Littinéraires viniques » VINS.

QU’ELLE EST BONNE LA MARTINE…

Jan Steen. La mangeuse d’huîtres.

 Saint Jean des Monts sur Côte Vendéenne, en ce début Novembre 2010 de la fin du monde. Sur les 250 kilomètres qui séparent Cognac de cette Chouannerie, nombre d’Arches de Noé tentent de se construire, régulièrement démontées par les bouffades enragées d’un vent tempétueux. Agrippé comme Agrippine au poignard de Néron, soudé au volant comme huître à son rocher, les quadriceps en fusion et les bras noués, je cherche mon chemin de paradis, entre les vagues hurlantes des eaux, catapultées d’un ciel en sinistrôse profonde, par un Éole frénétique. Au bout de l’enfer liquide, le sourire chaleureux d’un homme à La Pipette curieuse qui en vaut quatre, accoudé, du bout de son sourire barbu, au bar de bois nature d’un caviste fêlé, qui règne démocratiquement sur son Carlina de Chai. Il fait bon vivre, rire et boire entre les murs de ce lieu convivial, beaucoup moins foutraque qu’il n’y semble au premier abord. Plus un espace libre sur les murs, que tapissent à la va-comme-j’te-pousse, les souvenirs sur planche de caisse des hôtes de passage, la collection de boites de sardines du patron, des dessins d’enfant, des bouteilles vides en groupes ou en pagaille, les cailloux du Petit Poucet semés par-ci par-là, et foultitude de petites choses de toutes provenances…, un étrange foutoir surréaliste et chaleureux, qui vous console d’avoir bravé Zeus en bagarre, avec Neptune en furie.

Derrière le bar, en salle, à la cave, en cuisine, partout à la fois et en même temps, Philronlepatrippe semble mener une existence stroboscopique. Entre ses mains rapides, les bouchons volent comme abeilles de liège. Sur le bar, les bouteilles, serrées les unes contre les autres, orphelines craintives, se tiennent mutuellement frais, et suent par-dessus leur verre tant elles angoissent d’être vidées trop vite, ce qui définitivement les priveraient des longs regards amoureux, que leurs jettent la brochette mal cuite, de picoleux impatients accrochés au zinc.

La soirée, vouée aux méléagrines d’origines diverses, est – Novembre oblige – intitulée «14-10-huîtres»… Plus précisément douze variétés d’Ostrea sont proposées deux par deux, soit vingt quatre mollusques salés à téter, à slurper, à gober bruyamment, à ramasser, parfois lourdement chus sur le pantalon, comme glaviots glaireux. Bref, à déguster avec des mines de patte-pelu gourmand. Autour des reines du soir, beurres AOC, du doux au demi-sel, en passant par le délicieux beurre aux algues. Histoire de pousser les molasses au-delà du canal de la luette, douze vins différents de toutes régions, mais tous blancs of course (les Vendéens ne sont pas Parigots branchouilles qui assassinent ces pauvres bébêtes sans défense à grandes lampées de Bordeaux sévèrement douellés ), ont été choisis pour les exalter. Douze vins donc, parmi lesquels le «Clos des Rouliers» 2008 de Richard Leroy me séduit à nouveau, quand il envoûte de son Chenin longuement élégant, la chair pâmée de la «Prat ar Coum» Bretonne. Mais entre toutes ces belles offertes, c’est sans conteste pour l’Irlandaise, la «Muirgen» qui finit son élevage à Cancale, que sonnent les cornemuses de la victoire. Il vous faudrait la décoller délicatement de sa coquille, puis verser une giclée blonde du «Phénix» 2009 de Guy Bussière dans son écrin, enfin vous mettre le tout en bouche, pour comprendre combien la finesse, le croquant, la douceur, la longueur de la chair, fouettée par ce «modeste» Melon du Val de Saône, vous caresse longuement le palais. D’autres vins, dont nombre vouent un culte mérité à Demeter la Grecque agricole, réussissent leurs épousailles avec les bivalves. Le Muscadet 2009  “La Bohème” de Marc Pesnot, le Sancerre  2008 de Gérard Boulay envoient, pour l’un, au septième ciel, le sarcoplasme iodé de la «Vendée Nord Ouest pleine mer», pour le second, c’est le pied tendre de la «Utah Beach» Normande qui enfle de plaisir. Tout est là, jouissance et volupté en bouche…

Mais le temps s’écoule et la parenthèse se referme. Le bitume succède à la grève venteuse, le vent persiste mais les eaux restent au coeur des cieux lourds. Au platitudes bocagères Vendéennes succèdent les reliefs doux de la Saintonge, puis les plaines et coteaux de la Charente, jaunis ou rougis par les vignes, qu’enflamme encore l’automne. Céans, l’eau, abondament bue, me nettoie les cellules quelque peu engorgées par les jus blancs, les beurres et les corps croquants des belles de mer. Mais ce jour, après deux jours, me revient l’envie d’un tour en Macônnais, en Chardonnay gourmand. Là-bas, entre les roches célèbres qui se font face, non loin du Val Lamartinien, à Uchizy, un peu plus au nord le climat «La Martine». Un vin de poète? Peut-être, mais pas Lamartinien pour un sou…

La robe de La Martine est pâle, rehaussée d’ors lumineux.

Les parfums de Martine montent au nez, bien plus mûrs qu’elle. De son corsage, qui rebondit au rythme de sa course innocente, s’échappent en volutes chaudes, des odeurs de petits matins de pâtisserie, de paniers de fruits jaunes et dorés à l’étal d’un marché d’été, de bocaux de fruits confits, de boites de Calissons d’Aix. Un bâton de réglisse retient la cascade blonde de ses cheveux. Les fleurs des chèvrefeuilles s’écartent sur son passage et ajoutent à sa trace odorante… C’est un bonheur de la suivre du bout du nez.

La suite de ce Mâcon-Uchizy, en bouche, est plus délicate….Je ne m’y risquerais pas et dirais succinctement qu’elle est est à l’avenant, une gourmandise mais avec de la matière, un jus délicieux que tend et rehausse une finale délicieusement fraîche. Martine est un bonbon dodu que l’on aime à croquer, qui gicle sensuellement entre les dents, pour vous prendre langue et palais, de toutes ses rondeurs généreuses et fruitées. Les 2006 des “Bret Brothers” du Domaine de la Soufrandière sont, pour ceux que j’ai goûtés jusqu’à présent, la gloire d’un millésime bien maîtrisé.

Ce que qui précède est pure fiction, résultat d’une récente nuit trouée par une insomnie blafarde. Seuls sont réels les mollusques et les vins cités.

EFEMOTILEECONE.

LA SUPPLIQUE A SUPPLY…

Gérard David. Ange de l’Annonciation.

 Oui…pour les chineurs de perles noires surtout. Tant pis pour 2011.

Concélébrons à nouveau et avant tous (c’est ça le chasseur de tendance) cette année encore proche qui voit Monsieur Eric vendanger le «Mourvèdre des Crouzets» 2007. J’ai eu beau scruter Gogol Earth en long en large et en relief, point de parcelle perdue sur les flancs du Baudile à me mettre sous les yeux. Appelé à la rescousse Géo l’hexagonal ne fit pas mieux.

Les «Commentateurs» étant immodérément issus du croisement hasardeux entre le Phaseolus communis Pritzel et le Phaseolus compressus **, je remercie à genoux le père fondateur qui me donna vie. Merci à toi, Ô César des mondes liquides, d’avoir permis à mes papilles curieuses de goûter cette bénédiction faite vin. Oui, sans toi ma vie eût été toute autre et la fadeur convenue des breuvages encensés par les prescripteurs installés, aurait sinistrement continué à réjouir mes tristes habitudes d’amateur ronronnant.

Voilà c’est fait. Si après ça je me fais virer, c’est à désespérer de vouloir jouer au Jack Lang des courtisans virtuels…

Or donc revenons à ce génial Mourvèdre.

Toujours et encore et pourvu que ça dure. Je m’en régale déjà en regardant l’œil humide de la bouteille opaque. De la bonne grosse boutanche à verre épais et large cul qui vous remplit la main d’un honnête homme. Lourde comme les seins d’Andréa Ferréol dans «La Grande Bouffe», mais en plus ferme… Un vin comme ça, jeune et de Baudile (Vin de Pays du Mont…) issu, va falloir l’aérer, le détendre, l’assouplir, l’apprivoiser, faute de quoi il va me faire son gros bourru boudeur, cul serré et tanins hérissés. Casanova devait être un fin dégustateur me dis-je, souriant, vieux matois, aux souvenirs exquis d’anciennes joutes et de récentes aussi, VdV oblige!!!

Vous allez vous dire, j’en suis sûr : «Il déraille encore plus que dab le vioque!!!(vocable emprunté au vocabulaire, d’ordinaire pauvre, du lecteur ulcéré). On lui a pas donné sa tisane et son bromure hier soir ou quoi!! C’est pas qu’il nous ferait une poussée hormonale éphémère et tardive??? Va encore falloir gober ses hallucinations, ses états d’âme, ses radotages, ses idées fixes???».

BEN OUI, il a eu fallu!!!

D’un coup sec et viril, à l’ancienne, le col du flacon bien serré entre les cuisses, j’attaque le bouchon. Ça couine un peu sous le sommelier. Normal c’est jeune, mais ça capitule de suite. Ça fait un joli «glop». sonore, net, sans chichi. Faut dire que c’est pas le genre vieille chochotte qu’a bourlingué dans tous les caboulots d’Amsterdam, mal conservée, qu’a eu chaud plus d’une fois et qui rend son bouchon quasi délité, dans un borborygme humide, comme une Bretonne qu’attend son marin de mari, plein hiver sur les quais de Paimpol *. Non, c’est un beau bouchon, cœur de liège, un vrai géant qui pète clair et qu’était encore bien au chaud dans la poche de l’Eric y’a pas si longtemps. Puis je verse dans le Spiegelau ventru un beau jus d’un rubis foncé, au cœur noir comme une haleine de dragon. Deux tours de poignet et le vin tapisse, une seconde immobile, les parois du verre avant que de se répandre en larmes grasses tout autour du disque. La pierre précieuse, aux reflets violacés, brille sous la lumière douce d’une lampe de bureau. C’est que ces jours-ci le soleil est en Afrique…

Sous le nez, des jardins. Dans les jardins, profusion de fruits rouges gorgés de jus. La rosée caresse la terre du Mont qui exhale ses senteurs humides, ses parfums de bois rares et les effluves épicées des poivriers avoisinants. Les épices douces s’enroulent autour d’une pointe de cannelle, d’un soupçon de vanille, d’un fragment de bois de réglisse et d’une goutte de jus de rôti grillé. Mélange des genres…

Et j’ai le nez ravi! Poussière sur le plumeau, le sentiment de humer la complexité harmonieuse d’une crème de liqueur. Usant de stratagèmes, je retarde l’instant de la rencontre. Dieu qu’attendre est exaltant. Comme il est doux d’avoir le pouvoir de se freiner. Au bout de deux jours quand même Chérie, je peux??? Oui viens, me répond dans un zéphyr odorant, le vin dont la surface ondoie sous le souffle de mon impatience. Mais qu’il est souple ce jus qui se donne tout en se retenant. C’est gras, tendre et serré à la fois. Une pelure de tanins mûrs et délicieux, un chocolat Grand Cru en bouche, fin, subtil, équilibré bien que du Sud (comme quoi y’en a qui savent faire…). La puissance est là cependant, contenue et s’exprime dans le registre de la subtilité plutôt que dans celui de l’esbroufe. En finale, le vin s’allonge indécent, en toute fraîcheur et installe sa réglisse épicée sur mes papilles turgescentes qui n’en finissent pas d’exploser…

14°8 parfaitement maîtrisés.

A la relecture je me dis que cette matière sauvage aurait tout aussi pu donner un bloc monolithique, indigeste, lourd et alcooleux. Il fallait savoir la lire et la dompter. Certes le terroir, notion dont nous nous gargarisons souvent, est importante sinon essentielle, mais sans la patte du vigneron…

Alors Monsieur Supply-Royer, je vous en supplie, ne changez rien à vos manières d’être et de faire, même pas les prix. Dix euros chez un caviste en ligne.

* Vous avez de la chance, je la vois debout, sinon…

** Le premier qui trouve gagne un Gaffiot hors d’usage…

 

EBEAUMODEALATIBAUCODILLENE.

LA BARBUE ET LA TATIN…

 Le Dimanche est un un jour blanc, surtout quand l’Automne joue l’hiver.

Ça pèle et ça tombe. Les rues de ce matin de mi Octobre 2010 sont sinistres et désertes comme les espoirs déçus des militants les plus enthousiastes. C’est réservoir vide et démarreur grippé. Le bon vieux syndrome «le bonheur est sous la couette» est de retour. Mais bon la couette, à moins d’être un mutant bionique qui se goinfre au nucléaire, ça peut pas faire les six mois quand même!!! Alors il faut bien se trouver des virgules de plaisir.

Pour le bonheur, priez mes frères, il est au bout du chemin.

Ce terminus, cette fin que l’on n’atteint jamais, sauf à le confondre avec les spectacles du cirque des égos insatiables pour lesquels le superficiel et l’ultime se confondent.

La table sera le petit bonheur de ce Dimanche donc, pour le bipède que je suis.

Imaginez, une bonne Barbue, non, pas de ces barbus médiatiques qui foncent tout droit comme des boeufs aveugles dans le premier mur rouge qui se présente, mais ce poisson de choix à la chair subtile comme une Ministre de la Justice. Cuite à point, à four chaud sous ses épices, la peau craquante et l’arête rose, pâle comme un rêve de Socialiste.

Mais comment lui rendre hommage, l’accompagner, la rehausser, la magnifier, la sublimer, bref l’aider à donner son meilleur???

MEURSAULT!!! mais c’est bien sûr!!! J’m’en va péter une bonne année, une très bonne même, un Verget «Tillets» 1999!!!

Boosté par une imagination en délire, j’exulte, j’anticipe. Je bave déjà à l’idée presque tactile de ce mariage rêvé entre une chair parfumée et les caresses torride d’un vin tendre juste ce qu’il faut. Ces fruits jaunes et mûrs qui roulent entre les arêtes raidies, cette tension du vin que les fibres fondantes de la chair assouplissent, cette peau craquante que le gras ensorcèle…L’orgasme est d’abord dans la tête!!!

Tout est prêt, fin prêt même, assiettes chaudes et bouchon sain. «E va la nave», ça roule, les sens sont affutés comme des Laguioles, les mains tremblent et les papilles frétillent…

La première bouchée de Barbue, à nue, est un délice. Les épices craquantes enrobent une chair qui se rend, alanguie et complice. Hummm, je débouche à l’orée du jardin des délices. Vite que je m’abreuve aux eaux parfumées des ses fontaines délicates. Les yeux fermés et la narine palpitante je plonge dans mon verre, persuadé que le Paradis Terrestre est à moi…

Las, la grosse mère Tatin se substitue à la sylphide gracile qui devait m’emporter au Septième ciel, bien au dessus du couvercle gris de ce jour infâme. Elle me remplit les sinus des arômes vulgaires de sa pomme cuite et rassie, de ses relents de cire morte, de ses miasmes ordinaires de vernis de carnaval… Point de vergers ce jour chez Verget, mais un vin mort de chez Borgnole.

Je m’effondre.

 

EDEMOPROTIFONCODISNE.

PAS UNE MULE, ASSUREMENT…

Bartolomeo Veneto. Lucrèce Borgia.

 

Un Chateauneuf peu connu???

Ah les Papes! En ce temps là, ils étaient malins les bougres. Belle région, beaux produits locaux. En ce temps là donc, c’était le temps de la Papauté à burettes rabattues et non pas le temps actuel du Dogme à tout prix. Certes le Pape sortait couvert mais c’était sous une ombrelle, pour se protéger du soleil. Entre les deux l’équilibre reste à trouver.

Chateauneuf du Pape, Famille Bréchet, «Gabriel» 2004.

Ce jour qui est le lendemain d’hier et donc de l’ouverture de la bouteille, le vin me remercie de ma patience. Il a pris le temps de se réveiller, de s’étirer dans tous les sens. Rien que de plus normal pour ce breuvage que l’on dit «vivant». La veille à l’ouverture, il faisait carrément la gueule et pour le faire bien comprendre, il ne se privait pas d’envoyer sous mon pauvre nez de vraies bouffées désagréables de vieux placard dans lequel un rat aurait été trop longtemps enfermé. Dans ce domaine, la «parenté» avec l’humain est patente…

Assurément du Grenache blanc dans la bouteille. Une petite recherche m’est nécessaire pour apprendre que s’y adjoignent 17% de Roussane et 3% de Picardan. J’avoue que Picardan ne me dit rien, mais à ma décharge je ne suis pas très familier des CDP en général et des blancs en particulier. Re-recherche donc qui m’apprend ainsi qu’à tous ceux qui ne le savaient pas, que ce cépage serait proche de l’Oeillade blanche, autrement nommée, Aragnan, Grosse Clairette, voire même Papadoux!!! Voilà qui me fait une belle jambe… Enfin ça tombe bien, maman coud pendant ce temps là. M’en vais pouvoir m’en régaler tranquilos. Tout bien réfléchi j’opte pour Picardan qui me plait bien par son côté «viril», «Pardaillan», «Picaresque». Encore qu’Aragnan, ça le fait pas mal non plus. Le Mousquetaire, ça a de l’allure et ça plait beaucoup aux filles. Un petit côté viril, piquant, qui dégaine pour un rien…En revanche, je laisse tomber la Grosse Clairette, ça fait vin mou et déjà que je ne suis pas trop en phase avec les gros machins baraqués de la région, cela risquerait d’outrer mes préjugés déjà sur-développés. Il faudra bien qu’un jour, ou plutôt une nuiiittt le Génie de la lampe éponyme m’initie aux subtilités des gros-qui-tâchent (c’est le cas de le dire), mais qui n’y arrivent pas toujours.

Une très discrète robe pâle, une robe de vin blanc en fait qu’agrémentent quelques reflets gris et qui accroche à merveille la lumière déclinante de ce jour presque échu…

Dans le genre «j’ai besoin d’air!!», ce CDP est l’un des vins les plus gourmands et les plus résistants, qu’il m’ait été donné de rencontrer. C’est le troisième jour qu’enfin le nez vibrillonne lorsqu’il se penche, une fois encore, sur le verre grand ouvert. Là, la bougresse se donne sans plus de retenue. Le premier jour elle s’était montrée prudente, hésitante, minaudant comme une rosière surprise au sortir de la sacristie. Quelques notes fugaces autour de la térébenthine fine, de l’encaustique de ma grand-mère et du pétrole plutôt raffiné, pas très «Golfe pas très clair». De quoi appâter le chaland. Le lendemain Margot entrebâille son corsage, pour donner un peu plus. Des fleurs surtout, plutôt Chèvrefeuille avec un soupçon de Jasmin. Alors là, qu’une femme, une rosière de surcroît, m’offre des fleurs, j’ai beaucoup apprécié. L’apothéose c’est «just now!» La rosière a pris de la bouteille et se dévoile. Jamais je n’eus pu croire, qu’elle eût eu tant d’expérience et de trésors cachés. C’est la totale. J’en prend plein le pif. Le bouquet, car il s’agit bien d’un bouquet artistiquement composé, vire au feu d’artifice olfactif. Au notes sus-citées se marient et s’enroulent des touches de violette, d’anis étoilé, de fruits blancs et d’abricot mûr. Le tout avec délicatesse et élégance.

En bouche la belle est douce mais sans mièvrerie. Sous les rondeurs de la chair, la fraîcheur est là qui tempère et équilibre le tout. Encore une fois la jouvencelle est riche de bien des attraits, mais jamais elle ne devient ostentatoire ou ne tombe dans la vulgarité. On sent derrière toute cette vitalité la qualité d’une bonne éducation. Tout ce que le nez pressentait la bouche le confirme. Fruits gourmands et épicés avec ce qu’il faut de gras pour que tout cela tienne harmonieusement et enchante le palais. La rosière qui eût aussi pu faire une aimable chaisière, tire une révérence qu’elle reproduit sans jamais se fatiguer, et laisse en bouche la trace prégnante, d’une réglisse délicate.

PS : Par souci de convenance je n’ai nulle part mentionné la présence d’une impression subjectivement minérale qui aurait œuvrée dans le sens d’une quelconque structuration du vin…

 

EGAMOBYTIGACOBYNE…

T’ES ENCORE LA, LAYLA ?

  

Celui qui n’activera pas le lien ci-dessus se privera, à mon humble sens et très partial avis, d’un des sommets de la musique rock-chichon-devenu-beuh des vieilles années qu’elle est pas moins bonne – hein Simone!!! – , que tout ce que vos oreilles engourdies par le chant des sirènes en carton-pâte subissent à longueur matraquante de médias, soumises au joug fade et doré des profits immédiats.

Le Clapton est toujours là, inoxydable et racorni.

Ce type est une géniale éponge… Parce qu’il ne s’est «privé» de rien. Parce qu’il a tout essayé, tout lampé, tout sucé, tout avalé, comme le jeune chien fou qu’il était dans les vieilles années. Ces années-crazy, ces années ou la jeunesse de «naguère» aspirait autant au bonheur qu’aux pipes opiacées improbables. Tous ces illuminés aux yeux écarquillés, explosés par les substances, mais qui croyaient en un idéal naïf, souvent vague certes comme leurs réveils, mais généreux.

Ce type est une géniale éponge qui a survécu à toutes les doses, à tous les échecs, qu’aucune désillusion n’a dilué. Tout ce qu’il a croisé l’a nourri, il a tout transmuté à sa mode à lui, indémodable, définitive, faite pour traverser les âges comme les très grands vieux flacons. Dans les mystères intimes de sa guitare se mêlent, s’enroulent, s’enculent et se reproduisent comme autant de véroles lumineuses, les inspirations géniales, les éjaculations électriques les plus acides, les cris les plus rauques, les sons les plus saturés, les désespoirs les plus extrêmes. Comme ces soies sauvages qui ne volent pas sur les corps fragiles de nos déesses chichiteuses et tellement glamours! Sûr que les riffs exacerbés de «Crossroads» illustrent mes propos; cette basse serpentine, tenace, qui colle aux soli comme l’avidité aux regards, cette guitare mi-rauque, mi-sucre qui arrache tout ce qu’elle touche, qui déshabille, qui dépouille, qui vous «cream» le boyau, qui vous emporte au-delà de vos limites, qui explose le mur du çon, qui indispose les cons, les figés, les momifiés.

 

Faut vous dire monsieur que «Cocaïne», c’est pas sérieux. Clapton, ça lui aère les cordes. Ça crame les narines, ça crispe les neurones. De la politique, de la finance, comme du show-biz mais c’est pas une raison. «Faut dire que chez ces gens-là, on ne vit pas monsieur, on compte…» tout court ou sur vous pour mieux vous oublier.

A lui, à sa guitare féline, je dédie «Les Amoureuses» de Groffier qui honorent mon verre en ce jour de toutes les souvenances et du départ irrémédiable à venir.. 1999 est dans les limbes quand 2010 m’est un enfer qui m’y envoie…

Mutines, elles agacent le nez de leurs fragrances florales pour mieux vous préparer les papilles. Aériennes, élancées, élégantes, sensuelles, elles s’enroulent en bouche comme autant d’odalisques souples, grasses juste ce qu’il faut, pleines et juteuses, craquantes et croquantes, graves et espiègles à la fois. Ça balance en riffs exacerbés, graves, mortels, sous les aigus poivrés du diable. Sous le nez la pivoine, rose sauvage à peine éclose, ondule. En bouche, dense et charnue, la matière riche de la pauvreté du sol (comme quoi…), se donne et s’échappe tout à tour comme la plus déroutante des amantes. Elle est fraîche et rouée la bougresse, elle charme et envoûte, elle susurre et explose au même instant. Ses grâces raffinées de sylphide diaphane mais infatigable se devinent sous la soie transparente et changeante de sa robe écarlate, comme transfusée…

Belle Amoureuse que je ne connaitrai plus, Belles Amoureuses qui ne m’attendent plus guère quand ma vie s’en va au long des chemins hasardeux et attendus de l’après, je vous offre les plaisirs conjoints…de la musique et du vin que je ne boirai un jour plus.

Sur la mer calmée, les rides imperceptibles des sanglots salés s’éteignent.

«Coelum, non animum mutant qui trans mare currunt…»*
 

  Allez! Cadeau à toutes et tous, pour finir en beauté….

 

* Horace.

 

EHODIEMOMIHITICRASCOTIBINE…

À LA GARDE NOIRE…

La Garde Noire.

 Une Maison d’Alsace Jean Baptiste ADAM comme il y en a tant d’autres en Bourgogne ou ailleurs… Un vin le Riesling Kaefferkopf Grand Cru 2007.

Mais ADAM, je ne sais pourquoi, à peine lu, je me retrouve apnéïque en réa – qui n’est pas paradis! Un corps d’ébène qui fut puissant, vieilli, immobile. Seul le bruit cliquetant des robots crève le silence sépulcral de cette salle High-Tech. Depuis deux lustres et demi, Jean Pierre Adams survit. Coma abyssal dont il n’est jamais sorti. Karma-Coma? Ah, la Garde Noire… La gigantesque, l’infranchissable, une ligne qui n’était pas Maginot. Pas de ces boursouflés richissimes qui traînent leurs fatuités incultes, oreilles bouchées et regards vides, sur les vertes pelouses des paradis de pacotille. Les idées auraient elles leurs vies propres, leurs associations intimes, à l’insu, secrètes et qui renvoient notre sentiment de liberté pleine et entière au rayon des illusions pas perdues pour tout le monde? Trésor-Adam(s), comme si le premier homme gagnait au Loto!!! Ça se bouscule, ça s’entrechoque dans l’espace-temps. Oui c’est bizarre les neurones, ça peut occulter le quart d’heure passé et vous aspirer dans le plus profond des comas dépassés du passé…Sans doute pas des jumeaux le J.B et le J.P, ou alors une grand mère volage, séduite au coin d’une grange, au cours de je ne sais plus trop quelle guerre du siècle dernier, au temps où les les colonies et les DOM-TOM n’étaient pas avares de chair à canon bon marché… Depuis on leur sert une solde de misère… Ah la République, qu’est si généreuse avec avec les tatas et les tontons qu’en ont pourtant tant, l’est pas toujours ben glorieuse la bougrasse!!!

Parenthèse 1.

«Ô temps, suspends ton vol! et vous, heures propices,

Suspendez votre cours!

Laissez-nous savourer les rapides délices

Des plus beaux de nos jours!

Assez de malheureux ici-bas vous implorent;

Coulez, coulez pour eux;

Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent;

Oubliez les heureux.

Mais je demande en vain quelques moments encore,

Le temps m’échappe et fuit;

Je dis à cette nuit: «Sois plus lente»; et l’aurore

Va dissiper la nuit.

Aimons donc, aimons donc! de l’heure fugitive,

Hâtons-nous, jouissons!

L’homme n’a point de port, le temps n’a point de rive;

Il coule, et nous passons!»

Alphonse de Lamartine.

Jean Baptiste… Hérode, Salomé, de quoi s’attendre à une tête de cuvée!

Un vin issu d’une sélection des parcelles les mieux exposées du Kaefferkopf, comme il se doit donc… Les terres granitiques et marno-calcaires, l’année favorable ont porté et façonné ce vin que je regarde tandis qu’il roule jaune à reflets verts, au long des flancs rebondis du verre qu’illuminent à peine les lueurs plombées d’un ciel menaçant. Les cieux sont obstinément ténébreux ces temps-ci et gardent en cet automne triste, le cœur éteint et fade d’un hiver opiniâtre qui aurait sauté l’été. Seules les robes pâles des vins qui m’égaient, parsèment mes jours de soleils anciens que le verre des bouteilles exacerbe. Un peu, le temps que l’illusion d’éternité, qui me berce et nous bercent malgré nous, encore et toujours, s’atténue…

Parenthèse 2.

«Sous le pont Mirabeau coule la Seine

Et nos amours

Faut-il qu’il m’en souvienne

La joie venait toujours après la peine.

Vienne la nuit sonne l’heure

Les jours s’en vont je demeure.

Les mains dans les mains restons face à face

Tandis que sous

Le pont de nos bras passe

Des éternels regards l’onde si lasse.

Vienne la nuit sonne l’heure

Les jours s’en vont je demeure.

L’amour s’en va comme cette eau courante

L’amour s’en va

Comme la vie est lente

Et comme l’Espérance est violente.

Vienne la nuit sonne l’heure

Les jours s’en vont je demeure.

Passent les jours et passent les semaines

Ni temps passé

Ni les amours reviennent

Sous le pont Mirabeau coule la Seine.

Vienne la nuit sonne l’heure

Les jours s’en vont je demeure.»

Guillaume Apollinaire.

Non, le Nirvãna n’est pas l’absurde «Paradis» auquel accèdent les justes, il en est même l’antithèse puisqu’il n’est pas un lieu mais plutôt un état de paix intérieure totale et permanente, la fin de la croyance en un Ego autonome et tout puissant. Ah mais!!! Le voilà qui déraille encore, qui nous emmêle et nous perd dans ses errements abscons et hors de propos. A force de dérailler, il va se retrouver planté, debout sur les pédales, hors de souffle, les mollets saillants et la tête… peut-être enfin au Nirvãna?

Ce vin me conduira t-il au détachement?

Le soleil timide pousse un rayon peureux entre les ouates grises d’un ciel gonflé de pleurs en attente. Le vin flamboie un instant et brasille d’un jaune vert-gris limpide. Je baisse la tête vers la surface du disque qu’irise mon souffle paisible et attentif. Les effluves simples mais franches d’un citron qui aurait quelque peu confit me caressent les cellules olfactives. Patient et concentré je cherche d’autres fragrances. Quelque chose de fruité, plutôt blanc, me parvient. Puis quelques notes diluées, justes miellées, tendres et mûres. En point d’orgue une touche tout juste anisée. Le tout, harmonieux et frais.

Trois mille papilles prennent le relais. C’est du sérieux la bouche, y’a du monde à l’ouvrage. Le toucher est doux, à peine gras. Puis comme souvent sur les Alsace que je fréquente ces temps-ci, le fruit apparaît. De la pêche blanche qu’adoucit un soupçon de miel. Très vide l’acidité perce et tend le vin, l’élève et le gonfle. Sur la rétro, des épices empierrées. Ça finit long et très frais. J’en ai la langue qui bande.

A Brahmâ, Vishnu, Shiva.

 

EMOTICAUUUMMM…

LE TEMPS DES MONOCHROMES…

Monochromes en bande?

 

Mutin, taquin, badin, le printemps cette année!!!

«Si par hasard,

Sur l’Pont des Arts,

Tu croises le vent, le vent fripon,

Prudence, prends garde à ton jupon…»

Il nous la fait facétieuse, à la Brassens, l’espiègle!!!

Au détour d’une rue déserte ce matin, le volant d’une jupe sous le vent.

Entr’aperçue…

Et c’est le branle-bas sous le chapeau. De ce coin de tissu qui claque, virevoltant, nait au creux secret de mon imagination avide la silhouette gracieuse d’une fille gracile, trop légèrement habillée par ce temps clair, frais et passablement venteux. Sur la place écrasée de lumière le vent a nettoyé les façades blanches creusées par le Torula compniacensis. Les couleurs pètent, intenses. Les contrastes sont violents et dessinent au couteau les angles des pierres. Je ferme les yeux malgré la protection avérée de mes lunettes de biker Californien. Le jour n’est pas aux nuances… Las Bashung est mort, définitivement. Pourtant il chante encore de sa voix tendre dans ma tête absente, ses mélopées incandescentes. Sa raucité caressante n’en finit pas de me bercer.

Fidèle…

Sur la place le cliquetis sec des branches des Ginkos bilobés me ramène à la réalité. La sève monte le long des ramures de l’arbre aux quarante écus. Sous la bourre des bulbilles encore frêles et pâles, les queues de baleine se gavent du jus gras de la terre en émoi. La vie multiple, est à l’œuvre. Rien de nouveau sous le soleil. Que du neuf.

Tout ça pour dire quoi au fait ???

Simplement que j’ai sous le nez un verre de «Villa Fidélia» 2004. Vinifié, winemaké, c’est le terme, par Sportoletti en Ombrie, Italie. Rien à voir avec le vent dans les voiles. Rien à voir non plus avec Brassens, ni avec la lumière crue du printemps, ni avec les branches tremblantes sous les poussées lentes du sang de la Terre. Pourtant ce vin est lisse, juteux, gourmand, superbement fait. Pas de tannins qui cachent sous leurs aspérités croquantes les promesses incertaines d’une maturité en attente. Non!!! Rien ne dépasse certes, mais rien n’enchante, rien ne fouette les espoirs du dégustateur à l’affût. Beau, il est parfait, bon, odorant, fruité, boisé ce qu’il faut, désespérant comme une fille trop belle. Oui ce vin est muet, il n’a rien à dire, à susurrer au coin des papilles. Il n’inquiète pas. Un vin sans espoirs qui jamais ne me fera pleurer…

Je ne l’aurais pas ouvert pour Bashung.

EGLAMOCIATILECONE.

SOUS LE VOILE…

La Cotinière. Oléron. Mars 2009.

 Pour ce qui concerne ce vin, après les fermentations d’usage, les 85% de Chardonnay auxquels se marient sous la contrainte, 25% de Savagnin sont mis à l’abri sous voile pendant près de trois ans, loin du regard, loin de l’air corrupteur.

 Un vin de Burka en somme.

C’est donc l’Afghan du Jura, le Laurent Macle de Château-Chalon qui a patiemment accompagné ce Côtes du Jura 2006 dans le secret du clair-obscur de ses caves. Lui seul, le Maitre était autorisé à se glisser sous la soie cryptogamique, de temps en temps, doucement, sur le bout des papilles histoire de voir si la jouvencelle avançait en beauté. Il faut dire que le jus des vignes de vingt ans ça se ménage, ça ne se bouscule pas, ça se lisse du bout de la pipette. Il faut en prendre soin exquisément pour en tirer le meilleur vin possible. Et cette eau délicatement translucide qui moire comme une soie vivante dans la lumière chaude du chai, est plus tendre, plus fragile encore que le jeune cep. Il faut l’amener aux fermentations sans l’effrayer, dans la fraîcheur naturelle de l’hiver. Rien ne sert de la brusquer, de chercher à l’énerver en l’exposant à des températures artificielles. Les démarrages en côte abiment le moteur. La transmutation a besoin de soins discrets mais attentifs.

Tout doit être paix, luxe et volupté.

Impossible de se tromper, la robe a la couleur d’or et de vert du voile…

Sous le nez du pèlerin timide le vin s’exhibe innocemment. La noix qui n’est pas de Saint Jacques, est fraîche. Comme à peine cueillie, elle a laissé tomber sa peau d’amertume pour gagner en émotion olfactive. Le curry ami de la noix vient à son tour donner aux narines des envies exotiques. On mesure déjà à ce stade que la puissance virile du Savagnin a bien besoin de l’élégance du Chardonnay, pour ne pas tomber dans l’extravagance, voire dans l’excès. Des notes de fenouil, de poires puis d’abricot et d’anis, subtilement haussent le col.

L’attaque en bouche est tendre avec ce qu’il faut de gras pour émouvoir le palais. La matière apparaît dans toute sa puissance épicée dès que le vin se met à rouler. La noix et le curry réitèrent puis les épices que domine un poivre blanc tout frais et réglissé, apportent au vin une superbe fraîcheur. La finale sur le céleri rechigne à redescendre, le vin n’en peut plus de lever la queue.

Sûr que le Savagnin est un mâle!!!

 

EMOUSMOTITICOLLEENE.

CE SOIR JE CLAQUE DU BECK…

 Schneekugel mit Teddybaer.
 

Je ne peux toujours pas écouter Bashung sans avoir le coeur dans la gorge…

 Le soleil de Septembre brille de ses feux encore chauds, avant de nous planter orphelins quelques mois. Le monde, lui, est froid. «Les petites choses qui luisent» sont toujours «des hommes dans des chemises». Bashung plane, bel aigle envolé. Le peuple des acariens en costard-cravate, s’est remis de ses fausses inquiétudes. Putain ça repart comme en quatorze. Le top justbeforetoday, c’était les assurances vie Américaines rachetées à bas prix aux loosers que la crise – Sainte crise, encore merci – avait  jetés à la rue. Les traders flamboyants sont encore et toujours à la curée. Villages de toiles, associations médico-caritatives se sont affairées… Plus tu penses ignoble, plus la thune tombe. Les banques vertueuses aux poches lourdes ont largué les bonus comme napalm au Vietnam. Obama aurait bien voulu bien a t-il semblé, but he couldn’t…

La grippe à la mode de chez les grands labos pharmaceutiques boostés par notre ravie plantureuse, a plané sur nos civilisations frileuses. Les maladies peuvent tuer dis donc! Un scoop. Il est temps de goûter à nos jus de raisins fermentés. Va savoir…!!

Pendant ce temps là les vignerons  inconscients au volant de leurs Porsches poivrées comme Chambertin Grand Cru *, vont bientôt vendanger.

Sur le flanc des collines, comme un trait d’union vert qui relie le village de Dambach aux ruines du château de Bernstein sur la crête, les vignes souffreteuses du Frankstein peinent à produire. Orientées en arènes Est et Sud-Est, elles plongent leurs racines assoiffées au plus profond de la roche de granit à deux micas…, qui ne font chanter que les vins. La terre, enfin les sables de granit délités par le temps et l’érosion, est pauvre. A terre pauvre, vins riches mais droits ?

LES VINS DU DOMAINE BECK-HARTWEG.

La première des coquines à couiner sous mon vieux tire-bouchon qui est à l’ouverture des cols ce que Rocco est à la plomberie, c’est la «Prestige». Ça ne fait pas un pli, le bouchon «glope» comme le dernier des péteux, avec un bruit sec.

Riesling «Cuvée Prestige» 2008 :

Sur l’étiquette un peu kitsch – ce qui n’est pas pour me déplaire – en ces temps de design branchéglacéloungedéjàdémodé – dans un coin, l’ours de Dambach se régale de raisins, au creux d’un blason rouge et noir…

La robe est jaune citron pâle à reflets gris.

A l’ouverture le vin perle un peu. Pas de pétrole à l’horizon olfactif. Le nez est franc, pur et droit sur la pêche blanche, la rhubarbe crue et le citron Beldi confit dans sa saumure.

Le toucher de bouche sucré-salé est net, la matière est juteuse, un gras léger lui donne une consistance bienvenue qui attendrit et modère l’acidité bien présente. Une note de fruits jaunes arrondit la dominante citronnée qui affole les papilles. La finale correcte se dépouille de sa chair fruitée, le vin se tend comme les reins de ma belle joueuse pour laisser au palais de fines notes de sel et de noyau de prune. Finale tranchante, vachement minérale (j’emmerde la Science) en fait!

Le lendemain, le vin a été bu sur deux jours, quelques volutes de rose ancienne, de fleur d’aubépine et de jasmin aussi – fugacement – s’échappent du dernier verre, vide of course!

C’est bien bon, difficile de ne pas y retourner illico. Sur un tajine citron confits et poulet, une cuisine Thaï aussi, épicée?

Riesling Grand cru Frankstein 2006 :

Toujours cette robe pâle d’or gris.

Une belle finesse sous les naseaux, toute en citron confit, en sucre d’orge, en miel un peu, en fruits blancs, enrichie par une note de mandarine, en poivre blanc aussi et en épices enfin. Mais… un nez relativement fermé cependant, même le lendemain, qui ne se donne pas totalement. Petite bouderie adolescente passagère?

En bouche le toucher est d’une grande finesse, marqué par une impression minérale qui semble tendre et fondre à la fois les composants de la palette gustative. Sans doute la qualité première de cette «pierre franche» est-elle de donner au vin ce supplément de subtilité?? La matière est conséquente, charnue, mûre, bien équilibrée par une acidité aérienne qui cisèle le gras, le léger sucré et les fruits. Finale riche qui se dépouille lentement, jusqu’en son cœur de sel et de pierre.

Un bout de foie passait par là, Frankstein l’a vidé de ses lipides parfumés. Personne ne s’est plaint. J’ai même entendu quelques bruits suspects de succions appuyées, suivies de soupirs profonds. Le bonheur serait-il dans la bouche???

Gewurztraminer Grand Cru Frankstein 2004 :

Cette fois la robe est d’un or gris plus soutenu.

Le premier nez parle de fleurs, jasmin et acacia mêlés. Puis viennent les fruits jaunes réglissés, le pain d’épices, le miel et les épices. Un nez très fin, une fois encore.

La bouche est douce et opulente de prime abord. La matière est riche, ronde, grasse ce qu’il faut, toute en fruits mûrs réglissés exhaussés par les épices et tempérés par une fraîcheur minérale qui donne à l’ensemble un bel équilibre. La rétro sur la pêche blanche accentue l’impression épicée, presque pimentée. Très belle finale florale qui tourne au noyau de pêche finement amer pour s’étirer et se dépouiller ensuite, révélant ici aussi, la pierre salée.

Pinot noir «F» 2007 :

Robe rubis foncé, limpide. Reflets violets et vieux rose.

Mon premier pinot noir Alsacien envoie. Un nez dédié aux fruits mûrs. Cassis, fraise un peu sur fond de mûres. A l’aération des notes de réglisse, de fumé, d’épices, de caillasse.

La bouche se repaît d’une belle purée de fruits rouges frais, avec plaisir. Le vin est consistant mais reste fluide et roule agréablement. De beaux tannins fins, mûrs et légèrement crayeux émergent ensuite du velours de fruits et parlent de la jeunesse du vin. Mais ça ne gâche pas le plaisir. La finale est longue. Elle conjugue à nouveau les fruits réglissés et fumés puis s’étire et s’épure dans le temps, découvrant une minéralité fine. Un peu de sel sur les lèvres. La bouteille n’a pas fait long feu! Le pinot noir et l’Alsace sont faits pour s’entendre.

* Mais non, je blague…

 

ECAILMOLASTISEECONE.

UNE GERMINE TOUTE GAMINE…

 Yves Magnani.
 
«La terre comme Terre est d’abord la sombre “poussée” (“Empujo” ) qui germine depuis la noirceur des fonds, qui enfle lentement et soudain “pointe”.»

 

Le printemps, le temps de l’empujo, de la montée des énergies de vie, de la renaissance toujours la même et toujours unique, fragile, d’amour et de joie univoques, couleurs tendres, pastels humides, pureté extrême des enfances, formes tremblantes des innocences exacerbées… Tandis que le sang des hommes coule inutilement, les lianes des vignes exultent lentement. Sur les ceps taillés au plus court, perlent les bijoux émouvants des vins à venir.

Mais que se passe t-il au fond des bouteilles tandis que l’espoir d’un vin nouveau perce à peine??? Se pourrait-il que les jus mûrs des récoltes anciennes, l’espace d’un printemps, s’ouvrent à nous, pauvres humains stupides, avides et inconscients, pour nous donner, avant de replonger dans les profondeurs mystérieuses de la maturation, à goûter un peu des plaisirs à venir???

Comme l’image fugace d’un bonheur tout proche qui se dérobe.

Car le vin gracieux, bien mieux que nous, se donne sans espoir d’un hypothétique retour. Il n’attend rien, si ce n’est peut-être l’onde de plaisir imperceptible qui irradie l’âme du buveur transi.

Le retour sur investissement n’est pas de ce monde là…

Dans nos crânes cadenassés, encastrés dans nos vies réduites, nos petites pensées écrasées sous le poids des nécessités étouffent. La grande force de vie s’échine, pousse et fulmine mais nous ne sommes pas des vignes… Rien ne nous traverse plus. La beauté a disparu de nos vies engoncées et nos terroirs, dévastés par les fausses valeurs futiles des avoirs délirants, ratiocinent, et bégaient les croyances naïves de nos idéologies mortifères coulées dans le bronze, lourd comme ma prose, de nos libertés aliénantes.

Complétement barjo ce mec là!!! Carrément métamorphique…

Le bouchon flambant neuf, propre comme un jeune sou, «plope» du col de la bouteille. J’émerge du torrent furieux de mes pensées délétères. Calme toi pépère c’est un tango!!! Arrête ton moulin à poivre!!! Laisse venir à toi cette trop jeune bouteille, cette Syrah sur Leucogneiss de ce millésime 2006 que l’on dit réussi en Rhône Nord. Les vignes en échalas y ont donné paraît-il, de forts beaux raisins. C’est de «La Germine», sise au cœur de «Tupin», une Côte rôtie du Domaine Duclaux dont au sujet de laquelle il s’agit de gloser doctement.

La robe brillante de la belle est belle.

Elle est faite pour faire danser le soleil qu’elle a aimé à mûrir. D’un grenat-violet si profond, qu’il finit dans un cœur noir comme nos illusions perdues.

Aimable et élégant ce nez! Des senteurs de pivoine discrètement sucrée nappent le haut du verre immobile. Bel accueil ma foi. Les arômes sont déjà fondus qui donnent à humer l’olive, la framboise puis les épices douces et le jambon cru à peine fumé. Une sensation crémeuse aussi.

C’est un sentiment de plénitude équilibrée – Bliss trop tôt disparue! – qui domine en bouche. La matière est ronde, concentrée en douceur. Encore une fois la Syrah trouve sa plus belle expression en Rhône Nord. Cette foutue Syrah qui peut-être si fine ou si lourde selon qui la caresse, et en quels lieux on la met à vivre. Les tannins d’une extrême finesse allongent interminablement une finale réglissée, finement. Ma connaissance des Côte Rôtie est pauvre car le prix des belles n’est pas donné. Mais ce vin de plénitude tranquille que je ne peux guère comparer à d’autres célèbres cuvées, me semble néanmoins superbe. Très expressif pour son jeune âge, il devrait vieillir avec grâce.

En attendant, c’est déjà un jus de félicité.

 

EMAMOJOUESURTITESCILSCONE.