Littinéraires viniques » Moulin à Vent

BOJOLPIFS ET MUSCADOCHES…

johannesvermeer_-_de_koppelaarster

Vermeer. L’entremetteuse.

—-

 L’hiver est généreux cette année, il étale sa ouate bien avant la date officielle. En ces jours qui mettent l’Hortefeux en sueur, les bonhommes de neiges font la joie des enfants encore insouciants, et des carottes venues d’outre-océans qui creusent nos tombes(?). Dans les rues des villes, la tension monte, le consumérisme règne, il faut acheter, et acheter encore et toujours, sous peine de plomber l’économie, de freiner la croissance sans laquelle nos sociétés modernes seraient vouées à disparaître. Il faut voir comme ça tressaille dans les hypers, comment ça tremble dans les boutiques. Ah les cadeaux, il nous faut des cadeaux, des beaux, des laids, mais des gros, il faut que ça rutile, que ça en jette, que ça épate (mot de vieux!) les cadeaux, tous venus d’ailleurs, d’ailleurs, de ces contrées, encore obscures il y a peu, qui émergent, et qui, elles aussi, veulent participer à la grande fête planétaire des pays encore riches, et du gavage généralisé ! Boustifailles à la pelle et gadgets 0.0 ou 2.0 sont les mamelles incontournables de la reprise?

Mais pas question de gâcher les Fêtes avec ces remarques, d’aussi mauvais goût(s) que les mégalitres de pinards, arrachés à bas prix par la GD fraternelle à tous les vignerons en péril. Parce ce que, pour vendre des bouteilles à un euro ou moins, comment faire bon? Sinon à cramer la vigne, à la faire pisser à grands jets pour espérer se rattraper sur les volumes; de l’aqueux, du court, du gelé aux sulfites pour pas que ça bouge, mais du beaucoup, des rouleaux de picrates pour surfeurs assoiffés, qui s’en alleront décaper les gosiers de tous les grassement intoxiqués de la si jolie fin d’année.

Pourtant, pourtant, pourtant! Pourtant, oui pourtant…

Allez, je laisse de côté la syntaxe “distroy” appropriée aux reginglards sus-dénoncés pour retrouver une langue, sinon moins râpeuse, du moins plus en vibration avec les «petits» vins, qui ne voient pas briller leurs ors ou leurs rubis sur les belles tables festives qui clignotent dans les magazines et les reportages clinquants de nos lucarnes dorées…

Il est bien temps de bien dire combien les petits peuvent être grands et bons!

Pour les fêtes, amis, Beaujolpifez à souhait, Muscadochez à satiété. Que les embarrassés qui n’ont pas l’embarras du choix, que les fauchés, les banquiers honnêtes, les jeunes en CDD, les vieux qui végètent sous leurs retraites étriquées, et tous ceux qui aiment boire bon aussi, oublient les grands flacons, les Châteaux dans les prairies desquels paissent de beaux et grands chevaux blancs, les Domaines amis du papa d’Émile ou du Prince à qui il ne fallait pas vouloir en conter. N’en franchissez pas les grilles dorées, ils n’ont pas besoin de vous et se portent bien, voire mieux que très bien. Oubliez un instant l’esprit de lucre et soyez, par vos choix, solidaires de ceux qui tirent la grappe par la queue.

Allez, en foule, et comme ça vient…

Dans la série Muscadet, au pays du Bourgogne qui n’a pas le Melon, buvez Gorgeois, Clisson, Monnières, Saint Fiacre, Goulaine, Vallet, Sanguèze… qui croissent et embellissent sur Gabbro, Schistes, Granite… Vous trouverez de belles pépites qui ne craignent pas la garde, chez Brégeon, Landron, Charbonneau, Gadais, Luneau-Papin, Cormerais, Ollivier, Guérin, et d’autres, nombreux encore. Déçus vous ne serez, et ruinés sûrement pas!

Autre pays de Cocagne, le pays de Beaujolais, tout en courbes chargées de vignes de Gamay, qui résillent au printemps leurs rondeurs aussi fermes qu’avenantes. En cette région si souvent décriée, ruez vous comme rats sur fromages affinés. Achetez, encavez, buvez ces jus glissants, riches de fruits frais, aux matières conséquentes et goûteuses, que l’oubli – difficile certes – bonifie. Pour une fois, vous, que les tarifs, ailleurs, le plus souvent, sidèrent, serez surpris, ravis, enchantés de pouvoir acheter enfin, des vins qui ne sentent pas le cuir luxueux, la loupe de noyer, et le caoutchouc frais! Allez, courez, musardez, flânez, débouchez les Beaujobeaux qui feront de vous de vrais Bonobos shootés au pur Gamay noir à jus blanc! Sonnez aux domaines et entrez chez l’Isa-Belle des Côtes de la Molière dont les Poquelins (!) et les Moulins ne brassent pas du Vent (!), chez Jean Marc Burgaud et ses Morgons longs et pas bougons, tout comme chez Louis Claude Desvignes, autre Morgonneux de talent, dont les Javernières vous parleront la langue de la finesse et de l’élégance. Une joyeuse équipe, à laquelle il ne faut pas hésiter à joindre Daniel Bouland dont les Vieilles Vignes sont orgasmatomiques !!! Entrez un peu plus tard, si vous le pouvez encore, vous faire sonner les cloches au Château des Bachelards (oui y’s’la pète un peu…), par le Village et le Fleurie, par la Banane (primeure mais encore lourde de bonheur, en ce jour qui me voit l’éplucher) du sieur Bauchet et sa faconde du même métal. Chez Chignard, humble et peu bavard (ça repose…), désaltérez vous à la source des Moriers et des Vieilles Vignes. Et puis encore Franck Georges, Thivin, Viornery et d’autres que je ne connais pas…

 

Tous, en ces régions – la Beaujolète comme la Muscadaise – regorgent de bouteilles, à point nommé, faites pour aviver vos fêtes obligées, comme vos soirées improvisées.

Et que l’on n’aille pas dire que ce «publireportage» a été financé par un consortium quelconque ou rétribué par palettes.

Non, j’écris ce que goûte et aime !!!

ERASMOSATISIEECONE…

LA VIGNE, LES CERISES ET L’OISEAU DE PARADIS…

Nikko Kali. Petit oiseau de Paradis.

 

J’ai cherché partout et longtemps. Dans la famille les Moulins à Vent de Janin 2006, j’ai trouvé «Le Domaine du Tremblay» et «Le Clos» du même nom. Point de «Terre du Tremblay»!!!

Alors, quelle est donc cette «Terre Mystérieuse», que le hasard des rencontres en bouteilles, a déposé sur l’autel usé, constellé des ronds rouges et noirs de tous mes voyages mysti-viniques??? La jolie main fine et aimée, qui caresse, trop rarement à mon goût, le silence de ma vie, a déposé sous mes yeux six flacons de ce vin. Les ailes de ce Moulin à vent, ont tourné lentement, séchant, avant qu’elle ne bourgeonne, la larme chaude qui perlait, scintillante, sous ma paupière. Déjà, j’étais heureux. Il va sans dire, que le commentaire de ce vin, qui suivra, quelque part, au creux de ma divagation en marche, ne sera pas vraiment objectif.

Dans la salle, d’or et de rouge tendue, le murmure des voix féminines est sans équivoque. Aucune fausse note, ne vient troubler ces cœurs unanimes. Aux alentours, les mâles fatigués dont je suis, ne peuvent qu’acquiescer en silence. Loin et si proches pourtant, Farinelli et Carestini qui ont fait chavirer bien des cœurs, jubilent et se disent dans le silence de l’entre deux, qu’il doit être bienheureux ce garçon, qui n’a pas eu à subir les douleurs physiques et les blessures de l’âme, qu’ils ont endurées. Dans le secret de son alcôve, il va et les venge. Chacun de ses bonheurs, est le leur.

Nichés au creux du poulailler, comme suspendus aux cimes du théâtre, les bras des quelques enfants perdus au milieu des adultes révérencieux, s’accrochent aux balustrades dorées. Ils ont le regard flou, égaré, absent. Il boivent la transparence fragile, de cette voix, si proche d’eux, qui les magnifie. Le grand lustre de cristal de bohème frissonne, et palpite de tous ses feux. Le bâtiment tout entier respire à l’unisson. Les corps assis des humains, alignés le long des rangées rouges, semblent abandonnés par la vie. Dans le temps suspendu à la voix de l’éphèbe, planent les âmes mêlées, qui ont quitté leurs enveloppes de chair. Elles forment un égrégore de lumière, qui palpite, et que personne ne perçoit. Seul le cristal vibre doucement. Il est de ces moments, rares et précieux, où dans l’ignorance du subtil qui les dépasse et les conduit tout à la fois, les hommes se dépouillent, s’extraient de la pesanteur ordinaire, et communient en pleine beauté.

Nous sommes à l’opéra Vanessa, ici le poulailler est Paradis.

Vagabondages, sauts incroyables, que permet la pleine liberté de l’esprit. Entre Philippe, qui chante l’Aria d’Alceste du Termodonte de Vivaldi, l’Ariodante d’Haendel, là-bas, si loin bientôt, entre l’opéra de Bordeaux et cette bouteille, l’espace est aboli. A ma guise, je passe de l’un à l’autre et je pleure ces larmes rares, que la beauté me tire. L’imagination est ma liberté. Tout est possible, aussi je veux les unir en ce lieu intime, que les plus ardents Diafoirus ne soupçonnent même pas, tandis qu’ils continuent, imperturbables, à scruter les mystères de l’atome, à bord de leurs canons.

Mais voici que vient la cerise sous le nez. Le vin l’exhale, puissamment. Rouge sang de taureau fourbu, fraîche, juteuse, elle est de celles qui vous marquent les lèvres, pour mieux vous trahir. Sous le couvert fragile de mes yeux fermés, elles roulent en grappes, au milieu des fleurs. Effrayé, le lièvre qui avait, espiègle, remué son cul odorant sous mon nez, s’en est allé. De la robe d’un beau grenat sombre, une de ces robes, qui emprisonnent la lumière et qui rayonnent de l’intérieur, montent et s’unissent, en vagues successives, le parfum de la pivoine piquetée de rosée, en ce petit matin intemporel, et la poignée de grosses cerises, dont la peau tendue, rouge sang de veine, peine à cacher, dans la chair débordante, un jus sucré odorant. La réglisse et le noyau enfin.

Les lèvres violettes des petites filles, les cerises en boucles d’oreilles, qui jouent à l’ombre du figuier. «On dirait que t’es le monsieur qui chante comme un oiseau rouge, que t’as des yeux beaux et que moi je suis un oiseau aussi et que tu l’aimes…et que…».

Jeux de l’enfance qui s’étirent toute une vie.

En bouche, le jus attaque fraîchement, roule et s’étale. Puis, le flux de la marée de plaisir se fige. Au sortir de la cerise réglissée, la verdeur des tannins nappe la bouche d’un voile astringent, qui serre les muqueuses. La fraîcheur se fait acide et le miracle s’interrompt. C’est un abîme, plutôt qu’une finale, qui sidère la gorge en attente. Un vin, comme amputé. Une cuvée d’entrée de gamme sans doute, qui ne tient pas ses promesses. La vie…

L’ange qui habite la voix, lui, tient la note.

 

EMOJAROUSSKYTICONE.

What do you want to do ?

New mail