UN BOUC.
Le beau bouc de La De.
—-
Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné – ©Tous droits réservés.
—–
Un bouc aux longs poils noirs, aux cornes tourmentées
Aux yeux couleur citrine veinés d’ambre vieilli
Fendus en leurs milieux, un vrai regard de diable
Quand il charge tout droit, ils ne cillent jamais
Sa lourde tête penche sous le poids des années
C’est un fauve farouche aux effluves musquées.
—–
Quand la nuit est tombée, le bouc aux lèvres fines
Campé sur ses jarrets perce le ciel obscur
Il attend patiemment qu’arrivent en rangs impurs
Les succubes et les vouivres qui peuplent les marais
Les cabrettes et les chèvres se pressent contre lui
Sa voix grave résonne jusqu’au matin bleui.
—–
C’est une bête étrange au râble torturé
On dirait un navire remontant la marée
Plus rapide que la foudre il dévale les pentes
Et chasse ses rivaux à coups de cornes lentes
Il défonce les murs et perce les murailles
Le démon est en lui qui hurle quand il braille.
—–
Son sang de charbon noir bat dans son cœur de bronze
Entre ses cuisses fortes frémit un marteau lourd
Ses bourses sont des châtaignes, son lait épais et gras
Sa barbe de prêtre fou, sa bure de laine forte
A saillir violemment les femelles offertes
Il regarde les cimes en bêlant comme un reître.
—–
Les chevreaux de l’année jouent entre ses pattes
Le bouc ne bronche pas, on le croirait ailleurs
Mais il penche le col, son regard démoniaque
Prend des teintes pastelles d’agrumes mûrs et doux
D’un mouvement si vif que nul ne peut le voir
De sa langue râpeuse il baise leurs museaux.