Littinéraires viniques

MADAME DE LA VALLIÈRE A « RÉGNIÉ » SUR L’ABBÉ …

Pierre Mignard. Louise de La Vallière et ses enfants.

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Trente six ans au très strict couvent des Grandes Carmélites …

Louise de La Vallière s’y réfugia à trente ans, rue d’enfer (sic) à Paris, dans le clair-obscur de la Foi, quand Louis XIV lui préféra La Mortemart, plus connue sous le nom de La Montespan. Elle fut quelques années l’écuyère préférée du Roi Soleil avec qui elle partagea de très ardentes chevauchées et lui donna quatre enfants, quand elle ne jouait pas les Diane Chasseresse entre deux soirées musicales. Elle dansait aussi, « l’Amante Parfaite » dont parle Sainte Beuve, « celle qui aime pour aimer, sans orgueil ni caprice, sans intérêt ni ambition, et dont la sensibilité ne cache pas la fermeté de cœur ». Native de Tours elle connut et aima sans doute les vins de Touraine …

A vous faire rêver …

La vie aux Carmélites, ordre strictement contemplatif, n’est pas soulas à toute heure. Jeune, silence et prière y rythment, entre Laudes et Complies, l’essentiel des jours. On peut imaginer – sans faire insulte à la dame – que de temps à autre, Louise adoucissait son séjour en se régalant d’une larme de « Les Carmes-Haut-Brion » et qu’elle implorait ensuite longuement son pardon aux pieds de Saint Emilion … Le lendemain du jour que l’abbé à la longue figure, confesseur attitré des Sœurs du Faubourg Saint-Jacques s’en était allé rejoindre le Paradis espéré, vit arriver au couvent son remplaçant, un jeune abbé fin et racé, qui ne devait sa charge qu’à sa place de cadet de la famille. Louis-Étienne de Morgon, à la fougue retenue et aux longs cils palpitants, se mit à l’œuvre de confession. Entre les chuchotements postillonnant des vieilles nonnes édentées, le timbre clair et la charmante complexion de Louise de la Miséricorde, il eut vite reconnu sa préférence. Autant qu’il le pouvait, entre deux vieillardes, il aimait converser à petits mots murmurés avec cette jeune sœur à la peau de soie, qui ne s’en plaignait pas. Privée de musique profane – sa voix pure résonnait comme celle d’un ange à la chapelle – elle se régalait en secret des anecdotes piquantes que lui rapportait le jeune abbé, qui fredonnait parfois, feignant la contrition, les derniers airs de Lully, Pachelbel ou Purcell. Au risque de se damner pour l’éternité, il lui récitait encore, à voix douce des textes de Spinoza ou de Descartes, puis au retour, il priait des nuits entière pour son salut, expliquant à Dieu combien il avait peine à contraindre ses humeurs. Le soir, dans l’ombre de sa cellule par la fenêtre de laquelle la lune jetait un rayon pâle, Louise, psalmodiait elle aussi de longues et pantelantes oraisons, qu’entrecoupaient parfois, à son cœur défendant, quelques souvenirs émus et douces visions du visage glabre du bel abbé imberbe.

Une après midi qu’ils chuchotaient avant confesse, à la lueur grise qui sourdait de la fenêtre, l’abbé vit luire au fond d’un verre posé à même le sol, une goutte écarlate, pareille au Sang de Christ qu’il buvait à la messe. Louise surprit ses regards dérobés, et s’ouvrit à lui – rougissante comme rose au jardin – de l’agrément caché qu’elle prenait à déguster telle une chatte gourmande, mais rarement, quand un de ses proches la visitait, quelques gouttes de Carmes. Le jeune ratichon fut ému, lui qui natif de Morgon, était grand buveur extasié du jus des vignes de pur Gamay qui enguirlandaient les mamelons des rondes collines dodues de Morgon. Sous les amples plis de sa douillette, il lui fit don de maints flacons de ce nectar de « Régnié » qu’il affectionnait tant. Elle aima très vite la fraîcheur désaltérante et salivante de ce vin espiègle qu’elle cachait sous les pieds de sa paillasse. Ah l’abbé, ces belles collines du Beaujolais, si chères à son cœur, il les confondait parfois dans ses rêves avec les douceurs supposées de Louise, qui affleuraient à peine sous son habit noir de coton brut. Mais quand ils devisaient audacieusement autour des réflexions du siècle, des facéties de Molière, des beautés térébrantes de l’âme Racinienne, des petits portraits piquants de La Bruyère, et d’aucunes langueurs profanes, il prenait tendre plaisir à guetter le moment des longs soupirs qui enflaient, le temps d’une inspiration retenue, sa poitrine – qu’il rêvait affriolante – dissimulée sous les linges immaculés. Nul ne sut jamais, pas même les plus fins historiens, l’inclination muette qui les unit un temps, mais il est certain que Louise, entrée au Carmel dans un âge encore jeune, et bien que sincèrement éprise du service de Dieu, gardait encore au cœur et au corps, quelques traces en creux des passions du chemin. C’est que cœur et corps ont des raisons que la raison n’ignore pas, quoiqu’on ait pu gloser. Depuis des siècles. Madame de La Vallière, plus franche que nombre des penseurs qui la précédèrent et la suivirent, certes se refusa, ne serait-ce qu’à l’idée d’un possible, mais fut toujours lucidement consciente de ses inclinations.

L’abbé de petite noblesse quitta bien vite le Carmel, Louise et ses yeux doux, quand on lui fit promesse d’entrer à la Cour de Louis par la porte des petits soupers galants du soir. Le godelureau en soutane ne se fit pas prier, on s’en doute. Certes il ne fit pas la joie des Grands de la Cour, mais fit ripaille aux petits soupers des dames de compagnie et des courtisans de second rang. Il n’avait pas son pareil pour arracher aux bouches vermeilles des ingénues leurs petits secrets humides, et leur donnait bien vite rendez-vous, avec la mine gourmande d’un grippe-menu inoffensif, dans le silence de leurs alcôves. Un soir qu’il escaladait une accorte jouvencelle, il fut surpris dans le corps du logis, occupé à celui de la damoiselle, par un vieux barbon éructant qui n’était autre que le père de la jeunette. Ce ne fut pas un scandale, les mœurs de la cour étaient quelques peu dissolues, mais il ne faisait pas bon cependant se faire ainsi surprendre. L’abbé mignon fut renvoyé à sa chère province, et passa les restes de ses jours, qu’il remplit à honorer, au pupitre d’une paroisse de campagne, les paysannes belles en chair et peu farouches. Il ne manqua pas de célébrer le culte Divin, forces rasades de bon gamay l’y aidèrent journellement. Un soir qu’il remplissait les burettes pour la messe du lendemain, il s’éteignit comme bougie au vent, emporté par un coup de sang noir qui lui brouilla la vue.

Louise, soucieuse du salut de son âme, vécu le reste de ses jours dans l’attente des retrouvailles avec son Créateur, habitant ses heures à prier fortement. Dans le secret de ses conversations avec le ciel, s’évertuant à chasser les nuages de ses imperfections, parfois, le temps d’un soupir, les longs cils de l’abbé perdu lui caressaient – comme une petite dentelle – la joue …

Dieu qui n’avait pas oublié Bacchus,

L’accueillit en souriant.

Je ne sais pourquoi, mais ce soir je pensais, toutes papilles turgescentes, aux supplices séculiers que s’infligent La Nonne et Son Abbé, en repentance de leurs vilenies ordinaires, tandis que je me régalais – y’a pas de raison (!) – d’un « Vallière » 2010, appellation Régnié, joliment vinifié à la Beaujolaise (macération carbonique de sept jours sur raisins entiers), par l’ami Jean-Marc Burgaud sur ses terres de Morgon. C’est alors, qu’à l’insu de ma conscience de l’immédiat présent, ma plume se mit à frétiller ! « Frétille, ma fille, frétille, il en sortira bien quelque chose » me dis-je in petto. Lors, elle se mit à courir sur mon écran, je la laissai scribouiller ses pixels tremblants, tout occupé que j’ étais à « Carpé Diemé » ce beau jus vivant qui me mettrait, contre le cours lugubre des jours, l’âme en paix et le cœur en délices Et ce vin, qui pour n’être pas sombre n’en était pas moins grenat profond, brillait comme une idée généreuse dans le cristal fin que j’agitais, à l’idée d’un soleil couchant qu’empêcheraient les nuages … Oubliant le ciel rampant de ce mois de Juillet, je me dis que par le nez, peut-être aurais-je la prime aumône des arômes délicieux de ce vin sans façons, pour éclairer ce jour finissant ? Alors je plongeai le nase de mes engouements viniques sur la surface du vin qu’embrasait soudain Phoebus, d’un ses rais échappés aux cumulus dodus. La framboise fraîche dans sa robe de rosée matinale valait bien que je me fusse penché sur ses petits grains croquants que traversait furtivement la trace d’une fraise mûre. Pour suivre, roula dans ma bouche un jus primesautier et joueur, globe enlaçant qui me prit le bec comme un bécot sans lendemain. Puis bascule, passé la luette, le baiser me laissa au palais le souvenir tenace de tannins enrobés, bien mûrs, quasi imperceptibles. L’image de Louise en douleurs me traversa l’esprit.

Dans le silence du soir finissant,

Du fin fond des âges disparus,

Le souvenir d’un soleil brunissant,

Et la caresse tiède,

D’un zéphyr languissant,

Me consolent …

 

EGLOMORIAINTIEXCELSISCODEONE.

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A L’EXTASE, PEUT-ÊTRE …

Sous le regard ombré d’une sirène, par La De.

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©Brigitte de Lanfranchi – Christian Bétourné. Tous droits réservés.

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Très noires sont les eaux quand il s’y glisse et les fend.
Parfait, ligne pure à la proue effilée, il navigue, silencieux au-delà des profondeurs.
Une lame, la pointe,
D’une lance,
Au profond qu’il pénètre.

 L’émeraude s’est faite lapis, puis cobalt, puis encre insondable,
La lumière a fondu,
Sous les flots épais.
Trace ta route, tout sonar éveillé.
Dans tes flancs évasés,
Tu caches la mort
Aiguë, glacée
Inhumaine,
Adorée.

 Sous marin de la haine qui rôde en silence sous les strates empilées des vies

Depuis l’aube des temps effroyables, quand la vie balbutiait au sein des étoiles expansées.

Énergies brutes,
Puissantes,
Mortelles.

 Chairs éparpillées en instance de souffle qui gonflaient au silence des espaces sidérants.
Nul n’était.
Les vents terribles soufflaient.
L’avenir à venir lui même ne savait pas ce qu’il serait.
Je, tu ,il,
Imaginés, possibles,
Ni qui, ni quoi,
Pas même rien,
Qu’un silence,
A rompre les tympans.

 Les tempêtes extrêmes des matières pulsées par le souffle fantastique  de quelque volonté ?
Le hasard des éléments propulsés dans ce vide si long à se combler.
Les failles, les crêtes,
Les jets coruscants,
Aveuglants, terribles,
Les éclairs surpuissants,
Des folies,
A venir.

 Pas même Zemon, en ces temps d‘avant le temps, n’aurait pu imaginer,
Tant il n’était pas même,
L’espoir d’une palpitation, l‘atome d’un trognon,
L’ébauche d’un projet,
Encore moins une idée,
Qu’un jour,
Dans sa coque noire,
Parfaitement huilée,
Il me ravagerait.

 Quartz rose,
Améthyste mauve,
Brillez,
De tous vos feux
A l’extase
Crue,
Échappés.

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MOURIR TRÈS BEAU.

Le suaire vu par La De.

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©Brigitte de Lanfranchi – Christian Bétourné. Tous droits réservés.

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Je voudrais, voudrai, j’aurais voulu, eus aimé, aurais tant eu pu avoir envie de mourir très beau, parfaitement lisse sous la lumière,

les eaux, les os plus durs que les regards perdus.

Éperdu, tout nu, tendre venu vieilli, équarri, blessé d’avoir trop vécu de vies de pierres dures, aveuglé par les éclairs noirs des égofies satisfaits

trop lumineux pour retrouver la vue.

Éventrer, avant que la mort me prenne, les suffisances mornes, le pur étain des fatuités insensées.

Énucléer les cyclopes myopes aux ailes avortées qui s’écrasent mous et flasques, pantins factices, repus de vents odorants,

d’enivrements pitoyables et de tristesses inconnues.

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Sur les terres selfiques dédiées aux nombrils en extase, je m’allongerais, m’allongerai, aimerai pouvoir avoir la place de m’étendre, magnifique, étrange,

vêtu de peu, de peau bellement pleine,

de pupilles éteintes et le sourire vivant.

La mort me l’a laissé, sourire-soleil gelé, car elle est belle joueuse, elle aime le chatoiement

des amours mortes.

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Et je mourrai très beau

Claquant comme un flambeau

Et les vents seront doux

Et la terre sourira

Avant que d’éclater.

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Sous le soleil radieux

D’avant de disparaître

À l’horizon lointain

Des brumes déployées.

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Alors je m’en irai.

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LE GRAND BATTEUR

La foule des mondes de La De.

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Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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J’aurais aimé être un batteur de génie

Pour frapper en rythme sur les tapis Afghans

Le soir sous le soleil couchant

Quand l’œuf cuit à point

Par le long jour dévastateur

Meurt en murmurant et se liquéfie

Inondant les plaines noires

De sa liqueur d’orange pressée

A force d’être serrée

Entre les bras mourants des enfants

Pour battre la musique en neige

Au milieu des foules religieuses

Qui tapent en cadence effrénée

Au point ultime des paroxysmes

Exténués

Des désirs délivrés

Pour scander à force de baguettes folles

Les emportements des mondes irradiés

Au petit matin des désespoirs heureux

Quand les oiseaux crieurs révèrent le ciel

D’azur froncé, manteau de reine douce

Sous la lumière rasante, les montagnes mortes

Renaissant à rougir de plaisir

Et la peau souple des tambours du Burundi

Pour que vibre la sueur de l’Afrique

Qu’elle roule en flots salés

Sur les peaux vivantes et frémissantes

Des ébènes dressés.

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J’aurais tant voulu accompagner

Le vol des oies perdues au dessus des déserts

Me couler sous leurs ailes belles

Aux plumes écartelées

Tant aimé caresser du bout du bois taillé

L’incandescence des poètes oubliés

Dans les méandres amazoniens

Au sein palpitant des canopées bercées

Par les chants agressifs hurlés

En roucoulades envahissantes

Au-delà des crêtes brandies

Des myriades d’oiseaux

Chanteurs

Tant voulu battre le fer brulant

Dans le four incandescent des volcans

Eructant leur lave calcinante

Sur les flancs palpitant des femmes

Hystérisées par la musique cristalline

Des rus discrets

Au creux des montagnes cachées

Sous les strates empilées

Des civilisations invaginées.

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Battre la rage

Battre le temps

Battre le sang

Battre l’indicible

Battre les rangs

Des hommes fatigués.

AVEZ VOUS VU PASSER ?

Les Colombines enlacées de La De.

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Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Elle avait de beaux seins, à déchirer les chiens.

Du ciel tombant sur terre, des coupes de melons frais,

De fleurs dévergondées, de fraises déployées,

Abreuvent vos désirs, vos âmes assoiffées.

Sous la soie vacillante d’une blouse échancrée,

Regardez les qui dansent les deux lucifériens.

Les yeux écarquillés, les rondeurs dévoilées,

Les voici, deux qui valsent, dévalent et tournoient

Dans les salons huppés, les plus grands opéras,

Dans les plaines Tartares, aux confins de l’Oural,

Sous les yourtes de cuir, à pied ou à cheval,

Dans les petites joies de nos appartements,

Entre les mains fébriles de leurs plus beaux amants

Aux jardins des malheurs, aux portes du bonheur,

Repus comme des moines un soir de chandeleur,

Ils s’ébattent joyeux sous vos yeux décillés,

Sur la mer, enlacés, dans les flots bleus noyés.

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Elle avait de blancs seins à dévorer tous nus

A damner tous les saints, à tuer des vertus,

A mentir, à voler, à croquer, à mendier,

A prier éplorés, aux cierges accrochés,

Au pied des cathédrales, dans les sacristies noires,

A croquer des hosties, à briser l’encensoir,

Pendant, que balançant sous leurs voiles dévoilant

Ils obligent les prêtres à mourir à l’instant.

Dans la pénombre grise des matins épuisés,

Dolents ou révulsés, leurs veines éclatées,

Chauds comme des agneaux sous les draps de lin fin,

Opulentes collines, aux flancs de kaolin,

Découverts et brûlants, leurs pointes d’orange amère,

Dures, pures et saillantes aréoles des archères,

Leurs pulpes vanillées tendrement duvetées,

Aux chairs de lait caillé, aux peaux énamourées,

Tressaillent en soupirant et murmurent en priant

Des mélopées anciennes aux accents lancinants,

Ils disent leur tristesse sous le soleil de feu.

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Avez vous vu frémir les jumeaux aux yeux bleus ?

LE MOZART NOIR.

La madone aux cerises de Brigitte de Lanfranchi.

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©Brigitte de Lanfranchi – Christian Bétourné. Tous droits réservés.

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J’aime le Mozart noir, l’enfant de l’inconnu.

A l’ombre des théâtres les ombres dissolues

Les accords étourdis et le nuage sombre

Chargé des lourdes pluies noyées dans la pénombre

Sous les brocarts fanés les rancœurs éclatantes

De l’enfance niée. Les diligences mortes

Sous les galops furieux des palais effrayants

Les clavecins aigus derrière les dissonances

Les perruques poudrées des reines aux yeux dormants.

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J’aime le commandeur aux blanches mains de mort

Agrippées aux murailles et sa voix de stentor

Qui pourfend de sa lame l’insolence des mots.

Les trilles agaçantes des violons rendus fous

Le dies ire qui tonne et le ciel noir qui pleure

La poudre de riz vole et Salieri se meurt.

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Et les cerises rouges craquent sous sa dent.

 

L’ORCHIDÉE DISSOLUE.

 

Le bijou d’azur et d’or de La De.

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©Brigitte de Lanfranchi – Christian Bétourné. Tous droits réservés.

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Dans les nuages pleine nuit, elle est une île

En cape de palmes bercées. Sous la brise,

L’éventail déployé ondoie, scintille, rutile,

Longues tiges souples, feuilles frémissantes,

De beaux fruits rouges aux coques fragiles luisent

Et se balancent, indolents, charnus, innocents.

 

Dans le jour qui se lève, la mangrove s’agite,

La lagune aux émeraudes pilées palpite,

Sous le flot lumineux le bénitier en chaire

S’entrouvre et se referme, au gré de la marée,

Si faible que la lune en extase rechigne

A se cacher sous les sables d’ivoire fin.

 

Une île de beauté aux parfums enivrants,

Sur le rivage pâle de sa peau, en bouquets

Les gousses parfumées des vanilles bien mûres,

Le santal, la réglisse, le citron et le miel,

Au bord du ruisseau qui sourd entre les roches,

Curcuma, hibiscus, bouton de poivre rouge.

 

Je me suis allongé dans un hamac de chanvre,

Au levant le soleil pure bulle rose fraîche

Caresse l’île belle de ses langues oranges

Et ses parfums marins sous ses cheveux étals,

Et ça sent l’hippocampe au galop sous les eaux

Et les algues dansantes et l’huître ruisselante.

 

Dans ses lagons paisibles bleus en gueules d’or,

Aux volcans de ses seins, les aréoles s’étalent,

Au creux de ses aisselles, des fumèches d’encens,

A l’ombre des vallées, j’entends sonner la corne,

Au pied des orangers pleure le cacao,

Je passerais dix vies à enjôler son dos.

 

Mais la pluie a frappé ma fenêtre embuée,

Le vétiver est mort, la coriandre est fanée,

Sous ma joue écrasée, l’orchidée dissolue,

Dans les plis de mes draps le songe a disparu,

L’île, la belle ronde, comme un dauphin perdu.

VAGUES VAGUES.

Les regards vagues de La De.

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©Brigitte de Lanfranchi – Christian Bétourné. Tous droits réservés.

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Vagues vagues, trop lentes, poussées par la tempête, les vents soufflent violents,

Les fleurs en émoi pleurent le regret des printemps éternels.

Dans les creux éprouvants, bateaux en désarroi, écume dispersée,

Aux ailes arrachées des papillons blessés les soies opalescentes

Tremblent les sourires éteints.

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Les vagues sont mugissantes, sur les sables torturés, elles s’allongent,

s’étirent comme des chattes lunes,

pantelantes,

essoufflées, harassées.

Le vent est à la hune.

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Chevaux légers des vertes mers hennissantes.

Friselis collants sur les terres déployées.

Au ciel lourd et chargé les nuages s’affaissent, s’ouvrent comme des boutres

et déversent leurs

Eaux.

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Et le sel des mers folles enrage sous les rides.

Mais le vent a séché les eaux fades fétides

Et la mer a gardé sa vigueur et son rire.

La tempête a faibli et le soleil respire.

À TROP DÉCAPITER

La trilogie de La De.

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©Brigitte de Lanfranchi – Christian Bétourné. Tous droits réservés.

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C’est un gentil bourreau et sa jolie bourrelle,

Bras dessus, bras dessous, tendrement enlacés,

Qui se promènent sous un ciel rouge de sang.

Le bourreau, amoureux de la belle jouvencelle,

En oublie de couper la tête des parents.

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Au bord de la rivière un pêcheur endormi,

Ecroulé sur son banc, ronfle comme un sonneur,

Sa canne sonne, sonne, mais il ne l’entend pas.

Il rêve de bourrelle, le poisson se débat

C’est qu’il se meurt sans elle, mais la belle ne veut pas

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Debout sur l’échafaud, le bourreau est perplexe,

Il se gratte le dos à se casser les ongles,

Puis il saisit sa hache et dura lex sed lex,

À la rivière calme, il trouve le grison,

Et d’un grand tour de bras il l’envoie ad patres.

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Les chiens ont accouru, toutes langues dehors,

L’odeur de sang tout frais les incite à hurler,

La bourrelle est en pleurs, penchée sur le pêcheur

Elle serre entre ses bras sa tête décollée,

Le bourreau effondré est blanc comme un tout mort.

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Sous le soleil ardent, le tranchant de la hache,

Taché de sang séché, éventre la bourrelle.

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A trop décapiter, on devient meurtrier.

DANS LE RIRE DES FEMMES.

Les ongles des femmes de La De.

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©Brigitte de Lanfranchi – Christian Bétourné. Tous droits réservés.

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Dans le rire des femmes se cachent leurs yeux blancs,

Dans les yeux noirs des femmes perlent des rires lents.

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Les cheveux longs des femmes comme de fiers pur-sang,

A l’amble des allées se promènent en allant

Voir au lac de mercure les grands cygnes dolents,

Sous leurs ailes repliées le regard de Satan,

Et dans ses yeux de braise rôtissent  en gémissant,

Des hordes de corps nus alanguis et pleurant,

Dont les os calcinés nourrissent les tyrans.

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Dans les grands yeux des flammes les femmes tournoyant,

Sur le bûcher dressé se tordent en hurlant,

Et le feu les consume en mordant dans leurs flancs.

Entre les bras des femmes se terrent les amants

Aux yeux remplis de larmes en manteaux d’astrakan,

Enfouis dans les soies, les brocarts enivrants,

Ils attendent que reviennent les amours d’antan.

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Entre les seins des femmes un ciboire de sang

Inonde leurs ventres ronds effleurés par le vent.

Sous les ongles des femmes rêvent des korrigans

Dans leurs fourreaux de cuir au soleil d’or couchant

Leurs écailles durcies brisent tous les élans.

Sous les cheveux des femmes des secrets éclatants

Murmurent des parfums fous aux effluves troublants.

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Dans le regard des femmes scintillent des rires blancs,

Des violences lascives, des désirs enlaçant.

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