LE SILENCE ETERNEL DES ESPACES INFINIS, NE L’EFFRAIE PLUS…

 Image empruntée au site de l’Artiste.

 

Je ne sais pourquoi, ces nuits passées, le souvenir de Bashung plane dans la lumière absente. Que veut-il me dire pour descendre ainsi dans la matière lourde qui assourdit tant la brillance de nos âmes? Que veut-il me dire pour accepter ainsi d’engluer ses ailes dans ce monde glauque qui n’est plus le sien? Je ne sais, mais lui sait grand gré de ces instants de souffrance acceptée, à venir ainsi me visiter. Toutes les nuits grandes ouvertes sur mon regard aveugle, j’attends que sa plume m’inspire… Le requiem de Mozart, dans la magistrale interprétation de Karl Böhm, roule en vagues rutilantes et sonores tandis qu’il m’aspire dans sa ronde éternelle. Sans doute sourdent-elle en diamants sonores des plumes lisses du bel oiseau immatériel?

Alors en ce jour qui n’est pas l’anniversaire de son envol, j’exhume ce texte à sa mémoire, et maladroitement tente de prendre mon essor.

L’aigle efflanqué, à l’œil doux et à la bouche tendre est parti pour la «Tournée des Grands Espaces». Dans ses serres de soie il emporte mes larmes de levantine. Mais ce n’est pas sa dernière croisière.

Il la connait cette Tournée pour l’avoir prophétiquement anticipée de «son vivant». Pour l’avoir explorée déjà au temps d’autre vies expirées, souvent. Lui, la vieille âme qui poursuit son chemin de Sagesse. Chacune est la même, chacune est différente. Cantique des Cantiques…

La figure hiératique de ses derniers instants…

La vie a lissé les boucles de sa jeunesse et le laisse, diamant, dépouillé de la graisse des apparences. L’Arpenteur des contre-allées a troqué ses santiags de cuir dur pour les ailes fluides d’un Mercure diaphane. Les chairs de la jeunesse ont fondu tout au long de ses années hypnotiques. Il a brulé sa bougie follement, butinant comme «l’abeille» qu’il a chantée. Il a ralenti son vol, au fur et à mesure qu’il nous entrainait dans les espaces subtils de nos mondes intérieurs. Il a frôlé les tentations des vanités insanes, sans jamais y tomber…

La mort l’a sculpté jusqu’à l’os jusqu’à que ce la soupe humaine, chair émouvante de la jeunesse, fonde pour ne laisser à la vue de nos yeux grossiers que l’épure translucide d’une âme fragile et vibrante.

Lentement la mort l’a préparé, presque tendrement, comme si pour une fois elle regrettait d’avoir à nous priver trop brutalement de la chaleur dont il nous enveloppait. Elle l’a vêtu de draps noirs et de lunettes de jais, sûre qu’elle était, que son chant et la tendresse de son regard, traverseraient encore un moment l’opacité de ces temps. Pour qu’il nous donne, encore, comme jamais et jusqu’au bout de ses forces, toute l’humanité poétique qui l’habitait.

Ne te retourne pas bel oiseau, nous te suivons tantôt. Dans le silence labile de mes nuits écarquillées, ton vol lourd mais fluide, m’accompagne souvent.

 

MADAMEMOTICONEREVE.