Littinéraires viniques » 2014 » juin

LE FAT A FAIM D’AVOIR TIRÉ LA RONDE.

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D’après La Fontaine. Le rat qui s’est retiré du monde.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Les cabotins en leur prébende (1)

Content qu’un latin fat, au lard bien oint jusqu’en bas,

Sous son ramage il bande,

Se bien branle mains nues à plat.

La très belle prude était gironde,

En offrant son trou à la sonde.

L’autre lévite lourdaud s’enfonçait mors au dents.

Il mit cent fessées et le gland

Que ce balourd repus fit don à la volage

Du chibre devant, derrière : fenil (2) et décrassage ?

Il finit l’os et le gras ; le pieu irrigue les reins,

Le baveux peu clitoridien.

Au four, le très sot déménage

Le réputé, le veule fat,

En chavire, explosée l’anémone fromagère :

Si salée, la resserre légère

En voulait quelques bourres encore du veule fat ;

Fat aux délices était vanné :

Don, giclée sur les seins, à défaillir dedans,

Pas tendu le fat indigent

A la molle trique épuisée.

Fille en voulait morbleu, patins et queue au four

Elle aimait dans l’âtre et autour.

Mais le vit ne fit plus son fier,

Etait en pause, flapi, là il ne dardait plus :

Pourquoi imposer au perclus,

D’encore biner ? Il est à terre,

Queue sciée ma belle et trop peu raide ma mie ?

La paire du sieur fat et mou tombée sous le nid.

Séant fripé sous cette motte

Baliveau (3) nain, trauma (4), bien morte.

La bite en neige, c’est un souci,

Pour ce fat, ce gueux misérable ?

De l’avoine ? Gourmet servi :

Après la chose, bonne avoine, point d’amour, à table.

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(1) Prébende : Littéraire. Poste honorifique, sinécure lucrative, obtenus par faveur.

(2) Fenil : Local où l’on rentre le foin pour le conserver.

(3) Baliveau : Perche d’échafaudage.

(4) Trauma : Lésion locale produite par une action extérieure.

AU CABINET DES OPIUMS …

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Aux mystères de La De …

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Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Elle dormait au cabinet des opiums

Tandis que j’étais loin, si doux,

A siroter un verre de rhum,

A moitié triste, à moitié saoul …

–—

Elle cousait de douces pelisses,

Je dégustais un bâton de réglisse,

En regardant dans la coulisse,

Le nuage de sang cardinalice …

–—

Elle reposait les yeux fermés,

Tout doucement elle respirait,

J’étais là, tout près, tout niais,

A boire ses souffles, à la dévorer …

–—

Elle rêvait, rose au royaume des anges,

Et perchée dans son arbre, la mésange

Zinzinulait, dansait sur sa branche,

Moi je pleurais, pâle comme l’orange …

–—

Elle brillait sous la dent du soleil,

Ses cheveux épars et les abeilles,

Lui faisaient couronnes vermeilles

Mais elle pleurait jusqu’aux oreilles …

–—

Elle ouvrait ses yeux mistigri,

Velours broché ou velours gris,

Au fond voguaient des secrets pris

Au cœur des amours rabougries …

–—

Les amours folles parfois décollent,

Se télescopent ou bien bricolent,

Des romans faux, presque agricoles

Lourds comme des bateaux-écoles …

–—

Au cabinet rouge des opiums,

Dans le jardin doré des amertumes

Nous boirons à tuer la lune,

Dans les bleuets et les arômes …

–—

Chante la nuit, pleure le jour,

Sur la rivière des sangs retours …

MARIA CALLAS A PEUR.

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La Diva de La De.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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La douceur coruscante du métal en fusion,

L’or et le rouge, veines griffées, déflagration ,

Le ciel noir tonne, hurle, larmes sur les joues,

Diamant, quartz, jade, lapis, pierres des fous.

Maria Callas balance.

–—

Cristal et soie, averse forte peignée de joie,

Croches ultimes, térébrante beauté,

Casta Diva, ah ! mort de moi ! ta voix,

Les biches s’abreuvent, apaisées, regards fanés.

Maria Callas s’élance.

–—

Et au dehors, épées brisées, ton soleil pâle

En rafales, un pur éclair. Là-bas près des mystères,

Les bateaux livres, oeillères amères, noires chimères,

Colère, ta hanche couleur de râle, pauvres vestales.

Maria Callas relance.

–—

La nuit se meurt, le lourd chant roux des heures,

Au-delà des espaces, à l’unisson, sans heurt,

Glisse sans artifices, brûle les interstices,

Les roseaux gris, les loutres plumes et leurs pelisses.

Maria Callas nuance.

–—

Plomb coule, fondu, âmes perdues, au purgatoire,

Boutres glissants sur les flots verts des golfes, là-bas,

Dunes brûlées, marais salés, ibis mon roi,

Houris pâmées, loukoums sucrés, sacrés ciboires.

Maria Callas a peur …

LE BRANQUE.

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D’après Jacques Prévert. Le cancre.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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C’est un ânon pauvre bête

Et dans la nuit il a bien peur

Ce cambouis, mais quelle crème

Et l’ânon contre sa sœur

Ils sont à bout

Con contre pommes

Et tous les carêmes n’y feraient

Doux sein le bout vire et fend

Et il enfonce tout

Le chibre est au dos

Ça baratte au fond

Ça abrase et ça alèse,

Et au gré des cris cette ânesse

Sous la poussée du gland se fige

Du bec elle braie à tous ses malheurs

Sous le rabot noir du hardeur

Elle babouine trop sage et pleure.

POUR UN REGARD DAMNÉ …

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Le jardin d’Eden de La De ?

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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C’était un philosophe, il avait deux enfants,

L’un s’appelait Blaise, l’autre nommé Pascal,

Tous deux étaient plus roux que le bel écureuil,

Ils avaient un ami, c’était coco bel œil,

L’autre était crevé, une branche lourde de glands,

D’un grand chêne arrachée, un laid jour de grand vent

L’avait énucléé en le faisant bancal.

Les trois allaient ensemble aux chemins de la vie,

Jamais n’étaient par paires, toujours les trois maudits,

Baguenaudaient aux champs, et chassaient les souris,

Leurs jours coulaient heureux, ils n’avaient qu’un seul œil

Qui voyait pour eux trois, les fleurs et les roses,

Toujours étaient d’accord quelques fussent les choses,

Ils souriaient bonheur, même quand le philosophe

Bavassait ses antiennes, ses couplets et ses strophes.

Un jour que d’aventure ils couraient dans les champs,

Une belle rondelette au sourire charmant,

Au détour d’une meule, un beau jour de juillet,

Leur mit le sang au feu, et défaillir le gland,

Alors les trois compères, dans un seul même élan,

La renvoyèrent paître, au pré de ses parents,

Ils firent une croix sur la belle rencontre,

Remisèrent au panier, l’amour qui leur tendait

Ses petits bras dodus et ses seins débraillés.

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Jamais ô grand jamais, vous tous fous qui lisez,

Ces vers déglingués et ces rimes désaccordées,

N’oubliez que vos vies, un jour ou l’autre année,

Ne sauraient basculer pour un regard damné.

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Les belles amitiés, comme les poires au jardin,

Sont bien plus sucrées qu’une très belle catin.

FÉE EN DÉTRESSE.

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D’après Ronsard. J’ai pour maîtresse.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Fée en détresse et l’archange bougonne,

Qui boit l’encens à la frange qui bée,

C’est une Venus en pure majesté,

En tiqueté la bille de luronne.

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Quand je la broie, fille au doigt je tâtonne,

Charme la feuille, bout de mon bâtonnet,

Noeud qui durcit, ou que son aigretté,

Que je farcis ou bien que j’enfourne.

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Pour la mâture, du beurre je n’en ai peu,

La soie du dos pour me vêtir la queue,

Avec mon bois il me faut la pourfendre.

Dard aux abois, lunaire et purpurin,

Battant ça, le dur buis, le palissandre

Peut la choyer le jour, le bavard plein.

NOUS LAVERONS NOS VIES …

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Les folies de La De.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Pauvre de nous, de nos malédictions,

Comme deux malades en perdition

Nous nous soignerons,

Nous nous laisserons voler,

Comme des ballons en paix,

Nous ne nous interdirons rien,

Inventerons du soir au matin,

Même le midi, rôtis au fond du lit.

Pas besoin de gamines, d’héroïne,

De crack, d’amphétamines,

De partenaires, foireux et tronches louches,

De corps fatigués aux trop grandes cartouches,

De voyeurs cachés derrière le tain,

De tarifées vannées aux yeux de braise,

Ajoutés à nos cimaises,

Pour que nous prenions le train.

Celui de l’amour, force féroce qui gagne

L’avant, l’arrière, même les wagons,

Pendue à mon cocagne,

Moi allumé à ton con.

Ma Grisette tu seras, je serai Scaramouche,

Nous n’aurons plus qu’une seule bouche,

Laissons tout ça, mœurs tarées, aux niais,

Le vent, tempête entre leurs oreilles,

Tu es la fleur, opale sale, je suis l’abeille

A deux nous serons des merveilles.

Les yeux dévoilés, écarquillés,

Leurs larmes blanches en gelée,

Qui coulent, fragiles en buées,

Et ta bouche, ma mouche, sur mes mains,

Les miennes, collées, à l’orbe de tes seins

Tes doigts, griffes rouges, me pétriront

Vorace, je mangerai, soie de ta peau,

Comme un mort d’avoir eu très faim,

Et nous irons fondre sous l’eau,

Mollir nos ongles, racler nos peaux

Fripées, beignets salés oubliés,

Nous laverons nos vies vomies,

Oublierons nos passés

Et referons surface,

Hors de nos carapaces,

Profanes et baptisés,

Lavés, adieu vieilles cuirasses …

JE T’ÉCRIRAI UN LIVRE …

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La lectrice de La De.

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Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Je t’écrirai un livre sur des pétales de roses ardentes,

Avec l’encre volée au cœur des dieux sanglants,

Je couvrirai de lettres violettes les grands lagons de tes yeux bleus,

Sur la soie pâle de tes épaules, je poserai un drap de feu,

Pour que la nuit quand tu grelottes, tu sentes mon cœur furieux,

Il frappe, innocent, à ta porte, ouverte pour nous deux.

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Alors les bateaux qui pleurent sur les flots calmes de ta peau,

Croiseront les Barbares, chargés de pierres et de joyaux,

Au fond des mers, les eaux profondes de tes désirs inavoués,

Me diront de leurs voix blanches que les temps sont enfin arrivés,

Toi, te taisant, silence lourd, moi te dirai, à toi mon âme,

Arrête toi, regarde nous, là devant nous, les anges se pâment.

–—

Je t’écrirai, je serai ivre, l’histoire folle des deux amants,

Ils déchiraient aux temps anciens, comme des chiens,

Leurs chairs, leurs flancs, ronflants comme des hyènes,

Le ciel grondait, la mer hurlait, roulait ses flots bruyants,

L’orage tonnait, iris salés, les yeux poudrés des chants païens,

Pauvre fous, ignorant le jour, les velours, ivres de haine.

–—

Je t’écrirai, ma vouivre, le temps présent, la valse lente …

LAS, MON GOURMAND BISTOURI.

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D’après Tristan Corbière. A ma jument souris.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Pas de téton ni de belle vache

Paisse là, traîtresse à moelle marrie …

Con à brouter une salace

Pas une bite pourrie.

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Tas de porcs sur ta torve couche :

Ce poème, et ma rime en bouche.

Pas de pelle, pas de pipe niée :

Sale garce, du goût de ta motte,

Ma latte sucée, frein qui frotte.

Ha : Tu me fuis lasse folle à lier …

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– A ras ! Sur le bout ta guêpière !

Met la bête dans ta tanière

Tes deux gras tous ronds embrassés.

– A ras ! C’est bien doux ce pourpier !

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A ras ! Pet de poux par derrière !

– Le buis empalé : oui ça vient –

– A ras ! … et le figuier arrière …

Hé, ma sale pute ! M’aime, viens !!

ENFIN, ENSANGLANTÉ…

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Quand La De pique …

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Oser vivre le plaisir fatal

Qui emmène au-delà de soi,

Entrer dans le plaisir total

Qui fond les âmes et les croix,

Couler dans le plaisir létal

De la seringue si lisse sous les doigts.

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Vienne le temps des hors la loi.

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Arracher aux cieux en bataille,

Les yeux de ceux qui ne voient pas,

Contre tous, les accordailles,

Des voix, des chairs et des hautbois,

Quand les démons, les épouvantails,

Grincent au fond, tristes trépas.

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Meure le temps des martingales.

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Croire aux abysses, leurs eaux lustrales,

Elles glissent et caressent les peaux,

Doigts emmêles, aiguilles pâles,

Jambes croisées, quel beau tableau.

Hurlent les rois, pleurent les opales

Au vent coulis des cœurs si chauds.

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Tes seins oblongs, nos yeux farauds.

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Nous n’iront plus sourire au bois,

Ne crieront plus, cloués aux croix

Nous perdre seuls, briser nos voix,

Le longs des vies, corps de guingois,

En attendant que tu me voies,

Toi pauvre fille, petit chihuahua.

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Enfin, ensanglanté, tout près de toi.