C’EST LE DIABLE QUI LEDY…

Cognac. Arts de la Rue 2009.

 

Ce démon sur tee-shirt sombre porté par un noir – suis très noir ces temps-ci – m’a attiré malgré moi. Comme subjugué, je l’ai suivi dans la foule compacte un moment et lui ai tiré dessus à grandes rafales d’obturateur. Sans crier gare ni métro il s’est fâché, s’est vêtu de feu et a jailli du tissu comme un Diable de sa boite. Depuis, me sens différent. La journée avait été belle et chaude. Elle avait apaisé un temps mes douleurs récurrentes de sexagénaire diplômé. Quelque chose a bougé à l’intérieur, comme un cœur qui aurait perdu sa pointe. Le succube m’a laissé exsangue et rêveur comme anesthésié dans une semi-conscience reposante…

Quand tu sens que tes globules peinent à remonter les écheveaux complexes de tes artères pourtant béantes, qu’elles ont du mal à glisser aussi le long des berges sombres de tes veines ordinairement gonflées de vie, tu t’inquiètes! Ben oui!!

Quand ton cœur pompe comme une machine asthmatique les souvenirs éteints de tes bonheurs lyophilisés, tu t’inquiètes aussi!! Tu sens que t’as besoin de sang, de vie, d’envie. Que ça pulse, que ton pouls te sois rendu, que ça batte la mesure, l’amble, la bourrée, le rock’n’roll dans ta viande assoiffée. Alors tu te remplis des protéines de la chair croquante des calamars dorés, de vitamines, du jus sucré des fruits de l’été. Pour te rasséréner, pour te requinquer, pour te remplumer. C’est alors et assez vite que la soif te gratouille le cervelet.

Mais t’as pas envie d’un truc extrême qui va t’obliger à frôler l’AVC. Un Bourgogne simple et généreux plutôt que la «barbotine des marmiteux» chère à Rabelais, cette absinthe aux propriétés vermifuges. C’est de l’air et du sang de la vigne qu’il te faut. Sus à la Haute Côte de Nuits 2007 de Vincent LEDY

Sur ces côtes qui ne sont pas si hautes, tu voyages au long des vignes, penchées sur les orchidées sauvages qui leur murmurent leurs secrets. Ça babille dans les rangs, ça chante à voix basse le chant de la sève et de la terre.

Dans la bouteille le vin pourpre d’un jeune vigneron t’attend.

La robe fluide, rubis à reflets grenat, traine ses larmes grasses sur les parois du verre. Le nez est épanoui, généreux, sur la terre humide, la violette, la framboise, la cerise bien mûre, le noyau et sa légère amertume qui devrait se fondre avec le temps. Une petite touche épicée tonifie le tout. Un vin qui n’a sans doute pas connu le bois neuf? La bouche est soyeuse, la matière est belle et fraîche, les tannins sont fins, ronds comme une purée poudreuse. Cerise et violette aussi qu’exalte une acidité élégante. Puis le noyau apparaît et ajoute à l’ensemble une amertume bienvenue. Le vin affirme sa puissance en envahissant progressivement la bouche. Ni creux, ni faiblesse. La finale est longue sur le noyau et les épices. Un vin goûteux et gourmand qui se boit avec délices et qui vous laisse la bouche propre, prête à recommencer.

C’est diablement bon, franc et élégant.

 

EDIAMOVOTILACONE.

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