Littinéraires viniques » 2014 » septembre

MES RÊVES OBSCURS.

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Quand La De s’accroche aux branches.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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La femme de quartz est si rousse

Un grand bol de lait cru

L’ai vue corps lilial dans la mousse

Et son regard perdu

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La femme de soie est si belle

Belle comme une orange

Elle s’envole à tire d’ailes

Duelles ses franges étranges

–—

Le femme lagune est si pâle

Pâle comme un cri d’orfraie

Elle se mire aux boréales

Un cerf brame à l’orée

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Le femme aux seins est en fleur

Fleur de pêcher nacrée

Elle sourit rit au bateleur

Le miroir de peur s’est brisé

–—

La femme de pierre est terrible

Infernale caillasse

Bras nus au coeur de la cible

A fendu sa cuirasse

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La femme de jade est en larmes

Coulent les joyaux d’or

Elle est rose blanche ou parme

Perles noires mon trésor

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La femme est une fougère

Le vent fou la berce

Les moutons de la bergère

Herbes folles des ivresses

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Femmes en foules, mes rêves obscurs.

SANGSUE ARRACHÉE.

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Sangsue arrachée
L’hémoglobine affolée encore bouge
A coups de talon écrasée
Mélopée liquide, le noir valse, prend le rouge

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A genoux sur le bitume
Papilles arrachée, l’obsidienne râpe
Laper l’incarnat qui fume
Paupières closes, la honte me frappe

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Ombrageuse, antique et lumineuse pute
Babines ourlées, dents de silex
Je t’écrase, bouillie, ne te suis dans ta chute
Infecte, éthérée, je cisèle le prétexte

—–

Sur le sol je te lèche, sangsue
Aspirer, sucer, pénétrer les arcanes
Seins crispés, pupilles cornues
Géhennes nauséabondes, sexe profane

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Encore ta trace, tache sur le trottoir
Enveloppe gluante, tu résistes, catin
Laisse ma vie, précieux et effrayant mouroir
Sort, adieu, fragile et douce putain

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Creuser le sol, ongles épluchés, mains nues
Loin, profondément enfoncer ma langue
Assécher, tarir, les dernières larmes sont bues
Extraire le suc, la vie, au coeur de la gangue

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Sangsue arrachée
L’hémoglobine j’ai bu
A coups de talon écrasée
J’ai su, enfin. L’amour s’est tu.

MA JOLIE CARDAMÔME …

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Quand La De fait sa môme.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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 Du bord de l’âme jusqu’au fond du cul,

Je ne sais que la monter à cru,

Folle praline aux ailes purpurines,

Amarante de l’amante,

Je l’aime à en perdre ma plume.

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 Faut-il que je me perde, faut-il que je m’oublie,

Je crains bien, poil de chien, que oui,

Faut-il que je la perde, faut-il que je l’oublie,

Non pas question, poil de chardon, que nenni.

Elle est ma peau, mon souffle, ma mie.

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 Me faites pas chier avec vos morales surannées,

M’entourloupez pas avec vos mots de rats

Morts de n’avoir pas su, pas pu, pas osu,

On vous emmerde, on se bouffe le cul,

Avec de la salade, de la frisée et du cœur salé.

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 A marée haute, à l’étal, à marée basse,

ça brasse, ça lave et ça décrasse,

Et les gnomes, les ondines et les sylphes,

Rugissent en choeur quand elle me griffe.

Au cœur des mondes, personne n’est plus heureux.

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 Elle est mon poivre, ma jolie cardamôme,

Celle qui rit quand elle se donne,

Salope magnifique et petite nonne,

Pute galactique, vierge qui tremble, tout à la fois,

Sa voix me berce, me porte, je n’ai plus froid.

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 J’encule vos races, sinistres connasses,

Tristes gandins, pauvres lapins,

Aux voix fluettes, à la morale abstraite,

Vos reins étroits, vos cœurs momifiés,

Ne respirent plus, vous êtes gelés !

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 Ma gamine, ma souple mine, ma tourmaline,

Avec toi, quand tu chantes, je suis en joie …

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 Mon amour, mon âme, ma croix.

LES DEUX PHOQUES.

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D’après La Fontaine, les deux phoques.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Deux phoques huilés béaient : une moule bien à point,

Les deux adroits espèrent la gober.

C’est mieux que des radis ; un mets de choix enfin

Fête charnelle et boucanée

Fendue dans le milieu, blême et troublante bien.

Flottant entre les phoques choix de roi purpurin.

Le fruit si rebondi tout au bout du rivage,

Viens t-en qu’on te croquette tabernacle si poilu.

Glu de la reine au beau pelage

Fut chérie du gobeur. L’autre cul abattu :

Il pleura accablé d’avoir manqué la fête,

Raté la foire pauvre balourd,

Sans tambour l’animal peu fier de sa trompette

Se cachait bien honteux. Il criait alentour,

La marée ramenait autres moules sur la plage,

Il grognait aussi sec, bêlait clair sur le banc,

Et rugissant, montrant les dents

En appelait à son courage.

Il fit si tant de foin. Le gobeur fit sa loi,

Bouffa les raies, à remplir sa mangeoire.

Un narval qui passait par là :

Fielleux, d’un tour se mit à boire,

Et puis recueille fruits et pétoncles alentours,

Très faim par un brutal détour,

Le narval autour de la moule

Très taquin fait un grand banquet :

Se repaît le laquais, quel buffet ;

Tard il eut en flammes les moules.

La rancune salée met le phoque au dégoût ;

Tout branleur lent ne peut mettre dans la faille.

Méfions nous des retors et reposons nos bouts

Près des seins, la boustifaille.

LES LOUPS AUX YEUX FARDÉS.

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La De fait sa louve.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Le long du pelage des loups aux yeux fardés,

Le vent court qui glace le sang noir des humains.

J’irai lécher leurs dents, caresser leur pelage,

J’irai les embrasser longtemps à plein museau,

J’irai baver ma bile sur leurs proies exsangues,

Ils me regarderont, leurs regards seront fous,

Nous écouterons ensemble mugir les tempêtes,

Le noroît gémira à éclater les troncs.

Nous gémirons de peur, j’arracherai mes doigts

Nous gratterons nos dos aux arbres hérissés,

Les grand lacs gèleront, les cygnes en mourront.

Ils me diront sais-tu, je ne répondrai pas,

Et quand nous aurons faim, nous saignerons la lune,

Nous serons bien, ailleurs, perdus dans le grand nord,

A déchiffrer le temps au lichen des arbres.

Mais quand les ours noirs affûteront leurs griffes,

Ivres, en grommelant ils chargeront en bande,

Alors les loups et moi nous ne ferons plus qu’un,

Nous les dépècerons, nos crocs seront si longs,

Si rouges de leurs vies que nous boiront leurs âmes.

Nous ferons des enfants et ils auront leurs gemmes,

Et les pierres précieuses qu’ils sèment sous leurs pas,

Ils seront tous si beaux que tu en pleureras,

Ils apprendront à lire aux racines des bois,

Ils mangeront leurs pères, et maudiront leurs mères,

Dans le lit des rivières ils pêcheront leurs rêves,

Hurleront des cantiques sauvages et pleins d’effroi.

Regarde les courir ces pauvres innocents,

Avec leurs mains si pleines, la folie verte au ventre,

Leurs cils bruns plus longs que quatre cent éons,

Un cerf à la lisière mort de les avoir vus,

A bramé bien plus fort que tous les soirs de rut.

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Ô toi qui sais, toi qui vis, toi qui pries, si fort,

Dis moi encore, oui, avant que ma vie ne défaille

Qu’au long des steppes folles, je connaîtrai les loups.