LÀ OU NUL NE SAIT.
La boule aux fenêtres de La De.
Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné – ©Tous droits réservés.
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J’ai nagé à Porto j’ai tué des Maltaises
Dans le golfe brassé j’ai équeuté des fraises
Sur les rives du Maghreb les montagnes pelées
Dévalant les falaises j’ai vu ma peau saigner
La verte Kabylie et ses douars engourdis.
J’ai bu Macao les bouges et les dandies
Apollinaire Shanghai un curé des racailles
Me suis lavé les mains appris à lire en braille
Dans les sables au désert des fennecs m’ont souri
Les filles aux eaux trop claires et leurs fruits adoucis.
Au confins des étoiles au travers des trous noirs
Derrière les galaxies au-delà des miroirs
J’ai croqué des criquets rôtis comme les pis
Des donzelles en dentelles perdues comme leurs vies.
Tout près d’Oulan-Bator aux croupes distendues
Des vols d’oiseaux de proie queues molles becs à l’affût
Le vent souffle et caresse les herbes sur ta couche
Un peu comme tes baisers qui ont frôlé ma bouche.
Il m’a fallu oui croire au courroux des grands Dieux
Qui planent dans le ciel et menacent de leurs pieux
Les petits hommes maigres, mauvais, sinistres gueux
A Tolède enfiévrée ses patios délicieux
Les lames effilées au revers des boiteux.
Me suis saigné les veines aux piques des barbelés
Qui enferment les coeurs et déchirent les pieds
Un cheval en folie perdu en Mongolie
J’ai sauté sur sa croupe comme un Elfe en sursis
Les sylphides joueuses m’ont noyé dans leurs eaux
Le soleil se couchait sur les atolls royaux
Des tortues vertes pondaient sur leurs rivages blessés
Leurs œufs comme des perles rutilantes enterrées
Ménestrels arcs-en ciels de plumes enflammées
Trémolos de gosiers palmes et flèches rapides
Affamés et cruels regards et becs acides
Crevaient les nids cachés et tuaient les nubiles.
Mon Dieu qu’il était doux de planer sur les îles
A la fin je suis mort pour renaître à nouveau
Je sortais du cercueil pour gésir au berceau
Je n’en finissais pas d’aller de revenir.
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Pour connaître la mort j’aurais donné mes yeux
Et les trésors des rois même des filles nues
Une main de mes deux et maudire les vertus.
Mais nul ne sait jamais ! Seul Thanatos pourrait
M’emporter promener là où personne ne sait.