LE PETIT RAGONDIN.
Le ragondinet de La De.
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Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné – ©Tous droits réservés.
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Un petit ragondin tout seul dans la broussaille
Il a perdu maman, ils ont mangé papa
Les Amériques sont loin, très loin derrière la baille
Ah s’il avait des plumes, il volerait là-bas
Au dessus des nuages, au travers des nuées
Avec les anges blonds que Dieu a emportés
Mais sa fourrure collante ne veut pas le lâcher
Autour de son terrier, de grosses bêtes fauves
Le guettent tout le jour et quand la nuit est mauve
De sa voix désolée il chante un air pas gai.
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Un petit ragondin caché sous la ferraille
Sous les bombes, éperdu, il sent trembler la terre
Le monde est désolé, le soleil en enfer
Il s’accroche aux roseaux et ça pue la ventraille
Et la viande rôtie, l’acier et le napalm
Et le sol tremble encore, il pleut des bouts de chair
Le petit se blottit. Des tas de pattes en l’air
Volent dans le ciel rouge comme des oiseaux morts
Il pleure dans sa moustache des perles, des larmes d’or
Et la rivière charrie ses rêves d’enfant blessé.
ENTRE TES DENTS …
La De fait la sarabande.
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Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné – ©Tous droits réservés.
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Touffu,
Moussu,
Rasé,
Tondu,
Mordu.
Opale tendre,
Et rire
Fondu.
Changeant,
Sur l’arbre
De mes rêves.
Orfèvre,
Ma fève …
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Fends la bise,
Fends l’exquise,
Fends l’abricot
Mûr
Du désir,
Qui frise,
Et me brise,
Les reins,
Pire,
Que la brise,
Qui caresse
Tes seins …
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Avide,
Il verse,
Sa liqueur
Acide,
Qui coule,
Sur tes fesses.
Tigresse,
Drôlesse,
Diablesse,
Tu navigues,
Éperdue,
Et te touches,
Le cul …
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Dans la raie,
Distendue
De ton désir,
Exsangue,
Je tangue,
Et j’afflue,
Dru.
Tout au fond,
De ton antre,
De son regard fendu,
Le cyclope
Interlope,
Bute,
Et rage,
Aigu …
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Puis il brame,
Le pleur enivrant,
Du déversement
Charmant.
Ton ventre rond
Chante,
Ondule,
Trémule,
Se lamente,
A l’unisson.
Au matin blême,
Le con a chanté…
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L’aria sublime
Du sang,
Que le vent
Décuple.
Tes oblongs,
Obus fragiles,
Balancent,
Lourds,
Et charnus,
Et pointent,
Vers le ciel,
Leur regard
Goulu …
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Danse
Ma fée
brûlée,
La lance
Aiguisée
De ton regard
Velu,
Se balance.
Dans tes yeux
Bleus.
Zinzolin,
L’arc-en-ciel
A ondoyé …
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J’ai défait
Mon armure,
Si dure,
Au fond
De ton siphon.
Ton coeur
Qui m’accueille,
Écureuil
Flambant,
Tu croques,
Mes noisettes,
A coups de dents
Pointues …
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Et je lâche,
Aux cieux,
Rougis,
Le cri,
Puissant,
De mon vit
bleuit,
Par les eaux
Poivrées
Qui perlent,
Damoiselle,
De tes flancs
Charmants …
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Je jouis
Entre tes plis,
De velours.
Pur boulgour,
Miel
Lourd.
Mon amour …
STILL ALIVE AFTER LA SAINT VIVANT…
Maxwell Armfield. Faustine.
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Romanée Saint Vivant 1998.
Le nom du vin, déjà est un monde.
Dans le verre, un pur rubis pâle et lumineux.
C’est un voyage dans l’imaginaire auquel ce vin convie. Un voyage dans l’Androgynie des origines, au pays de la Romanée, le Roman «Roman» de Romane, au pays de Saint Vivant de Vergy, l’abbaye Médiévale en laquelle œuvraient sans doute de solides tonsurés – amateurs de chairs et de vins, ripailleurs et mystiques – traversés par les énergies puissantes de la terre et les intuitions subtiles de l’âme. Un vin, élevé par Drouhin, qui porte en son nom l’union contrastée de la matière et de l’esprit. L’espoir d’un équilibre, d’une quadrature, d’un chemin sur le fil de la lame…
Il est bon de se laisser aller à rêver avant de boire.
Le nez au dessus du verre m’emporte dans les brouillards translucides du petit matin. Le nez humide d’une biche gracile se pose sur ma joue… Des fruits en foules rouges. Le premier jus qui sourd du pressoir. Parfums de vergers et de vignes. Pinot mûr qui s’écrase dans les doigts. Fragrances fines. Parfums mouillés. Les détailler car il le faut bien… Airelle, groseille et framboise délicates déposent au nez une brume odorante et fragile, qui s’enroule comme une liane parfumée aux confins exaltés de mes rêves intimes. Cerise aussi, Bourgogne oblige… Le temps semble impuissant, l’automne n’atteindra pas ces arômes d’au delà de mes vicissitudes.
Le faune en moi chantonne, subjugué par les charmes de Romane.
Le jus glisse en bouche, lisse et rond comme la hanche innocente de l’enfant. Lentement il enfle et se déploie, libérant la caresse progressive d’une matière tendre et puissante. Comment imaginer tant de force et d’élégance combinées??? L’esprit est dans la matière, il la sublime, mais sans elle il ne saurait s’exprimer… La pâte de cassis perlée de sucre croquant, comme un éclair dans un ciel d’été, exalte la chair du vin. Le jus enfle et conquiert le palais. Les papilles titillées défaillent. Chopin s’unit à George dans un final tumultueux, longuement, tendrement.
C’est le temps du Tao, de l’équilibre à jamais signifié.
UNE HYÈNE.
Irène la hyène de La De.
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Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné – ©Tous droits réservés.
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Irène est une hyène, une fille de la mort,
Quand elle ouvre la gueule, son haleine putride
Affole la savane, les buffles, les butors.
Les marais eux aussi ! Sous la chaleur torride,
Leurs eaux sont corrompues par les fièvres ardentes,
Quand l’innommable hyène danse la sarabande
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C’est une boule de pus, laide comme un prurit,
Un furoncle écarlate, une glande infectée,
La bête, avec sa bande, traque les nouveaux nés,
Les vieillards, les malades, les affolés qui fuient,
Alors c’est la curée quand le sang a jailli.
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Elle est basse du cul, on dirait qu’elle a peur,
Ce n’est qu’un stratagème pour rassurer ses proies,
Elle sait cacher ses crocs derrière son sourire faux
“Je suis une bonne amie, la cousine d’un roi
Un lion magnifique au regard de vainqueur !”
Dit-elle d’une voix de miel aux petits animaux.
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L’antilope est si vive que souvent elle échappe
A la meute tueuse des hyènes déchainées
Mais reste la charogne au ventre noir gonflé,
Les chasseuses bernées ont quand même leurs agapes
Et les mâchoires puissantes se mettent à l’unisson,
Dans la nuit étouffante ricassent les noirs démons.
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Dans son sommeil Irène gémit en frissonnant,
La savane est en feu, et le vent obsédant,
Attise le foyer qui lui lèche les flancs.
Toutes les bêtes sont mortes dans la nuit embrasée,
Elle court comme une folle sous les dents du brasier,
Un buffle au mufle noir, aux cornes acérées
A croisé son chemin. D’un coup l’a éventrée.
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Irène atroce reine, plus que toutes mal aimée,
La lune s’est cachée, et la mort ta marraine,
D’un seul coup de sa corne, tes espoirs a fauchés.
VOUS LES GENS QUI LISEZ.
L’arbre “Vénitien” de La De.
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Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné – ©Tous droits réservés.
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Mon grand père avait un père et mon père aussi
Ma grand mère avait une sœur et sa sœur aussi
Ma sœur avait un frère mais son frère non point
Faut que j’arrête de me fumer des joints.
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Le curé a une bonne, mais la bonne non point
La bonne a un coquin, le curé sa coquine
Au presbytère le soir, les odeurs de benjoin
En volutes épaisses glissent sous les surplis.
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Le gendarme a une mère qui élève des nains
Son frère a une sœur, il n’est pas orphelin
C’est une nonne aveugle qui aime son cousin
Le gendarme dépassé songe à passer la main.
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Mon tonton a sa tontine, sa tontine gironde
La tontine a ri et tonton qui la gronde
Mon tonton en caleçon se gratte l’occiput
La tontine est vexée, et les deux se disputent.
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Tout là-haut le clocher amoureux de la lune
Sonne onze à minuit, les pompiers affolés
Tirent la grande échelle pour monter à la hune
Le clocher effondré est tombé sur leurs pieds.
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Et moi je me demande si le monde tourne rond
Je crois que je suis fou, je mange trop de mots
Des salés des sucrés, du réglisse en bandeau
Des bêtise de Cambrai à la noix de coco.
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Vous les gens qui lisez, ne m’en voulez pas trop.