LA SÈVE DE SANG DES TERRES NOIRES…

 Lumière de l’ombre.

 

 Tard le soir, les cardes épineuses des chimères aux brandons ardents, vous prennent à la moelle.

Dans la moiteur des nuits suffocantes, les forces anarcho-anabolisantes du chaos se liquéfient, et gouttent  jusqu’à vous gorger comme une éponge écarlate, de peurs bleues et de soleils flavescents. Les barrières s’éffondrent. L’Œuvre est au Rouge. le Noir est en Œuvre. Le cramoisi, le feu, la sève – forces vitales – fécondent le ventre glabre du monde. Chutes, vertiges, basculements, incandescences, forces primordiales, tellurisme, jaillissements, éruptions, implosions, brûlures, plaisirs et douleurs, vous rongent les chairs, vous cryogénisent les sangs, et vous mordent à l’âme. Heures d’effroi. Instants de terreur. Délectations acides. Le fuligineux est né du rouge, comme le fut le charbon du feu, et l’obsidienne noire, du volcan. Quand viennent les ténèbres, remontent des fosses que l’on croyait à jamais dévasées, le bacchanal de la nuit des âges. Lignes et courbes s’opposent et s’épousent. Les solitudes s’éclairent, de toutes les nitescentes dissolutions dépravées de l’esprit festinant…Il faut bien chasser la mort, la maritorne aux yeux de jais. Sous les halètements conjugués des chairs en fusion, les magmas globulaires bouillonnent, dans les caquelons rougeoyants des démons déchaînés.

Vous n’êtes plus que mollesses pantelantes, et peaux distendues!

J’ouvre les yeux et dessoude les mâchoires que je tenais serrées. Au centre de l’aréole de cristal de mon verre, comme un téton céleste, une goutte incarnate subsiste, telle l’œil de Dieu au cœur de la sphère. Mon verre est vide et je suis sidéré, comme celle qui fut faite sel, pour avoir osé se retourner! Je ne sais si je remonte ou redescends d’autres mondes. C’est un retour que je fais, du centre de la terre, ou de je ne sais quelle puissante galaxie, nouvelle née.

Les temps étaient tristes. Je m’étais dit qu’une gorgée de bon vin m’aiderait à traverser l’épaisseur touffue de ces heures térébrantes. Sans l’avoir vraiment choisie, c’est une bouteille de la Tenuta delle Terre Nere que j’ouvrais. Humour noir! Une sélection parcellaire en fait, la «Calderara Sottana» 2007, sombre Sicilienne, qui suinte de vieilles vignes, à flanc nord d’Etna. Les respirations apaisées d’Encelade portent, à 650 mètres d’altitude, les vieux ceps de Nerello Mascalese et Capuccio dont les jus incarnats sourdent des terres volcaniques, tel un magma sublimé…

Dans les rondeurs apaisantes du verre, le rubis grenat liquide épouse le rose fuchsia. La belle eau limpide du vin, est tout juste percée par la lumière de ce jour aveuglant qui peine à effleurer son cœur.

Somptueux! Que dire d’autre de ce bouquet odorant qu’exhale le vin, tandis qu’il s’ouvre, comme la corolle d’une pivoine issante dans la rosée d’une aube humide. Le temps du vin n’est pas le notre… C’est une ode à la cerise noire, tout d’abord. Dans son expression la plus subtile. Comme le substrat quintessencié de toutes les variétés, élégamment entrelacées. Puis en foule, des notes de framboise, de cassis, de liqueur de noisette apparaissent. Plus avant, des touches de poivre, de terre broyée, de réglisse, de truffe, de cuir, de cendre, de goudron, de fumée légère et d’huile de cade, endiablent le nez.

En bouche, le vin se fait suave, acide, granuleux et puissant, tout à la fois. La matière, imposante mais élégante, est hérissée de petits tannins «à la Barolo», taillés fins, mûrs, crayeux – comme une soie de ponce – qui percent la boule de fruits rouges fumés, comme une volée d’aiguilles fraîches et minérales. Elles tendent le vin. Derrière mes yeux clos, fugace, l’image d’un gymnaste qui fait le pont. Les embruns que les vents du nord portent jusqu’aux flancs élevés de l’Etna, laissent sur mes lèvres le souvenir ailé de la mer proche. La finale, oblonguissime, sur la réglisse fumée, me caresse le palais de sa langue de feu noir…

Tard le soir, le Guépard élégant de Visconti me regarde….

 

EEMOVATINOUCOIENE.

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