UN ORNITHORYNQUE.
Un beau soir un canard bleu au large bec plat
Cheminait, tortillant son croupion courte queue
Le fat se rengorgeait et poussait des coin-coin
Si faux, si métalliques, que les vaches mettaient bas
Des veaux très mal foutus qui ne faisaient pas meuh
Des bestiaux à trois pattes, certains sans arrière trains.
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Alors la basse-cour monta sur ses ergots
Intenta un procès au canard ce braillard
Les poules et les lapins, les vaches et les taureaux
Bannirent le volatile, le chassèrent du dortoir
Les canettes eurent beau cancaner tout le soir
Le canard, de très peu, échappa au bourreau.
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Il s’en alla très loin connaître le vaste monde
Des mois et des années, par tous les continents
Le baroudeur fit le tour de la mappemonde
Il traversa les mers mi-volant, mi-nageant
Et comprit un beau jour que la terre était ronde
Sa surprise fut grande, il s’assit sur un banc.
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Un soir de très beau temps, le moral au plus bas
Il trempotait ses pattes aux phalanges réglisse
Dans l’eau douce d’une mare. Le soleil au plus bas
Se regardait dans l’eau comme le dernier Narcisse
Une larme a coulé sur son bec de marbre
Il était seul et triste dépressif et malade.
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Une dame castor qui nageait en dormant
A vu le Barbarie aux grands yeux si charmants
Elle vivait toute seule au milieu d’un grand nid
Au milieu de l’étang des grenouilles et des pies
Sa jolie queue poilue s’est glissée sous ses plumes
Le canard amoureux a fait sonner l’enclume.
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Leurs amours aquatiques répétés et bruyants
Ont fait fuir les tritons les hérons et les tiques
Les plumes ont volé jusque dans les étoiles
La forêt a jasé, toutes les bêtes à poils
Aux oreilles velues ont hurlé à la mort
Castorette et canard ont chanté haut et fort.
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Quelques mois ont passé, l’ornithorynque est né
Le brochet son parrain lui apprend à nager.