Littinéraires viniques » Christian Bétourné

JEAN ET L’EMPEREUR DES COUETTES…

Giotto. Lamentations.

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Cette nuit elle lui a parlé…Oui, oui!!!

Jean ne dormait pas. Discrètement, il essaya de décrocher le bout de la couette du fond du lit. Ses pieds bouillants réclamaient la fraîcheur de la nuit. Il déborda lentement son côté. Besoin d’air. Le pan de la couette glissa lentement. C’est alors qu’il entendit un souffle de soulagement, comme le chuintement final d’un ballon d’enfant qui se dégonfle. L’oreille tendue à s’en décrocher le pavillon, incrédule comme un banquier devant un tronc d’église, il demanda bêtement, à voix basse :

«C’est qui»???

Une voix assourdie lui répondit :

«C’est moi…la couette, moi qui te réchauffe comme le doudou de ton enfance, moi qui te protège petit homme fragile. Toi sans fourrure, toi sans plumes, toi sans défense, quand le sommeil te laisse dans ta nudité première. Souviens toi des grottes humides aux sols rudes des temps anciens. Tu grelottais sous tes poils trop courts, en attendant, soumis et effrayé, le retour du soleil. Puis je suis venue et ta vie a changé».

Paralysé autant qu’ébahi, Lui, l’Homme, le Roi du Monde, se mit silencieusement à crier au secours. Son cerveau gauche prit la situation à bras les lobes, habitué qu’il est à tout expliquer, doctoral et sûr de lui.

«T’es ouf ou quoi?. C’est ta soupe qui pèse, ton estomac qui fait des bulles, tu rêves à moitié… Allez rendors-toi. N’oublie pas que c’est la crise, que ça urge. C’est du sérieux ça. Allez, laisse tomber tes petites hallucinations à trois balles!!! Lève toi et rote!!! Et puis fous moi la paix, j’ai besoin de repos, sinon tu te démerderas avec mon voisin de gauche et bonjour les dégâts… Sûr que dans trois mois, sous ta camisole, t’auras pas l’air con!!!»

Fort de ces explications définitives, il s’ébroua. Comme tout mâle qui se respecte, plissant les yeux, il lâcha, contrôlant en finesse ses sphincters, un pet de traitre, aussi long qu’onctueux….La petite voix, pur produit de son soi-disant délire semi éveillé, soupira :

«Non, s’il te plaît».

Alors là, plus de méprise, c’était bien la «voix» de la couette, car en même temps qu’elle lui parlait, sa housse plissait désagréablement sur son épaule. Pourtant il n’avait pas bougé, et sa voisine dormait comme un Chambertin dans sa cave!!! Il se tut illico, et l’écouta…

«Aide moi, aide nous, aide le peuple opprimé des couettes en souffrance. Traite nous avec bonté, regarde nous, remercie nous de te couvrir avec tendresse chaque nuit. Ménage nous! Nous ne sommes pas gourmandes, nous ne voulons qu’un peu de considération. Et même, au risque d’en vouloir trop…, un peu d’amour nous comblerait. Accorde nous un soupçon de liberté, aère nous le matin… Tu n’imagines ce que nous endurons entre deux lavages. Tous ces corps flasques qui nous enroulent, qui nous froissent. Tous ces miasmes, ces sueurs aigres qui nous imbibent, ces baves qui nous souillent, ces liqueurs qui encrassent nos fibres. Toutes ces humeurs nocturnes que les humains exsudent, qui nous étouffent, qui nous polluent, qui nous salissent!!! Et je ne parle pas de tes soirs victorieux, de tes agitations sporadiques, de tes tremblements extatiques, de tes matins gluants, de tes soubresauts ridicules, tandis que tu me roues de coups de pieds, de mains, que tu me mords, que tu pleures, que tu me plies et me replies, m’écrases, pour me laisser là, puante et brulante, en désordre, toute la journée qui suit!!! Ingrat…»

En vérité, à ces mots, il ne put résister. Ses yeux s’embuèrent, Son âme se fissura comme glace au printemps. S’ensuivit un silence, épais comme un Languedoc des années soixante.

«Oui, lui répondit-il, je ne suis qu’un rustre, un ingrat, un gros gourdiflot d’humain vaniteux. Je ne pense qu’à moi, à moi et encore à moi!!! Pardonne moi petite couette, toutes ces années d’ignorance. Je me repens, je me bats la croupe à grands coups de silice, je te promets que ta vie va changer. Dis-moi, que puis-je faire???

Il fut frappé de stupeur, complétement sidéré, quand la «culcita» susurra, doucereuse…

«Sois notre Roi, guide nous, apprends nous à nous organiser. Il est temps que le peuple des couettes soit respecté, et reconnu pour son travail nocturne. Rends moi un peu, de ce que je te donne la nuit. Le matin, détends moi, retends moi, secoue moi. Que l’air frais des matins bleus, circule dans mes fibres. Défroisse ma housse, et laisse moi reposer la journée. Tu verras le soir, comme je serai douce, fraîche, regonflée, tu verras comme ma chaleur te réconfortera, te calmera, te protégera la nuit durant, tu verras comme ton sommeil sera profond et peuplé de rêves tendres et apaisants. Mais surtout, oh oui surtout, laisse moi m’étaler de toute ma surface. Ne me rabats pas, par pitié, sous le matelas!!! Laisse l’air me pénétrer, tandis que tu dors, me régénérer et évacuer tes pestilences. Tu n’en seras que mieux, toi aussi.»

L’homme est ainsi fait, ainsi faible, qu’à l’attrait du pouvoir il ne sait résister.

Allez va pour le Roi des couettes. Il promit d’épousseter, de choyer, de chérir…Il se sentait prêt à tout. Ses yeux étaient ronds, comme ceux d’une chouette, tant il était éveillé. Il se perdit en conjectures, en projets, en analyses, en ratiocinations aussi vaines qu’absconses, vagues et fumeuses. En lui naissaient des désirs guerriers, des soifs de conquêtes. L’ambition le gagnait. Pourquoi ne pas fédérer les Dessus-de-lits, les Courtepointes, les Plaids, les Tartans, les Duvets, les Boutis, les Couvertures, les Couvre-lits, les Édredons?

Une Europe des Couettes dont il serait le Président? Puis le temps passant, l’Empereur??

Réaliser enfin le grand rêve de Charlemagne, de Charles-Quint, de Napoléon??? Faire mieux que ce nabot de Gengis Khan! Écrire l’Histoire à rebours!!! Un fils, il lui fallait un fils pour lui succéder. Un fils, capable de gérer à long terme la montée des Nationalismes. Dans ses veines le sang battait, comme la pluie tropicale sur la rouille des tôles Haïtiennes. Le feu courait, dans les fils tendus de ses nerfs exacerbés. Il se sentait fort, indéboulonnable, comme un économiste à la Télé. Z’allaient voir les Couettes, comment qu’ça allait péter le tonnerre! C’est là qu’il s’entendit répondre :

«Bon, c’est d’accord. J’accepte. Ta vie va changer, et ton peuple, enfin, connaîtra le temps de la Dignité retrouvée. Mais à une condition, c’est que toi, qui est la plus éveillée des nombreuses couettes que j’ai connues, tu me secondes, tu fasses corps avec ma Politique.»

La chambre brièvement s’illumina.

Ce fut comme un arc électrique, comme la jubilation combinée, de toutes les laines, de toutes les plumes, de toutes les fibres, naturelles et synthétiques, de la planète. La couette s’éleva dans les airs, battant des ailes dans un ralenti majestueux. Il se crut aux Maldives, ces îles qui s’étalent comme des confetti verts sur la toile céruléenne de l’océan Indien. Là, où hors du temps, en se riant des lois de la gravitation terrestre, dans les eaux translucides et chaudes, planent, les escadrons paisibles des raies Mantas. Cela vécut le temps d’une étincelle, mais ce fut si fort, qu’il crut défaillir. «Putain Martin!!!» se dit-il in-petto, les fesses serrées, partagé entre le bonheur tonique du libérateur, et la peur huileuse du tyran…

«Dès à présent, tu deviens responsable de ma Communication, et tu t’appelleras Rachida. Tu noyauteras tous les pressings dès ce matin. A terme, ce sont tous les secteurs textiles qu’il te faudra investir».
«Toutes nos troupes potentielles doivent recevoir la bonne parole. Insiste sur les avantages à venir, et surtout sur l’augmentation à court-terme de leur pouvoir d’achat»!!!
«Dans une seconde phase, renforce le PCL (Parti des Couettes Libres) que je crée à l’instant ainsi que le FNLC (Front de Libération des Couettes). Pas de cotisations excessives, il nous faut le plus d’adhérents possible, dans le minimum de temps»!!!
«Enfin, car seule importe vraiment la Doctrine. Il te faudra t’initier à l’Art Diplomatique, et tracter avec le FNLCB (Front National de libération des Couettes Bretonnes/Basques) et le FNLCC (Front de libération des Couettes Corses). Ce sont les plus agitées des factions qui risquent d’apparaître. Pour les autres, nous verrons ensuite…ça risque aussi de bouger dans les Îles tropicales. Elles ne sont pas nombreuses, mais elles ont le piment dans le sang!!! Il ne m’étonnerait pas, que surgissent de derrière les palmiers, un FNLG/M, puis un FNLG et un FNLR. Pourquoi pas, tout est possible un FNLSPM»!!!

«Tu as du pain sur les plumes. Et arrête de ronronner»!!!

Dans la chambre, obscure comme un trou noir dans les champs galactiques, le temps sembla s’arrêter. Sur l’écran brasillant de son ego en surchauffe, défilait le cortège délirant de ses exploits à venir. Le futur proche, que même les prospectivistes les plus pointus, peinent d’ordinaire à décrire, roulait en images fluorescentes et fallacieuses, derrière ses paupières crispées. Ses dents serrées, crissaient à déjanter. Mais il ne le savait pas. Il eut comme un goût de sang chaud dans la bouche. Le sommeil le prit d’un coup, alors qu’il présidait le défilé du Quatorze Juillet. Les régiments de couettes en rangs compacts, qui passaient fièrement devant lui au rythme grave d’une musique magistrale, s’évanouirent aussitôt…

Radieux comme un ostensoir juste avant la messe, le soleil nouveau creva le ciel. Au travers des persiennes, ses rayons d’hélianthe humide, renvoyèrent l’obscurité aux enfers, piquant la couette du lit, de petits clous de lumière chaude. Il sentit une brûlure douce sur sa paupière gauche. Une flèche flavescente tremblait sur sa peau. Le long des parois rugueuses d’un puits de ténèbres, sa conscience assourdie, bringuebalait, hésitante. La remontée fut lente, besogneuse, douloureuse. Le plomb fondu d’un sommeil lourd qui l’avait épuisé, rechignait à se dissoudre. Le cœur exsangue, la tête carillonnante et les os en poudre, il s’accrocha aux bords coupants du puits. Il se sentait vide, orphelin d’un destin qu’il n’avait qu’entraperçu, misérable de solitude, et pétri d’insignifiance. Sans savoir pourquoi, et surpris par la douceur de l’ondée, il se mit à pleurer à longs sanglots lourds. Son impéritie à vivre, le prit à la gorge. Debout devant le lit vide, il regardait, l’air absent, la couette. Étrangement, elle lui semblait heureuse, gonflée de tout son duvet. Comme neuve. Sur les flancs et le pied du lit, elle s’étalait, gracieuse et parfaitement dressée. Les mains tremblantes d’une étrange émotion inconnue, il la replia avec précaution. Il ouvrit la fenêtre. La lumière crue s’engouffra dans la pièce, dissipant les dernières ouates de cette nuit, dont il sentit sans savoir vraiment pourquoi, qu’elle avait été rude…

Jean se dit qu’il attendait déjà, que la nuit revienne. Il retourna à ses bretelles…

Le midi, l’âme à marée basse, il se réfugia à la cave. Sous la lueur glauque d’une ampoule, affaiblie par la croute poussiéreuse des décennies agrégées, comme une mite fascinée par le halo, il traîna un moment. Le cœur pâle comme une endive. Distraitement, il puisa une bouteille dans le tas indistinct des bonheurs attendus. Confusément, il savait qu’un bon verre le remettrait à flot. L’air qui venait du soupirail, agitait doucement la lampe crasseuse. L’assiette de métal émaillé qui coiffait le globe blafard, se balançait lentement en couinant. Sous le cône de clarté livide, exactement, la vrille d’un «sommelier» luisait, et pulsait comme un phare providentiel. Jean s’en empara. L’habileté avec laquelle il décapsula le flacon, l’étonna lui-même. En trois tours de poignet, il crocha le bouchon, qui pleura en quittant le col. Jean versa trois larmes cathartiques. Elles roulèrent tout droit sur son visage, que les rides de l’âge n’avaient pas encore torturé, et tombèrent sur le ventre de jais de la bouteille, creusant dans la poussière fine, une tâche ronde, qu’encadrèrent deux courtes trainées vertes. D’un coffre fatigué, tapissé de velours cramoisi, il sortit un grand verre étonnamment propre, aux hanches larges, qui concentra la faible clarté des lieux. Jean s’en gava, tant il avait faim d’intensité. La coruscation que le cristal concentrait par instant, lui fit plus d’effet qu’un shoot de cocaïne pure. Il se redressa.

Il lui sembla que ses cellules s’étaient remises à chanter en chœur, l’Agnus Dei d’Allegri.

Le vin roula dans le verre, comme une boule de vie. Jean s’était assis, et se perdait délicieusement dans le cœur de rubis. L’humidité bienfaisante de la cave avait délité l’étiquette, le mettant face au mystère. Cela l’enchantait de se perdre ainsi, pour se retrouver. Au centre de la gemme écarlate, brillait le champ infini de ses espérances déçues, de ses espoirs secrets aussi, comme les deux indissociables faces opposées d’un même possible. C’était à lui d’exercer sa liberté. Il en avait une conscience encore sourde. Comme le condor, le temps passa. Jean eut l’impression de flotter dans la pièce. Le regard vrillé, sur le cinabre immobile au cœur du récipient, il méditait sans le savoir. Au dehors, le vent stridulait. L’abat-jour se balança plus fortement, faisant vivement chatoyer le liquide, puis le plongeant aussitôt dans la pénombre.

Jean se rassembla.

L’air avait du faire son œuvre, il était temps.

Sa main pinça délicatement le pied du verre. La douceur de son geste ralentit le temps. La surface du disque, lisse comme un lac en hiver, ne bougea pas. Pas la moindre ridule, ne vint en briser le miroir. Au bord des parois de cristal, fines et incandescentes, le vin, traversé par la lumière mouvante, était d’un rose tendre, et s’arrondissait. L’espoir de donner du plaisir le dilatait. Jean sentit monter les premiers parfums, presque imperceptibles. Il ferma les yeux, inspirant à peine du bout des narines, et se retrouva au centre d’un jardin de printemps. Un jardin suspendu, aux vibrations florales. La pivoine et la rose, encore humides des brumes tièdes du petit matin, distillaient leurs arômes finement sucrés. Cela sentait Juin à plein nez. La cerise Montmorency mêlait ses fragrances finement acides, au sourire mouillé du bigarreau bien mûr. La bourse, qui pendait à la hanche ronde d’une jouvencelle épanouie, y ajouta ses parfums de cuir frais. Un vin encore jeune, se dit Jean, d’une année généreuse, né de petites grappes à grains bien séparés, aux peaux épaisses et croquantes. Mais déjà charmant, assurément. Un vin que l’éternité n’effraie pas. Ils sont peu, ceux là qui sont de la race des très grands.

Il reposa le verre, histoire de faire une pause, histoire de profiter pleinement de l’instant. L’épopée des couettes lui traversa fugacement l’esprit, comme un flash aveuglant au plus profond d’une nuit froide. Il sourit. Un petit pincement lui piqua la poitrine, comme un regret. Mais l’enchantement du moment le ramena au verre. Le liquide nacarat roula dans sa bouche, soyeux et vif. Du nectar de fraise des bois, de cassis et de framboise roulait en farandole fruitée, agaçant délicieusement ses papilles turgescentes. Il se sentait la bouche pleine, tant la matière était ronde, équilibrée au mieux. Ne bougeant plus, il écoutait le vin lui raconter son élégance. Divin moment. Ce «toucher» de bouche d’une classe unique, si frais, si tonique lui parlait. Il eut la vision nette des quelques neuf hectares et vingt sept ares, sis au creux du pays Nuiton. Jamais il ne s’était senti ainsi autorisé à frôler, ne serait-ce que l’idée, de la perfection. Un très grand Bourguignon, qui lui donnait à vivre la plénitude, délicate et puissante à la fois, qu’un pinot, parfois, peut atteindre. Ses rêves nocturnes de pouvoir temporel, lui semblèrent dérisoires. Il mâcha le vin, il le croqua avec gourmandise, ne se résignant pas à l’avaler. La force paisible et aristocratique du breuvage, le calmait et l’enchantait à la fois. Puis il se résigna. Le liquide parfumé glissa dans sa gorge, comme l’épée dans le fourreau, et lui mit au ventre une douce chaleur, qui l’apaisa et le réchauffa à la fois. Entre langue et palais, les vestiges du vin étalaient leurs imperceptibles tannins, qui n’en finissaient plus de libérer leurs douceurs épicées. La poudre de craie fruitée, au réglisse léger, ne le quitterait pas d’ici longtemps.

Mille neuf cent quatre vingt dix neuf, pensa t-il. Vosne Grand Cru…

Romanée Saint Vivant???

J’y mettrai ma couette au feu se dit-il!!!

EAUMOBERTDETIVILLAINECONE?

LE FAT A FAIM D’AVOIR TIRÉ LA RONDE.

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D’après La Fontaine. Le rat qui s’est retiré du monde.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Les cabotins en leur prébende (1)

Content qu’un latin fat, au lard bien oint jusqu’en bas,

Sous son ramage il bande,

Se bien branle mains nues à plat.

La très belle prude était gironde,

En offrant son trou à la sonde.

L’autre lévite lourdaud s’enfonçait mors au dents.

Il mit cent fessées et le gland

Que ce balourd repus fit don à la volage

Du chibre devant, derrière : fenil (2) et décrassage ?

Il finit l’os et le gras ; le pieu irrigue les reins,

Le baveux peu clitoridien.

Au four, le très sot déménage

Le réputé, le veule fat,

En chavire, explosée l’anémone fromagère :

Si salée, la resserre légère

En voulait quelques bourres encore du veule fat ;

Fat aux délices était vanné :

Don, giclée sur les seins, à défaillir dedans,

Pas tendu le fat indigent

A la molle trique épuisée.

Fille en voulait morbleu, patins et queue au four

Elle aimait dans l’âtre et autour.

Mais le vit ne fit plus son fier,

Etait en pause, flapi, là il ne dardait plus :

Pourquoi imposer au perclus,

D’encore biner ? Il est à terre,

Queue sciée ma belle et trop peu raide ma mie ?

La paire du sieur fat et mou tombée sous le nid.

Séant fripé sous cette motte

Baliveau (3) nain, trauma (4), bien morte.

La bite en neige, c’est un souci,

Pour ce fat, ce gueux misérable ?

De l’avoine ? Gourmet servi :

Après la chose, bonne avoine, point d’amour, à table.

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(1) Prébende : Littéraire. Poste honorifique, sinécure lucrative, obtenus par faveur.

(2) Fenil : Local où l’on rentre le foin pour le conserver.

(3) Baliveau : Perche d’échafaudage.

(4) Trauma : Lésion locale produite par une action extérieure.

AU CABINET DES OPIUMS …

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Aux mystères de La De …

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Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Elle dormait au cabinet des opiums

Tandis que j’étais loin, si doux,

A siroter un verre de rhum,

A moitié triste, à moitié saoul …

–—

Elle cousait de douces pelisses,

Je dégustais un bâton de réglisse,

En regardant dans la coulisse,

Le nuage de sang cardinalice …

–—

Elle reposait les yeux fermés,

Tout doucement elle respirait,

J’étais là, tout près, tout niais,

A boire ses souffles, à la dévorer …

–—

Elle rêvait, rose au royaume des anges,

Et perchée dans son arbre, la mésange

Zinzinulait, dansait sur sa branche,

Moi je pleurais, pâle comme l’orange …

–—

Elle brillait sous la dent du soleil,

Ses cheveux épars et les abeilles,

Lui faisaient couronnes vermeilles

Mais elle pleurait jusqu’aux oreilles …

–—

Elle ouvrait ses yeux mistigri,

Velours broché ou velours gris,

Au fond voguaient des secrets pris

Au cœur des amours rabougries …

–—

Les amours folles parfois décollent,

Se télescopent ou bien bricolent,

Des romans faux, presque agricoles

Lourds comme des bateaux-écoles …

–—

Au cabinet rouge des opiums,

Dans le jardin doré des amertumes

Nous boirons à tuer la lune,

Dans les bleuets et les arômes …

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Chante la nuit, pleure le jour,

Sur la rivière des sangs retours …

MARIA CALLAS A PEUR.

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La Diva de La De.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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La douceur coruscante du métal en fusion,

L’or et le rouge, veines griffées, déflagration ,

Le ciel noir tonne, hurle, larmes sur les joues,

Diamant, quartz, jade, lapis, pierres des fous.

Maria Callas balance.

–—

Cristal et soie, averse forte peignée de joie,

Croches ultimes, térébrante beauté,

Casta Diva, ah ! mort de moi ! ta voix,

Les biches s’abreuvent, apaisées, regards fanés.

Maria Callas s’élance.

–—

Et au dehors, épées brisées, ton soleil pâle

En rafales, un pur éclair. Là-bas près des mystères,

Les bateaux livres, oeillères amères, noires chimères,

Colère, ta hanche couleur de râle, pauvres vestales.

Maria Callas relance.

–—

La nuit se meurt, le lourd chant roux des heures,

Au-delà des espaces, à l’unisson, sans heurt,

Glisse sans artifices, brûle les interstices,

Les roseaux gris, les loutres plumes et leurs pelisses.

Maria Callas nuance.

–—

Plomb coule, fondu, âmes perdues, au purgatoire,

Boutres glissants sur les flots verts des golfes, là-bas,

Dunes brûlées, marais salés, ibis mon roi,

Houris pâmées, loukoums sucrés, sacrés ciboires.

Maria Callas a peur …

LE BRANQUE.

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D’après Jacques Prévert. Le cancre.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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C’est un ânon pauvre bête

Et dans la nuit il a bien peur

Ce cambouis, mais quelle crème

Et l’ânon contre sa sœur

Ils sont à bout

Con contre pommes

Et tous les carêmes n’y feraient

Doux sein le bout vire et fend

Et il enfonce tout

Le chibre est au dos

Ça baratte au fond

Ça abrase et ça alèse,

Et au gré des cris cette ânesse

Sous la poussée du gland se fige

Du bec elle braie à tous ses malheurs

Sous le rabot noir du hardeur

Elle babouine trop sage et pleure.

POUR UN REGARD DAMNÉ …

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Le jardin d’Eden de La De ?

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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C’était un philosophe, il avait deux enfants,

L’un s’appelait Blaise, l’autre nommé Pascal,

Tous deux étaient plus roux que le bel écureuil,

Ils avaient un ami, c’était coco bel œil,

L’autre était crevé, une branche lourde de glands,

D’un grand chêne arrachée, un laid jour de grand vent

L’avait énucléé en le faisant bancal.

Les trois allaient ensemble aux chemins de la vie,

Jamais n’étaient par paires, toujours les trois maudits,

Baguenaudaient aux champs, et chassaient les souris,

Leurs jours coulaient heureux, ils n’avaient qu’un seul œil

Qui voyait pour eux trois, les fleurs et les roses,

Toujours étaient d’accord quelques fussent les choses,

Ils souriaient bonheur, même quand le philosophe

Bavassait ses antiennes, ses couplets et ses strophes.

Un jour que d’aventure ils couraient dans les champs,

Une belle rondelette au sourire charmant,

Au détour d’une meule, un beau jour de juillet,

Leur mit le sang au feu, et défaillir le gland,

Alors les trois compères, dans un seul même élan,

La renvoyèrent paître, au pré de ses parents,

Ils firent une croix sur la belle rencontre,

Remisèrent au panier, l’amour qui leur tendait

Ses petits bras dodus et ses seins débraillés.

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Jamais ô grand jamais, vous tous fous qui lisez,

Ces vers déglingués et ces rimes désaccordées,

N’oubliez que vos vies, un jour ou l’autre année,

Ne sauraient basculer pour un regard damné.

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Les belles amitiés, comme les poires au jardin,

Sont bien plus sucrées qu’une très belle catin.

DU BOULARD AU LUPANAR..?

Léon Jean Gérome. Femme aux cornes de bélier.

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 L’implacable douceur de Bach, ordinairement, le berce.

Tout au fond de sa tête bat le cœur de l’absence. Dans l’air moite immobile, le silence de sa vie est têtu, qui lui ronge la « zona incerta ». L’Amour est morte. La douleur soulageante qui l’inonde, comme une rivière folle, l’effraie. Pics et abysses l’ont enfin convaincu qu’aimer – si fort qu’il en défaillait parfois – ce n’est en fait – une fois le temps des hormones gicleuses qui rongent la raison, passé – qu’être déçu et décevoir. « Alors croyez bien Madame que je vous décevrai… ». Cette réplique, si sombre et si belle, l’émeut. Il en est fier et se la psalmodie à longueur de larmes qui ne roulent que dans sa gorge. L’acteur et le public se mêlent en lui, vivent et se donnent la réplique.

Il s’écoute, souffre, et s’en repaît.

Jean-Eudes est de complexion fragile. Une tête un peu boursouflée – oreilles décollées, peau volcanique à geysers mous, dents fichues à la volée sur lèvres fines, immenses yeux dévorés par l’angoisse existentielle – qui repose sur un corps sans presque d’épaules – poitrine d’anchois, bras de criquet – mal relié, par un bassin trop large, à des pattes de gallinacée anémique qui lui font la démarche mécanique. Comme un kit mal monté. Dans ses petites années il chopait de solides roustes à la récré ! Qui ne l’ont pas remis d’aplomb pour autant. Enfant, il n’a jamais été lâche, bravant les plus forts sans jamais reculer, rougissant ses mouchoirs, ramassant, plus d’une fois sans se plaindre, les verres brisés de ses lunettes. Ni couard ni mouchard. Une victime innocente de cruelle dame nature, la tronche couturée comme celle d’un lutteur de foire rêveur. Grosse tête sur cœur d’artichaut, il raflait les lauriers à l’école, et se faisait griffer les sentiments par toutes les petites nattes chiqueuses.

De l’école à l’université, il collectionna les sens uniques.

Jusqu’au jour où

Il sauta dans le bus à la volée, rebondit sur une replète qui ne cilla même pas et se retrouva à califourchon, face à deux grands yeux céladons effrayés qui battaient convulsivement des ailes. Au dessus d’un nez minuscule piqueté de son, d’une bouche circonflexe et d’une paire de seins doux, qui l’accueillirent fermement mais en douceur ! Troublé, Jean-Eudes bafouilla, le regard baissé, profitant au passage de l’étroite vallée d’entre les rondeurs, quelques excuses en Latin. Vous dire que J.Eudes en confusion passait illico au Latin – au Grec, à l’extrême – par un réflexe étrange qu’il ne s’expliquait pas. Sous le charme de cette roussette pimpante, il tomba illico en amour, un amour de clébard, inconditionnel et dévorant, auprès duquel les charmes de Circé sont amusettes. Deux arrêts de bus plus avant, Jean-E avait perdu deux kilos en abondantes suées odorantes. Trois furoncles tout neufs, gorgés et prêts à craquer sous l’ongle, faisaient triangle harmonieux entre front et menton. Il loupa son arrêt et ses cours. Les mioches de sixième ne lui feraient pas misère ce matin. L’esprit en éruption et les lunettes embuées, il se voyait déjà tout en haut de l’affiche de la belle.

Il la baptisa Olympia.

Elle ondulait incroyablement de la croupe tandis qu’il la suivait de loin, comme un chien sa chienne. Sous la jupe de soie verte, ses rondeurs fermes remontaient en décalé charmant. Belles à mordre, à palper, à pétrir, à s’y coller pour ne plus les lâcher. La petite érection qui le surprit, permit à Jean.E, oublieux, de fermer sa braguette qu’il avait au vent. Les pieds, chaussés d’escarpins fragiles, continuaient à tricoter sur l’asphalte, suivant la ligne comme les juments top-modèles en défilé au cadre noir de Lagerfeld. La foule s’effilocha, les rues rétrécirent pour finir en impasse, au fond de laquelle Olympia poussa la porte d’un bousin noir aveugle. Au dessus de la porte étroite percée d’un regard grillagé, J. Eudes lut : « Bar du Cyclope Rougeoyant ». Sous l’enseigne et au travers du « Y » à la queue brisée, clignotait, sourdante, une lumière jaunâtre. L’impasse était ténèbres, seul le «C«v»clope», de son œil glauque papillotant, l’éclairait vaguement. Inquiet mais incapable de résister aux attraits de la rousse brasillante, J.Eudes repéra la sonnette au bouton crasseux collant, et appuya d’un doigt malhabile. L’oculus de bois noirâtre coulissa sur une pupille glaçante, dans un silence qu’il prit pour une menace. La porte s’ouvrit, après que la peur lui a gelé la peau, sur le faciès couturé et le corps bosselé d’un câpre musculeux qui s’écarta à peine. Il se glissa, yeux mi-clos dans la fente obscure, son nez frôla la poitrine du cerbère safrané qui dégageait une forte odeur, de celles, hormonées, qui flottent dans les salles de sport qu’il ne fréquentait jamais.

Au bout d’un couloir bréneux aux remugles punais, s’ouvrait une longue salle rectangulaire, couleur de ténèbres et de sang frais. Le plafond de lampas funèbre se reflétait sur le sol, laqué comme un capule. D’anciennes pyrées de grenat brut, cernées de sièges incarnats, comme des bouquets de fleurs vénéneuses, s’enroulaient autour d’une spirale invisible. Jean.E fila d’instinct au centre de l’hélice et se posa du bout des fesses. Autour de lui, les tables, comme des autels profanes, s’alignaient sur les fils d’invisibles rayons dont il était le cœur effaré. Au fond de la carrée, occultant un plateau bas de bois d’ébène, une épaisse courtine ponceau, creusée d’une fuscine nébuleuse inversée, ondulait doucement. Aux quatre racoins de la canfouine, des encensoirs débagoulaient des olibans musqués qui l’accablèrent peu à peu. La chimère d’un Toulouse-Lautrec à pieds de bouc, ricanant, et croquant à coups de fusain gluant les courbes extravagantes d’un succube pervers aux mamelles difformes et à la culasse grasse dévorée de longs poils sombres, lui envahi l’esprit. Quelque chose de l’ordre du pouvoir glacé, comme une lame effilée, lui creva le ventre et l’immobilisa. Son corps lui échappait, et sa conscience n’était plus qu’écran docile sur lequel se succédaient, en salves répugnantes, des scènes de hautes atrocités.

Face à lui apparut un être crapoussin, nidoreux et pouacre, vêtu d’un bisquain moulant de poils noirs. D’une pince pâle aux longues serres griffues, il tenait un plateau pentagrammatique adorné de caractères irrévélés aux aphérèses absconses, sculpté dans un lourd aérolithe de jais étincelant. Le magot sinistre le regardait de ses yeux jaunâtres aux pulsations régulières. Il posa sur la table un grimoire épais aux ferrures anciennes, puis se figea et attendit. Une bonne cinquantaine de pages noircies à l’encre grasse et baveuse alignaient, dans le plus chaotique des brouillements, un décourageant martyrologe de vins, sangs, lymphes et mousses mêlés.

Dans la pauvre vie désolée de J. Eudes, le vin était soleil, lumière ardente aux moires infinies, havre, voyage, exploration, aventure, découvertes, rencontres, orgasmes paradoxalement illimités, galaxies incandescentes, espoirs insensés, désirs inassouvis, envies corrosives, pulsions coruscantes… Oubliant les ondoiements charnus et troublants qui l’avaient ensorcelé à se perdre, contre sa volonté, en ce lieu inquiétant pour le souffreteux qu’il était, Jean se plongea dans la revue des hypocras. L’atmosphère tropicale du bousin l’avait assoiffé. Il eut envie de Champagne, ne voyant nulle autre boisson possible en ce triste carrefour des plaisirs programmés. La carte était manuscrite, en gothique ornementé.

Du Boulard, ils avaient !! Du Boulard dans un lupanar ! Hasard des vies rimées ? « Les Murgiers » feraient affaire inespérée. Jean-Eudes avait la tarentule du vin dont il se délectait en solitaire. Pour se laver la tête de ses misères académiques aussi. Les vins déchiraient des espaces sensuels dans lesquels il se perdait pour renaître, des mondes intimes dont il était le roi, l’empereur parfois, le démiurge toujours …

Le loufiat, hâve et compassé, déposa devant lui un généreux verre à vin de ce champagne (2/3 meunier, 1/3 pinot noir)issu des millésimes 2008/07/06, et d’un peu de vin de réserve. L’ambre pâle de la robe tranchait avec les couleurs violentes de la salle, et le fin cordon de bulles fines qui montait du fond du verre comme la fumée d’un cierge pur rassérénait son âme inquiète. Jean-E plongea tout entier dans la fraîcheur embuée de cette eau de vin et la salle menaçante disparut. Voilà qu’il marchait entre les rangs des vignes au soir tombant, écrasant de son pas claudiquant l’argile sèche parsemée de cailloux blancs que la nuit tombante ne parvenait pas à éteindre. L’air bruissait doucement sous le vent coulis et calmait lentement les chaleurs de la journée. Le silence de la terre en prière l’apaisait, et les grappes dorées luisaient encore aux derniers rayons du soleil mourant. Les arômes subtils du vin le caressaient. Une petite pointe de pomme tiède, puis de cire, de poire, d’amande et de cannelle, suivie de fines fragrances de pamplemousse et de noyau de fruits blancs l’emmenaient au cœur de la félicité vinique.

Il ne voit même pas le rideau qui s’ouvre sous une musique vulgaire à laquelle s’enroule, seins offerts et croupe tremblante étalée, la roussette – fausse nubile – qui l’a entraîné en ce lieu. Son corps blanc et ferme trémule, ses lèvres entrouvertes, et humides d’une fine rosée d’eau de sang, psalmodient un cantilène obscène, une fine suée crémeuse la drape.

Mais J.Eudes, sous l’emprise salvateur de l’élixir champenois, poursuivait son voyage, ignorant le spectacle torride. Devant l’indifférence du petit, Olympia accentuait ses déhanchements, ses cheveux de fils rouillés tournaient autour de son visage pâle comme la robe d’un derviche en transe. La sueur suivait les courbes de son corps, et se glissait, en rigoles épaisses, entre les monts veloutés et les vallées enserrées de sa géographie intime. La musique enflait, son rythme s’accélérait, Olympia soufflait d’une voix de plus en plus courte et rocailleuse. Elle ahanait littéralement, elle crachait de lourds râles épais en graillons, ses yeux se retournaient, laissant apparaître l’albe pur de leur envers. La lumière baissait, seule une poursuite rouge la nimbait d’un halo fuchsia, elle éructait maintenant d’étranges grognements, rauques, profonds, effrayants.

Jean-Eudes se levait déjà, le regard aux cieux, proche de l’extase, porté par la grâce de ce vin de paradis. Le diable avait beau manipuler la belle comme une poupée de chair docile, exacerber ses charmes méphitiques, outrer ses sortilèges, la rendre irrésistible, rien ne pouvait plus troubler la pure sérénité qui soulevait Jean.E.

Il sortit de l’antre, le ciboire de cristal à la main !

Le Diable est séducteur, mais Boulard est divin.

Ami(e)s,

Que guettent les pièges noirs

Et les périls fauves

Qu’engendrent le malheur,

Point besoin d’aller à confesse.

Confiez votre âme meurtrie

Aux charmes purifiants

Des liqueurs dégorgées…

ELUXMOETERTINCOANEE.

FÉE EN DÉTRESSE.

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D’après Ronsard. J’ai pour maîtresse.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Fée en détresse et l’archange bougonne,

Qui boit l’encens à la frange qui bée,

C’est une Venus en pure majesté,

En tiqueté la bille de luronne.

 —–

Quand je la broie, fille au doigt je tâtonne,

Charme la feuille, bout de mon bâtonnet,

Noeud qui durcit, ou que son aigretté,

Que je farcis ou bien que j’enfourne.

—–

Pour la mâture, du beurre je n’en ai peu,

La soie du dos pour me vêtir la queue,

Avec mon bois il me faut la pourfendre.

Dard aux abois, lunaire et purpurin,

Battant ça, le dur buis, le palissandre

Peut la choyer le jour, le bavard plein.

NOUS LAVERONS NOS VIES …

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Les folies de La De.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Pauvre de nous, de nos malédictions,

Comme deux malades en perdition

Nous nous soignerons,

Nous nous laisserons voler,

Comme des ballons en paix,

Nous ne nous interdirons rien,

Inventerons du soir au matin,

Même le midi, rôtis au fond du lit.

Pas besoin de gamines, d’héroïne,

De crack, d’amphétamines,

De partenaires, foireux et tronches louches,

De corps fatigués aux trop grandes cartouches,

De voyeurs cachés derrière le tain,

De tarifées vannées aux yeux de braise,

Ajoutés à nos cimaises,

Pour que nous prenions le train.

Celui de l’amour, force féroce qui gagne

L’avant, l’arrière, même les wagons,

Pendue à mon cocagne,

Moi allumé à ton con.

Ma Grisette tu seras, je serai Scaramouche,

Nous n’aurons plus qu’une seule bouche,

Laissons tout ça, mœurs tarées, aux niais,

Le vent, tempête entre leurs oreilles,

Tu es la fleur, opale sale, je suis l’abeille

A deux nous serons des merveilles.

Les yeux dévoilés, écarquillés,

Leurs larmes blanches en gelée,

Qui coulent, fragiles en buées,

Et ta bouche, ma mouche, sur mes mains,

Les miennes, collées, à l’orbe de tes seins

Tes doigts, griffes rouges, me pétriront

Vorace, je mangerai, soie de ta peau,

Comme un mort d’avoir eu très faim,

Et nous irons fondre sous l’eau,

Mollir nos ongles, racler nos peaux

Fripées, beignets salés oubliés,

Nous laverons nos vies vomies,

Oublierons nos passés

Et referons surface,

Hors de nos carapaces,

Profanes et baptisés,

Lavés, adieu vieilles cuirasses …

JE T’ÉCRIRAI UN LIVRE …

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La lectrice de La De.

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Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Je t’écrirai un livre sur des pétales de roses ardentes,

Avec l’encre volée au cœur des dieux sanglants,

Je couvrirai de lettres violettes les grands lagons de tes yeux bleus,

Sur la soie pâle de tes épaules, je poserai un drap de feu,

Pour que la nuit quand tu grelottes, tu sentes mon cœur furieux,

Il frappe, innocent, à ta porte, ouverte pour nous deux.

–—

Alors les bateaux qui pleurent sur les flots calmes de ta peau,

Croiseront les Barbares, chargés de pierres et de joyaux,

Au fond des mers, les eaux profondes de tes désirs inavoués,

Me diront de leurs voix blanches que les temps sont enfin arrivés,

Toi, te taisant, silence lourd, moi te dirai, à toi mon âme,

Arrête toi, regarde nous, là devant nous, les anges se pâment.

–—

Je t’écrirai, je serai ivre, l’histoire folle des deux amants,

Ils déchiraient aux temps anciens, comme des chiens,

Leurs chairs, leurs flancs, ronflants comme des hyènes,

Le ciel grondait, la mer hurlait, roulait ses flots bruyants,

L’orage tonnait, iris salés, les yeux poudrés des chants païens,

Pauvre fous, ignorant le jour, les velours, ivres de haine.

–—

Je t’écrirai, ma vouivre, le temps présent, la valse lente …