Littinéraires viniques » 1976

LE CHAT DE MA VOISINE…

Mon avenante voisine….

Le souvenir d’un 1976 complétement passé, acqueux, éteint comme le regard de chat de ma très accorte voisine, quand elle voit un pauvre ratounet de passage échapper à ses griffes avides, me traverse l’esprit régulièrement, et me pollue insidieusement depuis lors. Il me faut à tout prix chasser ce souvenir malheureux de ma mémoire, pour le remplacer par la gentille annonce selon laquelle – enfin, il était grand temps – je ne serai bientôt plus soumis au joug insupportable du très injuste et ruineux ISF! Et merci, à Rita la très Sainte patronne des causes désespérées d’avoir inspiré nos hommes d’en haut. Enfin, ce grossier Bouclier vulgaire est livré aux fours actifs de la Fonderie Administrative Nationale, et son métal en fusion va disparaître dans les arcanes subtiles de la fiscalité discrète, ainsi il pourra poursuivre son oeuvre de salubrité, plus finement, noyé dans la masse, mais tout aussi efficacement.

Ce soir je vais enfin pouvoir dormir sur mes lingots en fusion…

Alors, histoire de fêter ça…

Au prix d’un violent effort, bandant au maximum les quelques forces qui parfois m’animent encore, ressassant en un Mantra désespéré “Je suis un Nietzschéen, un combattant de l’Être, un Yoda en perpétuel devenir”, j’ouvre la porte de ma cave et dans un mouvement convulsif, j’arrache d’une des nombreuses piles de flacons hors de prix qui la garnissent, un “Champans” 1976 de J.Voillot

Fier comme un Winemaker seul dans son chai rénové, juste après que le dernier raisin du millésime 2010 a commencé à chantonner dans les cuves, chatouillé par une légion de levures indigènes en provenance assurée (?) de la vigne, du chai ou du chat vicelard de la voisinel (va savoir, il paraît que ça pullule ces bestioles, un peu comme la vérole sur le Bas-Clergé, sauf que ça n’abime pas les encensoirs…). Enfin bon, j’ouvre la bouteille avec des précautions de premier ministre fraîchement reconduit, expliquant au bon peuple les joies multiples qui l’attendent, s’il n’est pas riche.

Sûr que ce n’est pas une robe d’Évêque que celle de cette vieillasse, pas plus que d’un Cardinal cacochyme d’ailleurs, mais plutôt celle d’un Enfant de Coeur pauvre, qui aurait connu de longues et nombreuses lessives à la soude (la robe pas le gamin…quoique les curés…). Sous la lumière artificielle du monde moderne, le vin brille d’un grenat-rubis évolué qui se perd dans le rose, l’orangé, délavé comme le regard d’un amateur de New Bojo, à l’aube du 18 novembre, quand enfin, ouvre la porte de son caviste…

Il va bien falloir y aller me dis-je in petto (Dieu que j’aime cet in-petto!), tremblant, inquiet, concentré comme le chat de ma très courtoise voisine quand elle le caresse en se léchant les babines, qu’elle a roses et humides. Ouf, ça sent bon la vieille (non!!!) pivoine, la fleur, fanée comme mes souvenirs, la rose transie dans le tiroir d’un grenier.

Là c’est bon, tu te calmes, tu respires et t’en rajoutes pas!!! C’est du vin qu’il te faut parler et pas de tes acrobaties aériennes!!! Et arrête d’embêter tes camarades d’école!!!

Oui, d’accord, je reprends….

De petits fruits rouges aussi, de la soupe de légumes – il est complexe le vieux – des épices douces, le cuir du cartable racorni du vieil écolier, du champignon qui se fraie un chemin entre les feuilles humides d’un automne installé. Un vieux bonheur odorant, qui resurgit du fin fond de mon histoire.

Le bruit assourdissant de ceux qui lisent ce texte et se disent, agacés, “P….n, il en fait des tonnes, encore plus que d’ordinaire le vieux schnoque” me parvient. Oui les grincheux, il me parvient, avec vos noms, vos adresses vos numéros de Comptes en Banques gavés des bénéfices honteux accumulés (Puisez dans vos souvenirs Mes Seigneurs). Ben oui les gars, une momie, même fatiguée par les tourments de la vie, ça a des chemins dans les tuyaux de la toile que le commun (très!) des moineaux, n’a pas.

Alors pas de critiques acerbes ou croates, parce que sinon….

Ah la bouche… Une attaque aussi franche que fraîche, comme une douceur agressive, une matière patinée, glissante comme les BL’s au sortir d’une sérieuse dégustation en pays Beaunois. En vrac, en foule, dans un désordre apparent, les fruits, le cuir et moultes autres nobles finesses, s’enroulent voluptueusement (comme le chat mouillé de la voisine dans son panier) autour de ma langue complice. Tout est douceur, subtilité complexe, dentelle, taffetas dans ce vin, d’une finesse… (là je ne vois pas à qui ou quoi comparer si ce n’est peut-être à la langue du meilleur Molière ou à une gavotte de Bach??). La finale (enfin ça se termine, soupirent les lecteurs pressés…) est dans la droite ligne, douce mais fraîche comme une caresse. Elle monte, très lentement, en puissance, pour délivrer d’ultimes notes de groseille, de menthe bleue qu’égaient quelques tanins, polis comme le matou de la voisine – top tendance le margay à poils ras – quand il a bu….

Pendant ce temps là, le chat de ma voisine, lové dans le couffin du bébé qu’elle n’a pas eu, ronronne…

 

ERASMOSETIRECONEENEE.

QUAND L’EUROPE SE FAIT MOELLEUSE.

Shoji Sekine Portrait d’un garçon. 

 

Que ceux qui n’aiment pas les abricots ne lisent pas ce qui suit…

Le temps s’est mis au trop beau d’un coup…

Les fumées corrosives du volcan d’Outre-Septentrion se dissipent dans le ciel superficiel des médias constamment affamés. Les champs sont beaux de tous les verts printaniers, saturés et changeants. Tout au long des truculences fleuries qui s’épanouissent, jusque dans le creux des goudrons fendillés des routes de campagne, les arbres déploient leurs coquetteries, jour après jour. C’est la fête aux pastels, le long de leurs branches que l’on ne verra bientôt plus. La terre, en cet hémisphère nord, fait la belle et recouvre ses rondeurs de ses sortilèges chlorophyllés. De nos agitations égotiques, elle n’a cure.

C’est dire qu’elle n’est pas rancunière…

Le Club AOC, en ce mois d’avril se réunit joyeusement en son Couvent des Recollets, pour sa dégustation mensuelle. Ce mois-ci à l’épreuve, quelques moelleux Européens. L’ambiance est moyennement studieuse, mais furieusement festive… Ça palabre sous les baobabs. Il me faut vous dire que les gaillards qui m’entourent, n’ont rien de ces amateurs tristes qui dégustent les vins comme des notaires Balzaciens. La ruche est bruyante, turbulente, joyeuse et gourmande.

Dans l’ordre de dégustation :

FRANCE :

Sauternes « clos des Remparts » 2005 :

Sauvignon-Sémillon-Muscadelle. Un vin délicat sur les agrumes, les épices et la menthe. Léger, équilibré, frais, une gourmandise.

« Clos Dady » 2005 :

Mosaïque de 11 parcelles de vieilles Vignes, il ne donne que 2 à 3 verres par pied. La matière est plus dense et remplit la bouche d’un jus prégnant qui finit fraîchement sur des notes fines de mandarine.

Pacherenc du Vic Bilh Berthoumieu »C de Batz » 2003 :

Au nez, ce gros-manseng délivre des notes jasminées que suivent en bouquet des touches de thé, d’orange sanguine, d’amande fraîche, de chamallow, de poivre blanc et de muscade râpée. La bouche, toute de confiture d’abricot épicée, est tendre. C’est correctement long et équilibré.

Quart de Chaume Baumard 1976 :

Bel or à reflets verts pour la robe de ce vin d’âge respectable. Le nez tutoie le riesling avec ses notes pétrolées, auxquelles succèdent la terre sèche, la propolis, la pâte de coing, le calisson, la noix fraîche et le zan à l’anis. La bouche est grasse et ronde, pulpe de coing et d’abricot en dentelle de rancio. La finale, longue, reste joliment acide.

AUTRICHE :

Martin Pasler Muscat Ottonel 1999 :

Un Trockenbeerenauslese, une VT qui titre 10°. Une robe jaune ambrée pour ce concentré de « litchi », de miel, muscaté bien sûr. Se joignent à la sarabande, les raisins au rhum, l’encaustique, le toffee, la menthe, la réglisse, la marmelade d’orange….ça évolue sans cesse. Le silence règne dans la salle d’école, ça plait…unanimement. La bouche, longue comme un discours de prélat cacochyme, est une explosion de joie qui mêle le thé au coing et à l’abricot juteux, c’est infiniment long et frais.

Martin Pasler Chardonnay 1999 :

Auslese cette fois. La robe d’ambre et de cuivre, splendide, luit dans le verre comme une cuirasse Romaine (why not), un petit matin de bataille. Effluves d’agrumes, de figues confites fumées et de tabac blond, enchantent le nez et le disputent à la bergamote et aux cerises à l’eau de vie. La bouche est pleine de coulis d’abricot, de raisins secs et de liqueur de Thibarine. C’est long, long, très équilibré et ça laisse la bouche aussi propre que le plus vif des muscadets.

HONGRIE :

Château Pajzos 1993 :

Un Tokay 5 puttynos, furmint comme de bien entendu…La robe est claire, orange ambrée. Le nez, tranchant comme une lame de hussard, mêle aux épices, le pain du même bois, la noix de muscade, les raisins de Corinthe et le macaron. La bouche est fraîche, toute de marmelade d’orange et d’abricot mi-mûr.

ROUMANIE :

Murfatlar 1973 :

Un Sauvignon botrytisé, compagnon des agapes de la Nomenclatura « Causecienne »??? Sans doute… Sa robe est vieil or, traversée de reflets, verts comme le teint d’un vampire Transylvanien à l’heure où pointent les premières lueurs blafardes d’une aube hivernale. Dans le lointain, le galop étouffé d’un cheval aux yeux fous…. Du café frais au nez, puis du curry, des notes d’ortie(??), de miel et de cire. Dragées, pâte d’amande et café «itou», roulent en bouche. C’est gras, long et frais. 72h après, c’est encore meilleur, comme le souvenir, ému et frémissant, du baiser mortel de l’amant infernal.

Un peu lyrique peut-être?

Chacun jugera…

L’auteur réfute par avance toute contestation chagrine relative à la véracité des faits rapportés. Pour l’orthographe Allemande, il en va de même…

 

ESUMOTICREECONE.