Littinéraires viniques » 2011 » novembre

KYRIE-ELEISONNONS LAURE DOZON…

Le Chapeau Rose. Kees Van Dongen.

C’est dimanche…

Azur tous azimuts, ors fanés et verts mourants dans les branches qu’aucune brise n’agite. Rues vides et fourchettes en bataille derrière les portes closes des villes au repos. La Charente est blanche des façades calcaires de ses maisons anciennes, que la lumière renforce. Sortir, au hasard des chemins et des routes, sentir sous la semelle craquer les feuilles mortes des souvenirs pas si clairs, voler au temps quelques fragments de beauté, en ce jour de silence ?

S’arracher au clavier qui soumet, aux pixels hypnotisants des mots gris sur l’écran blanc de ce jour muet, raconter à qui ne lira pas quelque histoire étrange, décoller du fauteuil des flemmes confortables ? Clovis s’interroge, suppute, se ment, se dit “à quoi bon”, se sent lourd de tous ses âges en strates compacifiées. Mais rien “ne lui vient”, et ses mains inertes n’alignent pas les mots. Un jour sans lumière intérieure qui pèse les tonnes de ses espoirs déçus, de ses échecs, un jour à faire un de ces bilans à la con qui ne servent à rien, sinon à tuer le chat de la voisine, comme ça, pour échapper à la pression.

Un jour blanc sépulcre.

Bouger, rouler, laisser la vie mener le chemin vers l’heure qui vient. Entre les vignes ocres que les machines à vendanger ont meurtries trop tôt, et les feuilles vert bronze, rouge ou or fondu de celles, délestées de leurs grappes par les mains des hommes, Clovis zigzague, à demi comateux, d’un carrefour à l’autre entre les paysages changeants des terres Charentaises. La traversée d’un village le ralentit, une flèche de carton mal taillée signale une “Foire aux vins et aux produits régionaux”. Sans réfléchir – évitez de trop réfléchir, ça brise les miroirs magiques des hasards apparents – il vire et se gare. La salle des fêtes de Pérignac est minuscule. Une foire de poupée, une poignée d’exposants attend le rare chaland … ça déambule paisible, ça sent la digestion lente des graisses du midi. Quelques vignerons, vraiment peu. Nichés de-ci de-là, entre terrines et macramés améliorés, qui somnolent. “Montlouisl’attire, il s’en va sortir de sa torpeur, l’un des “Moyerdu Domaine éponyme, qu’il entreprend derechef. Causette et dégustation. Un bon générique 2010 pur cuve, agrumes, anis et finale fraîche, que suit “Edmond” passé sous bois, plus ambitieux, mais encore en retrait, dissocié par une mise récente … Clovis est fureteur de nature, plutôt curieux, amis des regards et chasseur de hasards, intuitif, un peu aventureux. Il aime à être là et ailleurs en même temps, souriant et distrait, attentif et rêveur. Tout en devisant et tastant civilement, il se sent une chaleur sur la nuque, qui glisse et s’étend, comme le picotement léger d’un regard, derrière lui.

Depuis le matin, il ne comprend pas pourquoi, le visage d’une femme, un portrait de Van Dongen, l’obsède, le taraude, lui mange le cortex, plus forte que le réel et le temps présent ! Elle est là, belle, épanouie, avec ses yeux immenses, sombres et profonds, les cheveux drus bouclés sous un chapeau rose, qui lui recouvre la conscience d’un sourire encore à naître …  Se pourrait-il ? Qu’elle s’évade du musée, vire et volte dans l’espace et le temps, pour se glisser, subreptice, là, juste là, tout près, à lui planter les yeux dans la nuque ? Clovis la sent, elle est là qui s’est glissée dans un corps feminin, en douceur, tout en respect, en complicité de femmes, à l’insu de son hôte.

Clovis se dit qu’il lui va bien falloir oser se retourner. Il tremble à l’intérieur, comme un cep secoué, à chaque fois, quand il fait étrange rencontre, et touche aux mystères des mondes subtils ignorés. Oui, elle est là qui lui sourit de ses deux grandes olives havane, beau visage, à l’oval arrondi ce qu’il faut, franche de corps, belle nature bien plantée, regard droit et jolies dents saines, sous un casque blond vénitien en cascade d’ondulations douces. C’est Laure, du Domaine Dozon, en pays de Ligré, qui plisse un peu des yeux autour de la lumière noisette et bronze de son regard. Comme un Van Dongen ressuscité, habité d’une vivante grâce nouvelle. Accoudé au comptoir du stand, ils parlent des vins de Chinon, ce pays de chair et de raisin qu’il a bien connu, tendu qu’il était, cuisses lourdes, arpentant les arpents à longueur de rangs, reins cambrés sous la charge, tous ces Octobre vendangeux des années Deux mille

Mots échangés, silences partagés. Dialogue silencieux aussi, hors du monde, qui échappe à la conscience. Déversements muets d’ondes rayonnantes, retrouvailles en sous main. Un temps de rare qualité qui prend le temps de couler, lumineux, souriant, charnu, comme un élixir sur argilo-calcaire… qui s’étire comme la finale d’un vin de soie. Les belles rencontres sont à géométrie variable, qu’illuminent les silences riches de tous les possibles, les accords silencieux, plus nourrissants qu’ortolans dorés et langues de rossignols confites. Derrière l’écran des phrases du vin, se jouent, en parallèle, au secret, les tendresses d’autres espaces. Clovis est double, et son autre, invisible, s’en régale tout autant, que son “soi” présent, des vins de Laure. Regardez bien les yeux des femmes, cette lumière particulière qui fait leur sexe, elles ne savent pas, mais sentent bien que tout se joue en contrepoint des ronds de jambes … Pour celles qui ne sont que surfaces, vitrines sans tains, passez votre chemin.

Clovis s’ébroue, quitte la compagnie de Van Dongen, pour se concentrer sur le réel et les vins de Laure. Si vous aimez la salade de poivrons verts, passez aussi votre chemin ! Et les vins de se mettre à rouler leurs robes moirées, et son regard de se perdre dans leurs plis. Tous choanes exorbités, il plonge et s’enivre des fragrances, arômes et autres touches qui lui ravissent la sensorialité. Il se sent l’épithélium exalté, et les lacrymales chatouillées. Sous l’empire de ses sens en alerte, il descend au profond des fruits rouges, croque la groseille, renifle la fraise, mord à pleines dents la framboise humide, sent la réglisse lui agacer la langue, et les épices douces lui rouler au palais les merveilles du vin … Regard, odorat, goût se confondent, se renforcent, se succèdent, qui lui ouvrent les yeux sur d’autres galaxies encore. Exacerbation.

Le regard muet de Laure l’accompagne …

Plus avant, plus après, au calme de son bureau, il regoûte :

Le Bois Joubert 2009 : Coteaux argilo-calcaires, Cabernet Franc de plus de 40 ans d’âge. Grenat clair et brillant. Notes à la gloire des fruits rouges, groseille, fraise des bois, minérales, épices, réglisse. Bouche, matière genre “mine de rien”, acidulée, vibrante, attaque douce mais très vite relayée par une acidité mûre qui fait éclater le vin en bouche et lui donne du volume, libérant fruits rouges et poignée d’épices. Finale longue, fraîche sur la réglisse, et la craie de petits tannins fins et croquants. Un bon carafage lui donne un beau supplément d’expression.

Laure et le Loup 2007 : Coteaux argilo-siliceux, Cabernet Franc de plus de 70 ans d’âge. Ce vin est issu d’une “parcelle de parcelle” sélectionnéee dans “Le Clos du Saut du Louppour l’âge et la qualité de ses vieux ceps. Habits de rubis grenat lumineux qui exhalent des fragrances de groseille, de framboise et de cassis bien mûrs enrobés dans un manteau fin d’épices douces et de poivre frais. Le jus caresse la bouche de sa matière qui fait sa délicate, pour mieux enfler au palais, libérant, prenant son temps, ses fruits frais que corsent les épices. Avalé, il ne se dérobe pas, et marque la bouche de sa fraîcheur pimentée, comme le fait au coeur, à jamais, la romance d’un amour disparu …

“Il se fait tard” …

Phrase idiote quand le silence se fait, quand la nuit libère le regard, quand les sens se resserrent, quand la moindre aspérité, même tendre – et surtout – hérisse la peau, griffe les sens. La nuit est temps aggravé. Le souvenir récent du visage de Laure remonte à son regard et se mèle au portrait de Van Dongen, sur le jais de la nuit.

Et les vins lui reparlent d’elle…

EBIMOLOTIQUÉECONE.

L’ÉTÉ D’UN RAOUT CHEZ RAOUX …

Floris de Vriendt. Le Banquet des Dieux.

Barbezieux, cité Charentissime, est « célèbre » pour son mini-coiffeur-apprenti-chanteur-fragile, pour les pattes noires de ses poulets, le charme de ses filles à poils ras – mais qui ne valent pas celles de Gensac la … – la douceur de son climat, ses vignes généreuses qui pissent allègrement, et la virilité hébétée de ses mâles conquérants.

La Charente quoi!

Et que dire de Salles-de-Barbezieux, banlieue méconnue qui fait pourtant la nique à sa Suzeraine. Eh oui, c’est qu’au fond de la Salles, la limousine est reine. Non, non, pas la grosse caisse m’a-tu-vu, qui traîne ses pneus de camion au cœur de la cité, mais la bonne grosse cularde, charpentée comme un Q7, qui rumine dans les champs. Placide, un peu conne, mais gentille. Patiemment, elle attend que les braises incarnates la grillent les soirs de pique-niques champêtres et ardents.

L’assemblée, du bout de la lame effilée de Christophe Gammmmmbieeeerrr, lui a taillé quelques kilos de barbaque d’un rouge … sombre comme un Cardinal sans son enfant de chœur. Que l’on veuille bien mettre cierge épais et gras aux pieds de l’éleveur de la sus bien roulée, pour la finesse de sa chair, la qualité de sa texture et le croquant de sa croûte, saisie à point par les braises brasillantes du solide barbecue, érigé en ses terres de LAUTRAIT la gaillarde, par Maître RAOUX, et ses acolytes à l’estive.

Le temps était plus à la soupe de châtaignes qu’au sorbet de caille anorexique…

Mais nous nous accommodâmes – le félin Charentais est souple d’échine – des caprices du temps. La chaleur des ceps en feu, la violette réglissée et la vinosité affirmée des magnums de champagne qui roulaient leurs bulles fines, éphémères comme l’âge des hommes, sur les fines tranches goûteuses des magrets délicatement fumés et les rillettes des mêmes canards de Dordogne, nous aidèrent grandement à faire front commun. Aux dessus de nos têtes, diversement chenues, les nuages bas couraient comme autant de cavales glacées.

La chaleur de l’été était plus dans les cœurs que dans les cieux.

Le soleil, invisible, nu derrière les épaisses nuées, se couchait. Nous rentrâmes de concert dans la tiédeur du Logis. La table, vaste comme un court de tennis, nous tendait les bras. Le président du soir, que l’on aurait dû éviter de chauffer outre mesure, d’emblée, de sa voix chaude et puissante, donna le «La», pour s’installer carrément dans le «Do» – j’en ai encore mal aux fesses – de la plus belle de ses voix de basse.

Manifestement aux anges.

Du coffre, il eut, longtemps…

Maître Raoux, dans les frimas extérieurs, assisté de sa brigade, s’affairait. Dans l’attente des viandes grillées, nous entamâmes la rondes des blancs. Altenberg de Bergheim 2003 de Deiss le puissant, Pfister le délicat, Santorin le Méditerranéen, le «Sauvignon» 2007 de Meursault (!), encadrèrent à merveille, les salades parfumées. La Carole basse du Rhin, enchantait ses voisins. Le Manu, moins distillé qu’à l’habitude, souriait patiemment. Trois P, l’impénitent caviste, couvrait, de regards prometteurs, Loulou la « tendre-sous-ses-airs-qu’en-ont-vu-d’autres », qui le délaissait, trop occupée qu’elle était, à calmer le vieillard triste et quasi cacochyme qui tremblait sur son flanc droit. Le charme n’a pas d’âge… L’ancêtre ne risquait guère de tomber, car à sa droite siégeait une Bénédicte tout droit sortie du Quattrocento Italien, accorte et ravie, le nez dans le verre, qui picorait d’une patte légère de chatte gourmande. Édouard son farouche ex conjoint ne plaisantait guère, s’extasiait des vins, et mangeait comme un athlète, la fourchette appliquée, la mâchoire puissante. Longuement, comme un marathonien des mandibules. Par moment, l’assistance interloquée, faisait silence et l’admirait. Il faut dire au lecteur, qu’Édouard à table, c’est un spectacle de haute tenue. C’est du Wagner à mettre Baalbeck en ruine, les Walkyries en furie, comme le lion sur l’antilope. A l’autre bout de la table, Raphaëlle, hôtesse d’un soir, virginale, du moins dans dans l’immaculé de ses atours, le regard espiègle, surveillait sa tablée. Elle riait souvent et découvrait à l’envie ses dents d’ivoire, tandis que sa gorge tremblait sous la dentelle. Un demi sourire aux lèvres, l’Assurbanipal de Royan, presque méticuleux, se régalait lentement. Sous sa crinière sombre et abondante, l’homme est peu disert. Il est de ceux qui réfléchissent longtemps, et qui parlent pour dire. Dénicheur de raretés, grand connaisseur des mystères du Cognac, empereur du rapport qualité-prix, il sort régulièrement de sublimes produits de sa besace sans fond, qu’il aime à partager. C’est un silencieux généreux. Un seul défaut il a, rédhibitoire… les Bordeaux toastés par le bois surchauffé, qu’il aime plus que de raison. Mais on s’en fout, pendant qu’il s’y plonge, par ici la Bourgogne !!!

Il est des instants, comme ça, fugaces, où l’on se demande pourquoi les hommes se font la guerre.

C’est alors que revinrent à table les bagnards du barbeuque, les bras tendus à tendons apparents, chargés de limousines juteuses, croquantes, exhaussées par le gros sel des îles de par ici. Quelques saucisses aussi. Un temps pour les rouges en tous genres, même les plus incertains. En rangs serrés, comme mes gencives parfois. Bordeaux exacerbés dont par bonté je tairai les noms, Grec fruité et gourmand, La Janasse 2001 alcooleux, Pradeaux 1995 aux tanins encore inaboutis, Montepulciano Nobile 2005 un peu jeune mais avec fougue et fraîcheur, et d’autres encore, qui ne me marquèrent point. L’Echézeaux 2002 de Christian Clerget, qui aurait aimé rester encore cinq ans dans sa bouteille, releva le niveau. Il fallut repousser les attaques incessantes de la tablée pour en détourner quelques centilitres. Viandes, saucisses, gratins et autres accompagnements, en vagues successives, garnissaient les assiettes. Le cliquetis des fourchettes, et les grognements sourds des combats buccaux, réchauffaient la salle. L’agape était à son plus haut. Même le Président reposait son organe. Carole faisait une pause, le regard tourné vers d’autres mondes. Sur ses lèvres, arrêtée en pleine course, la fleur fragile d’un demi sourire. Trois P qui jamais n’abdiquait, avait réussi à capter un instant le regard de sa Loulou. Entre deux gorgées d’Echézeaux qu’il gardait longuement en bouche, les faisant rouler comme autant de ces précieux plaisirs qui traversent l’instant, il atteignait au bonheur délicat. Entre l’amour et le contentement, il était à l’équilibre. La grâce est instable. Quand elle se manifeste, ne cherchez pas à la garder, elle s’enfuirait aussitôt. Au contraire, relâchez vous, et vous connaîtrez quelques secondes d’éternité. Le thalamus procure de doux orgasmes, subtils et tendres, que peu connaissent. Le vieux, désoeuvré, s’en était allé, là-bas, loin, en d’anciennes contrées intimes. Ses rêves étaient morts brutalement. Ne lui restaient que les images diaphanes des scènes tremblantes de ses espoirs morts-nés. Il lui semblait avoir mille ans. Dans sa tête sans rides, l’oiseau de proie, paronyme cruel, planait, et lui dépeçait le coeur à coups de bec mortels.

Le sucre des desserts ranima les organismes. Clafoutis, abricots en tartes et autres déclinaisons, diabétophiles à terme, redonnèrent à la réalité du moment les forces factices de l’insouciance.

J’ai oublié la suite…

Le temps coula jusqu’à plus d’heure.

Pendant ce temp-là, les enfants de Madoff…

Préparaient les désastres à venir.

ECONMOFITITECONE.

AU FOND DE LA COMBE, LA VERITE EST DANS LE VIN …

Georges de La Tour.  Le tricheur à l’as de carreau.

En 2005, il a délaissé les rives douillettes de la critique pour apprivoiser le jus de ses lambrusques qui croissent dans les vents et la douleur, quelque part, perdues dans les Combes du Col de la Dona. Au pied de Força Réal, ce petit col, aux terres schisteuses, fait lien entre la vallée de l’Agly et celle de la Têt.

C’est ainsi, ou presque, qu’est né le « Domaine de la Combe Majou », bravant banques et marées. « Majou », que je poserais bien sur la grande courbe fine de ta combe … La Combe sèche n’est pas généreuse, qui donne, bon an mal an, quelques 10 à 15 Ho/Ha ! Allez, 25 peut-être les années très pluvieuses ! Dix hectares en une quinzaine de parcelles éparses, vieilles vignes de coteaux schisteux, sises principalement sur Estagel et Tautavel, et sur l’aire d’appellation Maury (St-Paul-de-Fenouillet), d’autre part. Rien de certifié encore, ni Bio, mais bientôt (?), ni biodyn, le maître du Domaine, qui ne manque pas de bon sens, ce qui lui évite de jouer au philosophe qui sait, regarde et aime sa nature, qu’il s’efforce de respecter au mieux. Simple « bon sens », mais l’expression, démodée paraît-il, convient d’être évitée… Disons pour clore qu’il est, le plus possible, avare de « traitements ». Et vent frais sur les cimes très fréquentées, monsieur Luc Charlier est d’une nature – forte dit-on – à ne pas se dire « Nature », non plus.

Commençons donc le voyage à Corneilla de la Rivière, en Pyrénées Orientales, par la visite de L’église 2008 : Encapsulée comme moine en prière. Assemblage de syrah, carignan, grenache. La robe violette est profonde, lumineuse et pure. Le regard s’y noie comme dans un lac souterrain. La violette, fugace, pointe sa fleur sous le bout de mon nez. Pureté parfaite et salivante des arômes de cassis, de réglisse, et d’épices douces. Un nez précis qui donne soif ! Une petite note fumée enrobe élégamment les fruits. Puis de jolis tannins, finement marqués, relèvent et retendent le vin. Un beau volume remplit onctueusement la bouche, qui acquiesce, tout est rond dans cette purée de fruits rouges bien mûrs. La finale réglissée/fumée, fraîche et saline, s’allonge sensuellement. Après l’avalée elle persiste, gourmande, sur le bonbon à la violette. Un vin joyeux, « nature », au bon sens du terme.

Le lendemain le vin s’est épanoui, comme Maja desnuda au divan. Et la bouche, qui se donne pleinement, est d’une fraîcheur fruitée qui recouvre le palais d’une fine poudre de tannins mûrs …

Ne buvez pas ce vin avec vos ennemis, ils pourraient se mettre à vous aimer !

Quelques jours ont passé, les barbus pointent déjà le bout de leur djellabas Outre-Méditerranée … Frissons. Confisqueront t-ils aussi vite cet élan qui a conduit ce peuple doux que j’aime ? L’aube de la Démocratie basculant à la nuit des obscurantismes, aussi vite ? Dieu … ! Mais que viennent donc faire ces considérations étranges entre les vignes de Coume Majou, me direz vous ? C’est que le vin vivant pousse à regarder la vie alentour, mes bons ! Et que le soufre n’est pas que dans les jus !

Manquerait plus que le vin rende sourd et aveugle…

Dans la famille Coume, je demande « Majou », qui aime tant à reposer au creux de ta hanche… Et oui encore, cette hanche ronde qui roule entre les tourments des vies de peu. Elle est mon fil rouge, ma plage de sable fin au soleil de toutes les tendresses, ma pente des désirs doux, mon havre de soie vivante… Merci Monsieur Charlier, sinon de vos vins, encore, du moins de ce mot magique qui parle de la Combe, calice de schistes et de peau fragile, en Amour Majeur. Cultivons – en ce temps de faillite des hommes dits puissants, face aux officines grises autoproclamées qui mettent à genoux les Nations – le goût des essentiels. Que les jupes légères qui faseillent dans le vent et les robes profondes des vins de caractère, nous consolent des vanités et des avidités triomphantes.

Encapuchonnée elle aussi, comme secret de Cénobite. Nostalgie de la lame fine qui perce le liège ductile … du bruit sonore de la délivrance qui rend l’air au vin. Habitudes qui nous perdent, au pays des certitudes ! « 2006 » a vu naître cette cuvée étendard du Domaine, tandis qu’elle se dévisse en douceur, dans un petit bruit aigu, crissant et métallique. Dans le verre aux formes accueillantes, large sur son pied élancé, le vin exhibe son grenat que la lumière traverse. Au cœur, comme sur les bords de la combe de cristal fin, se mêlent l’orangé naissant et le vieux rose.

Le nez prend le relai de l’œil. Y montent des fragrances de grenache très mûr, la garrigue et ses épices, la cerise confite à l’eau de vie, qu’adoucit une belle prune juteuse (Y’a d’la prune mais pas que ;-)), puis une pure purée purpurine de fruits rouges, puis s’immiscent cacao et réglisse…

Le corps juteux est matière charnue et fondante. Qui fait sa boule de fruits pour éclater ensuite sous la poussée des épices qu’enveloppe une fraîcheur récurrente, qui relance le vin. La réglisse, qu’exhausse le cuir fumé, allonge la finale qui, après l’avalée, illumine mes cellules qui font joyeuse troisième mi-temps…

Fanfare annoncée, de tous côtés, quand le temps vient de pousser la porte du Casot 2006, la grande cuvée du Domaine. Même caparaçon de métal qui couine en se dévissant, le vin dit « oui » en disant « non », comme une fausse ingénue mutine. C’est d’un assemblage de grenache de Maury, vendangé très mur et de très vieux carignan (1922!) d’Estagel, qui roule ses hanches larges sur les flancs accueillants du cristal. La robe, ou plutôt la peau nue de la prude, laisse au verre les filets gras de ses pièges innocemment tendus. Elle est belle sous son grenat brillant, qu’aucune trace d’âge n’affecte encore. Dense sans être obscure, la lumière la pénètre et renforce sa brillance.

Montent ensuite de ce calice que je vais boire jusqu’à la lie, des notes pures et précises de fruits rouges, qui font nez gourmand et appétant. Les épices douces, le poivre frais, le café et la réglisse zan, s’y marient harmonieusement. Un vin de pure cuve qu’habitent pourtant les premières notes des sous bois d’automne. De la cerise noire, du cassis et de la mûre écrasés, enfin. Une idée de chocolat noir me vient, qu’il me plairait de marier à ce jus puissant…

Mais c’est bouche vierge que je le prends ! Dès l’attaque, épices et fraîcheur sonnent. La matière, prépotente et très mûre pourtant, est fringante, et roule en bouche comme un yearling fougueux. Encore jeune, le vin récite ses rouges du jardin printanier et ses épices. Mais la fraîcheur perce les fruits, amenant avec elle, poivre et café, elle étire le jus jusqu’à la finale que l’avalée n’éteint pas. Seul un tapis de tannins croquants et crayeux, me dit qu’un vin est passé… Le sel fin qui a touché mes lèvres me parle de calcaire (?)… Allez, je n’y tiens plus, la dernière gorgée est pour le chocolat noir que je viens de mettre en bouche. Et je ne le regrette pas !

En ce jour de ciel bas qui voit l’heure basculer et nous mettre en hiver, ces vins me disent que passent les palombes, après que les champignons ont percé les feuilles, que désormais je ne ramasserai plus à la pelle…

EPOIMOTIVRÉECONE.