Littinéraires viniques

ESTAMPES LIÉES.

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La De fait sa Bacon.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Îles longues aux cimes apaisantes

Moines psalmodiant dans les encens brûlants

Cuirasses de tatous et aigles cris planants

Fujiyama sacré au dôme crémé de blanc

Éternelles épures des estampes de grège

Moi je ne bouge plus enfoui sous la neige.

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Dans les lointains brumeux des silhouettes s’agitent

On entend et le vent et le souffle des bêtes

Parfois entre deux arbres on voit passer des têtes

Et des casques noircis et des âmes qui palpitent

Les katanas balancent et taillent les entrailles

Ils galopent en hurlant raides, les samouraïs.

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Dans les maisons de thé à petits pas légers

Entre les tours violentes les geishas sont blessées

Ils ont brisé les murs les papiers déchirés

Gisent en lambeaux longs cheveux noirs en fumées

Alors les samouraïs poussés au désespoir

Leurs genoux mis à terre leurs yeux devenus noirs.

—–

Le silence est tombé sur les flambeaux éteints,

Les geishas éplorées aux grâces de satin,

Sur leurs visages blancs s’affiche le dédain

Et leurs yeux sont fermés leurs paupières sont de lin

Les guerriers arrêtés leurs visages opalins

D’un geste de la main ils ont crevé leurs seins.

L’AMAZONE A SOURI.

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Les sauvages de La De.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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La flèche vole et l’air semble blêmir sous le trait,

Le regard bleu la suit, cruel et sans pitié,

A l’impact la peau craque, la toison se contracte,

Dans les yeux de la biche éclate un cri muet,

Un instant la vie se dilate, puis elle diffracte

Comme un éclair qui tonne dans le ciel, soudain.

—–

L’amazone a souri et ses canines pointent,

Elle a lâché son arc, ses mains se sont jointes,

Et son coeur a enflé, sur le point de se rompre,

Entre ses cuisses pâles, une source a jailli,

A ses côtés, muet, un homme a tressailli,

Comme l’arc s’est tendu, il s’est jeté sur l’ombre.

—–

Dans le sang et les tripes qui jaillissent du ventre

De la bête meurtrie qui jette son dernier souffle,

Le couple s’est emboîté de la bouche jusqu’aux antres,

Dans les viscères fumantes, ils ahanent comme des buffles,

Se roulent dans le foutre au milieu des roseaux,

Dans l’étang tout près d’eux, croassent les corbeaux.

—–

C’était aux temps anciens, au temps des grandes chasses,

Dans les plaines fumantes, au sommet des montagnes

Sous leurs hardes de peaux taillées au silex dur,

Ils affrontaient à deux les pluies et les froidures,

Ils erraient au hasard des troupeaux égarés,

Dans le ciel étoilé, les dieux étaient cachés.

—–

Et la chaleur du sang mêlé à leurs humeurs,

Leur faisait un manteau qui recouvrait leurs peurs,

La nuit pelotonnés dans les grottes perdues,

Aux flancs des montagnes aux cimes échevelées

Ils balbutiaient à deux, serrés l’un contre l’autre,

Les premiers mots d’amour, bien plus purs que les nôtres.

ELLE ET LUI.

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Julio Pomar. Etonnement.

—–

Ils n’avaient pas de noms. Rien. Seules leurs odeurs les distinguaient des autres animaux.

Le vent soufflait en rafales brûlantes sur leurs nuques sales. La femelle était sèche et brune, plantée sur deux jambes à la musculature fine et endurante. Sa peau mate et glabre se confondait avec les fourrures d’ours brun qui la recouvraient en bandes rudimentairement cousues, et serrées au plus près par d’épais tendons dilacérés. Deux yeux lavande trouaient étrangement sa face crasseuse à moitié dissimulée par l’épaisse broussaille auburn de ses cheveux en bataille.

Ils s’étaient rencontrés un soir de grand froid, ils erraient à la recherche d’un abri. La grotte, qui s’était révélée à elle au détour d’un buisson épineux, l’avait sans doute sauvée ce soir là d’une mort certaine, alors qu’elle grelottait sous la neige collante qui tombait du ciel noir. Les épaules courbées et les genoux remontés sous le menton, elle s’était blottie tout au fond de l’alcôve de pierre poussiéreuse, quand un souffle rauque l’avait mise en panique. Lui s’était arrêté devant elle comme un chien de plaine devant une proie, il avait poussé quelques cris graves, puis s’était accroupi un moment à ses côtés. Elle s’était calmée, l’homme près d’elle ne sentait pas la mort, et l’odeur qu’il dégageait l’apaisait plutôt. Quand elle poussa une série de petits cris doux en se poussant un peu, il se laissa couler contre elle. Ils partagèrent leur peu de chaleur. Elle mit ses mains autour du torse de ce vivant qui lui tournait le dos, puis elle les glissa sous les fourrures jusqu’à sa poitrine. Lui ne broncha pas. Sa respiration régulière la calma complètement. Leur première nuit fut longue, éprouvante, ils souffrirent de la faim et du froid, mais à deux ils survécurent. Le lendemain, l’air était vif mais le ciel avait la couleur pure des premiers matins du monde, un bleu profond, lumineux, radieux qui inondait les terres alentours. Le paysage, uniformément blanc, étincelait. Naturellement, ils ne se séparèrent pas. S’ils avaient voulu parler, ils n’auraient pu le faire. Ils ne purent que grimacer en taisant leur agressivité naturelle. Mais ils surent très vite qu’ils chemineraient ensemble.

Au début il marchait devant elle, mais depuis peu il la préférait à son côté. A eux deux, épaule contre épaule, constamment aux aguets, ils fouillaient sans cesse le mystère du paysage devant eux. Tout était découverte, tout était menace. De temps à autre, il se penchait vers elle, grognait doucement et la reniflait bruyamment, puis son corps se tendait quand il se retournait inquiet. Le danger arrivait toujours de l’arrière. Le mâle tenait un épieu durci au feu et portait à la taille une hache de silex grossièrement taillée. C’était un être râblé au torse massif monté sur deux jambes puissantes. Ses épaules compactes roulaient en cadence, son pas était pesant et son buste à demi voûté le poussait vers l’avant. A intervalle régulier, il levait la tête et reniflait, à la recherche d’une odeur connue. Rien ne les différenciait de loin. Il aurait fallu s’approcher ras museau pour distinguer le mâle de la femelle. Avec leurs grosses pelisses sombres qui gommaient les formes, on les aurait crus asexués. Le primate avait une trogne à faire peur, de petits yeux noirs rapprochés, le visage aux trois-quarts mangé de poils noirs, il était hirsute, sa bouche proéminente aux grosses lèvres craquelées recouvrait à moitié quelques dents déjà gâtées. Chaque heure de leurs vies promises à être courtes, chaque combat pour survivre leur mangeaient le sang. Et ces deux tiques là tenaient bon.

C’était au plus fort de l’été. La savane touffue s’étendait devant eux, les herbes hautes leur arrivaient à la poitrine et les épines des acacias nains dissimulés par le manteau roux de cette végétation exsangue leur déchiraient les jambes. Ils gémissaient tous les dix pas, la soif leur brouillait la vue et leurs forces déclinaient quand tout à coup, sur leur gauche, les graminées se mirent à chanter en ondulant. L’homme se ramassa sur ses jambes en poussant un cri venu du fond du ventre, il brandit son épieu vers le sillon qui allait en s’élargissant droit sur eux. Le phacochère géant qui déboula n’eut pas le temps de grouiner. Deux fois l’épieu lui déchira le poitrail et la hache de pierre se piqua dans son flanc. A l’écart, à peine, la femelle se mit à sauter sur place, puis en tous sens. Elle poussa des cris aigus, désarticulés, déchirants, entrecoupés de sanglots de joie quand la bête mourut, le groin enfoncé dans le sol pourtant dur, couinant et frémissant de toutes ses soies. Le sang giclait de sa jugulaire crevée, la terre le recevait comme une bénédiction. Pourtant en ce temps là Dieu, ni même l’idée de Dieu, n’avait pas encore traversé le cerveau reptilien des quelques hominidés disséminés en groupuscules disparates sur la surface sauvage de la terre. L’homme soupira, leva les bras au ciel, sans un cri son corps se détendit une seconde, il se tourna vers la femelle en lui montrant le metridiochoerus terrassé à ses pieds. Ils se mirent à grogner tous deux, une grimace les unit un instant. Ce soir, ils mangeraient. Ils dévorèrent autant qu’ils le purent, ils s’endormirent dans la chaleur réconfortante des graisses.

Le Dents de Sabre lui tomba sur le dos et le fit fléchir, il avait suffit d’un instant d’inattention. Ses jarrets le maintinrent debout, ses bras, levés au dessus de sa tête s’enfoncèrent dans la toison butyreuse du lion, il tira de toutes ses forces en se baissant pour se dégager de l’emprise du fauve. Ils tombèrent, l’homme roula sur lui-même, le lion boula et l’une de ses longues canines, enfoncée dans son trapèze gauche, le déchira en se dégageant, tandis que l’autre dague d’ivoire lui griffait profondément la poitrine. Un voile vermeil recouvrait son dos et son torse, la tête lui tournait, il lança mollement son épieu éraflant à peine la bête qui faisait volte face, il voulut aussi jeter sa hache à la tête du monstre, mais elle ne put que tomber entre ses pattes. Sa compagne hurlait en crachant et trépignant sur place, peur et rage mêlées. Le lion fit un pas vers l’avant puis, inexplicablement s’enfuit, queue basse, le ventre rasant le sol, en se coulant entre les hautes herbes. Elle s’agenouilla près du blessé qui bredouillait en bavant, assis, les yeux à demi fermés, le corps écroulé, une main accrochée à son épaule saignante. Entre ses gros doigts crispés sur ses chairs ouvertes, la vie rouge, odorante, filait en silence. La femelle se tordait les mains, passait de gémissements plaintifs en longs borborygmes inarticulés. Puis elle se leva et traîna l’homme dans la savane. Elle avait aperçu au loin, un arbre isolé. Le mâle était de plus en plus lourd, ses pieds avaient du mal à suivre le pas pourtant lent de sa compagne. Ils s’arrêtèrent à plusieurs reprises, et le soleil était proche de se coucher quand ils arrivèrent au pied de l’arbre. Une brise légère s’était levée et les herbes agitées jouaient avec la lumière rasante. Elle aida le blessé à s’adosser au tronc après avoir vérifié qu’aucun danger à fourrure ne se dissimulait dans le feuillage. Puis elle lui parla doucement et ses yeux lui dirent sa peine, des larmes grasses traçaient des rigoles claires sur la crasse de son visage, le bleu de ses iris, lavé par son chagrin, étincelaient comme jamais. L’hominidé la regardait sans broncher mais tressaillait et grimaçait à intervalles réguliers. L’ombre du sourire qu’il s’efforçait de lui donner avait du mal à éclairer sa face terreuse. Puis la femelle se leva et s’éloigna lentement en moulinant force signes apaisants. Le nez à terre elle scrutait le sol, se baissait régulièrement pour arracher des touffes d’herbes vert bronze, mates, grasses, plus petites et plus épaisses que les autres, à peine visibles dans la broussaille. Quand elle revint au chevet du blessé, il ne bougeait plus et respirait à peine. Assise à son côté elle se mit à mâcher les feuilles de sa cueillette. Au fur et à mesure, elle enduisait de salive verte la blessure, puis elle enfonça dans la plaie purulente la pulpe qu’elle avait accumulée dans ses joues. L’homme poussa une série de cris à peine étouffés mais il ne se défendit pas. Puis elle se balança devant lui en chantonnant.

La nuit tomba, lourde, frémissante. Seul le ciel clouté d’étoiles distillait un peu de paix. Elle s’endormit, épuisée. Un feulement réveilla la femelle, l’aube revenait sur terre et teintait le ciel vide de lueurs bleues et roses. L’air était doux, pur et parfumé, elle eut envie de ronronner. Elle se retourna, le visage gris du mâle ne la voyait plus, ses yeux grands ouverts, éteints, déjà glauques n’avaient plus de regard. Son visage tordu par la souffrance ressemblait à un masque de terre craquelée. Elle toucha son épaule et le corps raidi tomba sur le côté. Elle se jeta sur lui et le secoua longuement en balbutiant des mots de salive, mais il était si mort qu’autour de l’arbre on entendait déjà tourner les nettoyeurs. Et la peur lui serra la gorge, la poitrine, le ventre. Elle urina longuement sous elle. Le regard fou, la femelle se tournait de tous côtés, le danger était partout, sournois, elle le sentait, multiforme, qui l’encerclait lentement. Sa gorge éclata comme une grenade mûre sous les crocs d’un tueur, si rapide, qu’elle ne le vit pas venir. Le sang fusa de son nez, de ses artères arrachées, ses yeux se révulsèrent, elle mourut en souriant, soulagée de quitter la terreur. Elle tomba sur le cadavre de son compagnon, son sang avait dessiné une peinture de guerre sur le visage figé de celui dont elle avait à peine pu partager l’existence. De la savane jaillirent en foule des bêtes affamées qui se battirent sur les dépouilles. Haut dans le ciel, de grands oiseaux tournaient lentement …

LA CHANDELLE EST MORTE.

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La De tient la chandelle.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Décembre est dans la mire

Et frissonne l’année

Et pousse un long soupir

Comme une âme gelée.

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Demain le jour en braille

Et la lumière aussi

La nature a sourit

Ce matin dans son lit.

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Oui la chandelle est morte

Quand se rouvrent les cieux

Et dans ta chambre forte

Tu entrouvres les yeux.

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La lumière a jailli

Des bois et des taillis

Le biche se réveille

Et le soleil bleuit.

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Nous irons par les mois

Les heures et les jours

Quand la lumière flamboie

C’est le temps des amours.

DANSE AVEC LA DINDE.

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La De en travaux d’aiguilles.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Parée de beaux habits de fête

Plumes arrachées le cul bien cru

La peau graissée cuisses replètes

On l’a bourrée tant qu’on a pu.

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Elle n’a rien dit n’a pas sourit

Les fesses serrées elle a morflé

La farce épaisse au fond du nid

Ne reste plus qu’à l’adorer.

—–

Couteaux pointus regards sanglants

La nuit venue ça va croquer

Moustaches velues regards huilés

On la dévore jusques au sang.

—-

Il est minuit l’enfant s’en vient

Les verres sont pleins, les bouches ouvertes

Les foies gorgés de bile verte

On est heureux les os aux chiens.

 

ZEMON, ANTIQUE PRÉSENT.

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Le Zemon de La De.

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Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

—–

Dans le térébrant,

On le voit encore,

Plus noir,

Qu’un Soulages,

Anthropophage,

Au musée.

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 Pulpe concassée,

Éclats de quartz,

Pierres pilées,

Purée de jais,

Billes des abîmes,

Qui bousculent,

Mes rimes

Déglinguées

A faire pleurer.

———- 

 Garce magnifique,

Salaud méphitique,

Intimement enlacés,

Être étrange,

Qui brûle de se trouver,

Éberlué,

Éparpillé,

Au loin des mers,

Au delà des repaires.

Outre espace,

Prisonnier des glaces.

Agathe broyée,

Coeurs explosés.

 ———-

 Dans la pénombre ultime,

Aucune lumière ne peut,

Même pleurer.

Si ce n’est celle

Qui vous consume.

Feux réverbérés,

Étrange dualité.

Rubis brisé.

———- 

 Deux en un incarné,

Profane, sauvage, carnassier,

Il absorbe, lèche, croque, se repaît,

Pardonne, entonne, marmonne,

Crétin magique,

Concombre étique,

Cons en reflets.

Aime tes deux moitiés,

Que nul espace n’empêche,

De hurler.

———- 

 Il est douceur violente,

Qui sidère les cœurs,

Asphyxie les humeurs,

Fait couler les torrents,

Gras et mellifluents.

D’ambre rutilant.

Perdu sous la cuirasse,

Qui l’enchâsse,

Depuis trop longtemps,

L’enfant.

———- 

 Zemon est un tout,

Qui vole, plane entre les mondes,

Un os dur, une infâme carogne,

Un oiselet fragile,

Une fourrure nubile,

Qui vomit,

Gros comme des nichons,

Des cabochons,

Taillés à se couper.

———- 

Tue, pille,

Vanille,

Houspille,

Aux escarbilles,

De lave figée,

Zemon, mon autre,

Absorbe toi,

Avale moi.

Que ton cœur dichroïque,

T’étouffe, sale bique,

Aux yeux lubriques.

———- 

 Mais tu survis aux douleurs,

Aux cris, aux pleurs,

Enfoncés dans nos culs,

Tu gicles ton foutre dru,

Qui nous rince le ru

Qui sourd des coeurs en peine,

Zemon qui nous aime,

Plus que la madeleine,

Qui croque,

Nos vertus.

———- 

  Zemon,

Boule de pus,

MAIME nous tu ?

———- 

 Lâche tes chevaux,

Écrase nos champignons,

Encule nos illusions,

Caresse nos perversions,

A nuls ne nous fions,

Quand de tes yeux fendus

Sourd la lumière crue,

De tes citrines

De gourgandine,

Émerveillée.

 ———-

 Je bois tes purulences,

M’enivre de tes offenses,

Défonce ton corps prostré.

 ———-

Le rostre dur et pur,

Dans la grotte obscure,

A parlé.

Obsidienne

Accouplée.

Hermaphrodite

Magnifié.

———- 

 Diamant noir,

Et tourmaline.

MATRINITIALE.

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La De en ordre de bataille douce.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Vous êtes là,

Et m’offrez votre corps,

D’organsin souple.

Yeux grands ouverts,

Vous regardez le fond des miens.

J’y vois la gravité,

La crainte et l’espoir.

Alors ma bouche,

Mange vos lèvres,

Qui enflent et me rendent,

Sauvages et douces.

Sous vos dents pointues,

Coule le sang.

Ma langue vous parcourt,

Et vous aimez qu’elles trouvent,

Les plis que vous cachez.

Que vous m’offrez,

Tandis que votre bouche,

Douce,

Et votre langue agile,

Engloutissent,

La preuve de mon désir.

Que de jeux sans fards,

Sans pudeur,

Et tendres,

Nous attendent.

Entre vos lèvres ouvertes,

Fragiles et ruisselantes,

Vous m’appelez.

Profondément nous sommes unis,

Et nous ne bougeons pas,

Un long moment délicieux.

Au fond de vous,

Ma vie s’agite,

Et votre rose furieuse,

Serre à tout va.

La tendresse est en nous,

Et la furie aussi,

Tandis que nos regards se fondent,

Et que nous coeurs palpitent,

Comme des oiseaux

Blessés.

Alors vous me dites,

Combien il est bon d’aimer.

Et moi de vous dire combien,

Vous m’êtes précieuse,

Tandis que nos reins,

Travaillent à l’unisson.

Lentement nous allons,

Le long des chemins fleuris,

Puis la violence aimante,

Se déchaîne,

Nos souffles se mêlent,

Tout autant que nos jambes.

Vos seins durcis,

Sous mon torse tendu,

Aiment à se blottir.

Ma semence d’albâtre,

Inonde votre ventre.

Vos doigts joueurs,

L’étale sur mes lèvres,

Qui vous prennent,

Un baiser.

L’âcre goût de nos ébats,

Embaume la couche.

Sur mon épaule offerte,

Vos cheveux s’étalent.

Je vous souris.

Votre regard s’éclaire.

Et le silence,

A disparu.

Nous sommes bien,

Et confiants.

Alors je vous dis,

Que je vous …

Et me le dites aussi.

Nos voix tremblent,

Car il n’est pas aisé,

D’être mis à nu ….

A votre source, heureux

Je suis, d’avoir bu.

A LA FRAISE ARRACHÉE …

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La fraise de La De.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Sous la langue agile,

D’une ancienne nubile,

Aux seins abondants,

Turgescents

Et charmants,

Une fraise poivrée,

Au jardin arrachée,

Luisante de rosée,

Fraîche et pomponnée,

Se laisse caresser .

Sa chair fragile

A le goût

Des baies roses,

Des paupières closes,

Et des larmes salées…

—–

Elle soupire,

Et sa chair fragile,

Sous la langue attentive,

Frémit comme une grive,

Remerciant l’héliophile,

Sa bouche cantabile,

Ses dents de bédéphile,

Et ses lèvres si lisses.

Et la douce vampire

Qui gémit et transpire,

Sous sa jupe d’isopyre,

Écarte ses cuisses

De porphyre,

Et son bonbon

Juste laqué …

—–

Le petit jour se lève

Sous le soleil timide

Qui perce les volets,

Au jardin les jonquilles

Sourient au vent douillet

Qui berce la charmille.

Dans la pénombre, fébrile,

La fraise éclatée,

Laisse son jus couler.

Sur les lèvres écarquillées,

Roses et gonflées.

Le souffle parfumé,

De la fille languide,

Dépose un doux baiser,

Berce le fruit éclaté

Qui tortille, pâmé,

Au fond de son gosier …

—–

Viennent les jours heureux,

Et les petits matins brumeux,

Les tendresses gobées,

Les plaisirs partagés …

LA LOUVE AUX DÉLICES.

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La belle de La De.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Elle est tombée d’en haut, un météore de miel,

De piment, paprika, herbes folles, coin de ciel,

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Ma Louve en pelisse sang de feu.

—–

J’étais au fond des temps, et j’attendais la mort,

Mais elle m’a prit la main qu’elle a serrée si fort,

—–

Ma Louve en pelisse sang pal bleu.

—–

Mais loin, si loin, quand l’amour au-dessus des nues,

Crève les nuages, le corps, l’âme, elle a paru,

—–

Ma Louve en pelisse sans adieu.

—–

Gémis pauvre maudit, ton cœur, pierre qui pleure,

Et tes yeux, les lagons saignent, au loin elle demeure,

—–

Ma Louve en pelisse sang de peu.

—–

Ta peau, oripeau, chien galeux, craque et brûle,

Dans le canyon, loin du Colorado, elle hurle,

—–

Ma Louve en pelisse sang des cieux.

—–

Crocs plantés, regards, cris dans le noir, et l’espoir,

Je rêve de coulis, ventre dur, et la boire,

—–

Ma Louve en pelisse sang soyeux.

—–

Dieu de feu, tout là-haut, tu ris dans les nuages,

Quand je pleure, ô malheur, le chant du coquillage,

—–

Ma Louve en pelisse sang de Dieu !

—–

Les anges en nage, les mésanges en extase,

Nul ne peut m’arracher que chevauche Pégase,

—–

Ma Louve en pelisse à deux.

—–

Elle a bu toutes les lies, croqué à pleine vie,

Bourlingué, vogué, tenu à deux mains les ris,

—–

Ma Louve en pelisse d’adieux.

——

Il ne faut pas lui dire ce qu’il faut qu’elle soupire,

La Louve est une farce qui a vécu le pire,

—–

Ma Louve en pelisse camaïeu.

—–

Sur la mer si lisse, qu’une aile la caresse,

Nous irons naviguer au profond des détresses,

—–

Ma louve en pelisse aux délices …

ENTRE LES RIRES VOILÉS.

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La farandole de La De.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

—–

Vos noms sont des romans jolis contes d’enfants

Qui courent dans les chants comme de beaux amants

Au secret des palais en dentelles de voyelles,

Des perles aux eaux pures, enchâssées, très belles,

Hérissées de secrets, de silences, de consonnes.

—–

A Venise sont morts les fils de Visconti,

Chevelures de corbeaux sous la morgue discrète,

Plein été, il fait chaud, les longues redingotes,

Âcre la sueur coule à défaire les plis,

On s’évente aux bars blancs des hôtels alanguis

—–

Derrière les portes closes de leurs paupières poudrées,

Au fond des lacs obscurs de leur iris dorées,

Dans le silence bruissant des jupes, des taffetas,

Entre les rires voilés, les volières et les chats,

A l’heure blanche qui meurt quand le soir va tomber.

—–

Le soleil d’or est fou dans le ciel de cobalt,

Dans les vieilles demeures les fauves meurtris,

Se déchirent sans un mot. De leurs tailles cambrées

Ils dominent la plèbe mais personne n’entend

Les cris étouffés qui sourdent de leurs rangs.

—–

Vos beaux noms, belles femmes en bottes zibelines,

Rendent fous les oiseaux, ils en perdent leurs plumes,

Et les chevaux renâclent, escaladant les dunes,

Ils se cabrent, croupes dures à croquer vos pralines,

Sous vos atours charmants, les frissons de la lune.

—–

Et je rêve le soir comme un vieux tamanoir,

Langue si folle qui affole les fourmis,

Tandis que dans le noir de vos roses boudoirs,

Cachées sous l’édredon, sous vos draps, dans vos lits,

Au silence vous êtes et je suis en sursis.