J’AI FEUILLETÉ LA PLUIE.
Carthago de La De.
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Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné – ©Tous droits réservés.
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J’ai feuilleté la pluie quand l’air était trop sec,
J’ai séché les grands lacs, cru aux salamalecs.
Autant dire qu’au printemps, j’ai croqué bien des pommes,
Et fracassé les sangs des trop petits hommes.
Me suis laissé glisser le long des blanches pentes
Tout là-haut, dans les airs, près des biches haletantes,
Essoufflées d’avoir eu à se hisser aux cimes,
Elles pleuraient, sanglotaient à se briser les rimes,
Et le rimmel coulait au bord des yeux gelés,
Comme les yeux du poisson après qu’on l’a pêché.
Alors je me couchais au pied des tours d’ivoire.
Mes dents grinçaient, crissaient plus fort que ma mémoire,
A m’enfuir pour me perdre au désert des destins,
Où les fennecs hurlent comme de faux babouins.
Dans le ciel azurin plus bleu que tes beaux yeux
De longs nuages gris comme de petites souris,
Plus ronds que les courbes de toutes les folies,
Se traînent languissants, te caressant, joyeux,
Tu les chasses en baillant comme les petits amants
Qui se sont allongés pour hurler en jouant
Au pied de ton grand lit et de ta gorge pâle,
Comme au temps des orgies du beau Sardanapale.
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J’ai effeuillé mille jours, mille nuits d’amour,
Les pleurs ont succédé aux soies et aux velours.
Aux eaux vertes des fleuves, le ciel a ses reflets,
Les grands arbres à l’envers exhibent leurs racines,
Les fantômes extasiés des souvenirs anciens,
S’accrochent en fils de glu aux pattes des oiseaux.
Sur les cols des chevaux lancés, bronze des béliers,
Mes mains sont écorchées comme celles des gourgandines
Éperdues. Et mon âme courait avec les chiens,
Tant aurait voulu sucer la moelle de tes os,
Sur les chemins herbeux qui longent la foret.
Alors, au Coeur des clairières, aux lisières des bois,
J’ai traîné ma misère tissée de fils dorés.
Dans la poussière des feuilles délitées par les ans,
Je me suis régalé en rampant sur les flancs
Des collines crémées en pleine ébullition,
Au milieu des serpents, des chasseurs de visions,
Quand les torrents couraient et que nous étions trois.
J’ai déchiré les pages des vieux livres sacrés,
J’ai craché au visage de Zemon endormi
Mais il n’a pas bronché, pas même il n’a sourit.
J’ai sauté dans le vide et j’ai fermé les yeux.
Très belle illustration et le texte est est subliment bien écrit, un peu ambigu.