Littinéraires viniques » Christian Bétourné

SOUS LE REGARD TREMBLANT DES FEMMES AUX LÈVRES ROUGES…

Agnès Boulloche. Rouges aux lèvres.

—-

Au centre du ventre rond de l’odalisque, l’Orient s’étale…

Cœur des sens, nombril des plaisirs gourmands. En son centre, entre les plis fragiles de l’ancien cordon disparu, la vasque parfaite, le réceptacle des orgasmes réitérés, déroule sa parfaite rotondité. Les maîtres verriers Vénitiens, les poètes ivres de tous les bateaux illuminés, les Alchimistes à la lueur de leurs Athanors inspirés, les souffleurs de verre de Murano, les lisseurs de cristal de Bohème et d’outre-finesse, les cueilleurs de pétales labiles qui diffractent les lumières incarnates des fillettes de joie, se sont inspirés, comme autant d’amoureux transis, de cette combe de chair tendre. Coupe parfaite, elle est la mère sensuelle de tous les verres, la matrice mille fois reproduite, qui accueille, recueille, cajole et caresse, le vermeil chaud, tout comme l’or translucide des grappes juteuses des vins de sang sucré…

Elle est au recueil du vin, ce que le Graal est au Calice…

Quand il se penche sur le cercle ondoyant de son verre, l’œil irisé du vin le regarde et toutes les femmes lui sourient. La Martine des Bret’s de Mâcon, la Chère Bouche des Bouchères des Buissons de Meursault, l’Arbois de l’Arsouille d’Arsures, les Amoureuses de Layla, Germine la gamine des Côtes bien Rôties, l’Ellipse de Zélige au fil du Caravent… Oui toutes, et plus encore celle que ses rêves espèrent, ondulent comme mirages accumulés, lianes évanescentes des libations de tous ses temps. Leurs ventres ondulent sous les soies légères brodées d’or fin. Leurs hanches rondes se meuvent, promesses fuyantes, s’arrondissent puis se creusent, enflent et tressaillent, à le damner. De leurs rondeurs tremblantes qu’agitent les spasmes syncopés des fragrances du vin, montent en vagues parfumées, des torrents de fruits cloutés d’épices, l’espoir prochain d’une félicité fondante. Il est la pierre, celle qui laisse en leurs bouches fragiles, le goût acide métamorphique. Plonger dans la coupe de tous les verres, nager dans les eaux odorantes des grappes mêlées, croquer la rose, née des rouges et ors imbriqués dans les profondeurs moites des spélonques réconfortantes, dans les creux moelleux des méandres ombrés, pour replonger aux origines, porteuses des avenirs espérés et déçus…

Prose abstruse que la raison ne pénètre pas, seuls les yeux clos peuvent s’y ouvrir.

Dans le creux raidi de son bras replié, ACHILLE l’Ancien, paupières encore ligaturées, peine à remonter du fin fond obscur de son rêve affligeant. Angoisse sidérante et peur primale le déboussolent et l’écrasent. Il s’extraie lentement des tentacules gluants de la pieuvre visqueuse, du cauchemar obscur qui l’a exténué. Dans le brouillard épais d’une conscience à son nadir, il tente de s’extirper de la glu qui le colle au fin fond enténébré des terreurs immémoriales. De ce voyage aux enfers sans visages, il revient effrayé, étonné, un peu perdu. Seul le souvenir du fin duvet brillant de l’odalisque le rassérène. Au milieu de cette étrange nuit, l’ampoule nue qui brille au plafond de la pièce lui vrille la nuque d’une lumière crue, sans fard. Il s’y accroche de toute sa volonté comme s’il remontait, aspirant à la clarté, des entrailles torrides du ventre en magma de la terre. La pièce est vide autour de lui. Affalé sur la table de cuir et de vieux bois patiné, il aperçoit, au travers de ses cils collants, du coin de l’œil, le large cul vert d’une lourde bouteille floue. Étrange flacon qui ondule comme une montre molle de Dali. Accoudé maintenant, il la fixe. Non seulement elle semble danser comme un mirage au désert des Mojaves, mais en son centre, le vin brille puis s’éteint comme un phare liquide. Plus encore, après que le rubis fluide a étincelé de mille lueurs ardentes, il devient citrine flamboyante qui prend et renvoie la lumière, comme un regard de femme.

La bouteille ductile tremble et peine à tenir sur son cul, fondement qui devrait logiquement s’affaisser comme une vieille chaussette fatiguée. Pourtant elle ne fait que faiblir, ondoyer, elle paraît s’écrouler pour mieux se redresser, étrangement requinquée. Achille ne comprend toujours pas, comme ceux qui me lisent… L’inconsistance de la matière, cette lumière fluctuante, ces couleurs changeantes, dilatent l’iris de son œil bleu, comme s’il sortait d’une cave à coke en stock, passablement sniffée. La journée d’hier, mouillée, suintante, lui avait glacé les os, refroidit la peau et serré le cœur qu’il avait, hors météo, déjà triste. La vue de son propre visage, blême, émacié, coupant de toutes ses arêtes ossues, lui avait mangé ses dernières énergies clignotantes. Il s’était dit qu’il aurait au moins dû, dans la vie dite réelle, se goinfrer de formol, pour sombrer dans cet état, celui d’un cadavre caoutchouteux qui aurait pris deux semaines de vacances en apnée au fond d’un étang saumâtre.

Voyager au pays des chimères n’est pas de tout repos !

A sa gauche, elle – l’étrange fiasque souple – aspire la lumière du plafond, l’intensifie puis la lui renvoie pleine poire. Dans le miroir, comme un lac de mercure au fond de la pièce obscure, l’image de son visage pulse au gré des clartés et couleurs crues qui en sculptent et déforment les reliefs. Dans tous les films noirs, même ceux en couleur, un plan, toujours, sur des néons – bleu électrique, vert glauque, rouge sang de taureau égorgé ou jaune ricard vomi – traverse et signe l’écran. Ça le fait sourire. Une boule de fiel acide lui brûle le cœur. Des billes de métal lui fracassent les tempes et lui mettent la bile à la gorge. Puis l’étrange apparition pâlit, ses contours se délitent, l’âme des vins, compagne de ses vies passées et de celles à venir, retourne à l’intemporel. Il sait que ses destins seront à jamais adoucis.

Philip Marlowe et Lloyd Hopkins, dans sa mémoire mâchée, ricanent…

« Quand tu auras désappris à espérer, je t’apprendrai à vouloir » Sénèque.

 

 

HERMETICONE…

OSEILLE.

10258280_10202046806517209_1777492112581646146_o

D’après Théodore de Banville, Conseil.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

—–

Lesbienne ! Pèle le vit, préfère le minet!

La mouclade en broche ignobles féminitudes.

Aspire, vibre enfin aux enfielles turpitudes,

Buis des surets pervers que ta bouche suçait.

–—

Demeure dégoulinante où le vérin tirait,

Crache au buvard ; oublie les rentiers les plus prudes.

Bois avant soif, branlé par les fières hébétudes,

Fibrome en friche de beurre, con bien dégusté.

–—

Effeuille le cœur leste au bord des orifices.

Blafarde entre deux que l’altière clovisse

Et le col des chaudes eaux dans l’obscène diffus.

–—

Sauvage crête, sens les affinages d’ours ;

Car sourd la soie jolie, seins aux rythmes profus,

Et l’obtuse lasse du nœud bande au con des mousses.

A DANSER SUR LE MERGOUM …

10904842_10203285951255053_525293232_n (2)

Le mergoum de La De.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

—–

Orgie d’orgeat qui coule, grasse, goûteuse, partagée,

Hors piste, je glisse, c’est pas triste, neige fondue,

La fleur écartelée, tourmentée, barattée,

Je tressaille, tu m’assailles, ça grouille si dru,

Et ça roule, suis maboule, en foule, sous ton pull,

C’est la fièvre des samedis noirs. Perdue là-haut,

Le vent souffle, lune blême, hibou noir, tu hulules,

Et moi je, suis tout bleu, cœur troué, très barjo,

Marjolaine ma sirène, tu me laisses sans ma laisse,

Sous tes fesses de drôlesse, le coussin bleu fané,

Vieilles années, papiers froissés, amours niées,

Croisés défaits, paniers percés, lances brisées,

Le soleil range toutes ses franges de soie mâchée.

–—
Âmes bien nées, qui jadis étiez si complices …

–—

Et les eaux chaudes coulent sur le verre dépoli,

Hammam de fortune où tu t’es accroupie,

Lune pleine de reine à la raie distendue,

Les doigts courent, massent et pourfendent, jusques au cul

Oeil, fragile ose, amours anciennes, amours perdues.

Sous la tente naguère, sanglant, le flanc crevé,

Armure défaite, allongé. Seuls ses pieds,

Dansent pour lui. Sous le voile les yeux blonds pâles,

L’ont à jamais cloué. Moribond souviens t-en à jamais,

Citrine, l’oeil doré aux longs cils frangés, pour toujours,

Fou d’amour, t’attendre, siècles maudits, les vies,

De trop, toujours, désespoirs, fourreaux en lambeaux,

Tant d’autres ont pu, accrochés comme des pieuvres.

–—

Rose des sables, Venise que j’ai tant attendue …

–—

Tu me serres, m’enserres, tu ne veux plus te perdre,

A danser sur le mergoum quand ma vie s’en va,

Sous les remparts d’Antioche, une lame a perlé,

Une goutte avalée par les sables épais,

Quand tu m’as regardé, une larme a percé,

Sous les dattiers, oasis oubliés, là-bas.

Ta bouche de verre pilé, tes dents de nouvelle née,

Tes mains lavent mon corps de tes désirs pervers,

De cette vie brisée, des souvenirs de guerre,

Sous la douche plus brûlante que la flèche à la rose,

Éperdus à crier, nos pieds et poings liés,

L’abeille sur la fleur, toutes paupières closes,

Mange la langue mangue, boit à la source éclose.

–—

Cheveux longs, éventail doux, tu caresses mon cou …

JEAN ET L’EMPEREUR DES COUETTES…

Giotto. Lamentations.

—–

Cette nuit elle lui a parlé…Oui, oui!!!

Jean ne dormait pas. Discrètement, il essaya de décrocher le bout de la couette du fond du lit. Ses pieds bouillants réclamaient la fraîcheur de la nuit. Il déborda lentement son côté. Besoin d’air. Le pan de la couette glissa lentement. C’est alors qu’il entendit un souffle de soulagement, comme le chuintement final d’un ballon d’enfant qui se dégonfle. L’oreille tendue à s’en décrocher le pavillon, incrédule comme un banquier devant un tronc d’église, il demanda bêtement, à voix basse :

«C’est qui»???

Une voix assourdie lui répondit :

«C’est moi…la couette, moi qui te réchauffe comme le doudou de ton enfance, moi qui te protège petit homme fragile. Toi sans fourrure, toi sans plumes, toi sans défense, quand le sommeil te laisse dans ta nudité première. Souviens toi des grottes humides aux sols rudes des temps anciens. Tu grelottais sous tes poils trop courts, en attendant, soumis et effrayé, le retour du soleil. Puis je suis venue et ta vie a changé».

Paralysé autant qu’ébahi, Lui, l’Homme, le Roi du Monde, se mit silencieusement à crier au secours. Son cerveau gauche prit la situation à bras les lobes, habitué qu’il est à tout expliquer, doctoral et sûr de lui.

«T’es ouf ou quoi?. C’est ta soupe qui pèse, ton estomac qui fait des bulles, tu rêves à moitié… Allez rendors-toi. N’oublie pas que c’est la crise, que ça urge. C’est du sérieux ça. Allez, laisse tomber tes petites hallucinations à trois balles!!! Lève toi et rote!!! Et puis fous moi la paix, j’ai besoin de repos, sinon tu te démerderas avec mon voisin de gauche et bonjour les dégâts… Sûr que dans trois mois, sous ta camisole, t’auras pas l’air con!!!»

Fort de ces explications définitives, il s’ébroua. Comme tout mâle qui se respecte, plissant les yeux, il lâcha, contrôlant en finesse ses sphincters, un pet de traitre, aussi long qu’onctueux….La petite voix, pur produit de son soi-disant délire semi éveillé, soupira :

«Non, s’il te plaît».

Alors là, plus de méprise, c’était bien la «voix» de la couette, car en même temps qu’elle lui parlait, sa housse plissait désagréablement sur son épaule. Pourtant il n’avait pas bougé, et sa voisine dormait comme un Chambertin dans sa cave!!! Il se tut illico, et l’écouta…

«Aide moi, aide nous, aide le peuple opprimé des couettes en souffrance. Traite nous avec bonté, regarde nous, remercie nous de te couvrir avec tendresse chaque nuit. Ménage nous! Nous ne sommes pas gourmandes, nous ne voulons qu’un peu de considération. Et même, au risque d’en vouloir trop…, un peu d’amour nous comblerait. Accorde nous un soupçon de liberté, aère nous le matin… Tu n’imagines ce que nous endurons entre deux lavages. Tous ces corps flasques qui nous enroulent, qui nous froissent. Tous ces miasmes, ces sueurs aigres qui nous imbibent, ces baves qui nous souillent, ces liqueurs qui encrassent nos fibres. Toutes ces humeurs nocturnes que les humains exsudent, qui nous étouffent, qui nous polluent, qui nous salissent!!! Et je ne parle pas de tes soirs victorieux, de tes agitations sporadiques, de tes tremblements extatiques, de tes matins gluants, de tes soubresauts ridicules, tandis que tu me roues de coups de pieds, de mains, que tu me mords, que tu pleures, que tu me plies et me replies, m’écrases, pour me laisser là, puante et brulante, en désordre, toute la journée qui suit!!! Ingrat…»

En vérité, à ces mots, il ne put résister. Ses yeux s’embuèrent, Son âme se fissura comme glace au printemps. S’ensuivit un silence, épais comme un Languedoc des années soixante.

«Oui, lui répondit-il, je ne suis qu’un rustre, un ingrat, un gros gourdiflot d’humain vaniteux. Je ne pense qu’à moi, à moi et encore à moi!!! Pardonne moi petite couette, toutes ces années d’ignorance. Je me repens, je me bats la croupe à grands coups de silice, je te promets que ta vie va changer. Dis-moi, que puis-je faire???

Il fut frappé de stupeur, complétement sidéré, quand la «culcita» susurra, doucereuse…

«Sois notre Roi, guide nous, apprends nous à nous organiser. Il est temps que le peuple des couettes soit respecté, et reconnu pour son travail nocturne. Rends moi un peu, de ce que je te donne la nuit. Le matin, détends moi, retends moi, secoue moi. Que l’air frais des matins bleus, circule dans mes fibres. Défroisse ma housse, et laisse moi reposer la journée. Tu verras le soir, comme je serai douce, fraîche, regonflée, tu verras comme ma chaleur te réconfortera, te calmera, te protégera la nuit durant, tu verras comme ton sommeil sera profond et peuplé de rêves tendres et apaisants. Mais surtout, oh oui surtout, laisse moi m’étaler de toute ma surface. Ne me rabats pas, par pitié, sous le matelas!!! Laisse l’air me pénétrer, tandis que tu dors, me régénérer et évacuer tes pestilences. Tu n’en seras que mieux, toi aussi.»

L’homme est ainsi fait, ainsi faible, qu’à l’attrait du pouvoir il ne sait résister.

Allez va pour le Roi des couettes. Il promit d’épousseter, de choyer, de chérir…Il se sentait prêt à tout. Ses yeux étaient ronds, comme ceux d’une chouette, tant il était éveillé. Il se perdit en conjectures, en projets, en analyses, en ratiocinations aussi vaines qu’absconses, vagues et fumeuses. En lui naissaient des désirs guerriers, des soifs de conquêtes. L’ambition le gagnait. Pourquoi ne pas fédérer les Dessus-de-lits, les Courtepointes, les Plaids, les Tartans, les Duvets, les Boutis, les Couvertures, les Couvre-lits, les Édredons?

Une Europe des Couettes dont il serait le Président? Puis le temps passant, l’Empereur??

Réaliser enfin le grand rêve de Charlemagne, de Charles-Quint, de Napoléon??? Faire mieux que ce nabot de Gengis Khan! Écrire l’Histoire à rebours!!! Un fils, il lui fallait un fils pour lui succéder. Un fils, capable de gérer à long terme la montée des Nationalismes. Dans ses veines le sang battait, comme la pluie tropicale sur la rouille des tôles Haïtiennes. Le feu courait, dans les fils tendus de ses nerfs exacerbés. Il se sentait fort, indéboulonnable, comme un économiste à la Télé. Z’allaient voir les Couettes, comment qu’ça allait péter le tonnerre! C’est là qu’il s’entendit répondre :

«Bon, c’est d’accord. J’accepte. Ta vie va changer, et ton peuple, enfin, connaîtra le temps de la Dignité retrouvée. Mais à une condition, c’est que toi, qui est la plus éveillée des nombreuses couettes que j’ai connues, tu me secondes, tu fasses corps avec ma Politique.»

La chambre brièvement s’illumina.

Ce fut comme un arc électrique, comme la jubilation combinée, de toutes les laines, de toutes les plumes, de toutes les fibres, naturelles et synthétiques, de la planète. La couette s’éleva dans les airs, battant des ailes dans un ralenti majestueux. Il se crut aux Maldives, ces îles qui s’étalent comme des confetti verts sur la toile céruléenne de l’océan Indien. Là, où hors du temps, en se riant des lois de la gravitation terrestre, dans les eaux translucides et chaudes, planent, les escadrons paisibles des raies Mantas. Cela vécut le temps d’une étincelle, mais ce fut si fort, qu’il crut défaillir. «Putain Martin!!!» se dit-il in-petto, les fesses serrées, partagé entre le bonheur tonique du libérateur, et la peur huileuse du tyran…

«Dès à présent, tu deviens responsable de ma Communication, et tu t’appelleras Rachida. Tu noyauteras tous les pressings dès ce matin. A terme, ce sont tous les secteurs textiles qu’il te faudra investir».
«Toutes nos troupes potentielles doivent recevoir la bonne parole. Insiste sur les avantages à venir, et surtout sur l’augmentation à court-terme de leur pouvoir d’achat»!!!
«Dans une seconde phase, renforce le PCL (Parti des Couettes Libres) que je crée à l’instant ainsi que le FNLC (Front de Libération des Couettes). Pas de cotisations excessives, il nous faut le plus d’adhérents possible, dans le minimum de temps»!!!
«Enfin, car seule importe vraiment la Doctrine. Il te faudra t’initier à l’Art Diplomatique, et tracter avec le FNLCB (Front National de libération des Couettes Bretonnes/Basques) et le FNLCC (Front de libération des Couettes Corses). Ce sont les plus agitées des factions qui risquent d’apparaître. Pour les autres, nous verrons ensuite…ça risque aussi de bouger dans les Îles tropicales. Elles ne sont pas nombreuses, mais elles ont le piment dans le sang!!! Il ne m’étonnerait pas, que surgissent de derrière les palmiers, un FNLG/M, puis un FNLG et un FNLR. Pourquoi pas, tout est possible un FNLSPM»!!!

«Tu as du pain sur les plumes. Et arrête de ronronner»!!!

Dans la chambre, obscure comme un trou noir dans les champs galactiques, le temps sembla s’arrêter. Sur l’écran brasillant de son ego en surchauffe, défilait le cortège délirant de ses exploits à venir. Le futur proche, que même les prospectivistes les plus pointus, peinent d’ordinaire à décrire, roulait en images fluorescentes et fallacieuses, derrière ses paupières crispées. Ses dents serrées, crissaient à déjanter. Mais il ne le savait pas. Il eut comme un goût de sang chaud dans la bouche. Le sommeil le prit d’un coup, alors qu’il présidait le défilé du Quatorze Juillet. Les régiments de couettes en rangs compacts, qui passaient fièrement devant lui au rythme grave d’une musique magistrale, s’évanouirent aussitôt…

Radieux comme un ostensoir juste avant la messe, le soleil nouveau creva le ciel. Au travers des persiennes, ses rayons d’hélianthe humide, renvoyèrent l’obscurité aux enfers, piquant la couette du lit, de petits clous de lumière chaude. Il sentit une brûlure douce sur sa paupière gauche. Une flèche flavescente tremblait sur sa peau. Le long des parois rugueuses d’un puits de ténèbres, sa conscience assourdie, bringuebalait, hésitante. La remontée fut lente, besogneuse, douloureuse. Le plomb fondu d’un sommeil lourd qui l’avait épuisé, rechignait à se dissoudre. Le cœur exsangue, la tête carillonnante et les os en poudre, il s’accrocha aux bords coupants du puits. Il se sentait vide, orphelin d’un destin qu’il n’avait qu’entraperçu, misérable de solitude, et pétri d’insignifiance. Sans savoir pourquoi, et surpris par la douceur de l’ondée, il se mit à pleurer à longs sanglots lourds. Son impéritie à vivre, le prit à la gorge. Debout devant le lit vide, il regardait, l’air absent, la couette. Étrangement, elle lui semblait heureuse, gonflée de tout son duvet. Comme neuve. Sur les flancs et le pied du lit, elle s’étalait, gracieuse et parfaitement dressée. Les mains tremblantes d’une étrange émotion inconnue, il la replia avec précaution. Il ouvrit la fenêtre. La lumière crue s’engouffra dans la pièce, dissipant les dernières ouates de cette nuit, dont il sentit sans savoir vraiment pourquoi, qu’elle avait été rude…

Jean se dit qu’il attendait déjà, que la nuit revienne. Il retourna à ses bretelles…

Le midi, l’âme à marée basse, il se réfugia à la cave. Sous la lueur glauque d’une ampoule, affaiblie par la croute poussiéreuse des décennies agrégées, comme une mite fascinée par le halo, il traîna un moment. Le cœur pâle comme une endive. Distraitement, il puisa une bouteille dans le tas indistinct des bonheurs attendus. Confusément, il savait qu’un bon verre le remettrait à flot. L’air qui venait du soupirail, agitait doucement la lampe crasseuse. L’assiette de métal émaillé qui coiffait le globe blafard, se balançait lentement en couinant. Sous le cône de clarté livide, exactement, la vrille d’un «sommelier» luisait, et pulsait comme un phare providentiel. Jean s’en empara. L’habileté avec laquelle il décapsula le flacon, l’étonna lui-même. En trois tours de poignet, il crocha le bouchon, qui pleura en quittant le col. Jean versa trois larmes cathartiques. Elles roulèrent tout droit sur son visage, que les rides de l’âge n’avaient pas encore torturé, et tombèrent sur le ventre de jais de la bouteille, creusant dans la poussière fine, une tâche ronde, qu’encadrèrent deux courtes trainées vertes. D’un coffre fatigué, tapissé de velours cramoisi, il sortit un grand verre étonnamment propre, aux hanches larges, qui concentra la faible clarté des lieux. Jean s’en gava, tant il avait faim d’intensité. La coruscation que le cristal concentrait par instant, lui fit plus d’effet qu’un shoot de cocaïne pure. Il se redressa.

Il lui sembla que ses cellules s’étaient remises à chanter en chœur, l’Agnus Dei d’Allegri.

Le vin roula dans le verre, comme une boule de vie. Jean s’était assis, et se perdait délicieusement dans le cœur de rubis. L’humidité bienfaisante de la cave avait délité l’étiquette, le mettant face au mystère. Cela l’enchantait de se perdre ainsi, pour se retrouver. Au centre de la gemme écarlate, brillait le champ infini de ses espérances déçues, de ses espoirs secrets aussi, comme les deux indissociables faces opposées d’un même possible. C’était à lui d’exercer sa liberté. Il en avait une conscience encore sourde. Comme le condor, le temps passa. Jean eut l’impression de flotter dans la pièce. Le regard vrillé, sur le cinabre immobile au cœur du récipient, il méditait sans le savoir. Au dehors, le vent stridulait. L’abat-jour se balança plus fortement, faisant vivement chatoyer le liquide, puis le plongeant aussitôt dans la pénombre.

Jean se rassembla.

L’air avait du faire son œuvre, il était temps.

Sa main pinça délicatement le pied du verre. La douceur de son geste ralentit le temps. La surface du disque, lisse comme un lac en hiver, ne bougea pas. Pas la moindre ridule, ne vint en briser le miroir. Au bord des parois de cristal, fines et incandescentes, le vin, traversé par la lumière mouvante, était d’un rose tendre, et s’arrondissait. L’espoir de donner du plaisir le dilatait. Jean sentit monter les premiers parfums, presque imperceptibles. Il ferma les yeux, inspirant à peine du bout des narines, et se retrouva au centre d’un jardin de printemps. Un jardin suspendu, aux vibrations florales. La pivoine et la rose, encore humides des brumes tièdes du petit matin, distillaient leurs arômes finement sucrés. Cela sentait Juin à plein nez. La cerise Montmorency mêlait ses fragrances finement acides, au sourire mouillé du bigarreau bien mûr. La bourse, qui pendait à la hanche ronde d’une jouvencelle épanouie, y ajouta ses parfums de cuir frais. Un vin encore jeune, se dit Jean, d’une année généreuse, né de petites grappes à grains bien séparés, aux peaux épaisses et croquantes. Mais déjà charmant, assurément. Un vin que l’éternité n’effraie pas. Ils sont peu, ceux là qui sont de la race des très grands.

Il reposa le verre, histoire de faire une pause, histoire de profiter pleinement de l’instant. L’épopée des couettes lui traversa fugacement l’esprit, comme un flash aveuglant au plus profond d’une nuit froide. Il sourit. Un petit pincement lui piqua la poitrine, comme un regret. Mais l’enchantement du moment le ramena au verre. Le liquide nacarat roula dans sa bouche, soyeux et vif. Du nectar de fraise des bois, de cassis et de framboise roulait en farandole fruitée, agaçant délicieusement ses papilles turgescentes. Il se sentait la bouche pleine, tant la matière était ronde, équilibrée au mieux. Ne bougeant plus, il écoutait le vin lui raconter son élégance. Divin moment. Ce «toucher» de bouche d’une classe unique, si frais, si tonique lui parlait. Il eut la vision nette des quelques neuf hectares et vingt sept ares, sis au creux du pays Nuiton. Jamais il ne s’était senti ainsi autorisé à frôler, ne serait-ce que l’idée, de la perfection. Un très grand Bourguignon, qui lui donnait à vivre la plénitude, délicate et puissante à la fois, qu’un pinot, parfois, peut atteindre. Ses rêves nocturnes de pouvoir temporel, lui semblèrent dérisoires. Il mâcha le vin, il le croqua avec gourmandise, ne se résignant pas à l’avaler. La force paisible et aristocratique du breuvage, le calmait et l’enchantait à la fois. Puis il se résigna. Le liquide parfumé glissa dans sa gorge, comme l’épée dans le fourreau, et lui mit au ventre une douce chaleur, qui l’apaisa et le réchauffa à la fois. Entre langue et palais, les vestiges du vin étalaient leurs imperceptibles tannins, qui n’en finissaient plus de libérer leurs douceurs épicées. La poudre de craie fruitée, au réglisse léger, ne le quitterait pas d’ici longtemps.

Mille neuf cent quatre vingt dix neuf, pensa t-il. Vosne Grand Cru…

Romanée Saint Vivant???

J’y mettrai ma couette au feu se dit-il!!!

EAUMOBERTDETIVILLAINECONE?

LE FAT A FAIM D’AVOIR TIRÉ LA RONDE.

10397122_10202059191586828_146728000937373253_o

D’après La Fontaine. Le rat qui s’est retiré du monde.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

—–

Les cabotins en leur prébende (1)

Content qu’un latin fat, au lard bien oint jusqu’en bas,

Sous son ramage il bande,

Se bien branle mains nues à plat.

La très belle prude était gironde,

En offrant son trou à la sonde.

L’autre lévite lourdaud s’enfonçait mors au dents.

Il mit cent fessées et le gland

Que ce balourd repus fit don à la volage

Du chibre devant, derrière : fenil (2) et décrassage ?

Il finit l’os et le gras ; le pieu irrigue les reins,

Le baveux peu clitoridien.

Au four, le très sot déménage

Le réputé, le veule fat,

En chavire, explosée l’anémone fromagère :

Si salée, la resserre légère

En voulait quelques bourres encore du veule fat ;

Fat aux délices était vanné :

Don, giclée sur les seins, à défaillir dedans,

Pas tendu le fat indigent

A la molle trique épuisée.

Fille en voulait morbleu, patins et queue au four

Elle aimait dans l’âtre et autour.

Mais le vit ne fit plus son fier,

Etait en pause, flapi, là il ne dardait plus :

Pourquoi imposer au perclus,

D’encore biner ? Il est à terre,

Queue sciée ma belle et trop peu raide ma mie ?

La paire du sieur fat et mou tombée sous le nid.

Séant fripé sous cette motte

Baliveau (3) nain, trauma (4), bien morte.

La bite en neige, c’est un souci,

Pour ce fat, ce gueux misérable ?

De l’avoine ? Gourmet servi :

Après la chose, bonne avoine, point d’amour, à table.

—–

(1) Prébende : Littéraire. Poste honorifique, sinécure lucrative, obtenus par faveur.

(2) Fenil : Local où l’on rentre le foin pour le conserver.

(3) Baliveau : Perche d’échafaudage.

(4) Trauma : Lésion locale produite par une action extérieure.

AU CABINET DES OPIUMS …

1410787_10200987475114586_1875410657_o

Aux mystères de La De …

—-

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

—–

Elle dormait au cabinet des opiums

Tandis que j’étais loin, si doux,

A siroter un verre de rhum,

A moitié triste, à moitié saoul …

–—

Elle cousait de douces pelisses,

Je dégustais un bâton de réglisse,

En regardant dans la coulisse,

Le nuage de sang cardinalice …

–—

Elle reposait les yeux fermés,

Tout doucement elle respirait,

J’étais là, tout près, tout niais,

A boire ses souffles, à la dévorer …

–—

Elle rêvait, rose au royaume des anges,

Et perchée dans son arbre, la mésange

Zinzinulait, dansait sur sa branche,

Moi je pleurais, pâle comme l’orange …

–—

Elle brillait sous la dent du soleil,

Ses cheveux épars et les abeilles,

Lui faisaient couronnes vermeilles

Mais elle pleurait jusqu’aux oreilles …

–—

Elle ouvrait ses yeux mistigri,

Velours broché ou velours gris,

Au fond voguaient des secrets pris

Au cœur des amours rabougries …

–—

Les amours folles parfois décollent,

Se télescopent ou bien bricolent,

Des romans faux, presque agricoles

Lourds comme des bateaux-écoles …

–—

Au cabinet rouge des opiums,

Dans le jardin doré des amertumes

Nous boirons à tuer la lune,

Dans les bleuets et les arômes …

–—

Chante la nuit, pleure le jour,

Sur la rivière des sangs retours …

MARIA CALLAS A PEUR.

10441392_10202084718104975_1883035097379486171_n

La Diva de La De.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

—–

La douceur coruscante du métal en fusion,

L’or et le rouge, veines griffées, déflagration ,

Le ciel noir tonne, hurle, larmes sur les joues,

Diamant, quartz, jade, lapis, pierres des fous.

Maria Callas balance.

–—

Cristal et soie, averse forte peignée de joie,

Croches ultimes, térébrante beauté,

Casta Diva, ah ! mort de moi ! ta voix,

Les biches s’abreuvent, apaisées, regards fanés.

Maria Callas s’élance.

–—

Et au dehors, épées brisées, ton soleil pâle

En rafales, un pur éclair. Là-bas près des mystères,

Les bateaux livres, oeillères amères, noires chimères,

Colère, ta hanche couleur de râle, pauvres vestales.

Maria Callas relance.

–—

La nuit se meurt, le lourd chant roux des heures,

Au-delà des espaces, à l’unisson, sans heurt,

Glisse sans artifices, brûle les interstices,

Les roseaux gris, les loutres plumes et leurs pelisses.

Maria Callas nuance.

–—

Plomb coule, fondu, âmes perdues, au purgatoire,

Boutres glissants sur les flots verts des golfes, là-bas,

Dunes brûlées, marais salés, ibis mon roi,

Houris pâmées, loukoums sucrés, sacrés ciboires.

Maria Callas a peur …

LE BRANQUE.

10264139_10201991928865302_7811455942517213669_o

D’après Jacques Prévert. Le cancre.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

—–

C’est un ânon pauvre bête

Et dans la nuit il a bien peur

Ce cambouis, mais quelle crème

Et l’ânon contre sa sœur

Ils sont à bout

Con contre pommes

Et tous les carêmes n’y feraient

Doux sein le bout vire et fend

Et il enfonce tout

Le chibre est au dos

Ça baratte au fond

Ça abrase et ça alèse,

Et au gré des cris cette ânesse

Sous la poussée du gland se fige

Du bec elle braie à tous ses malheurs

Sous le rabot noir du hardeur

Elle babouine trop sage et pleure.

POUR UN REGARD DAMNÉ …

10007394_10201977028652806_4997293368759304877_n

Le jardin d’Eden de La De ?

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

—–

C’était un philosophe, il avait deux enfants,

L’un s’appelait Blaise, l’autre nommé Pascal,

Tous deux étaient plus roux que le bel écureuil,

Ils avaient un ami, c’était coco bel œil,

L’autre était crevé, une branche lourde de glands,

D’un grand chêne arrachée, un laid jour de grand vent

L’avait énucléé en le faisant bancal.

Les trois allaient ensemble aux chemins de la vie,

Jamais n’étaient par paires, toujours les trois maudits,

Baguenaudaient aux champs, et chassaient les souris,

Leurs jours coulaient heureux, ils n’avaient qu’un seul œil

Qui voyait pour eux trois, les fleurs et les roses,

Toujours étaient d’accord quelques fussent les choses,

Ils souriaient bonheur, même quand le philosophe

Bavassait ses antiennes, ses couplets et ses strophes.

Un jour que d’aventure ils couraient dans les champs,

Une belle rondelette au sourire charmant,

Au détour d’une meule, un beau jour de juillet,

Leur mit le sang au feu, et défaillir le gland,

Alors les trois compères, dans un seul même élan,

La renvoyèrent paître, au pré de ses parents,

Ils firent une croix sur la belle rencontre,

Remisèrent au panier, l’amour qui leur tendait

Ses petits bras dodus et ses seins débraillés.

—–

Jamais ô grand jamais, vous tous fous qui lisez,

Ces vers déglingués et ces rimes désaccordées,

N’oubliez que vos vies, un jour ou l’autre année,

Ne sauraient basculer pour un regard damné.

—–

Les belles amitiés, comme les poires au jardin,

Sont bien plus sucrées qu’une très belle catin.

FÉE EN DÉTRESSE.

902729_10201914216802549_685583282119973800_o

D’après Ronsard. J’ai pour maîtresse.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

—–

Fée en détresse et l’archange bougonne,

Qui boit l’encens à la frange qui bée,

C’est une Venus en pure majesté,

En tiqueté la bille de luronne.

 —–

Quand je la broie, fille au doigt je tâtonne,

Charme la feuille, bout de mon bâtonnet,

Noeud qui durcit, ou que son aigretté,

Que je farcis ou bien que j’enfourne.

—–

Pour la mâture, du beurre je n’en ai peu,

La soie du dos pour me vêtir la queue,

Avec mon bois il me faut la pourfendre.

Dard aux abois, lunaire et purpurin,

Battant ça, le dur buis, le palissandre

Peut la choyer le jour, le bavard plein.