Littinéraires viniques » VINS.

LE GORGEON DE GORGEOIS DE BREGEON…

 Munch. Ashes.

 

Les ciels uniformément se succèdent et lâchent en zébrures serrées, leurs eaux lustrales. Depuis la couette, les succions régulières des boules d’eau qui s’écrasent grassement sur le bitume glacé, me sortent de mes torpeurs nocturnes. Un petit air frais que la pluie mouille, se glisse comme un coulis discret par ma fenêtre entrebâillée. Sur les murs de la chambre, les couleurs de l’aube grisonnent et matifient le décor d’ordinaire coloré, au creux duquel je me blottis encore. L’air est lourd du silence humide de ce petit matin. Les souvenirs, en boules de laine mêlées, roulent, incohérents, dans ma conscience renaissante. La finale d’un Gorgeois aux fruits épicés me revient en bouche tandis que je m’enroule dans l’édredon, comme le boa frileux qui se lovait en plumes violines sur les épaules dorées et souriantes de Joséphine Baker.

C’était il y a peu…

Un matin qu’un printemps précoce ensoleillait, je téléphonai, sur un coup de cœur, comme ça pour voir, entendre et sentir le bonhomme. Un ami plutôt félin, m’avait appâté (normal pour un félin apprivoisé) après qu’il eût visité ce vigneron. Mais je connais mon Margay – il est un peu comme moi en plus jeune – quand il aime, il met le paquet!!!!

Bon, il y avait aussi les avis d’autres arpenteurs, de ces amoureux fous mais lucides de leurs horizons. Des gars du cru, des bouillants, des bourrus, des écarquillés, des fondus du melon, qui fouillent le vignoble et sont de vrais amants subtils, inconditionnels mais lucides, des jus du petit Mus. Des tenaces, des sincères. Des costauds, des solides, des impliqués. Des cascadeurs du Muscadet…

À les lire, les relire, ils m’ont emporté dans leurs délires, c’est dire…

Alors, ni une ni deux, j’ai tendu la main vers le bigo.

L’André-Michel Brégeon décroche. A vrai dire j’étais un peu circonspect. Ce prénom, du genre Bobo qui sur le tard tombe amoureux du cul des vaches, ça m’inquiétait…. Encore un écolo-parisien-cadre-supérieur qui vend son vélo Hollandais pour s’acheter des biquettes, me disais-je in peto. Mais foutre d’Archevêque!! L’angoisse fut fugace. Immédiatement cramée par la vie qui sourdait de la voix du gaillard. Les atomes que l’on dit crochus, se foutent pas mal des distances et de ce que nos yeux de chair prennent pour de l’absence… Il n’y a pas que l’image, cette p…..n d’apparence qui corrompt souvent les relations, tant elle est vénérée, adulée, trafiquée et polluante. Désolé mais ce soir je suis un peu chaud. Sans doute ce Muscadoche du-feu-de-Dieu-de-Gabbro-Pluto-magmatique qui m’allume les sangs. Faut dire que du jus de concression grenue, conglomérat de plagioclase, de pyroxène et d’olivine, ça pulse dans les aortes! Je sens comme la caillasse verte de ce vin élevé cinq ans en cuve, qui m’inonde les rétro-fusées. La poudre de pavé me décape les neurones et m’aiguise la perception…Je dois être un peu “touché”.

Je digresse, je digresse, je dois faire c…r tout le monde.

Or donc, L’André et moi ça fonctionne. A ma première finesse à deux balles, il démarre pied au plancher. Et que j’te double, que j’te mets un tête-à-queue, un freinage tardif! On s’marre bien et même plus, parce qu’affinités! Ça dure une bonne quarantaine de minutes avant que je lui demande un peu de son vin, dont il trouve à me dire – un pur anti-commercial! – pis que pendre… Oualà! Pas besoin de Publireportage «Grand-Tasting» pour s’astiquer les neurones et épater le banc et l’arrière banc du gratin de VIP à la sauce Américaine, que j’te Cheers Darling à tous les coins de lounge…

Avec tout ça j’ai trop rien dit du vin, ce Muscadet, ce Gorgeois 1996. Comme un Meursault qu’aurait trahi son Chardonnay pour un Melon de Bourgogne! Pas envie de disséquer… Comment réduire à ses parties ce vin insécable, qu’il serait fou de figer par l’analyse. Ce vin est un aboutissement complexe et évident à la fois, une quadrature, une ronde de fruits jaunes mûrs, juteux et un vin sec en même temps, un jus de pierre et d’épices qu’affinent et allongent avec subtilité, un soupçon de réglisse saupoudré de poivre blanc très frais. L’expression quasi parfaite de la rencontre entre une terre, un raisin et un vigneron.

La perfection est le plus souvent proche de la simplicité. *

PS : * Ne l’ouvrez pas, il vous aura…

EGORMOTIGEECONE.

LA SÈVE DE SANG DES TERRES NOIRES…

 Lumière de l’ombre.

 

 Tard le soir, les cardes épineuses des chimères aux brandons ardents, vous prennent à la moelle.

Dans la moiteur des nuits suffocantes, les forces anarcho-anabolisantes du chaos se liquéfient, et gouttent  jusqu’à vous gorger comme une éponge écarlate, de peurs bleues et de soleils flavescents. Les barrières s’éffondrent. L’Œuvre est au Rouge. le Noir est en Œuvre. Le cramoisi, le feu, la sève – forces vitales – fécondent le ventre glabre du monde. Chutes, vertiges, basculements, incandescences, forces primordiales, tellurisme, jaillissements, éruptions, implosions, brûlures, plaisirs et douleurs, vous rongent les chairs, vous cryogénisent les sangs, et vous mordent à l’âme. Heures d’effroi. Instants de terreur. Délectations acides. Le fuligineux est né du rouge, comme le fut le charbon du feu, et l’obsidienne noire, du volcan. Quand viennent les ténèbres, remontent des fosses que l’on croyait à jamais dévasées, le bacchanal de la nuit des âges. Lignes et courbes s’opposent et s’épousent. Les solitudes s’éclairent, de toutes les nitescentes dissolutions dépravées de l’esprit festinant…Il faut bien chasser la mort, la maritorne aux yeux de jais. Sous les halètements conjugués des chairs en fusion, les magmas globulaires bouillonnent, dans les caquelons rougeoyants des démons déchaînés.

Vous n’êtes plus que mollesses pantelantes, et peaux distendues!

J’ouvre les yeux et dessoude les mâchoires que je tenais serrées. Au centre de l’aréole de cristal de mon verre, comme un téton céleste, une goutte incarnate subsiste, telle l’œil de Dieu au cœur de la sphère. Mon verre est vide et je suis sidéré, comme celle qui fut faite sel, pour avoir osé se retourner! Je ne sais si je remonte ou redescends d’autres mondes. C’est un retour que je fais, du centre de la terre, ou de je ne sais quelle puissante galaxie, nouvelle née.

Les temps étaient tristes. Je m’étais dit qu’une gorgée de bon vin m’aiderait à traverser l’épaisseur touffue de ces heures térébrantes. Sans l’avoir vraiment choisie, c’est une bouteille de la Tenuta delle Terre Nere que j’ouvrais. Humour noir! Une sélection parcellaire en fait, la «Calderara Sottana» 2007, sombre Sicilienne, qui suinte de vieilles vignes, à flanc nord d’Etna. Les respirations apaisées d’Encelade portent, à 650 mètres d’altitude, les vieux ceps de Nerello Mascalese et Capuccio dont les jus incarnats sourdent des terres volcaniques, tel un magma sublimé…

Dans les rondeurs apaisantes du verre, le rubis grenat liquide épouse le rose fuchsia. La belle eau limpide du vin, est tout juste percée par la lumière de ce jour aveuglant qui peine à effleurer son cœur.

Somptueux! Que dire d’autre de ce bouquet odorant qu’exhale le vin, tandis qu’il s’ouvre, comme la corolle d’une pivoine issante dans la rosée d’une aube humide. Le temps du vin n’est pas le notre… C’est une ode à la cerise noire, tout d’abord. Dans son expression la plus subtile. Comme le substrat quintessencié de toutes les variétés, élégamment entrelacées. Puis en foule, des notes de framboise, de cassis, de liqueur de noisette apparaissent. Plus avant, des touches de poivre, de terre broyée, de réglisse, de truffe, de cuir, de cendre, de goudron, de fumée légère et d’huile de cade, endiablent le nez.

En bouche, le vin se fait suave, acide, granuleux et puissant, tout à la fois. La matière, imposante mais élégante, est hérissée de petits tannins «à la Barolo», taillés fins, mûrs, crayeux – comme une soie de ponce – qui percent la boule de fruits rouges fumés, comme une volée d’aiguilles fraîches et minérales. Elles tendent le vin. Derrière mes yeux clos, fugace, l’image d’un gymnaste qui fait le pont. Les embruns que les vents du nord portent jusqu’aux flancs élevés de l’Etna, laissent sur mes lèvres le souvenir ailé de la mer proche. La finale, oblonguissime, sur la réglisse fumée, me caresse le palais de sa langue de feu noir…

Tard le soir, le Guépard élégant de Visconti me regarde….

 

EEMOVATINOUCOIENE.

C’EST VENDREDI ET LE VIN SERAIT MEDECIN DE L’ AMOUR?

 Yoshitaka Amano. Yose.
  

Foutre de Diafoirus, soyons donc de parti-pris, voire de mauvaise foi.

«Le Vin, médecin de l’Amour»? Mais quelle idée!

 Est-ce à dire qu’il faille boire pour oublier?

 Soit, qu’il faille s’imbiber pour fêter?

 La litanie douloureuse, de tous les breuvages qui ont adouci ma gorge, alors que mon cœur d’artichaut venait d’être vendangé, pigé, foulé, par les piétinements délicats des donzelles cruelles de mes jeunes années, aurait suffit à donner aux moines de Solesmes, de quoi pleurer en Grégorien pour l’éternité. En boucle, les Derviches du Couvent de PERİŞAN BABA, auraient pu toupiller de longues incantations, comme une «scansio» à l’infini. Leurs longues robes ondulantes auraient aimer tournoyer, rafraîchir mon chagrin moite, éventer mon front brûlant. Les Soufis aériens, en extase, m’auraient épargné ces libations sans fin, dans lesquelles tombent trop souvent ces cœurs martyrisés, mal égrappés, qui sont à l’amour du vin, ce que la médecine est à la subtilité de l’âme.

 Pour autant qu’il m’en souvienne, peu m’importait que le jus soit d’ «Amoureuses» issu, ou de «Vide Bourses» exsudé… Quand le manque de la délicate me taraudait le coeur et me rongeait les chairs, le plus mauvais des verdagons faisait l’affaire. L’acidité du jinglet, conjuguée à l’aigreur de l’affliction, m’arrachait, même les larmes que je n’avais plus. Alors «Saint Amour» ou pas, je m’en battais les…pampres! Illusion du piccolo en rasades, dont je me gavais… croyant m’anesthésier.

 Seth a jeté Osiris au Nil. Isis, sidérée, le pleure. Croyez vous qu’elle se soit jetée sur les jarres du Fayoum, pleines de vins forts, pour soigner son âme en détresse? Hébétée, rassasiée, elle n’eût pu courir le long des berges du fleuve et retrouver son amant, son frère, sa moitié d’âme, à Byblos, en plein Liban.

 Non, le Temps est, seul, médecin de l’Amour. Inexorablement il apaise ou décuple. Au mieux le vin, aussi délectable soit-il, peut, faute de pire, accompagner l’extinction des petits feux ordinaires dont se gorgent nos sociétés du paraître…

 Mais que cela ne m’empêche pas de célébrer les souvenirs flamboyants de celles qui, parfois, m’ont comblé. Que cela ne m’éloigne pas des douceurs réitérées dans lesquelles m’enroule – depuis que l’âge m’a gagné autant que j’ai gagné sur lui – celle dont le nom m’est plus doux que la robe frissonnante de la pouliche fragile, celle qui a trouvé la clef, celle qui m’emporte au delà des portes de l’Olympe!

 Satyre apaisé, je chevauche la grâce.

 Avec ELLE, mon ultime palindrome, ma ravissante qui me ravit.

 Et le vin, Nectar des Dieux – enfin ceux qui le méritent – célèbre à chaque occasion, les noces toujours recommencées de ce miracle inespéré. À deux, encore à deux, toujours à deux, nous trouverons dans l’humeur changeante des vins en devenir, la force de conjurer le temps. Au dessus de nos verres humides, nos yeux le sont aussi…

 Alors au lieu de le soigner, l’Amour – comme s’il était malade, souffreteux, anémié, exsangue, moribond!!! – m’en vais le bichonner, le faire reluire comme un sou neuf, le caresser comme un nouveau né, ne pas en croire mon coeur, lui baiser les pieds qu’il a mignons, lui parler à voix basse, pleurer ces larmes paisibles que le mystère appelle, lui faire sa fête, à chaque seconde, à chaque bouteille, rire, jouer, chanter, roucouler, me rouler dans l’herbe et dans les plumes.

 En un mot comme en mille Romanée Conti, vibrer, délirer, jubiler –Mozart, à l’aide! – crier, hurler, EXULTER!

 Alors je quitte sans regret les souvenirs anciens des amours mortes, que jamais les vins n’ont pu remplacer, et pour fêter l’Amour vivant qui aime l’unisson d’avec la dive, c’est un Valençay blanc 2007 d’André Fouassier que je choisis de sacrifier. Le bel amour se repait de simplicité

 Quand la galette de froment sort du four, ça sent bon, c’est la fouace. Vous y avez incorporé olives, noix, amandes, tomates, fromage…ce que vous voulez. Et c’est beau, c’est doré, épais ce qu’il faut, ça craque et ça fond dans la bouche, ça vous graisse un peu les doigts. La bonne excuse pour les lécher…

André Fouassier, c’est d’abord cette analogie improbable, pour moi. Je sais, c’est idiot, ça ne tient pas la route de la logique toute puissante. Tant pire! Rien de tel qu’une approximation – souvent, mais pas toujours – pour faire une belle rencontre. Le hasard, cette notion vague à laquelle le scientifique fait appel quand il ne sait pas, «fait bien les choses». Vive les contre-allées, les chemins de traverse, les virages et les hommes inutiles, les rebelles ordinaires, les allumés silencieux, les vaches qui pètent dans les prés, les bois morts que la mer rejette, les pessimistes joyeux, les enculeurs de mouche, le lichen au nord des arbres, les écureuils camés et Jim Morrisson.

 Le regard qui embrasse…

 La robe est pâle comme l’Ophélie de Rimbaud, cadavre exquis dérivant au gré des courants. Littéraires surtout. Quelques reflets verts la moirent…elle flotte depuis longtemps!

 «Sur l’onde calme et noire où dorment les étoiles
La blanche Ophélia flotte comme un grand lys,
Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles …
On entend dans les bois lointains des hallalis.
Voici plus de mille ans que la triste Ophélie
Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir;
Voici plus de mille ans que sa douce folie
Murmure sa romance à la brise du soir.»

L’odorat qui suppute…

Ça ne pue pas le sauvignon et c’est beaucoup!

Ce nez de vin est une bombe olfactive. Comme si surgissait du passé, l’arrière boutique d’une vieille boulangerie, à l’heure où la fouace, longuement pétrie, sort du four, et méle son parfum brûlant, aux souvenirs odorants des croissants du matin et des crêmes au beurre de la veille. Ça embaume les épices patissières, les fruits jaunes bien mûrs, la banane, la badiane et la réglisse …

Le baiser de la chair du vin…

En bouche, ça ne donne pas dans la demi-mesure. La matière est riche, puissante, pelote de fruits jaunes – toujours – et exotiques, grasse d’une réglisse anisée. Un vin qui ne passe pas sans rien dire, qui vous enchante les muqueuses comme la plus rousse des sorcières le ferait d’un coeur à l’abandon… Une acidité bienvenue perce le gras du vin, équilibrant l’ensemble, qui sans cela, se serait écroulé dans le sucre.

La finale qui tue…

La chair du vin charme et s’attarde. Puissante et souple, elle fait sa «pneumatique», Georges Orwell dixit. La crème de fruits gourmands, comme un soleil finissant, met un milliard d’années à s’éteindre. La réglisse, longuement épicée, lui succède et explose sur mes papilles ravies, que la cannelle apaise. Puis la tension du vin subiste, seule comme une lame de Tolède en Suède et s’étire, ainsi qu’un ressort libéré, pour me laisser une bouche, propre, à l’égal d’un silex sous la pluie.

Sur une compoté d’abricots tièdes, ou à l’apéro.

Et peut-être…

Juste avant ou juste après…

Encore que, pendant?

ETIMOAMOTITANCOTONE!

UN GANEVAT GAGNANT PAS GAVANT…

  

 

  De «Chamois» ailés, en «Paradis», il fallait bien que J.F Ganevat, en totale exaltation, un soir automnal d’après son dur labeur, glissât sur quelques peaux de raisins oubliées, lâchât la bouteille de marc distillée par son papa – qu’il ne faisait que regarder – se souvenant de son jeune âge… et que – enfer et damnation – celle ci tombât dans une cuvette de jus de Savagnin fraîchement pressé.

Le temps s’arrêta au cadran de la Jurassienne, tandis que Jean François, estourbi par sa chute, le crâne historié d’une bosselette zinzoline, se reposait, un peu éteint, quelque moment. Au réveil – difficile – les tempes vrillées par un tire-bouchon virtuel qui semblait vouloir lui manger les yeux de l’intérieur, fou à Rotalier, il contempla ce qu’il prit pour un désastre. Une bordée de jurons du cru lui remirent les yeux en face du bouchon.

Il comprit qu’il était temps de se glisser sous l’édredon…

C’est ainsi que cette «Apothéose», faite Macvin, vint au jour dit-on. Certes, je n’y étais pas, mais c’est ce qui se dit dans les caves, par là-bas, à voix basse… Sûr qu’un montagnard qui a fait ses classes en Bourgogne, ça fait un peu désordre en ces contrées reculées. Certains autochtones, gardiens des traditions immémoriales, n’y cultivent-ils pas l’art des sonneries à l’Olifant, les soirs d’après dégustations un peu longues? Il paraît même que le Juraco-Bourguignon et le dégustateur-sonneur aiment à faire le bœuf togetheurs.

Légendes, médisances, jalousies?

Rien de bien grave ou très méchant là-dedans. Une bien belle anecdote croquignolante et locale, qui nous change un peu des courses à l’échalote Élyséennes, dont les médias complaisants, nous bourrent les esgourdes, à longueur d’images proprettes. Autrement croustillant, que les frasques Jet-Settées des grandes bringues falotes, qui dégoulinent leurs poitrails siliconés et leurs culottes sans chevaux, sur les couvertures glaciales, des mégazines insipides, qui formatent les cortex anémiés de nos enfants fragiles…

Bon et le Macvin dans tout ça?

Tout frais échappé de la cave, il s’est installé au creux accueillant de mon beau grand verre sensuel. La chaleur, brutalement, s’est abattue sur les vignes Charentaises. Une petite brise côtière frise les feuilles tendres des arbres nouveaux nés. L’atmosphère est calme en cette soirée douce, propice au flirt vinique. Macvin, macvin, mac qui aime à goûter avec moi les vins de nos fusions… Le premier et dernier croisé, au détour d’une soirée sans relief, m’est bien loin en mémoire et portait un nom Majoral et le prénom anodin d’un tube de Balavoine. Souvenir d’une liqueur sucrée, à la finale abruptement âpre, qui m’avait fait abandonner l’idée d’y revenir un soir, même en fin d’une de ces vêprées glauques, qui font affleurer les désespoirs empilés…

Mais «Ce qui ne me détruit pas, me rend plus fort» disait l’ami Friedrich à moustaches. Alors, m’en allai retenter l’aventure illico!

Sera-ce divin ou Jurassic-marc?

J’avais cette phrase, idiome idiot, à l’esprit, quand, le front plissé et l’œil mi-clos, je me décidai à regarder le breuvage qui tremblait à mi-verre. J’essuyai à peine les rondeurs du crown-glass (spécialement taillé pour la circonstance, chez Leitz). La légère buée qui le nimbait, donnait à la mistelle, une opalescence qui fit place à la limpide brillance des ors ambrés et des calcites oranges – au bord du sang – parfaitement fondus, dès que la peau, tout juste tannée du Chamois de Ganevat, rendit au poli du cristal, sa liquidité première. Je levai le Graal à la santé du soleil finissant. Ses rayons rasants lasèrent la liqueur, qui diffracta mille arcs-en-ciels fragiles. Une robe à faire silence. Que je garderais plus volontiers au secret de ma mémoire, que l’hypothétique corps – fut-il de pur albâtre – qui aurait pu s’y blottir…

Quelque chose d’une tendre absence, me traversa le cœur…

Je fermai les yeux, embués à leur tour, et fit le vide. Je me fis nez, totalement. Plus concentré que le plus puissant des natrons Thinites, je me penchai. La fraîcheur de la cave donnait aux arômes un relief marqué. Dans l’ordre d’apparition sur scène, ce furent les fruits confits, l’angélique particulièrement. Puis la menthe et le citron vert saluèrent longuement. Le miel passa timidement. La menthe, au contraire, cabotine, n’en finit pas de s’étaler, fine et fraîche. Ils avaient attendu leur heure, pour mieux apparaître, en toute puissance. Intimement unis, le cèdre, le genévrier, le cade, qu’encadraient pruneaux au jus et purs Corinthes, prirent le temps de faire belle révérence. Sur trois jours, le bouquet fut aussi changeant qu’une brassée de courtisans emplumés.

Le baume me prit la bouche, en un grand et long baiser. L’attaque fut étagée, tripartite! A parts égales, sucre, acidité et piment m’emmenèrent en Trinité! Une vraie sphère solaire pétrie de fruits confits, de sucre candi, d’essences apicoles, s’installa, indolente. Elle tourna et roula comme un derviche fou, avant qu’elle ne laisse percer par de fines lames acides puis trouer par le jus des piments rouges…

Beaucoup de précautions en fait pour vous dire que ça finit franchement «minéral»! Quand je dis que ça finit, ça prend son temps… Ça s’éternise, ça se dépouille tout doucement, comme la strip-teaseuse dont vous avez toujours rêvé…. Au bout du bout de la finale, le noyau poivré d’une mangue, longuement sucé, subsiste.

À la re-lecture, je me dis que ce Vin pourrait être à la chair, ce que l’Amour est à la pornographie!!!

Comme une Apothéose

 

EÉMOBERTILUCOÉENE.

AU SOMMET DU SAUT, LA DOUCEUR DU DOLCETTA DE L’AUBE…

 Fra Angelico. L’Annonciation.
 

 

  J’ai planté quelques bulbes de «Vinum bonum laetificat cor hominis», oubliés depuis le crépuscule des Temps, au fin fond des greniers redondants de ma vie moderne. Dans mon Jardin Secret. Là, à l’abri des vapeurs méphitiques qui me nettoient le cervelet – à le rendre transparent, fade et mimétique – luttant contre les forces contraires et submergentes des «FrontsdeBoucs» et autres «Twoisillons» anémiés, qui gazouillent à perdre becs et ongles, le long des allées convenues du «conformisme à la mode» (magnifique pléonasme en fait si l’on y regarde bien), parcimonieusement arrosés par les eaux tièdes des fleuves malingres et déminéralisés de la Précaution et du Bien-Penser associés, ils se réchauffent difficilement au Soleil mourant du tissu social bafoué. Ils croissent petitement, assourdis par les croassements assourdissants des «Winners» conquérants, et les puérils enchantements des «Datings» à la petite minute. L’Univoque Médiocrité des Petits maîtres à gouverner, pèse de tout le poids mièvre de sa puissance affichée, sur leurs jeunes coques sidérées.

Surmonteront-ils ces épreuves harassantes, et remettront-ils au jour, la joie de fouler encore les chemins de traverse, contre miasmes et diarrhées? Leurs enfants que j’espère rebelles, le vivront peut-être un jour, tandis que depuis quelques lustres, siècles ou millénaires, je sucerai la racine des derniers pissenlits à disparaître…

Je leur souhaite néanmoins, de connaître encore longtemps, les petites joies des vents coulis, des ruches prolifiques et des baisers soyeux.

Pendant ce temps – que les Itinérants de la Com hystérique déchirent à coups de quenottes, blanchies sous les brosses à reluire – quelques obscurs s’accrochent à leur amour du vin, comme autant de papillons téméraires face aux vents mauvais de la déréalisation ambiante. Sur les pentes abruptes des collines Piémontaises, le Sieur Sottimano «Ti amo imo pectore », soigne les enfants de sa vigne. Les chants cristallins des rouge-gorges amoureux, ponctuent sa tâche, de leurs ariettes mutines. Les rangs anciens de «Còtta», pointent vers les cieux leurs griffes crochues, que les premières feuilles fragiles, adoucissent. «Cùrra», et «Pajoré», chenus, courbés sous la mémoire de leurs vendanges passées, remontent au bout de leurs bras raccourcis, la sève nouvelle, puisée tout en souffrance (la vigne est de «culture» Judéo-chrétienne…), au tréfonds des sols avares. La nature vit sa vie, lentement, comme il se doit… Je ne connais pas Andréa, si ce n’est, ce que m’en ont dit mes amis, dont un sang mêlé (mi-bouchon-Lyonnais, mi-Corléone) et un amateur à poil doux, absolument fiables. Or donc, comme je les aime, je les ai crus, et j’ai pris leurs dires, pour amour comptant. Or donc bis, un homme fin, généreux – même plus que très – simple, qui vous invite à la table familiale, s’il vous sent sincère. Goûtez ses vins, ils vous en parleront.

La sinusoïde fleurie est mon chemin préféré et ce sera ma seule concession à l’attitude scientifique! École buissonnière et fourrés, fourrés de nids de plumes d’oiseaux et d’oies blanches, chemins de traverse qui vont droit aux essentiels. Contre-allées latérales, qui ne quittent pas le droit chemin, mais le bordent et jamais ne le prennent. Flâneries au ralenti, versus le temps des impatiences fébriles, des priorités et du rendement, sans engagements réducteurs, sans chapelles révérées, sans gourous enamourés. À la recherche effrénée mais lucide, d’une Liberté qui se refuse, d’un idéal, dont la force est d’être à portée, mais jamais tout à fait…

Mais il est temps de me lancer à la conquête du «Sommet du Saut» – traduction, vérifiée es-qualité – du dialecte Piémontais «Bric del Salto», qu’Andréa me donne à boire en Dolcetto d’Alba 2008. Petite douceur de l’aube? Je n’en vois qu’une, la hanche ronde et douce sur laquelle ma main au ralenti, aimerait à se poser tendrement, au réveil.

Les étiquettes d’Andréa sont sobres, pas du genre «je m’la pète comme les œufs». Noir sur crème, et fin liseré doré. Rien de très top-tendance-nom-original-à-la-con! Une sobriété, qui laisse au vin tout son mystère. Et rien de tel que le mystère, pour me fouetter les sens et l’imagination. Le congé doré, qui ajoute au charme discret de ce flacon Buñuelien, me pousse, à ces rêveries indolentes que les siestes estivales inspirent.

Sur le terroir de Neive, les très vieilles vignes de dolcetto, donnent à la robe de la douce, une profondeur pourpre intense, dont hélas manquent bien des regards, plus proches des janthines pélagiques à flotteur muqueux, que des yeux mauves de Madame de Guermantes. Ainsi va le monde, qu’il faille chercher la vie dans les yeux du vin… Discrets, introduisez-vous dans ces soirées «Wine-victims» qui sont au vin ce que le Rap est à Fauré et rassasiez- vous des jacasseries branchouilleuses des caracoles charmantes, somptueusement souquenillées, qui pullulent en ces lieux sans âme, et polluent la Toile de leurs remarques insipides et de leurs commentaires creux. Dans les rangs des vignes, au soleil déclinant, quelques pies à queue noire jacassent elles aussi. Elles se jettent-set-et-match, aussi niaises qu’affamées sur les gouttes d’or, que le soleil joueur, pose sur les tiges folles des herbes mouillées.

Un vin de mûre, sous les deux appendices, puis de cerise et de fruits rouges en foule, avec une myrtille, une seule au bout de l’olfaction et de la bouche – goutte subreptice d’acidité – qui perce la trame d’une matière conséquente, du bout de sa vivacité. Un jus fluide, glissant, qui imprègne le palais du bonheur de boire. À l’avalée, étrangement le vin est en suspens. La finale est remontante, riche de tannins serrés mais mûrs qui gratifient la bouche, après que la réglisse a passé, d’une légère et élégante amertume.

Au sommet du saut, le temps s’arrête, l’athlète suspend son vol et tutoie les Anges.

Comme s’il entrait en éternité…

Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices !

Suspendez votre cours :

Laissez-nous savourer les rapides délices

Des plus beaux de nos jours !

 

ESAUTMODETILANCOGENE.

SUR LES AILES DES ANGES…

Ange. Anonyme.

Stan déroule ses notes de soie feutrée, qu’une touche de raucité exalte. Oscar, petite boule accrochée au piano l’accompagne, le sert, avant de partir dans la côte, d’un seul coup de rein… Ça feule autour des larmes d’ivoires, c’est d’une tendresse exquise, ça me remue la moelle de l’âme. Lionel et ses gouttes de cristal, musicales, tendues et rondes à la fois, comme les plus élégamment équilibrés des grands blancs que la Bourgogne permet. Comme les caresses réitérées du beurre tiède de la pulpe de mes doigts, sur la hanche ronde de l’amour de ma vie, endormie…

Dieu que c’est beau et bon!

Que de mois, que de jours, que d’heures, que de secondes. À espérer, à rêvasser, à bailler, à vrombir, à fulminer… Aux souvenirs d’organsin d’une peau tendre envolée. Aux fumerolles d’encens. Aux fragrances intimes. Collés à l’âme, soudés à l’os. Qui vous persillent la chair. Des stigmates opalescents qui marquaient ma conscience trouble, de la ressouvenance tremblée de cette silhouette à nulle autre pareille, de la pivoine tendre et de l’émail de son sourire. Comme une lente désespérance qui n’en finissait pas, qui se traînait, éprouvante, délétère, acide comme un mauvais vin, comme une messe à l’envers, comme une eau de tribulation…

Jusqu’après le neuvième cercle des pires géhennes,

D’où l’on ne revient jamais plus,

Je m’étais perdu.

Là-haut, sans doute me contemplaient-ils? Pures énergies d’amour, vortex sublimes, ils souffraient de mes affres et me soufflaient le chemin que je ne voyais pas. Tout ce temps, Geburah pesait sur mes épaules, de l’atroce et juste accablement qu’exercent les Maîtres du Karma.

Plus lourd que ça, tu meurs!

Alors, dans un revirement des destins dont ils ont le secret, les Anges fulgorèrent. Ce fut au prix d’autres douleurs, que cessa l’insoutenable solitude des cœurs. En ce printemps que la terre n’en finissait pas d’accoucher, le bleu tendre de mes ciels intérieurs s’illumina doucement, en prenant son temps.

Peu m’importait maintenant qu’il plût, tonne et vente!

Je retrouvais le pays du grand beau…

Il paraît que les Saints sont de Glace en ce début mai? Du Beaujolais aux terres Oriennes, en croisant les Roches jumelles au passage de Fuissé, ils seront carrément coagulants.

L’Auberge de Clochemerle, au creux de Vaux en Beaujolais est un havre de finesse et de bon goût. Delphine est en salle. Longue comme un bambou blond, sans jamais trop en faire, elle ne vous reçoit pas, mais vous accueille. Les nids fleuris qu’elle vous propose (Gentiane, Camélia, Orchidée…) sont de vraies plumes de tourterelles qui vous poussent à roucouler. En cuisine, avec son air d’ado pas fini, Romain Barthe (une homonymie pareille ne peut que vous rendre subtil…) est à l’assiette ce que Chopin est à Beethoven. Faites lui confiance, il vous promènera les papilles le long de ses secrets. Cela s’appelle le menu «Plaisir». Voyage inventif, dont chaque étape vous dévoile un peu de ses arcanes. Tout y est finesse, grâce et subtilité. Aux antipodes de la barquette pour cosmonaute et/ou des luxes gustatifs habituellement révérés, vous finirez – oubliant (mais pas vraiment..) les charmes de votre compagne – par fermer les yeux, bercés que vous serez, par la salsa des croquants, le tango des moelleux, la valse des soyeux, le «molto vivace» des épices, furtives et troublantes, qui mettront vos sens en lévitation. Pour revenir, sur la terre souvent trop ferme des additions massives, sachez que les prix vous renverront aux temps anciens d’avant l’Euro… Et que dire des vins qui promeuvent à prix doux, les plus beaux Crus du cru? Un Morgon «Javernières» 2008 de L.C Desvignes, à la chair conséquente, aux tannins veloutés et au glissant crémeux, se roulera avec finesse entre les plus délicates des textures qui n’en finiront plus de vous complaire. Lorsque vous regagnerez votre nid de plumes, au détour d’une fenêtre basse, en attendant mieux, les mamelons assoupis des collines avoisinantes vous souhaiteront bon repos.

Après une petite halte froide et pluvieuse à Fuissé, le pèlerinage se poursuit en Côtes de Beaune. Saint Romain, haut perché au pied de ses falaises, vous accueille. Plus précisément, c’est à la Maison d’Hôtes de la Corgette que vous prenez vos quartiers de presque hiver. Impressionnante la maison, aux chambres perchées comme des refuges au plus haut d’escaliers, dans le dédale desquels, les enfants que nous fûmes, auraient aimé avoir pu jouer. Véronique double-nom, presque sosie de Sharon Stone, règne en douceur sur les lieux et surtout – et cela est de haute importance – sur les petits déjeuners gourmands…

L’heure est aux replis, tant le temps ne veut pas. Pluie et froidure. Les Saints qui sont aux seins ce que l’esprit est à la chair, sont proches de l’apostasie! La Bourgogne a ceci de spirituel, qu’elle vous offre ses caves, sombres comme des cryptes anciennes et plus nombreuses que raisins sur vieux ceps bellement conduits. Quoique enténébrées, elles vous illuminent le cervelet, tant l’accueil qu’elles vous réservent… le plus souvent, est discrètement chaleureux. Vous n’en abuserez pas, parce vos moyens sont à la mesure du temps des pèlerins pauvres et que les vins par ici, quoi qu’on en dise, ne sont pas ordinairement bradés. Alors vous en visitez deux, parce que ceux qui y élaborent leurs élixirs, qu’ils fassent Œuvre au blanc ou au Rouge, sont de vrais Alchimistes, toujours insatisfaits, en quête perpétuelle de leurs limites, de leur «Vin Philosophal». Cette improbable perfection, qu’au delà de leur humanité ordinaire, inconsciemment, ils recherchent. Ils ne sont que le «Chemin», sans jamais savoir, ce faisant, qu’ils œuvrent à leur propre évolution, plus spirituelle qu’il n’y peut paraître. Souvenez vous que la Bourgogne des origines, de Cluny à Citeaux, est terre de moine, au creux de laquelle la matière vise à retrouver le «Spiritu»!

Passé Chagny, vous côtoyez les merveilles…

Vous longerez, timides, les murets de pierres sèches du Montrachet, vous passerez Puligny la pâle aux murs d’ambre. Droit, presque tout droit, vous entrerez à Meursault dont les façades parlent d’opulence. Vous enfilerez la rue de la Velle, «la génisse qui veut?» pour vous parquer en douceur – à droite toutes – dans la courette étroite du Domaine Buisson Charles. Là, Michel, au sourire et à l’œil pétillants, au verbe mesuré et aux gestes lourds du poids discret des affections sans chichis, surgira de nulle part,. Puis Catherine, toute en courbes onctueuses, vous sourira du bout des doigts. Enfin Patrick, Essa voix grave, vous dira peu mais bon – l’œil bavard – ce que sa retenue peine à exprimer. Non pas qu’il ne sache – il sait le bougrot – mais parce que sa parcimonie sans affectation, donne aux mots le poids qu’il faut. Sans que vous n’ayez rien vu venir, vous vous retrouverez entre verre et pipette, à faire la ronde des fûts. Le nez, la bouche et l’âme, au cœur des 2009 en élevage. Moment à plein temps, hors du temps. Rire et gravité, comme une métaphore de la Vie. Sûr que ce millésime, qui se met en place à son rythme, ce vrai rythme que nos empressements futiles ont oublié, sera beau. Toutes les cuvées du générique aux «Santenots», ronds et pleins de la chair des fruits mûrs des Juins à venir, auraient plu à Tchekhov! La brochette Murisaltienne – des (très) «Vieilles Vignes» au «Charmes», en passant le long des «Tessons», «Cras», «Bouchères», «Goutte d’or» – vous enlace en finesse, sans jamais chercher à vous séduire, façon «regarde voir comme je suis belle et bonne »! Vous retrouvez alors ce que Beaune et sa Côte peuvent donner de finesse de tension et d’équilibre, de richesse contenue aussi. Vous vous sentirez plus proche de l’ostensoir que de l’ostentatoire…

Les caisses au coffre, vous repartez…

Cette année, vous ne dépasserez pas Beaune, car elle vous a convié ce soir aux Caves de l’Abbaye dont les pilastres anciens s’enroulent autour de vous. François, Pascal et Aurélien, Maud aussi, que vous ne connaissiez ni d’Ève ni d’ailleurs, vous y ont invité. La Toile a voulu que leurs chemins croisent le votre. Ne résistez jamais aux surprises du Destin, vous passeriez à côté des essentiels, que nos futilités aveugles ne perçoivent que trop rarement. Vins prestigieux de vignerons nouveaux et assiettes de bons produits régionaux battent la mesure des échanges qui se bousculent, au portillon de nos curiosités mutuellement avides. Le Charivari Tohu-bohuesque d’une cohorte d’Américains en goguette, n’empêchera pas la bulle rose des amitiés naissantes de palpiter. Au cœur des agitations, comme un silence qui bat – soie fragile – comme un c(h)oeur unique. Comme une poudre chatoyante d’écailles de papillon sur les doigts d’un vieil enfant surpris…

Pas plus tard que le lendemain.

La pluie froide, compagne indéfectiblement fidèle du séjour, continue à vous clouer (à toute chose malheur est bon!) sous l’édredon. Il faut bien que vous vous en extirpiez pour gagner, l’après-midi avançant, Chassagne-Montrachet. Le Thibault Morey du Domaine Morey-Coffinet vous y attend. Ce sont des retrouvailles, que ce taiseux de Thibault vous offre avec délicatesse. Vous vous perdrez pour mieux vous retrouver dans les cryptes anciennes des caves du douzième siècle. Le long des impressionnantes rangées de fûts, pleins des jus en élevage de presque toutes les parcelles essentielles de Chassagne, vous écarquillerez vos mirettes de buveur halluciné, lorsque la faible clarté des lieux vous fera deviner – plus que lire – les noms des «Caillerets», «Dents de Chien», «En Remilly», «La Romanée», «Blanchots-Dessus», «Les Farendes», «Les Pucelles», «Bâtard Montrachet», en blanc et «Morgeot», «Clos Saint Jean», en rouge. Tout 2009 est là qui ronronne en silence sous les douelles. Alors vous aurez droit à la pipette infernale, celle qui enchante, qui ravit, qui comble, vos voeux les plus fous…

Oh oui, comme vous aimez que Bourgogne la Blanche vous emmène sur les chemins escarpés de l’équilibre. Qu’elle vous caresse l’échine du fil élégant de sa lame. De surcroît, vous rêvez que les fleurs d’acacia, d’iris, de tilleuls, vous puissent chatouiller les naseaux. Que vous avez exigeants et taillés fins. Qu’outre le nez, vous ne détestez pas que la chair mûre de la pêche blanche, voire le brugnon pâle ou encore la mangue et/ou l’ananas – mais en soupçons – vous tapissent sensuellement la chambre des plaisirs oraux. Qu’après cela, vous adorez aussi, que les épices fines, du côté de la menthe, du gingembre, de la réglisse (mais subtile et pure) et du poivre, blanc comme la craie sous la pente, s’allongent longuement, langoureusement, au-delà de la fameuse finale, dans votre gorge énamourée.

Mais Bourgogne la Rouge vous trouble tout autant. Du «Clos Saint Jean» au «Morgeot» vous voyagez dans les ondes rubis, des jus des plus frais des pinots. Vous passez du Yin délicat du Clos, qui célèbre la Burlat, au Yang plus sombre de la cerise noire du Morgeot, dont les jeunes tannins fougueux, vous mordent un peu les gencives.

Alors, pour sûr, vous vous dites, pantelants, que vous avez bien fait de pousser la porte de la caverne d’Ali-Thibault-Baba!

Le retour aux réalités quotidiennes, l’inévitable retour au bercail, vous surprend la veille du matin du départ…Mais vous avez eu bonne fortune sur ces terres bénies et vous n’y pouvez mais! Alors…

Et moi tout comme vous…

Le ciel vous accompagne, chargé des nuages sombres de vos regrets. Quelques éclaircies, subreptices, vous disent, que les cliquetis célestes qui vous font croire un instant que Lionel s’agite au fond de votre coffre – au passage des dos d’âne qui sécurisent les villages que vous traversez – vous parlent des petits trésors, qui illumineront, au fil des mois à venir, vos soirées ordinaires. Sur l’asphalte figé- mouillé qui vous précède, comme la vie que vous n’en finissez pas d’avaler, les reflets multiples des bohneurs récents, vous parlent déjà des joies et des épreuves qui vous guettent encore.

EDEOMOGRATITIASCONE.

CASTAGNETTES ET MANZANILLA…

Joan Miro. La mort du torero. 

  Soirée du Club AOC en ce 18 du joli mois de Février.

Brrrrr…

Autour de 20 heures, les rues de la ville sont quasi désertes en cet hiver têtu. Seuls quelques égarés frissonnent, le long des trottoirs glissants. Une bruine, fine et froide, huile les sols qui renvoient au ciel noir, les images déformées des bipèdes tristes qui se pressent, à petits pas précautionneux. La nuque ployée et le regard absent, ils dansent un ballet frileux qui les mènent, tressautants, vers la chaleur apaisante d’un foyer qu’ils espèrent tiède. C’est ainsi qu’ils les ont rêvés à chaque pause, tout au long de la journée. Dans le contrejour glauque d’un réverbère luisant, une araignée intrépide a tissé une toile fragile, que le petit vent nocturne agite mollement. Elle brille de tous ses minuscules diamants liquides, comme l’espoir d’un printemps proche. Les estomacs vides crient silencieusement, leurs désirs de viandes rôties et de légumes juteux. Les bouches, sèches comme de vieux cartons d’emballage sur le port d’Aden, font la carpe, à l’idée des vins glissants qu’ils imaginent, déployants leur fruit frais, sur leurs papilles racornies.

La soirée sera douce à ceux que la crise épargne…

Ce soir la maison Prunier, productrice de Cognacs sans concessions, nous accueille et Stéphane, maître des lieux, descendant flamboyant d’une lignée Bourguignonne tombée dans l’alcool distillé, mais qui mêle à ses gènes Oriens quelques mésalliances Belges – c’est dire que le bougre est fine gueule – fait les cents pas devant la porte. Je suis presque le dernier arrivé. La petite vingtaine d’habitués du Club, agglutinés comme moutons qui craignent l’orage, œil craintif et verres sous le bras, se réchauffe comme faire se peut. Le groupe est silencieux. C’est que l’affaire est d’importance!!! Pensez, affronter ces vins mystérieux, ces Andalous étranges, liqueurs de Soléras, secs comme les corps tendineux des toréros dans la poussière des arènes Ibériques, il y a de quoi inquiéter ces Charentais élevés au biberon rassurant du Bordelais tout proche…Quelques rires brefs se noient dans l’humidité ambiante. La seule femme présente est inquiète. La tension de la meute l’effraie. Elle glousse en rafales courtes et nerveuses. Fort heureusement la plupart des mâles sont coupés et les quelques rescapés sont hors d’usage ou sous calmant.

La horde s’ébroue puis s’installe en salle de dégustation…

Mais il convient un instant d’être un peu (mais pas trop longtemps) sérieux avant de se lancer dans le cœur de la dégustation proprement dite et de présenter la région, le vignoble et la méthode de vinification.

LE VIGNOBLE :

Le vignoble de Xérès s’étend sur une superficie de 10496 ha dans la province de Cadix, la plus méridionale d’Espagne, s’étend en forme de triangle de Xérès au nord à El Puerto de Santa Maria au sud et San Lucar de Barrameda et le fleuve Guadalquivir à l’ouest.

La région de Jerez de la Frontera a donné naissance sur sa terre calcaire, avec son air marin et son ensoleillement particulier, à l’un des vins les plus réputés d’Europe. Chaque année, plus de cent millions de litres quittent l’Andalousie occidentale pour les pays de l’Union Européenne. Plus au nord, la région de Montilla Morilles.

UN POIL DE GEOLOGIE PRUDENTE :

Le vignoble n’est ni homogène ni compact, il est le plus concentré dans sa partie centrale, au Nord-Ouest de Xérès où chaque colline porte un nom de vigne et non de cru qui ne renvoie pas à un vin précis, les vins de Xérès étant, comme en Champagne des vins d’assemblages. Mais en dehors de ce noyau de vignes là-bas célèbres et réparties en « pagos », comme Añina, Macharnudo, Carrascal, Balbaina, ce sont souvent des parcelles viticoles parsemées sur les croupes des collines en raison de la terre qui les accueille et donne aux vins sa qualité : l’albariza, marne calcaire pulvérulente blanchâtre, dont l’épaisseur peut atteindre 8 mètres et possède la particularité de constituer une réserve hydrique protégée par une sorte de croûte de 10 à 20 centimètres qui se forme à la surface par évaporation. Cette albariza est le plus souvent située sur les sommets des collines et sur leurs flancs, répartition qui explique la localisation des vignes, alors que les sols bruns profonds se concentrent dans les basses terres et sont plus propices aux cultures herbacées industrielles.

LA VINIFICATION :

Le goût particulier du vin de Xérès vient de la méthode de vinification employée. En effet, la maturation du Xérès se fait en présence d’air, dans des fûts de chêne. Il se développe à la surface une pellicule de levures appelée «flor», qui empêche l’oxydation du vin. Cette méthode est également utilisée dans la vinification du vin jaune(vin du Jura).

L’étape suivante utilise le système de la «solera». Trois rangées de fûts contenant le même type de xérès sont stockées les unes sur les autres. Dans chaque rangée, le xérès a un degré de vieillissement différent : en bas le plus vieux, en haut le plus jeune. Les vieux éduquent les jeunes…

Élevage en Soléras.

On soutire régulièrement de la solera (rangée du bas) environ un tiers de xérès destiné à la mise en bouteille. A chaque fois qu’on soutire un certain volume de vin, on le remplace par du vin du fût supérieur et pour finir, on remplit la rangée supérieure ou «criadera» avec du vin de l’année. De cette manière, le vin jeune est transvasé du haut vers le bas et est mélangé avec des vins plus âgés. Ainsi, les caractéristiques des xérès se maintiennent au cours du temps.

TYPOLOGIE ET APPELLATION :

Le vin de Xérès dispose de 2 des 60 DO (Denominación de Origen) d’Espagne : Jerez-Xérès-Sherry et Manzanilla-Sanlucar de Barrameda, 2 DO différentes mais avec la même vinification et le même conseil régulateur. Elles ont été les deux premières DO espagnoles, créées en 1933 et concernent seulement les finos.

Les VOS sont des Soléras «mises en route» depuis plus de vingt ans.

Les VORS ont elles plus de trente ans.

LES FINOS :

Les robes des Xérès.

Les Finos sont les moins alcoolisés (environ 15°), très secs et obtenus à partir d’un vieillissement sous voile (appelé «flor»), une technique également utilisée pour l’élaboration du vin jaune dans le Jura à partir du Savagnin. Une variante, les finos des environs de Sanlùcar de Barrameda, sont vendus sous l’appellation Mazanilla.

  • Manzanilla : Ce sont les plus légers des finos. Ils sont élevés dans les Bodegas de Sanlucar de Barrameda, petite ville côtière, où l’air marin apporte, dit-on, un plus incontestable à la qualité des vins. Ils ont parfois un petit goût salé qui fait penser aux olives. Ils titrent 15,5 à 17% d’alcool, comme les finos.
  • Manzanilla pasada.
  • Fino (très sec et titré à 15,5° en moyenne).
  • Fino amontillado.
  • Amontillado : Ce sont de vieux finos avec plus de corps et une robe plus soutenue ( topaze brûlée ). Ils sont très secs. A la dégustation on perçoit un arrière-goût de noisette. Ils titrent en moyenne 18% d’alcool.

Les Amontillados sont de vieux finos qui ont perdu leur voile (ils sont donc plus oxydés) et qui ont vieilli en solera. Ce sont probablement les plus riches Jerez avec les Palo Cortado, une autre variante à mi-chemin entre Fino et Oloroso.

LES OLOROSOS :

Les Olorosos sont plus alcoolisés que les finos (18° à 20°) et plus charpentés. Ils ont des arômes qui rappellent ceux du Whisky. (C’est d’ailleurs plutôt l’inverse car les meilleurs Whisky vieillissent dans d’anciens fûts de Jerez.)

  • Oloroso (franchement capiteux, jusqu’à 18°)
  • Medium
  • Palo cortado
  • Cream
  • Pale, pale cream, golden, brown sherry, etc.
  • Moscatel
  • Pedro ximénez

CEPAGES UTILISES :

  • Palomino Fino
  • Muscat, Moscatel en castillan
  • Pedro Ximenez

OUF, voilà qui est fait.

(Puisse cette modeste mais nécessaire compilation – je l’espère sincèrement – satisfaire les amateurs sérieux, autant qu’elle m’a….)

Aude Jonquières d’Oriola. La chimère rose.

Passons enfin aux choses de la gorge et du cœur et préparons nous à célébrer ensemble, les Noces Rouges et Noires des vins de Xérès.

La porte de la salle une fois refermée, le silence s’installe, épais comme un Alvear P.X 1927. Les visages sont tendus. Les verres, alignés par trois sur la table, tremblent eux aussi. L’instant est grave et l’ignorance totale dans laquelle baignent les impétrants, distille subtilement – et c’est bien la moindre des choses pour des Cognaçais purs «Grande-Champagne» – la peur primaire. Les sourires figés font les visages benêts. L’air est âcre, les aisselles aussi.

Tous ou presque regrettent d’être venus.

En ces temps où le paraître est essentiel (sic), il importe de n’être pas surpris…

Je me régale. De rien. De tout. Des images stéréotypées qui me traversent la comprennette. Les toréros exsangues, la Carmen énervée, le sable chaud, l’odeur des arènes, cet ivrogne d’Hemingway, la guerre d’Espagne, le grand Sud sec, le battement fébrile du cœur des belles quand la lame fine estoque le Minotaure. La mort sensuelle. Le rouge et le noir. Les américaines en pâmoison. Le halètement des corps exaltés sous les soies voletantes. La pupille de jais, les lèvres rouges. Autant d’orgasmes différés… Arriba Espana!!!

Pour illustrer cette région qui vit naître Flamenco et Corrida, rien de mieux que les vins de LUSTAU, l’une des grandes figures andalouses du Xérès au même titre que Gonzalez-Byass, Domecq, Sandeman, Croft, Bobadillo et autres maisons réputées.

C’est ainsi qu’entrent successivement dans l’arène :

LUSTAU Manzanilla «Papirusa» :

Un nez d’une rare générosité. Pèle-mêle surgissent sous mes narines fascinées, l’iode, les algues fraîches, le miel d’acacia, la poudre de cacao, le champignon cru, la pistache et la noix fraîches, enfin le poivre. En bouche la matière est à la fois dense, aérienne et d’une sécheresse absolue. En Véroniques ondulantes, apparaissent les fruits secs, l’amande amère, le noyau. La finale est longue, et persiste sur le sel iodé et les fruits jaunes.

LUSTAU Puerto Fino :

Un nez de «Chardonnay Bourguignon dans son vieil âge» pour Stéphane et je partage ce sentiment. Il y a quelque chose d’épuré, de retiré des tracas de la vie ordinaire qui transparait de ce très beau fino. Des arômes de sésame grillé au nez. En bouche, c’est une très belle matière lissée, puissante et fine malgré tout. Le vin est rond tout de réglisse, salée de vieux rhum et de badiane associés. C’est long et d’une fraîcheur régalante et pure.

LUSTAU Alvéar PX :

Une curiosité que ce Pedro Ximenez vinifié en sec. Des notes de rancio, une bouche qui laisse apparaître gras et fraîcheur. La finale, correcte, est une caresse de porto salé.

LUSTAU Palo Cortado «Péninsula» :

La première robe d’or ambré de la série. C’est l’eau de vie de cerise, le vieux pineau et la cannelle qui dominent le nez luxuriant de ce vin, à mi-chemin entre Fino et Oloroso. Toute la finesse aromatique d’un Amontillado alliée à la puissance, mais dans un demi registre, de l’Oloroso. La bouche, d’une rondeur que souligne un gras discret, est complexe. Amande, pruneaux, épices mentholées, jaillissent d’une matière, qu’une ligne acide équilibre parfaitement. La finale toute de café et de chocolat noir, laisse longuement en bouche, la douceur tendrement astringente d’un lait d’amande.

LUSTAU Palo Cortado Almacenista «Vides» :

Les Almacenistas sont de petites Bodegas indépendantes, «gardiennes de l’orthodoxie» qui travaillent leurs vins en partenariat avec les grandes maisons. «Vides» est le nom de la Bodega d’où provient ce Palo Cortado d’une quinzaine d’années à la robe d’ambre brun. De cette solera s’élèvent en vagues successives des notes de sel fumé, d’amande, de tourbe, de chamallow et de vanille. L’attaque est explosive, la matière est dense, fruitée, épicée. La finale laisse en bouche la trace rémanente et grasse d’une liqueur fraîche mais épicée.

LUSTAU Almacenista Amontillado «Gonzalès Obregon» :

Ce Fino del Puerto à la robe fauve délivre de francs arômes de mandarine confite, de Calissons d’Aix et de pruneaux au thé. En bouche c’est un demi-sec d’une grande finesse qui se livre généreusement. L’attaque est douce. Suit une belle vivacité qui aère la puissance indéniable de ce vin réglissé, aux accents de vieux rhum salé. La finale, généreuse, est subtilement anisée (badiane).

LUSTAU Amontillado Old Dry 20’s :

Une robe vieil or pour suivre. Plus de 20 ans «d’âge» donc pour ce vin aux arômes riches, de noix, de pruneaux, de torréfaction, de réglisse à la violette, de noisette grillée et de dragée. Le vin roule sa douceur en bouche avant d’exploser en vagues fraîches et parfumées. La poire confite le dispute aux notes épicées de zan, de caramel tendre et de cumin noir. La matière est dense et gouteuse, la finale interminable enchante le palais. C’est Carmen au sommet de la séduction.

LUSTAU Almacenista Oloroso de Jerez «Angel Zamorano» :

L’or «mahogany» de l’Oloroso brille intensément dans le verre. Un vin de mise à mort, doux et tranchant comme une lame, qui chante le désespoir des virilités qui s’affrontent. Un nez puissant et obsédant de whisky tourbé, de fruits fumés, de noix sèche, de noyau et de poivre, blanc comme le sol brulant des arènes. La bouche est riche et puissante. L’anis réglissée et les pruneaux macérés épicent le palais, comme le sang bouillonnant et épais d’un Minotaure, sidéré par l’estocade. Un bel Oloroso tout de sucre et de fraîcheur.

LUSTAU Oloroso Old Dry 20’s :

La robe d’acajou brille intensément, bien plus que mes sens passablement saturés…Le nez est aussi riche que les parures des plus belles Dames, alanguies sur les gradins surchauffés de mes arènes imaginaires. Du vin, s’échappent de chaudes fragrances de chocolat, de vieux cognac de confiture de prunes, de fumé et d’épices cuites. Le toucher de bouche est d’une douceur élégante et maitrisée. Courte promesse de félicité qui brutalement, déploie une acidité franche qui donne à la matière proprement somptueuse, un équilibre aussi aérien que surprenant. Le vin aux accents subtils de vieille eau de vie, de réglisse et d’épices, douces comme la paix des braves, est d’une longueur exceptionnelle.

LUSTAU Solera Reserva Moscatel Superior «Emilin» :

Un Muscat de Solera à la robe d’un brun foncé. Le nez est caressant et mêle des notes de crème de café, de crème de noix de coco, de céleri et de cacao. La bouche, fraîche et sucrée à la fois, ronde et dense, est une fantaisie moelleuse de figues sèches, de pruneaux juteux, de cannelle et de pêches jaune au sirop. Un vin de «dame» que les péones boivent en cachette

LUSTAU East India Solera :

Palomino fino et PX, pour la douceur. Les épices dominent le nez de ce vin, sombre comme les ciels menaçants, sous lesquels naviguaient les gréements en partance pour les Indes. Les tonneaux de Sherries, qui leurs faisaient ballasts, vieillissaient ainsi au gré des houles…Des notes de confiture de fraises, de fleurs et de vieux rhum s’y ajoutent. La bouche est d’un équilibre magistral, sucre et acidité sont fondus. Les raisins secs, les noyaux aux épices et la réglisse emplissent agréablement la bouche. La finale fraîche et longue, sur les champignons mouillés et crus, est surprenante.

LUSTAU PX «Murillo» :

Un vin noir, impénétrable et huileux. Le nez est très expressif, sur la crème de cassis, de mûre, sur le raisin de Corinthe, le coing, le miel, la rose, la menthe et la rhubarbe. C’est un sirop de vin qui remplit abondamment la bouche, riche d’une sève onctueuse aux parfums de pruneaux au café, de caramel au sel, d’épices douces, de cannelle, et de sirop de cabane. La finale s’étire à n’en plus pouvoir, tendre mais fraîche et laisse au palais un voile très fin de liqueur de cassis. Un «vin de méditation», comme disent les critiques inspirés, ou les toréros épuisés… dans la fumée du cigare d’après combat.

Les regards sont pensifs et les papilles sont roses malgré le nombre de vins traversés. On voit des sourires et des sourcils, froncés par la belle surprise, plus que par le mécontentement. Le voyage en «Lustau Country» qui se voulait dépaysant, voire aussi provocant que la cambrure outrée d’un banderillero en pleine extension, a conquis les gorges et les cœurs. Ces vins de vieille tradition peuvent souvent heurter nos goûts hexagonaux, parfois repousser les plus attachés à leurs habitudes viniques, mais jamais ils ne peuvent laisser indifférent.

Un temps j’ai caressé l’espoir d’interviewer Don Emilio LUSTAU

Une soirée à Cadix, plus précisément à Jerez de la Frontera. Une terrasse qui domine la ville dans la tiédeur d’une soirée, après une visite des vignes et des installations de la Calle Arcos. Un verre embué de LUSTAU Solera Gran Reserva Very Rare Oloroso Sherry « Emperatriz Eugenia » posé sur une table basse carrelée d’azulejos multicolores. La fumée odorante d’un cigarro monte, toute droite, dans le ciel vieux rose, tacheté de nuages translucides…

Mais Don Emilio est mort depuis des lustres et le Consortium qui lui a succédé ne fume pas les cigares, tordus comme de vieux ceps, qu’il affectionnait tant.

Las, le progrès est passé par là-bas aussi…

Alors, histoire de lui faire la nique, je me tourne vers le passé et Shakespeare répond aux questions qui me brûlaient les lèvres :

“Un bon sherris sack possède une double vertu : il vous monte au cerveau, vous sèche les sottes et mornes vapeurs qui l’enveloppent de leur crudité; vous rend l’entendement prompt, vif, ingénieux, riche d’une fantaisie pleine de subtilité, de feu, de charme; laquelle par l’instrument de la langue et de la voix donne naissance aux traits d’esprit les meilleurs qui soient. Seconde vertu de notre excellent sherris: il vous réchauffe le sang; lequel étant auparavant tout froid et rassis vous communiquait au foie cette blancheur, cette pâleur, qui est l’emblème de la pusillanimité et de la couardise; mais le sherris, lui le réchauffe et le fait circuler de l’intérieur jusqu’aux extrémités. Il vous éclaire le visage, et celui-ci, comme un fanal, sonne le tocsin pour tous les citoyens de ce minuscule royaume qu’est l’homme; sur quoi les troupes vitales et les petits esprits de l’intérieur se portent vers leur capitaine, le cœur; lequel, grossi et gonflé d’une telle escorte, accomplit tous les actes de bravoure : c’est du sherris que lui vient cette vaillance. Ainsi, l’habileté aux armes n’est rien sans le sack, car c’est lui qui la met en branle; et le savoir n’est qu’un tas d’or gardé par le Malin jusqu’à ce que le sack lui donne licence d’entrer en action et en usage (…) quand j’aurais mille fils, le premier principe d’humanités que je leur inculquerais sera de renoncer aux breuvages sans force et de s’adonner au sack.» (Henri IV, II, 4, 3)….”

 

 

EGRAMOCIASTIAMICOGONE.

LES LOUPS BLEUS EN GAMAY INCARNAT…

Michel Petrucciani.

 Quelque part, non loin du Pic – au pied duquel les loups se font velours, en cet Avril bleu – dans le jardin du chef de meute, les fraises sont en fleurs.

Deux cents cinquante kilomètres plus à l’Est, un vieil homme se meurt lentement, comme une bougie à bout de cire.

Tout est déjà dit…

Presque tous sont là. Amis de proche lointain. Pour certains, potentiels encore hier, les voici qui sortent des fils de lumière de la gaze virtuelle et s’incarnent. Enfin! Plus intimes, d’emblée, que nombre de familiaux infligés. La joie des retrouvailles se mêle aux plaisirs de la découverte. La transition est tellement brutale, entre la camarde qui rode à l’est et ces plénitudes qui hurlent leurs jeunes vies, que je me sens ivre, comme un condamné surpris par une grâce inespérée. La tête me tourne autant que mon cœur se gonfle. Éternelle ritournelle de la reviviscence. Flux et reflux. Entropie et néguentropie se croisent et s’accommodent. Langueur et allégresse. Le destin? La vie.

Joie et tristesse se fondent toujours en tresses douces…

Kade. Loups bleus.
 

 La louvetine ouvre ses mirettes aux éclats de noisettes, sur les humains qui s’ébrouent autour d’elle. Son père, c’est le loup roux nerveux, de la meute de la Grange Mythique. La petite louve Vénitienne, sa mère, aux crocs délicats, n’est pas loin. Elle est fine, douce, souriante, attentive et discrète. Dans la maison à flanc de colline, l’atmosphère est au partage et à l’amitié vraie.

Oui, je sais…

Un peu niaiseux tout ça? Pas très tendance FB-TWIT? Damned! Plutôt ringard comme un Bojo sans «thermo», un volcan éteint, un «people» au Pôle Emploi, un Grand Cru pas cher (oui, oui, j’ai connu ça) à Bordeaux et ailleurs…

La Grosse-Soirée-Mythique approche, les condamnés piétinent. Les frères Feuillade du Domaine Mirabel arrivent sur la pointe des sarments. Le caviste-V se fait attendre. Un tendre-dur celui-là. Impressionnant d’exigence le verre à la main. Analytique à-donf. Accompagné de sa dure-tendre, que le temps et les vins finiront par relaxer à fleur du fond. Le cycliste Ardéchois, monté sur caillettes et sa femme très aimante, ronde comme une lune à son meilleur, les bras chargés de victuailles roboratives, sont tout en franche exultation. Peu après le Paulo, tendre comme une rosette mûre, pointe son poil ouvragé et le bout de ses rondeurs naissantes. Sandra la longue, gracieuse comme une gazelle aux yeux pers, l’accompagne. Silencieuse, efficace et belle, comme Naples au printemps.

A chacun sa vache! En Égypte, c’est plutôt le chat que l’on vénérait. Ce soir il n’a plus d’Égyptien que ma fantaisie. La Suisse l’a fait «Milka». Et c’est de fait un chat, plutôt Libanais, qui ferme la ronde. Comme à son habitude, il regarde, observe, scrute le plus souvent et reste à peu près silencieux. L’important chez le «Châ», ce sont les yeux. Clairs, vifs, limpides, ils vont et viennent sans cesse, couvent et caressent à l’envi.

Le temps vient enfin où le loup roux, fébrile comme vierge en Mai, fait son relou. Il n’en peut plus d’attendre. En quelques traits à peine adoucis, il met vigoureusement son monde en place et inflige les consignes. L’heure de la ronde Beaujolaise est venue…

C’est le millésime 2005 que l’on va mirer, humer et bruyamment dérouiller.

Elles sont onze les belles championnes et une traitresse, parmi elles cachée. Le silence que poisse un peu d’anxiété, s’installe et bruisse des petites angoisses de chacun. À la baguette, le sourcier du Pic, sourcilleux et tendu, toise l’auditoire. L’atmosphère est plus concentrée qu’un Gourt de Mautens 2003! Tous s’humectent les papilles à l’eau de source, comme des nageurs avant une finale olympique. Ça ne moufte pas, ça crachouille un peu, ça se racle les papilles, ça déglutit, de stress plus que d’impatience.

Le Maestro pointe son auriculaire droit, comme un Paganini sous coke… Il fait taire les cuivres et réveille les violons.

Et la farandole des Gamay commence.

Les jus grenats, vieux rose, violets, légers, moyens, profonds, insondables, roulent deux par deux dans les verres. Dans l’air saturé, les phéromones de tous âges se frôlent, s’enlacent et se mêlent en vrac, aux fragrances épicées, florales et fruitées des vins. Des orgasmes silencieux s’organisent en secret dans les cerveaux reptiliens surchauffés. Ça renifle à qui mieux-mieux, ça se pâme, ça glaviote, ça postillonne tous azimuts. Bientôt, les feuilles de notes, rigoureusement éditées par le Gravetteux du Pic, évoquent la plus pointilliste des périodes de Pollock. Les tranches de pain Ardéchois épongent régulièrement les gencives momifiées par les tannins. Ça clapote du bec, ça se rince à l’eau fraîche, ça opine du chef, ça fait la tronche en biais, ça grimace, ça fait des «hou là là!», ça sourit à Bacchus, ça se gratte la couenne, ça se rassure dans l’entrejambe, ça tremble sous les plexus… Le temps passe et plus les vins descendent, plus je monte. Je m’abstrais de temps à autre (me faut vous dire que les dégusts marathon à l’aveugle, c’est pas trop mon trip…) Je regarde, l’œil torve de droite et de gauche. Dans l’auditorium intime de ma tête légère, j’écoute Michel Petrucciani dérouler ses notes de Lalique sur les ivoires d’un piano imaginaire… Les yeux des femmes sont au vague et les embruns mousseux colorent leurs lèvres, rouges de Gamay…

La fée capillarité a fait son oeuvre et les vapeurs conjuguées des Chénas, Juliénas, Morgon, Moulin à Vent, Fleurie et autres Côte de Brouilly m’arrachent à la réalité. Michel me fait une place au piano, là-bas, très loin dans les nuages roses que survolent quelques Jumbos aux grands yeux humides. Son menton frôle les touches. Il est tout en noeuds, comme un cep chenu. Vissé de traviole, comme une cheville trop tôt vieillie. Enfermé dans ce corps de coquâtre en douleur, il ne semble pas l’habiter, pas vraiment. La grâce est ailleurs, dans ses yeux. Ses douze mains démesurées, caressent le clavier comme d’élégantes et douces aranéoïdes glabres. Je lévite, je flotte sur les croches et les noires qui roulent en vagues, plus longues que l’interminable finale du vin divin, que je ne boirai jamais…

Mais le Capo, inquiet de mes absences silencieuses, m’a ramené du fond de mon verre. Le temps est au verdict, aux résultats, au classement, à Descartes au pays des nuances… Le bougron n’en finit pas d’additionner, de diviser, de psalmodier, dans une langue borborygmique qu’il est le seul à comprendre…

La sentence tombe : 12, 5, 9, 8, 1 !

 En clair : Le Moulin à vent «Vignes Centenaires» de Diochon l’emporte. Suivent dans l’ordre, le Morgon «Côte du Py» de Foillard, le Juliénas «Grande Réserve» de Granger la cuvée «James» de J.M  Burgaud et le Fleurie «Les Moriers» de Chignard. Le pirate à l’oeil noir – Cornas «Les Côteaux» de Robert Michel – vin encore sévère, serré comme une cerise dans son bocal, aux arômes de graphite et de goudron, à la matière conséquente, dans son bois prégnant, au café cacaoté – les talonne. Le Moulin à Vent de Janin est mort de bouchonnite aigue, les autres, que le vinaigre attire avant l’heure ou affublés de bois exotiques pommadés, ont succombé sans gloire. Les «Roches Noires» de Jadot, le Chénas de J. Georges, sont restés dans le ventre mou du classement.

Paix à leurs jus…

Les tensions se sont enfin relachées. Finie la compét! Place à la table, à ses folies câlines.

La noce aux mandibules commence.

Les vins (chacun avait apporté son meilleur), j’avoue les avoir oubliés. Mais la terrine de Saint Jacques, la sauce et les petits radis rapés de la louvette – tout comme le rizotto aux truffes du Paulo Transalpin – m’ont laissé en mémoire le souvenir croquant et goûteux d’une parenthèse de plaisir intense… Les très beaux fromages Hélvètes aussi. L’un d’entre eux surtout, mûr à point, qui souffla, à ma voisine de gauche, quelques commentaires de droite, aussi puissamment scabreux que fort à propos du bout du rectum!

Dans mon verre, sur la terrasse, au bout de la nuit, Le Porto Quinta do Vésuvio 1995 , floral, élégant, soyeux et long comme une extase orientale, répond aux étoiles, qui piquent le ciel pur jais de cette nuit d’Avril, de leurs scintillements complices.

Dans les tréfonds obscurs de ma conscience, la paix, comme un chat Italien, quand il a sa souris et son lait, «Corconne»…

 

 

EMAMORITILOUCONE.

LA ROYCE DU ROL…

Henri-Alexandre-Georges Regnault Salomé.

 

«Rol» comme Rolle et Royce à la fois. 36 comme «Quai des Orfèvres»? Un vin d’hommes, oxydés par la vie??? MMI pour donner, sans que ça se voit trop (tu parles Dupéré-Barrera!), le millésime… Encore un de ces iconoclastes, empêché d’être et de se dire, par les très « draconiennes » lois du vin.

En tout cas on ne l’a pas empêché de respirer pendant son élevage, il a même bouffé de l’air à satiété, comme tous les oxydatifs, adorés par d’aucuns, abhorrés par d’autres.

Du côté des narines, noisette furtivee qui devient noix, cannelle, pêche, raisin sec, rancio, abricot sec… Au centre un noyau de pierre chaude qui contraste et structure les douceurs qui l’entoure. Un nez qui m’envoie rêver du côté des ventres tendres des belles Odalisques Orientales. Tout évolue, roule et s’enroule. C’est maintenant, Cognac, Pineau et Xérès qui me traversent l’esprit.

A l’aveugle ce vin en troublerait plus d’un…

Quand le contact se fait plus intime, c’est une « bombe » en bouche. Le silex, les fruits et les épices dansent au Palais. Quelle présence!! Un très sec qui a tout d’un moelleux…Certes la vie n’est que séparations, il faut toujours que l’on quitte. Mais tout départ laisse une trace.Et les silex de nos enfances, ceux que nous frottions patiemment pour que s’embrasent les herbes sèches, illuminent langue et papilles, de mille étincelles qu’adoucissent ensuite les épices douces, la réglisse et les fruits confits. Une beauté.

Mourir pour mourir, puisqu’il faut bien mourir, Rol appelle le cigare, autant qu’Yseult espérait la voile blanche…..

 

EMOROLLTIOVERCONE.

QUAND L’EUROPE SE FAIT MOELLEUSE.

Shoji Sekine Portrait d’un garçon. 

 

Que ceux qui n’aiment pas les abricots ne lisent pas ce qui suit…

Le temps s’est mis au trop beau d’un coup…

Les fumées corrosives du volcan d’Outre-Septentrion se dissipent dans le ciel superficiel des médias constamment affamés. Les champs sont beaux de tous les verts printaniers, saturés et changeants. Tout au long des truculences fleuries qui s’épanouissent, jusque dans le creux des goudrons fendillés des routes de campagne, les arbres déploient leurs coquetteries, jour après jour. C’est la fête aux pastels, le long de leurs branches que l’on ne verra bientôt plus. La terre, en cet hémisphère nord, fait la belle et recouvre ses rondeurs de ses sortilèges chlorophyllés. De nos agitations égotiques, elle n’a cure.

C’est dire qu’elle n’est pas rancunière…

Le Club AOC, en ce mois d’avril se réunit joyeusement en son Couvent des Recollets, pour sa dégustation mensuelle. Ce mois-ci à l’épreuve, quelques moelleux Européens. L’ambiance est moyennement studieuse, mais furieusement festive… Ça palabre sous les baobabs. Il me faut vous dire que les gaillards qui m’entourent, n’ont rien de ces amateurs tristes qui dégustent les vins comme des notaires Balzaciens. La ruche est bruyante, turbulente, joyeuse et gourmande.

Dans l’ordre de dégustation :

FRANCE :

Sauternes « clos des Remparts » 2005 :

Sauvignon-Sémillon-Muscadelle. Un vin délicat sur les agrumes, les épices et la menthe. Léger, équilibré, frais, une gourmandise.

« Clos Dady » 2005 :

Mosaïque de 11 parcelles de vieilles Vignes, il ne donne que 2 à 3 verres par pied. La matière est plus dense et remplit la bouche d’un jus prégnant qui finit fraîchement sur des notes fines de mandarine.

Pacherenc du Vic Bilh Berthoumieu »C de Batz » 2003 :

Au nez, ce gros-manseng délivre des notes jasminées que suivent en bouquet des touches de thé, d’orange sanguine, d’amande fraîche, de chamallow, de poivre blanc et de muscade râpée. La bouche, toute de confiture d’abricot épicée, est tendre. C’est correctement long et équilibré.

Quart de Chaume Baumard 1976 :

Bel or à reflets verts pour la robe de ce vin d’âge respectable. Le nez tutoie le riesling avec ses notes pétrolées, auxquelles succèdent la terre sèche, la propolis, la pâte de coing, le calisson, la noix fraîche et le zan à l’anis. La bouche est grasse et ronde, pulpe de coing et d’abricot en dentelle de rancio. La finale, longue, reste joliment acide.

AUTRICHE :

Martin Pasler Muscat Ottonel 1999 :

Un Trockenbeerenauslese, une VT qui titre 10°. Une robe jaune ambrée pour ce concentré de « litchi », de miel, muscaté bien sûr. Se joignent à la sarabande, les raisins au rhum, l’encaustique, le toffee, la menthe, la réglisse, la marmelade d’orange….ça évolue sans cesse. Le silence règne dans la salle d’école, ça plait…unanimement. La bouche, longue comme un discours de prélat cacochyme, est une explosion de joie qui mêle le thé au coing et à l’abricot juteux, c’est infiniment long et frais.

Martin Pasler Chardonnay 1999 :

Auslese cette fois. La robe d’ambre et de cuivre, splendide, luit dans le verre comme une cuirasse Romaine (why not), un petit matin de bataille. Effluves d’agrumes, de figues confites fumées et de tabac blond, enchantent le nez et le disputent à la bergamote et aux cerises à l’eau de vie. La bouche est pleine de coulis d’abricot, de raisins secs et de liqueur de Thibarine. C’est long, long, très équilibré et ça laisse la bouche aussi propre que le plus vif des muscadets.

HONGRIE :

Château Pajzos 1993 :

Un Tokay 5 puttynos, furmint comme de bien entendu…La robe est claire, orange ambrée. Le nez, tranchant comme une lame de hussard, mêle aux épices, le pain du même bois, la noix de muscade, les raisins de Corinthe et le macaron. La bouche est fraîche, toute de marmelade d’orange et d’abricot mi-mûr.

ROUMANIE :

Murfatlar 1973 :

Un Sauvignon botrytisé, compagnon des agapes de la Nomenclatura « Causecienne »??? Sans doute… Sa robe est vieil or, traversée de reflets, verts comme le teint d’un vampire Transylvanien à l’heure où pointent les premières lueurs blafardes d’une aube hivernale. Dans le lointain, le galop étouffé d’un cheval aux yeux fous…. Du café frais au nez, puis du curry, des notes d’ortie(??), de miel et de cire. Dragées, pâte d’amande et café «itou», roulent en bouche. C’est gras, long et frais. 72h après, c’est encore meilleur, comme le souvenir, ému et frémissant, du baiser mortel de l’amant infernal.

Un peu lyrique peut-être?

Chacun jugera…

L’auteur réfute par avance toute contestation chagrine relative à la véracité des faits rapportés. Pour l’orthographe Allemande, il en va de même…

 

ESUMOTICREECONE.