UN GANEVAT GAGNANT PAS GAVANT…

  

 

  De «Chamois» ailés, en «Paradis», il fallait bien que J.F Ganevat, en totale exaltation, un soir automnal d’après son dur labeur, glissât sur quelques peaux de raisins oubliées, lâchât la bouteille de marc distillée par son papa – qu’il ne faisait que regarder – se souvenant de son jeune âge… et que – enfer et damnation – celle ci tombât dans une cuvette de jus de Savagnin fraîchement pressé.

Le temps s’arrêta au cadran de la Jurassienne, tandis que Jean François, estourbi par sa chute, le crâne historié d’une bosselette zinzoline, se reposait, un peu éteint, quelque moment. Au réveil – difficile – les tempes vrillées par un tire-bouchon virtuel qui semblait vouloir lui manger les yeux de l’intérieur, fou à Rotalier, il contempla ce qu’il prit pour un désastre. Une bordée de jurons du cru lui remirent les yeux en face du bouchon.

Il comprit qu’il était temps de se glisser sous l’édredon…

C’est ainsi que cette «Apothéose», faite Macvin, vint au jour dit-on. Certes, je n’y étais pas, mais c’est ce qui se dit dans les caves, par là-bas, à voix basse… Sûr qu’un montagnard qui a fait ses classes en Bourgogne, ça fait un peu désordre en ces contrées reculées. Certains autochtones, gardiens des traditions immémoriales, n’y cultivent-ils pas l’art des sonneries à l’Olifant, les soirs d’après dégustations un peu longues? Il paraît même que le Juraco-Bourguignon et le dégustateur-sonneur aiment à faire le bœuf togetheurs.

Légendes, médisances, jalousies?

Rien de bien grave ou très méchant là-dedans. Une bien belle anecdote croquignolante et locale, qui nous change un peu des courses à l’échalote Élyséennes, dont les médias complaisants, nous bourrent les esgourdes, à longueur d’images proprettes. Autrement croustillant, que les frasques Jet-Settées des grandes bringues falotes, qui dégoulinent leurs poitrails siliconés et leurs culottes sans chevaux, sur les couvertures glaciales, des mégazines insipides, qui formatent les cortex anémiés de nos enfants fragiles…

Bon et le Macvin dans tout ça?

Tout frais échappé de la cave, il s’est installé au creux accueillant de mon beau grand verre sensuel. La chaleur, brutalement, s’est abattue sur les vignes Charentaises. Une petite brise côtière frise les feuilles tendres des arbres nouveaux nés. L’atmosphère est calme en cette soirée douce, propice au flirt vinique. Macvin, macvin, mac qui aime à goûter avec moi les vins de nos fusions… Le premier et dernier croisé, au détour d’une soirée sans relief, m’est bien loin en mémoire et portait un nom Majoral et le prénom anodin d’un tube de Balavoine. Souvenir d’une liqueur sucrée, à la finale abruptement âpre, qui m’avait fait abandonner l’idée d’y revenir un soir, même en fin d’une de ces vêprées glauques, qui font affleurer les désespoirs empilés…

Mais «Ce qui ne me détruit pas, me rend plus fort» disait l’ami Friedrich à moustaches. Alors, m’en allai retenter l’aventure illico!

Sera-ce divin ou Jurassic-marc?

J’avais cette phrase, idiome idiot, à l’esprit, quand, le front plissé et l’œil mi-clos, je me décidai à regarder le breuvage qui tremblait à mi-verre. J’essuyai à peine les rondeurs du crown-glass (spécialement taillé pour la circonstance, chez Leitz). La légère buée qui le nimbait, donnait à la mistelle, une opalescence qui fit place à la limpide brillance des ors ambrés et des calcites oranges – au bord du sang – parfaitement fondus, dès que la peau, tout juste tannée du Chamois de Ganevat, rendit au poli du cristal, sa liquidité première. Je levai le Graal à la santé du soleil finissant. Ses rayons rasants lasèrent la liqueur, qui diffracta mille arcs-en-ciels fragiles. Une robe à faire silence. Que je garderais plus volontiers au secret de ma mémoire, que l’hypothétique corps – fut-il de pur albâtre – qui aurait pu s’y blottir…

Quelque chose d’une tendre absence, me traversa le cœur…

Je fermai les yeux, embués à leur tour, et fit le vide. Je me fis nez, totalement. Plus concentré que le plus puissant des natrons Thinites, je me penchai. La fraîcheur de la cave donnait aux arômes un relief marqué. Dans l’ordre d’apparition sur scène, ce furent les fruits confits, l’angélique particulièrement. Puis la menthe et le citron vert saluèrent longuement. Le miel passa timidement. La menthe, au contraire, cabotine, n’en finit pas de s’étaler, fine et fraîche. Ils avaient attendu leur heure, pour mieux apparaître, en toute puissance. Intimement unis, le cèdre, le genévrier, le cade, qu’encadraient pruneaux au jus et purs Corinthes, prirent le temps de faire belle révérence. Sur trois jours, le bouquet fut aussi changeant qu’une brassée de courtisans emplumés.

Le baume me prit la bouche, en un grand et long baiser. L’attaque fut étagée, tripartite! A parts égales, sucre, acidité et piment m’emmenèrent en Trinité! Une vraie sphère solaire pétrie de fruits confits, de sucre candi, d’essences apicoles, s’installa, indolente. Elle tourna et roula comme un derviche fou, avant qu’elle ne laisse percer par de fines lames acides puis trouer par le jus des piments rouges…

Beaucoup de précautions en fait pour vous dire que ça finit franchement «minéral»! Quand je dis que ça finit, ça prend son temps… Ça s’éternise, ça se dépouille tout doucement, comme la strip-teaseuse dont vous avez toujours rêvé…. Au bout du bout de la finale, le noyau poivré d’une mangue, longuement sucé, subsiste.

À la re-lecture, je me dis que ce Vin pourrait être à la chair, ce que l’Amour est à la pornographie!!!

Comme une Apothéose

 

EÉMOBERTILUCOÉENE.