à l’amble de la plus rutilante des montres atomiquement pilotées ? Seule exception à la mesure, la démesure vulgaire de l’Oyster – il s’affiche plutôt qu’il n’affiche – qui compte les billets plutôt que les secondes. Les hommes inondent le temps de leurs babils bavards, ils l’habillent de grandes envolées, le tissent de murmures tendres, et dans tous les cas de figures, ils l’empêchent d’apparaître au grand jour sidérant du silence. Rien n’effraie plus les humains que le grand blanc d’un mot tu. La plus banale des conversations prend un tour dramatique, quand une transparence s’installe. Pire que tous les bafouillages, les énormités, les insultes. C’est que le temps qui se tait, c’est la mort qui ricane. Le Motus renvoie son Monde à l’inéductablité de la fin, et les autruches, la tête dans les sables mouvants des agitations souvent vaines, n’aiment rien moins que cela ! Le blanc les mets dans une peur bleue. Alors ils se bourrent à la blanche, pour oublier que l’aiguille les faucardera un jour. C’est alors qu’un ange passe, car l’ange se rit de la faucheuse, quand le primate craint la trotteuse. Sur l’écran blanc de mes nuits noires, le temps se fige.

A ma vérité, le temps est blanc.

Le sang est rouge écarlate quand il circule dans les artères de nos villes de chairs molles. Pourtant, quand l’inquiétude s’installe, quand la crainte griffe les boyaux, brassant la merde qui fait les yeux chassieux, quand la peur pousse le bout de sa mouillure jusques aux reins, le bipède se fait un sang d’encre, puis un sang noir. Comme un sang carmin qui aurait de la veine. Le rouge coule dans les veines et les verres, dans les ruisseaux des villes en feu, musarde en Musigny, mord la vie en Somalie, et se perd en alertes vaines.

A ma vérité, sang rouge vire au noir.

La Terre amoureuse est sinople étiqueté de jade et d’argent, elle pousse le bout de ses arborescences aux quatre cardinaux. Maltraitée, défoncée, irradiée, printemps venant, elle chante la vie en vert et contre tout et comble ses hôtes de ses pommes d’Amour. Mais le vert est aussi de rage et de peur, quand l’homme se l’approprie. La rage et la peur virent à la mort. Les asticots blancs tracent leur route dans les chairs marinées, molles et vertes d’envies inabouties.

A ma vérité, vert est pur amour rageur.

La vigne lilliputienne de Chassagne-Montrachet, microscopique dentelle verte Bourguignonne, noyée dans le vignoble hexagonal, lui même hors monde, vu des cieux, bras noirs aux griffes tordues l’hiver, verdoyante au printemps, qui s’empourpre d’érubescences progressives à l’automne, pour renaître, dans une flamboyante flavescente, jusqu’à mourir, exténuée, au bout de ses derniers feux rubigineux… Pour y dissoudre, avant que survienne la mort blanche, sang rouge et rage verte. L’ami Thibaut qui fait bon, Morey-Coffinet de son nom, a glissé, sourire muet aux lèvres, au creux de ma cave, sa « Romanée » 2006.

Le temps est venu d’y noyer les hivernales.

Par une de ces alchimies fines que réserve le vin à celui qui s’en délecte, la bouteille embuée, du centre de la table, de son regard ensoleillé, dissout déjà les nimbus menaçants qui m’embrumaient à l’instant.

La parure citron de ce premier cru se moire de vagues vertes qui ondoient au gré changeant du verre tournoyant. Elles ont les infinies délicatesses d’une sonate de Scarlatti ces subtiles touches fleuries fugaces, qui laissent au premier nez une pure eau de chèvrefeuille. Puis vient le temps des fruits, velouté comme le saxo de Stan Getz, qui roule la poire mûre, l’ananas, pour finir au coing. Élégance extravertie de Chassagne la riche.

L’attaque en bouche est subtile, l’équilibre est son nom. Le vin se roule en bouche. Comme l’Oud d’Anouar Brahem, il enivre de son gras, il est riche et vif à la fois. Réapparaît l’ananas qu’affine la poire, ils s’étirent à deux et rebondissent sous le fouet du zan, et la lame acide qui finit d’allonger le vin. Une bouche digne de la plus voluptueuse bayadère, et j’en ai connues d’ondulantes par temps de grand blanc, sous la voûte Bourguignonne.. Et la finale, oui la finale, sans laquelle le plaisir est incomplet ? Marquée par le calcaire, elle s’installe, se resserre et lâche ses épices réglissées, doucement…

Le ciel cérule, les lourds cotons noirs des orages ont disparu. L’âme au diapason, je jubile, yeux clos. Sur mes lèvres qui sourient, ma langue se régale du sel de la vie…

EARCMOENTICIELCONE.

SOUS LES TAGS AUSTÈRES.

Basquiat. Untitled.

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 A ce jour, je ne connaissais de ce Domaine réputé, que le Riesling Muenchberg VT 1990, sur la perfection duquel je ne reviendrai pas ici.

Depuis lors, ça a bouillonné longuement sous mon cortex, tout au fond du puits des âges, dans le reptilien, à l’insu de moi-même. Puis un jour, un lendemain d’hier, et une veille de demain comme les autres, un peu comme un gratteur de la Française des Jeux, que la joie de payer des impôts supplémentaires met en érection, depuis que les charmes de maman le laissent indifférent, irrépressiblement, j’ai commis ce qu’on l’on appellerait chez les psys d’obédience consumériste, un «achat d’impulsion», voire de con-pulsion…

C’est ainsi, qu’un carton des vins d’Ostertag a débarqué chez moi, un beau matin de Printemps. «Beau matin de…» c’est un cliché. En vérité, c’était un p…de matin de m…pisseux à souhait, un de ces matins, qui est à la carte postale printanière, ce que le Président est à la syntaxe. Du lourd, de l’énorme, comme on se plaît à dire, à tous les coins de bistrots à la mode de chez eux.

Fin de l’intro.

Voilà que ça re-drache depuis quelques jours. Les nappes phréatiques sont à la fête, elles se gavent. Les «caramuchamboles», qui z’ici ne sont pas de Bourgogne, sont de sortie. Ils ont jeté leurs K-Ways. Toutes cornes dehors, ils broutent herbes et feuilles, grasses et humides. On les entend chanter le jour, les joies mouillées du printemps. Leurs traces, comme autant de lames flasques, zèbrent les ténèbres de mes nuits sans lune, de virgules argentées. Le soir, je poursuis mon voyage immobile au pays d’Ostertag et me faufile, effrayé, entre les branches noires des vignes torturées, qui écorchent ses étiquettes, comme autant de tags désespérés. Derrières les ceps noirs, sidérés comme des statues en douleur, sous les cicatrices obscures, dont les cris figés griffent les étiquettes vertes ou bleues, les eaux cristallines de ces vins aigus, invariablement, m’enchantent. Ils sont en harmonie avec les eaux, que les cieux déversent. Seules leurs robes, jaunes et pâles des étés finissants, me parlent des soleils à venir, embusqués sous les nuages d’Avril.

«Les sanglots longs des violons

de l’automne,

Blessent mon cœur d’une langueur

monotone.

Tout suffocant et blême, quand

Sonne l’heure,

Je me souviens des jours anciens

Et je pleure,

Et je m’en vais au vent mauvais

Qui m’emporte,

Deçà, delà, pareil à la feuille morte.»

Ailleurs, très loin, sous les rayons brûlant du printemps ensoleillé, aux confins du désert, la belle endormie s’éveille. Dans sa gorge asséchée coule la menthe chaude du petit matin. Elle s’étire lentement, et s’offre aux charmes épicés du jour nouveau… Tous l’attendent, l’espèrent, peu la verront. Dans ses yeux, clignotent encore, les lueurs étamées de la nuit. Son image lointaine se dilue, dansante, dans les mirages de la place Djemaa el Efna.

De la pluie des uns naissent les soleils des autres.

Fin de l’intro 2.

Pinot blanc Barriques 2007 :

Fermentation et élevage en petites barriques de chêne de 228 litres. Un vin à la robe jaune pâlot, brillante. Au nez, beurre frais, fruit blanc, citron, fraîcheur. En bouche, l’attaque est grasse, puis vive, très vite. La matière, bien ronde, est entièrement dédié à la pêche blanche et au citron, marqué par l’amertume de son zeste. L’acidité découpe littéralement la matière et met en relief ses composants. Le gras qui enrobe le tout, en assure l’unité et l’équilibre. La finale, plus que correcte, dégage le vin de ses «apparences», et révèle son essence épicée et minérale. Sur une terrine aux deux saumons, noyée dans les herbes, le vin s’est échappé de la bouteille!!!

Riesling Vignoble d’E 2007 :

La robe or pâle est brillante et lumineuse. Au nez, ça fleure blanc (aubépine), fruits jaunes, amande, citron très mûr. La bouche est ample intense, soyeuse, la matière est fondante et douce. On y retrouve les fruits mûrs, pêche et exotiques. Une touche de SR, que l’acidité équilibre à merveille. Un vin très pur, très bon, qui coule à grands flots de la bouteille au verre.

Riesling Fronholz 2007 :

Que d’la cuve. Il paraît qu’en Alsace, Fronholz fut vin de pierre, et ce bien avant que la mode ne soit au minéral à tout-vat!!!

Qu’aurais-je bien pu dire à l’aveugle de ce vin, que je ne connaissais pas???

A condition de n’avoir pas les yeux bandés – certains intégristes le font – j’aurais décrit la robe et brodé sur le jaune, pâle comme une incertitude d’adolescent. J’y aurais vu une belle limpidité et des reflets vert-argent. Facile..

A condition de n’avoir pas le nez bouché par des cotons mentholés – certains fondamentalistes le font – j’aurais tiré et retiré sur l’appendice, consciencieusement, et n’aurais point trouvé de ces parfums terpénés, qui vous emmènent en ces contrées sauvages, des derricks desquelles, jaillissent des geysers de riesling, à résoudre les plus terribles crises pétrolières. Non point. En revanche, je n’aurais pas hésité à vous parler de pureté et de fraîcheur olfactive, de finesse, d’amande fraîche, d’agrumes confits, de jus de citron et même de mangue rôtie. Humm!!

A condition de n’avoir pas la langue cousue au palais, et les gencives rétrécies au lance-flamme – certains jusqu’au-boutistes l’osent – j’aurais délicatement porté le verre aux lèvres. La matière, ronde et immobile sur le creux de la langue, j’aurais attendu un instant, qu’elle me dise ses secrets. Là, dans l’intimité de notre conversation, j’aurais senti sa caresse, à peine grasse. Ensuite la boule aurait éclaté, sous la poussée brûlante et poivrée, presque pimentée, d’une acidité intransigeante, qui aurait, de sa lame effilée, taillé à grands coups, la pêche blanche et la mangue chaude. Sentez les fruits juteux à la chair tendre et fragile, exploser sous les assauts de la lame et les SR aussi!!! La bataille est brève, furieuse, et vous laisse en bouche, ce que l’on a coutume d’appeler chez les initiés, qui savent de quoi ils causent, l’équilibre. Résigné, j’aurais avalé cette belle élégance, qui se serait attardée, mutine, aux quatre coins de ma bouche, la caressant et la quittant, comme à regret, lentement, tel un reflux ralenti. Au creux de mon estomac, le vin aurait laissé sa trace. Cette fameuse pierre, celle qui aiguise la lame, aurait laissé la brisée, longuement en moi, de sa présence chaude. Avec les dents qui craquent, comme au sortir de chez le dentiste.

A condition de n’avoir pas été inspiré par le Dieu Bacchus – certaines sectes le sont – je n’aurais pas trouvé la clé du mystère. J’aurais eu l’air con mais pas plus que vous tous…. Mais je vous aurais dit combien j’aurais – enfin, j’ai – aimé, ce style…et ce vin.

Riesling Muenchberg Grand Cru 2007 :

Rêveries d’avant boire. Le chant des mots.

Un vin de scène?? Puisque ses vignes croissent, et prospèrent, sur un magnifique coteau de grès rose en amphithéâtre, situé plein Sud dans une vallée au pied des Vosges, sur la commune de Nothalten? Pourvu que ça ne sur-joue pas…

Un vin de moines montagnards?? De la rudesse, de l’austérité, de la spiritualité, de la pureté, de la tension, de l’élan vers le haut? Ces moines blancs aux scapulaires noirs, Cisterciens donc, en l’abbaye de Baumgarten, pas vraiment des rigolos… L’ordre promeut en effet, ascétisme, rigueur liturgique, et érige, dans une certaine mesure, le travail comme une valeur cardinale; ainsi que le prouve son patrimoine technique, artistique et architectural. Dès le XIIéme siècle, ils couvrent de vignes, l’amphithéâtre au sol de poudingues, sortes de conglomérats volcano-détritiques de tufs et de cendres. Certainement pas un vin de moinillon replet?? Un vin de la plus «stricte observance» sans doute?

L’épreuve de l’œil. La robe est belle, pure, d’or pâle aux reflets brillants. Le vin colle aux parois de verre, avant de redescendre à regret, en larmes grasses et serrées. A contre-jour, comme une esquisse à la va-vite, du Pont du Gard.

L’épreuve du nez. Une impression générale de profondeur et de richesse. Complexe aussi. Quelques notes fleuries que je ne parviens pas à nommer, comme un effluve d’élixir de pétrole ensuite, de l’ultra raffiné, puis un mélange subtil d’agrumes et de fruits jaunes, de prune, additionné d’une touche de miel. Ni austérité, ni rigueur extrême, ni minéralité débordante. Pas vraiment Cistercien! Mais un bel équilibre olfactif.

L’épreuve de la bouche. L’attaque est douce, moelleuse sur la confiture d’abricot. Insensiblement, le noyau de fruits jaunes, fond en bouche. Le vin devient intense, sans perdre de sa rondeur. Du cœur des fruits, sourd une très belle acidité, rehaussée d’épices chaudes et de poivre blanc. Le vin, est d’une précision certaine, il file droit, dynamique, strict mais généreux. La finale s’étire longuement, le vin se tend, se dépouille et découvre tout à la fin sa trame minérale, son «austérité», élégante et racée en quelque sorte…

Le vigneron, ses vignes qu’il biodynamise, les sols, les souvenirs des moines qui planent et veillent sur leurs terres, je ne sais, je les ai imaginés, accompagnés, tout au long de ce voyage sous verre. Toutes ces bouteilles ont une vibration particulière, qui me dit qu’en Alsace, il faut absolument que sucre et acidité s’épousent…

Les quelques jours passés dans les creux effilés de leurs cols m’ont appris, si besoin était, que rigueur est sœur d’exubérance.

Et plus encore que j’aimerais bien croiser André.

ESIMOTÔTTIDITCITEAUXCOBUNE.

MES NUITS INSOMNIAQUES.

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Portrait foutraque par La De.

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Illustration Brigitte de Lanfranchi. Texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Hypallage la sauvage, sa bouche de topaze,

Son cul de fille sage, à subir les outrages,

Alanguie et volage, accrochée aux ramages,

Aux noirs tatouages des corps anthropophages,

Ses yeux de kamikaze, la foudre dans les nuages.

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Serpentine la mutine, ton âme veloutine,

Ta bouche vipérine, tes faux-airs de gamine,

Iris de mandarine aux dorures de citrine,

Te voici qui trottine et tes hanches dandinent.

Foutue de vraie toxine, oui toi qui m’assassines !

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La mer est comme un lac, ni vagues ni ressac,

Le temps et son tic-tac, le ciel luisant de laque.

Mais le vent démoniaque bouscule le zodiaque

Des souvenirs foutraques, petits matins opaques.

Jacassent les macaques de mes nuits insomniaques.

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Comme le faune fauché aux jarrets déchirés,

Je me suis écroulé, prosterné, à ses pieds.

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Illustrations B. de Lanfranchi, haïkus C. Bétourné et B. de Lanfranchi  – ©Tous droits réservés.

JACQUES ET GRAZIELLA.

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Marialis.

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Accoudé au bar, il buvait distraitement un Perrier rondelle. Du bout de la cuillère il écrasait le citron, ça le faisait sourire. Il sirotait à petites gorgées piquantes qui le rafraichissaient. Il aimait l’atmosphère feutrée, la lumière douce du lieu surtout. Les gens passaient comme des ombres qu’il ne voyait pas. L’eau glacée éclatait dans sa bouche fatiguée, giclait sur ses gencives, fuyait entre ses dents, lui agaçait la pointe de la langue. C’était un rituel. Tous les soirs, il préparait la douche salvatrice à venir, en buvant cette eau bullée, pour se purifier la bouche. Comme un préalable.

Et il se souvenait. Tous les soirs il se souvenait de cette malédiction qui l’avait écrasé dès son plus jeune âge. Un parfum délicat ou lourd, une odeur, même désagréable, du moment qu’elle venait d’une femme, le vent léger qui fait voler les jupes, la courbe d’une nuque, un regard entraperçu, une silhouette croisée, cela suffisait, pour que le sang chaud envahisse et gonfle son sexe. Jusqu’à la douleur. Puis il était submergé par une vague incoercible, un désir brutal, immédiat, sans objet précis. Il fallait qu’il fasse tomber la tension. Question d’urgence, comme si sa vie en dépendait. Il n’avait jamais su pourquoi. Alors tous les soirs, au sortir du haras, accoudé au bar, il tombait dans une mélancolie douce. Il sourit à nouveau, un sourire intérieur, amer comme le zeste du citron qu’il continuait à maltraiter sous sa cuillère d’inox, au manche un peu tordu maintenant.

Toutes ces heures, cloîtré dans sa chambre d’ado, à calmer ses angoisses sans nom à la seule force du poignet. Au sang. Pour un peu de répit. Somnoler, paupières rougies, closes, regard verrouillé, lèvres serrées, front souffrant. S’intéresser un peu au monde, jusqu’à ce qu’une nouvelle image lui traverse l’esprit. Sa mère, à l’autre bout de la maison, qui hurle depuis dix minutes. A table Jacques, à table, bordel ! Alors il courait avaler, sans presque mâcher, de quoi retrouver des forces. Un matin qu’il déjeunait goulûment, la vue de sa mère, les deux mains plongées dans une vaisselle grasse lui mit le ventre en ébullition. Il quitta la maison le lendemain, un sac à moitié vide sur le dos. Il venait d’avoir dix sept ans. En paraissait au moins huit de plus.

Jacques grattait la guitare assez joliment. Pendant un temps il erra de foyers d’hébergement en squats glauques. Le soir il écumait les cafés, assis à même le sol, il jouait comme il pouvait les bluettes à la mode. Les passants, que sa gueule d’ange triste émouvait, lui jetaient des pièces. Ses rengaines plaisaient aux filles un peu paumées, ses yeux clairs cernés de noir, enfoncés dans leurs orbites, lourds des fatigues accumulées, les attiraient, étonnées qu’elles étaient par ces iris bleu azur cerclés d’un fin liseré d’argent, qui lui donnaient un regard profond et mystérieux. Son teint pâle, son allure robuste et ses longs cheveux blonds épais faisaient le reste. Alors il puisait dans ce cheptel qui s’offrait, les plus affriolantes, et calmait, accroché à leurs flancs consentants, ses ardeurs récurrentes.

Le soir de Noël 1970, il ne fêta pas ses dix neuf ans. Le temps était très froid et ses doigts gourds souffraient sur le manche de sa guitare. Peu de monde dans les rues, peu de pièces glanées. La neige se mit à tomber. Deux jolis genoux, gainés de soie noire, s’arrondirent devant lui. Il leva un peu la tête. Une jeune femme aux yeux gris aimables lui souriait entre deux fossettes qui creusaient ses joues roses et rondes. Deux pommes d’api. Jacques les croqua toute la nuit. La fille était gourmande, pour la première fois de sa courte vie, il se retrouva à court d’énergie.

L’aube, qui pointait au-dessus des habitations, se faufila lentement dans la chambre. Le ciel passa du gris intense au blanc laiteux. Puis la lueur naissante s’intensifia sensiblement, glissa sur les toits d’ardoise jusqu’à les faire étinceler. La lumière réverbérée, décuplée, rebondissait de fenêtre en fenêtre. Quand elle perça les vitres de l’alcôve, une rivière dorée inonda le lit, Jacques se réveilla. Son regard accrocha un cœur rose brodé sur canevas clair, exposé sous un grand cadre à large bord, l’œuvre recouvrait un bon quart du mur qui lui faisait face. Il lui sembla que le cœur de gros fils entrelacés fondait sous les rayons opalescents du soleil levant. Il se leva. La pièce était grande, il n’avait jamais vu un tel espace d’un seul tenant. Le lit king size paraissait perdu. Graziella dormait encore, allongée sur le ventre, ses seins généreux débordaient un peu, sa taille marquée accentuait le galbe de ses hanches généreuses, sa jambe gauche en équerre reposait dans le creux de son genou droit, et mettait en valeur la rondeur de ses fesses, ses deux mains croisées encadraient sa tête, seul le bout de son nez pointait sous ses cheveux noirs en cascade. Mais il ne vit que la pâleur de sa peau, éblouie de soleil, dont il sentait encore le grain soyeux vivre et chatouiller le bout de ses doigts. Le spectacle de cette jeune femme abandonnée le bouleversa, et cette émotion, nouvelle pour lui qui n’avait jamais connu autre chose que la brutalité impérative du désir charnel, le décontenança. Les larmes perlèrent, il dut s’asseoir, il eut même un peu peur de ce qui lui arrivait.

Graziella partait le matin de bonne heure, et rentrait parfois très tard le soir. Certaines nuits même, elle ne rentra pas. Cela durait quelques temps, quelques semaines, rarement plus, puis s’ensuivait une période calme qui la voyait à peine s’éclipser. De son côté Jacques gratouillait quelque sous tous les soirs. Noël et les fêtes avaient été fastes, il avait même ramassé des billets, les enfants lui jetaient de grosses pièces qu’il fourrait aussitôt dans sa poche. En rentrant, il posait précieusement son magot sur un coin de la commode. Ils vivaient paisiblement, se promenaient main dans la main le long des boulevards, sur les bords de la seine aussi, s’embrassaient dans le cou, mangeaient des pâtes et des légumes, buvaient l’eau du robinet, et passaient des heures entières, allongés tout habillés sur le lit, serrés l’un contre l’autre sans un mot. Graziella, dans ces moments là, poussait de gros soupirs liquides. On eût pu croire qu’elle réprimait des sanglots. En général la jeune femme parlait peu, mais elle passait des minutes entières, perdue dans l’azur éclatant des yeux énamourés du garçon. C’était toujours comme ça quand elle ne travaillait pas. Ces nuits là n’étaient pas de tout repos, ils se mangeaient à se dévorer, s’emboîtaient comme des fous, inventaient des figures audacieuses, s’accouplaient en dansant de toutes leurs fibres. Ils dormaient le matin, épuisés et ravis. Un mauvais jour le téléphone sonnait. Graziella s’isolait à l’autre bout du loft, elle se glissait toujours entre l’armoire et le mur, là où elle cachait les cartons qu’elle n’avait jamais déballés. Elle parlait à voix basse, mais son ton, elle qui gazouillait plutôt, prenait des accents métalliques, durs, tranchants. Elle faisait sa voix de rasoir. Souvent elle s’énervait, montait dans les aigus, criait des insultes d’une grossièreté inouïe. Jacques ne comprenait pas grand chose, il était question, de simple, de double, de pourcentage, de contrat, d’argent. A chaque fois elle raccrochait brutalement, à chaque fois on la rappelait, la conversation repartait calmement, Graziella prenait sa voix de trompette bouchée, un peu rauque, murmurait presque, et le dialogue finissait paisiblement . Les jours suivant, elle reprenait le boulot sans trop rien dire. Elle avait un contrat d’une semaine, d’un mois au plus, je bosse lui disait-elle. Jacques hochait la tête.

Quand elle travaillait, elle rentrait fatiguée, le visage creusé, l’air dur, elle prenait des douches qui n’en finissaient pas, et interdisait au garçon de la rejoindre sous le jet brûlant, elle qui l’appelait, le conviait à jouer sous l’eau quand elle ne trimait pas. Elle n’était jamais aussi câline que dans ces moments là, elle voulait qu’il la prenne dans ses bras, qu’il lui caresse doucement les cheveux, qu’il lui baise tendrement les paupières, qu’il lui frôle les lèvres mais pas plus, qu’il lui chante ses chansons de trois sous à voix basse. Pour elle, il apprit tous les grands succès de “Piaf la grande” comme elle disait. Dans leur grand lit à même le sol, elle dormait dans ses bras, refusait tout autre forme de contact, et Jacques était ému, content de ce qu’elle demandait. Pour elle, il acceptait de se contenir, de ne pas pouvoir se vider jusqu’à la moelle épinière, il souffrait avec délice. Ces nuits là, il l’aimait à la folie.

Elle sortit du métro, serpenta entre les passants qui déambulaient, s’arrêtaient, mataient les vitrines des peep-show, s’engouffraient, épaules voûtées et regard à terre, dans les sex-shop, discutaient avec les racoleurs qui tous les dix mètres accrochaient les provinciaux intimidés ou calmaient les ivrognes, puis elle tourna dans une petit rue tranquille et poussa une porte cochère. Jacques la suivit.

Il monta à pas hésitants un escalier branlant, faillit rebrousser chemin à plusieurs reprises, et aperçut, au-dessus de lui, Graziella pénétrer dans un appartement. Sur le palier des hommes déroulaient des câbles en s’engueulant. Il entra l’air faussement affairé sans que personne ne l’arrête. Au bout d’un couloir étroit, une vaste pièce bourgeoise, au luxe clinquant, grouillait de monde. Jacques ferma les yeux, les spots qui encadraient le lieu envoyaient une puissante lumière aveuglante. Il ne vit tout d’abord que des silhouettes indistinctes, mangées par la clarté intense. Quand il rouvrit les yeux, devant lui, penchée sur l’œilleton d’une caméra numérique, il reconnut les courbes généreuses de Graziella, sa position, demi courbée, accentuait la grâce Hottentote de ses fesses tendues sous le tissu serré de sa courte jupe noire. Le spectacle de cette croupe ronde à craquer l’émut fortement, une fine résille de sueur lui emperla le front. Devant la caméra, une fille étendue, jambes écartées, sur un grand lit de cuir noir, attendait qu’une maquilleuse méticuleuse finisse de lui poudrer le sexe, qu’elle avait ouvert comme une fleur au printemps. A ses côtés un homme, au corps prématurément fatigué, entretenait sa flamme d’une main mécanique. Jacques avala sa salive. La maquilleuse mouilla délicatement l’entrée du coquillage de la jeune beauté brune, puis s’écarta. Alors l’homme se mit au travail, ses gestes avaient la précision d’un entomologiste devant sa planche. Il finit par épingler le papillon qui frémit en grimaçant. Une grimace dont la vulgarité contrastait avec la joliesse un peu fragile de la jeune femme. Elle se mit à hennir bruyamment en se contorsionnant, et l’image du lépidoptère gracieux s’effaça dans l’esprit de Jacques, pour faire place à celle d’une limace gluante agonisant sous le bec d’un étourneau rapace.

Dans un coin de la pièce, le regard perdu dans l’ailleurs, une longue fille aux jambes maigres, à la poitrine étrangement gonflée, appuyée au mur blanc glacé, fumait mollement une cigarette. Dans l’air saturé de lumière, la fumée, qui montait droit au plafond, s’étalait, et sa dentelle lourde redescendait lentement sur le crâne rasée de la jeune femme au regard brûlé. Autour d’elle on s’affairait, on la crémait, on lui titillait les tétins. A ses pieds, la maquilleuse indiscrète épilait d’une main sûre les quelque rares poils courts oubliés sur le pubis renflé de la donzelle. Qui ne bronchait pas. De sa main libre la maquilleuse, à petits gestes rapides, du bout d’un large pinceau, étalait un fond de teint neutre. De l’autre côté de la chambre, deux hommes nus, entre deux âges, assis à même le sol de bois sombre, lisaient un court feuillet imprimé, discutaient, et se récitaient leur rôle à voix basse. L’un des deux montra la scène du doigt et l’autre s’esclaffa bruyamment.
D’une voix que Jacques ne reconnut pas, une voix puissante, rauque, dure et cinglante à la fois, Graziella hurla “coupez” !!! La lumière baissa, sur le lit le couple lança une bordée d’insultes. La jeune femme à la cigarette soupira en levant les bras au ciel, la maquilleuse jeta son pinceau. Un silence s’installa, Graziella marcha de long un large un moment sans un mot, puis elle se lança dans un long discours qui finit dans les aigus pendant qu’elle trépignait sur place. Elle battit des mains, se retourna et vit Jacques. Elle recula de deux pas.
Le jeune homme s’enfuit, dévala l’escalier, se mit à courir au hasard des rues, le corps en feu et le cœur givré. Il se soulagea en trois mouvement sous un pont, s’approcha du bord, la tête lui tournait, il entendit au loin Graziella qui hurlait son nom. Il ferma les yeux, sous ses paupières des images multicolores, floues et déformées, défilaient à toute vitesse, jusqu’à ce que le visage de Graziella envahisse l’écran. Elle le regardait, fraîche et souriante. Puis son expression pâlit, ses traits se ramollirent, se délirèrent, et disparurent dans les ténèbres qui le gagnaient.

Jacques bascula, la nuit tomba, l’eau glacée de l’hiver le prit à la gorge, il lui sembla que ses yeux explosaient, il ouvrit la bouche, et la mort, comme une limace, hideuse, pustuleuse, affamée, s’engouffra. Au dessus de sa tête, les eaux noires tourbillonnèrent avant de se refermer. Sous le pont Mirabeau la Seine continua son cours.

Sur le bord du parapet, les ongles brisés de Graziella saignaient. Les lampadaires s’allumèrent. Ce soir là l’étoile polaire ne parut pas, mais nul ne s’en aperçut.

SUR LES COLLINES ARIDES.

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Le méli-mélo de La Di.

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Illustration Brigitte de Lanfranchi – Texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Entre les cuisses noires de la vie qui s’emballe

Hystérique et charmeuse lourde pomme véreuse

Entre les fesses blondes des amours de ravale

Des fièvres, des scandales, les cils des venimeuses.

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Comme le coyote galeux qui se traine et qui geint,

Là-bas très loin d’ici tapi dans les canyons

Sur la pointe des pattes il avance comme tu peins

Efflanqué et cruel sur tes seins de visons.

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Les hyènes sont cendrées et les hérons hurleurs

le colibri rétif, le buffle si gracile

Nul ne sait qui est qui sous les masques rageurs

Les hommes sont lascifs et les femmes viriles.

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Mais le ciel est sans fond, son azur irréel

Les étoiles figées aux branches des arbres morts

Au noir des cimetières accrochés à leurs stèles

Un enfant décharné dans tes cheveux fils d’ors.

MOREY-COFFINET. CHASSAGNE-MONTRACHET BLANCHOTS-DESSUS 2011.

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Lire 2011.

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L’implacable douceur de Bach me berce.

Au dehors la pluie n’est pas en rythme, elle descend drue, une herse blanche qui vous tomberait dessus pour peu que, distrait ou amoureux des eaux du ciel, vous sortiez jouer et sauter dans les flaques en chantant sous la pluie. Mais cette dysharmonie me déplait. Alors Barber et son adagio à faire pleurer les âmes sensibles succède à Bach. La pluie peut se calmer, s’intensifier, passer à l’inondation, Barber s’en fout, il est hors des rythmes de la nature, c’est un cœur blessé qui se vide. Mais peu de cardiologues, de chirurgiens, voire de bouchers, faute de grives, me liront.

C’est à cet instant précis qu’une bouteille passe la porte de la cave, déboule à toute allure, freine et dérape, pour se retrouver dans mon bureau face à moi, la hanche mutine et le col provocant. Bien évidemment mon sang ne fait qu’un tour, m’inonde, je ne suis plus que turgescence papillaire. A l’idée de déflorer ce Blanchots-Dessus, je me retrouve sens dessus-dessous, déboussolé, désorienté, flatté même, à l’idée d’avoir été élu de la sorte par cette belle en cuisse sous verre. Sur le bitume au-dehors, la pluie martèle le sol en faisant de grosses bulles sales.

Alors je la déleste prestement de sa robe de verre fumé, et l’allonge confortablement dans le large cul spacieux d’une carafe accueillante. Là, elle prendra le temps de se détendre, de mesurer les conséquences de son acte, d’anticiper le plaisir qu’elle va prendre à donner. L’attente est jubilation.

2011 n’est pas un millésime “réputé”. Moi non plus, ça tombe bien. Entre demi-corps (le millésime) et le second couteau (mézigue) qui ne fréquente pas le gotha – tous ces gens de qualité avec lesquels on a, paraît-il, plaisir à partager de belles soirées, à discuter intelligemment de sujets importants, entre Précieux et Précieuses ridicules, autour de mets délicats et de belles bouteilles, le genre le soirées demi-mondaines qui me débectent – nous devrions nous entendre. Me voici donc, dessus ces Blanchots, à leur ôter leurs dessous, pour moi tout seul.

D’aucuns ont fui dès la troisième ligne de ce texte lue, d’autres peu après. Oui, mais il faut savoir attendre si l’on recherche le paroxysme, et ce billet n’est pas fait pour les lecteurs-dégustateurs-recracheurs précoces.

Le vin a reposé dans son berceau de verre et l’air l’a réanimé. Je gage – ce qui n’est pas sérieux pour un dégustateur impartial – que sous la robe d’or brillante, à peine bronzée d’ambre et de vert, d’exquis arômes se dégageront de cette appétissante chair nue.

Alors je ferme les yeux pour y plonger le nez. Le bois est encore présent, certes, mais sans être dominant, comme il peut l’être souvent sur les blancs de bourgogne, un peu faibles de corps, et “encercueillés” pour toujours. Le cap de l’élevage franchi, c’est une brassée fugace de fleurs blanches qui caressent l’appendice, auxquelles succèdent des notes de marc de raisin; c’est dire que le nez annonce déjà la puissance à venir en bouche. Enfin les fruits jaillissent du verre. Agrumes (citron mûr, pamplemousse), une pointe de kumquat aussi, fugace, que domine  généreusement la poire. Quelques notes d’infusions ensuite : tilleul, un peu, et surtout verveine/menthe. Puis c’est le petit matin du pâtissier qui survient avec ses effluves de brioche beurrée. Enfin les épices subtiles et le poivre blanc ferment la ronde.

L’attaque est suave et vive à la fois, et le vin donne de suite sa pleine puissance. Impressionnante présence de ce dessus, situé juste dessous le Montrachet. Oui, c’est un véritable envahissement que ma bouche subit, quand la matière du vin, onctueuse ce qu’il faut, n’en finit pas de se déployer. Le jus se “déplisse” littéralement, et sous chacun des voiles qui se déploient, les agrumes, les fruits jaunes, la poire, éclatent savou(amou)reusement. Le vin enfle à n’en plus finir.

Cela fait bien dix minutes que ce premier cru de Chassagne a passé la luette, pourtant il est toujours là, il s’attarde, interminablement, les épices douces, le poivre blanc, quelques beaux amers, une sensation “minérale” aussi, ainsi qu’une fraîcheur certaine, continuent de vivre, agaçant mes papilles. Agacement charmant, dont ma bouche ne se lasse pas … Et ma langue se régale du sel fin qui recouvre mes lèvres.

Je n’étais malheureusement pas en compagnie de convives exceptionnels, je n’ai pas eu le plaisir de partager, outre grands vins et jolis mets, leurs conversations, éclectiques et de haute tenue, autour de sujets importants en diable. mais cela ne m’a pas manqué.

Le vin, lui seul, m’a parlé, et m’a dit des secrets que je garde pour moi …

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HAÏKUS 10

haiku mix 10

 

Illustrations B. de Lanfranchi, haïkus C. Bétourné et B. de Lanfranchi  – ©Tous droits réservés.

DROIN CHABLIS GRAND CRU LES CLOS 2000.

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Imaginons que je sois le rédacteur fou d’un site de vins bien connu – et qui propose d’ailleurs souvent de jolies bouteilles à prix corrects – un prescripteur complètement allumé, shooté aux dithyrambes enfumés, à la culture marketing exacerbée, amoureux de superlatifs qui se veulent haut de gamme, que pourrais-je bien dire de ce vin déjà bien souvent encensé ?

Voyons voir.

 “Ce domaine mythique, cet Everest du vin, ce top de l’appellation, au sommet de la hiérarchie, incontournable nous livre (sic) une bouteille mémorable dont le jus hautement séducteur, véritable Don Juan de Chablis, à la fois fringant, évolué, riche, frais, affiche (oui le style ce n’est pas sa tasse de Chablis) une matière énorme, mais distinguée, qui vous inonde la bouche (oui le style, toujours le sens de la syntaxe élégante), une matière drapée d’une grande sensualité gourmande de corps. Ce vin est une star absolue, un sommet qualitatif qui passe la barre très haute (sic), un colosse tout simplement somptueux, un enchantement qui marque les esprits, drapé (bis) d’une grande sensualité de corps qui exalte toute la maestria (olé!) de son cépage, offrant à la fois du confort et de la finesse, un vin culte, issu d’un terroir singulier (sic encore), un jus monumental digne des plus grands temples égyptiens (Toutankhamon si tu me lis ?), qui se pose en dandy incontournable (une sorte de Brummel du vin ?), assurant de son élégance des accords au sommet (Ah la jolie syntaxe !), une cuvée tonitruante, imparable de finesse et d’énergie (one more couche de baratin insipide), un vin abouti, fait de passion (et de quelques raisins aussi), dont l’amateur se doit de posséder quelques caisses blotties sous le placard douillet de la cuisinière …” Ce pourrait être quelque chose comme ça par exemple.

Et moi et moi, sale vieux con râleur, que puis-je en dire de ce vin du tonnerre (c’est bien le moins pour un Chablis) de Zeus ?

Que le temps a brodé de vieil or sa robe ? Que sous mon nez, le bouquet est complexe, qu’il marie harmonieusement, effluves florales – pêle-mêle, citronnier du jardin agrémenté de légères touches jasminées – fragrances de citron mûr, confit, de miel et d’agrumes, d’un soupçon de truffe blanche, d’épices douces et de poivre blanc ? Que la noisette y a, elle aussi, laissé sa trace, fraîche malgré l’âge ? Qu’en bouche la matière est conséquente, riche, qu’elle enfle en prenant constamment du volume, qu’elle est grasse, ce qu’il faut, pour donner au vin une onctuosité délicate ? Que le vin s’éternise en bouche bien après que la pluie a cessé, qu’il laisse au palais la marque crayeuse et saline de ses origines ? Oui je le dis, et vous dis la souffrance qui m’envahit quand me vient à l’esprit que cette superbe bouteille, hélas, n’est pas un  jéroboam, ni même un magnum, et qu’il me faudra bientôt faire le deuil du plaisir qu’elle m’a procuré !

Dehors c’est Février, le ciel est Novembre, la ville semble recouverte d’acier liquide, le soleil est sur l’hémisphère sud, la rue ruisselle et la Charente déborde. Alors, je verse avec précaution dans mon verre vide les dernières gouttes de ce grand cru de chablis. Et j’attends que les amours reprennent.

PS : Merci monsieur Droin.

LE SCRIBE ET LA CONCUBINE.

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Eugène D. La mort de Sardanapale.

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Babylone était à son apogée. La luxure débordait des palais. Jusqu’à sa mort aux environs de moins 627, Assurbanipal en fut l’ordonnateur. Ce grand guerrier – il détruisit Thèbes, conquit la Chaldée, la Phénicie, l’Arménie, ainsi qu’une grande partie de l’Arabie – aimait la vie, les vits et les papillons aux ailes translucides, les âges épars aussi. Babylone, bouton de rose incandescent, planté comme une oasis luxuriante au sud de la Basse-Jéziré, dégoulinait d’humeurs diverses. Tout autant que les eaux lentes du Tigre et de l’Euphrate, les fluides inondaient la belle Babylone. Au-dessus d’elle, aussi suspendue que ses jardins, invisible et délétère, la toile gigantesque d’une araignée venimeuse la contaminait. Son venin la digèrerait avant qu’elle ait eu le temps d’entrevoir le piège.

En cette année moins 644, Assurbanipal dans la force de l’âge, entre guerres et orgies multicolores – il aimait le nombre et l’harmonie ambrée des peaux empilées – rassembla à Ninive tablettes et œuvres d’art. Il fallut bien que ces trésors fussent gardés, organisés, exposés. C’est alors que Enkidu, fils de modestes paysans, amoureux de tout ce que l’écriture cunéiforme avait permit de développer, fut nommé par l’un des nombreux exécuteurs du roi, à la tête de cette, sans doute, toute première bibliothèque humaine. Lorsqu’il découvrit en compulsant les tablettes d’argile, que l’ami de Gilgamesh, dont il lut l’épopée maintes fois, portait le même prénom que lui, il en conçut une fierté qui sût rester discrète, mais qui lui donna l’énergie dont il avait besoin pour réaliser la tâche immense qui lui avait été assignée. Enkidu avait le poil rare, la barbe maigrelette, le teint clair, les yeux vairons, petit, la poitrine creuse, la voix fluette et la silhouette courte d’un jeune adolescent en mal de croissance. Mais il devint très vite l’ami des savants, poètes et autres érudits qui se mirent à fréquenter les couloirs éclairés de sa librairie. Endiku passait le plus clair de son temps à lire et relire tablettes et rouleaux, jusqu’à très vite devenir la mémoire vivante des lieux.

De temps à autre, Assurbanipal et son aréopage de nobles dignitaires luxueusement accoutrés visitaient Ninive. La première fois que le roi demanda à voir le scribe, Enkidu, à la vue du monarque, fut glacé d’effroi. Drapé dans un kusîtu de lin pourpre qui lui descendait au dessous des genoux, les épaules recouvertes de laine de mouton nattée qui lui faisait large carrure, la poitrine constellée de parures d’or frappé, d’améthystes sculptées, de cornalines polies et de lapis bruts, les poignets entourés de lourds bracelets à rosettes, le roi lui fit plus impression encore que les grandes statues de pierre qui bordaient l’allée menant au palais. Ses yeux soulignés d’un large trait de khôl brillaient comme l’étoile du soir, une longue barbe tressée, piquée de boules de verre multicolores lui mangeait les joues, lui donnant l’air du terrible dieu Assur. Enkidu se prosterna, il aurait voulu que les dalles de pierres l’avalent, il aurait voulu fondre comme cire au feu et disparaître aux yeux du roi. Ce fut une voix étonnamment douce qui lui intima l’ordre de se relever. “Apprends-moi les tablettes et les rouleaux” lui dit-elle.

C’est ainsi que le scribe souffreteux enseigna respectueusement au monarque tout puissant, l’art de lire. Assurbanipal s’amouracha de L’épopée de Gilgamesh, à tel point qu’il en pût bientôt réciter des chapitres entiers. Un jour qu’il déchiffrait difficilement une tablette consacrée à l’art de la divination, il se mit à rire de lui même et se traita d’empoté. Endiku en eut le souffle coupé, le roi le regardait d’un air presque complice, ses mains décrivaient de grands cercles, tandis qu’il comprenait enfin les mystères des prédictions. Les nobles qui l’entouraient se mirent à toiser étrangement le petit maitre de la bibliothèque royale. Puis un jour, le roi dépêcha une escorte fastueuse qui emmena Enkidu aux portes du palais, autour duquel, comme une chatte langoureuse, se lovait la ville de Babylone.

Les jardins suspendus semblaient descendre des nues en cascades végétales multicolores. De grands arbres feuillus, d’essences diverses, s’élançaient au sommet du Kasr, leurs plus hautes branches, mangées par l’azur du ciel étincelant, tutoyaient les dieux. Sous ce toit du monde, de larges terrasses, presque invisibles, tant les plantes grasses, les herbes en larges camaïeux de vert, les roseaux balançant sous le vent, les fleurs en massifs éclatants, imbriqués dans une sorte de marquèterie vivante, se succédaient jusqu’au presque ras du sol. La pierre, la brique, la construction humaine elle-même avait disparu sous la puissance généreuse des gigantesques forces de la terre. C’était ainsi que la nature se donnait aux hommes, abondante, magnifique, sensuelle jusqu’à la lascivité. Les eaux sourdaient d’entre les massifs, se glissaient entre la verdure et les fleurs qu’elles abreuvaient. Le souffle léger du vent, entre les lacis céladon des graminées étalées, les troncs musculeux aux écorces épaisses, les corolles vibrantes, les phragmites aux feuilles tranchantes, les calames graciles, les cannes cliquetantes, se mêlait au babil des eaux bondissantes, et les jardins suspendus devenaient musiciens. Des vols d’étourneaux dessinaient dans le ciel céruléen d’étranges arabesques mouvantes, sans doute les dieux délivraient-ils dans une langue inconnue, des messages d’une telle complexité, que les prêtres eux-mêmes ne parvenaient pas toujours à les interpréter. Parfois ils s’abattaient sur les cimes des arbres en criaillant. Alors mésanges, rouges-gorges, harles piettes, garrots à œil d’or, et mille autres espèces de volatiles, toutes plumes hérissées, s’envolaient de toute part, leurs cris dissonants, rebondissaient sur les hauts murs des palais alentours, pour se perdre sur les rives de l’Euphrate proche gonflé par les pluies du nord. Mais les grands milans royaux, attirés par le vacarme ailé, piquaient dans le brouillard de plumes. Alors quelques instants les jardins se taisaient, les grands rapaces reprenaient de la hauteur, puis la vie, indomptable recommençait. Les glissandi des eaux et les staccatissimi du vent dans les branches redonnaient aux corbeilles végétales le calme et la douceur un instant disparus.

Enkidu la tête levée, le regard perdu dans celui des dieux et des forces naturelles, subjugué par d’aussi grandes beautés, ne bougeait plus. Il fallut que le chef de l’escorte le tire par un bras, pour qu’il sorte de sa sidération, et continue sur la voie pavée qui menait au palais du roi. Une construction carrée, fastueuse, à l’architecture puissante. Les hauts murs étaient recouverts de grandes fresques historiées finement sculptées dans la masse. Assurbanipal terrassait Elam, entre ses bras épais il étranglait le lion d’Assyrie, trônait majestueusement, et dominait partout et toujours. Aucun détail n’avait échappé aux artistes, jusqu’aux moindres nuances de ses habits, jusqu’à l’ultime crin de sa barbe fournie, rien ne manquait. De gigantales statues ponctuaient salles et couloirs qui conduisirent le scribe jusqu’aux pieds du monarque.

Dans l’atmosphère feutrée du harem, entre lumières douces et ombres fuligineuses, la tête penchée et le regard perdu, Damkina, entre deux lames de bois peint d’un moucharabieh, entrapercevait les marches montantes et le parvis qui menait à la porte ouvragée du palais royal. Sa position particulière au sein du bītānu – elle était première concubine du roi – lui permettait d’échapper par moments à la surveillance des chefs de musique, lesquels  bien que rendus à jamais inoffensifs, et peut-être pour cela, redoublaient de rouerie et de cruauté. Une de ses escortes, dont le roi se servait quand il était pressé de rencontrer un de ses sujets, gravissait les hautes marches de pierres taillées. Le chef de la troupe tenait par un bras un jeune homme malingre vêtu d’une simple robe de toile écrue. Ce garçon attira son regard. Il ne ressemblait pas à ces Assyriens à la peau sombre et au poil abondant, à toutes ces barbes tressées, enrichies de pierres rutilantes, de rubans et autres ornementations, qu’il lui arrivait de croiser furtivement dans les couloirs qui, tous, aboutissaient à la salle de réception royale. Car Assurbanipal était le centre, tout comme Assur était le cœur flamboyant du monde divin.

L’escorte, sur un ordre sec du chef, se figea devant une large baie qui s’ouvrait sur une terrasse. Enkidu se pencha sur la balustrade. Il surplombait une cour carrée entourée de tribunes bruyantes et colorées. Sur la terre battue, Assurbanipal, torse nu, armé d’un simple poignard à large lame, combattait un lion. Dignitaires et nobles royaux encourageaient leur maitre. Le lion fut éventré après qu’il eut été à moitié étranglé par la poigne du souverain. La courtisanerie exultait, trépignait, félicitait, se répandait en louanges, et les prêtres rendaient grâce aux dieux.

Puis le jeune lettré fut invité à attendre dans l’antichambre des appartements du grand roi. Tous les murs finement sculptés célébraient la gloire du monarque. La porte monumentale de la chambre était flanquée de deux statues de la déesse Istar qui allaient au ras du plafond. Les gardes en tenues d’apparat déambulaient, ignorant Enkidu qui n’en menait pas large. Il était prostré contre un mur quand les deux battants des appartements s’ouvrirent sans un bruit. L’un des guerriers l’invita à entrer. Dans la vaste pièce trônait un lit immense recouvert de draps pourpres, de couvertures de soies de toutes couleurs et de  coussins blancs. Assurbanipal, à demi allongé, vêtu d’un large chiton de lin froissé brodé d’or et de pierres, reposait, le coude droit relevé, la tête appuyée dans la main. Autour de lui un essaim de femmes et d’hommes à demi nus s’étalaient. Le roi le regardait sans sourire, ses yeux noirs encharbonnés donnaient à son regard une profondeur aussi cruelle qu’inquiétante. Enkidu s’agenouilla tête baissée. “Relève toi, homme de culture et joins toi à nous” tonna le monarque. A ses pieds, une jeune femme brune à la peau d’albâtre, le fixait en souriant. Un sourire qui lui coupa le souffle. Jamais il n’avait de beauté aussi parfaite. Elle était presque nue, ses seins lourds aux aréoles maquillées d’écarlate se soulevaient  lentement au rythme de sa respiration paisible. La main du roi jouait négligemment dans ses longs cheveux noirs et bouclés. Damkina frissonna, la vue de ce jeune garçon fluet la mit dans une émotion qui la surprit. Des larmes chaudes perlèrent à ses yeux. Sous sa poitrine elle sentit son cœur qui s’affolait, une suée l’enveloppa, elle eut froid et remonta sur ses flancs un voile de soie transparente. Sa nuque la brûla, elle tourna la tête, le regard du roi la glaça instantanément. Assurbanipal leva la main, les filles agacées par les garçons caressants cessèrent de glousser, les couples enlacés se désunirent, tous se figèrent et se turent. “Cet homme est un peu mon maitre” dit-il en riant, “il m’enseigne l’art des lettres et m’initie à la compagnie enrichissante des tablettes et des rouleaux de ma bibliothèque. C’est pourquoi je l’ai convié. Faites lui bonne place, soyez tendres, douces et doux avec lui, enseignez lui à son tour les plaisirs de la chair”. Alors garçons et filles encerclèrent le scribe qui fut dénudé par une foule de mains habiles. Enkidu avait beau vouloir esquiver, se libérer des peaux envahissantes qui se collaient à la sienne, des bouches qui le léchaient, l’embrassaient, le suçotaient partout à la fois, il finit par succomber sous le nombre. Une tempête de plaisir et de douleur mêlés le secoua des pieds à la tête. Pénétré et enfoui à la fois, le corps en ébullition, il perdit connaissance quand un spasme fulgurant lui mit les yeux à l’envers.

Quand il se réveilla, Damkina lui épongeait le front en chantonnant doucement. Son sourire était si doux qu’il faillit perdre conscience à nouveau. “N’aie pas peur petit lion d’argile” murmura-t-elle en pleurs. Elle ne savait plus, ne comprenait plus, il lui semblait que tout l’amour du monde était en elle, dirigé vers lui. Elle n’y pouvait rien, c’était comme si les eaux de toutes les mers, de tous les océans, convergeaient vers elle, bouleversant son corps et son cœur, un incommensurable tourbillon qui l’entrainait contre sa propre volonté, contre le sens commun, vers des mondes qui l’effrayaient déjà ou la comblaient, elle s’y perdait. Contre toute raison. Enkidu, lui, avait replongé dans l’entre-mondes. Etrange état. Ni mort, ni vivant. Il ne sentait plus rien et ressentait tout à la fois, savait tout, confusément,  dans une ignorance totale. Alors il lâcha prise, et se retrouva, dérivant, flottant, nageant – il ne savait plus trop – au milieu d’un magma de visages fuyants, flous, déformés, changeants. Ces visages qui lui étaient, sinon familiers, du moins pas vraiment étrangers, déclenchaient en lui des salves d’émotions qui n’étaient pas tout à fait les siennes. Par moments le défilé était interrompu par de longs plans fixes, il ne percevait plus qu’un ciel ténébreux, il lui semblait planer bien au-dessus du monde, très haut – sans doute dans l’univers des dieux, pensait-il, terrorisé et enchanté à la fois – les étoiles clignotaient, elles étaient si nombreuses qu’il se demandait comment les nuits pouvaient être aussi noires. Puis la farandole des masques reprenait. Ils lui susurraient des mots assourdis, leurs voix lointaines parlaient des langues inconnues dont Enkidu comprenait le sens général.

Il reprit conscience une seconde fois, Damkina le caressait toujours, souriant et pleurant en silence. Les larmes donnaient à son regard une brillance égale à celle des étoiles qu’il venait de quitter. Elle se pencha, lui embrassa le front et reprit sa mélopée.

La chambre monumentale s’était vidée, Assurbanipal avait chassé femmes et éphèbes d’un geste de la main. Sous la lumière coruscante qui tombait des fenêtres étroites, la pourpre des tissus brûlait, et le phormium tissé de la robe de lin du grand roi paraissait plus blanche encore. On eût cru un grand lys au pistil noir renversé par le cours sombre de ses ruminations morbides. Le fin politique qu’il était n’avait pas mit longtemps à remarquer l’inclination soudaine de Damkina, sa première concubine, pour le scribe maigrelet. Il avait eu beau retourner dans sa tête toutes les raisons imaginables, il ne comprenait pas. Mais comment cette fille intelligente, aux ardeurs presque impossibles à satisfaire, avait elle pu tomber ainsi en adoration devant cet être, certes cultivé, mais insignifiant ? Alors qu’il se savait “Lui”, être le grand monarque, aux yeux des sujets de son empire qui s’étendait en arc parfait, de Tur à Thèbes en remontant par Assur, Tarse, puis redescendant vers Byblos, Tyr, Gaza, Tanis … !!! Entre l’affection réelle, le désir violent que lui inspirait la belle Damkina, et la trahison qu’il pressentait, il trancha.

Damkina dormait paisiblement, le cobra égyptien croqua le creux diaphane de son bras droit qui pendait hors de sa couche. Elle cessa de rêver. Le visage de Enkidu, qui peuplait ses nuits depuis leur rencontre, pâlit lentement, pour disparaitre au moment où sa conscience se dissolvait. La même nuit à Ninive, Enkidu eut la gorge tranchée d’une oreille à l’autre par une ombre térébrante qui ne fut jamais retrouvée.

Parfois, certaines nuits, Assurbanipal se réveille, tourne, soupire, et regrette un instant d’avoir dû sacrifier son maitre de lecture. Puis il repose la main sur la hanche rebondie de la nouvelle première concubine et se rendort du sommeil du juste.