INDÉCISE ÉTAIT MA NUIT …

Baron Gros. Palaméde de la Bonnemaison.

C’était, il y a des lustres …

Non, « La Pucelle » qui me faisait face ce soir là, à demi étendue sur les brocards précieux d’un canapé chatoyant, n’était pas ce Puligny 2002 du meilleur domaine, au frais dans l’obscurité de la cave, n’attendant que mon bon plaisir, mais un « Canon » de belle espèce aux chairs dilatées à souhait, aux cheveux soyeux et à la peau de pêche. Je savais bien que « La Pucelle », pure chrysocale liquide me réconforterait, que son toucher de bouche soyeux me ravirait, que ses parfums de fruits blancs me combleraient bien avant qu’elle ne se glisse, opulente et tendue entre mes lèvres accueillantes, qu’elle me consolerait, le cas échéant, de mon échec attendu …

J’avais épuisé presque tous les charmes de la conversation, m’étais épuisé à lui conter maintes anecdotes savoureuses, avais déployé tous mes sortilèges, lui parlant d’une voix sourde, plus sensuelle que le plus aphrodisiaque des chants d’amour. En vain. Elle me regardait en silence, et son regard d’azur, dont la lumière éclairait à peine sa crinière noire aux reflets bleutés, se perdait derrière moi dans la contemplation béate du mur du salon. Derrière mon sourire, qui me paralysait la bouche tant je me crispais à le lui offrir sans faiblir, j’étais plus énervé qu’un pou jeté par le vent mauvais sur un crâne rasé de frais !

Alors je décidai de jouer ma dernière carte et lui proposai de goûter au nectar de la blanche Bourgogne, arguant du fait, espérant la faire un peu sourire, qu’à force de se taire, elle devait avoir soif. La belle était très belle, splendide même, mais avait peu d’esprit, et le goût de la dérision n’était pas la plus cardinale de ses vertus. Elle accepta, mollement, mais néanmoins …

Je fonçai, ventre à terre vers le cellier, ramassai sans ménagement « La Pucelle » par le goulot (sic), la décapsulai, puis la débouchai fébrilement. Le vin à la robe pâle remplit à demi le cristal aux hanches évasées que je déposai devant elle. Ce vin aux reflets verts du Domaine MoreyCoffinet, n’avait rien de confiné, le temps avait fait son oeuvre subtile d’élevage, il avait fini de tisser la soie de ce jus. Je lui parlai des moires que la lampe recouverte d’un foulard fin dessinait sur le disque odorant du vin, lui fit découvrir tous les délices des fruits jaunes aux arbres du jardin, lui dit que sa bouche aurait du mal à laisser la sienne, que son baiser pulpeux lui prendrait le coeur et lui ravirait les sens, qu’elle garderait longtemps son souvenir au palais, puis me tus, l’invitant à lipper le vin.

Je me régalai quand ses lèvres s’entrouvrirent. Ses yeux se fermèrent un instant. Le regard qu’elle me lança juste après l’avalée redoubla mon désir. Son corps se détendit, ses genoux s’écartèrent à peine.

Je sus qu’Aphrodite était en elle,

Et qu’elle s’offrait à moi …

EESCAMOBELTILÉECONE.


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