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GENGIS, ALVEAR ET CHOCOLAT…

Jean Michel Basquiat.

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Sur un banc. Fatigué d’avoir à supporter les dos grouillants des misères. Affalé mais pas trop. Gengis sommeille.

Faut dire que le régime qu’il s’inflige est sévère. Mais il aime ces rêveries semi inconscientes, ces flottements, ces états lumineux clignotants, border line entre béatitude et terreur à se chier dessus. Dans sa presque torpeur, déformé comme un mirage en plein désert urbain, au loin, tremble la silhouette de Mahmoud. Impassible Gengis la gargouille sourit derrière la bouillasse fatiguée de son visage épais. Il oscille comme un pendule entre souvenirs et réalité… Les lames de bois usées du banc l’accaparent, l’hypnotisent, l’appellent, l’absorbent. C’est une faculté rare qu’il ne partage qu’avec lui-même, ces plongées intimes dans le cœur obscur des choses. La béatitude artificielle le rapproche – fraternité incertaine – du royaume des Saints extasiés qui contemplent la Vérité. Avec eux, il partage – ironie de Dieu – un peu seulement du monde des pouvoirs simples. Voyage entre les atomes, les principes, au plus près de l’essence. Au ras du vert anglais écorché de l’antique peinture, il roule le long du pinceau parkinsonien et dégoulinant de Pollock. Puis Basquiat l’enlace entre les briques rouges de l’enfer…

Livry Gargan, ce nom résonne dans la forge de son âme. Ce nom fort lui a plu. Gargan surtout et ses «G» virils, après cette sucette de Livry féminin. L’ivresse de Livry l’a pris une nuit qu’il flottait entre deux rames du métro, cette flèche souterraine, lombric insatiable, avide, qui creuse sous le bitume mortifère et digère les chemins rédempteurs de ceux qui n’espèrent plus. L’air tiède et odorant des rames pulsantes l’enchante. Les miasmes, les crasses humides qui s’agrippent, toutes lourdes molécules prégnantes offertes, aux longs poils blancs qui débordent en touffes confuses de ses narines largement épatées, lui disent l’histoire douloureuse des épaves fatiguées, entassées dans les carcasses bréneuses des wagons agités qui lui secouent les reins. Dans ces moments de bonheur intense, Gengis exulte, communie, le cœur au bord croûteux de ses lèvres tuméfiées. Les chairs abimées de son faciès plusieurs fois recousu, masque figé, cicatrices blanches et bourrelets bruns épais, le protègent plus efficacement que tous les artifices des femmes packagées qui parfois s’égarent en frissonnant, raides accrochées aux barres d’acier inertes des clapiers ambulants.

La douceur de Li la minuscule lui manque plus que la beauté arc-en-ciel des fleurs frêles qui couraient le long des lianes perlantes et torturées de la forêt dense. Maman Li qui l’avait pondu debout, jambes écartées, yeux clos, souffrance aiguë, dans une ruelle sombre qui se perdait entre les taudis maudits de Saigon la martyre, avait emporté avec elle la raclure d’amour qu’il avait connu. Quelques os de moineau fragile, quelques couches de chair maigre, un triangle jaune percé de deux fentes vives, deux lèvres en parenthèse fines sur des chicots verts acérés… Maman Li souriait encore. Ad vitam… Dans sa tête. De son enfance vietnamienne, entre violence sidérante et napalm, il avait gardé le souvenir paisible de la baie d’Ha Long. La nuit sous ses cartons humides il revoyait à l’horizon les vagues rouges qui couchaient au loin la haute mer des palmiers. Leurs têtes surnageaient un instant, puis de l’épaisse fumée âcre qui roulait comme une soupe grasse surgissaient des rasoirs de feu qui les embrasaient comme des toupets d’étoupes… Pour fuir ces terreurs acides il avait embarqué au hasard d’un port, tremblant de quitter l’horreur pour trouver la férocité du monde…

Le jour recule. Gengis monolithe de barbaque épaisse ne bouge pas. Les passants pressés ne tournent plus la tête quand ils captent à la volée sa silhouette inquiétante. La vue de ce corps hors norme, noueux, emmailloté à la diable de couleurs vives, d’informes tissus superposés, ce corps qui mange à lui seul la moitié du banc exacerbe leurs peurs latentes. Et ce visage dissymétrique qui semble avoir été recousu par une Mary Shelley en furie, noir, grêlé et luisant comme un magma refroidi. Comme une pierre de ponce brune et de jais mêlés au hasard d’une éruption. Posé droit sur la masse athlétique. Une tête de nègre caricaturée par un nazi. Le long de son dos des ombres qui accélèrent, la peur griffe leur les reins. Gengis a compris depuis longtemps la leçon des lourdes sentinelles de calcaire noirci de la baie d’Ha Long. D’entre les planches étroites et patinées du banc une lueur dorée agace soudain son œil fendu. Ce chas étroit, bridé, à la paupière courte est la seule indélébile marque physique que Li lui a laissé. Le reste de sa carcasse, ce matelas compact bourrelé de muscles surpuissants et de tendons saillants est la marque de son géniteur. La brute animale qui explosa l’étroit bassin cristallin de Li à grands coups de reins comme un bison en rut, un soir de défonce à Gò Vấp, lui a légué son Alabama natal et ses mains à casser des cornes de taureau.

Sur le gazon râpé du square Gengis ramasse d’un geste étonnament vif et doux un objet tout propre recouvert de papier doré froissé. Sous l’or un carré noir luit sous la lune, propre, neuf, pur. Les forêts poisseuses, les insectes affamés, la fatigue, la chaleur moite du Venezuela, la faim surtout l’envahissent brutalement. Souvenir terrible des années de folie quand il faisait son mercenaire fou pour une poignée de dollars et de la coke à gogo. Puis l’éclaircie soudaine dans le mur vert, l’entrée à Chuao, les fèves de criollos qui expiraient en craquant sous ses rangers tandis qu’il découpait à grandes rafales de P K, femmes, enfants, vieillards et nouveaux nés. Un sale orgasme brûlant qui lui graissait le treillis. Et cette odeur ineffable de crème douce, de chocolat, d’épices, comme un mélodieux contrepoint à l’infâme… Dans le silence retrouvé la forêt se taisait alors. Assis au milieu des fèves sèches Gengis les faisait un moment chanter dans ses mains. Ces cliquetis clairs et purs l’apaisaient. Groggy, anesthésié par les endorphines, apaisé, affamé, il les croquait ensuite à pleines poignées. Ces souvenirs le traversent, le déchirent, et l’emportent au temps des morts anciennes entre deux souffles rauques.

D’un cabas crasseux qu’il ramasse sous le banc Gengis sort une bouteille presque vide. Elle dépassait du goulot dans une poubelle croisée ce matin. Le flacon propre, sans doute bu la veille, est orné d’une étiquette flavescente sur laquelle il déchiffre ALVEAR PX XIMENEZ 1927. Sans réfléchir il se mouille la bouche d’une courte lampée, histoire de faire fondre le carton qui l’empâte. La surprise est totale quand un vin huileux et frais le nettoie et lui parfume durablement le palais. Rien à voir avec le reginglard acide, ami de l’estomac, qui lui massacre ordinairement l’œsophage. Comme s’il découvrait la douceur de la vie. Qui le rend délicat quand il enfourne, lèvres pincées et dents prudentes, le carré de chocolat «Pur Chuao». La rondeur sucrée du cacao l’envoie en volupté immédiate. Eclatent ensuite comme autant de fusées goûteuses des parfums musqués, les jus mûrs des fruits rouges et de la passion puis un cortège d’épices, badiane, café, cannelle, vanille, tabac, une ronde fleurie enfin, fleur d’oranger, hibiscus. Une larme minuscule roule entre les plis bosselés de sa joue quand une belle gorgée de vin perce la pâte tendre. Le chocolat se liquéfie en se mariant à l’élixir. Au feu d’artifice cacaoté s’unit la musique du PX. C’est un sirop de vin qui lui remplit plantureusement la bouche d’une sève onctueuse aux saveurs de pruneaux, de café, de caramel au sel, d’épices douces, de cannelle à nouveau et de sirop de cabane. Chocolat et vin s’unissent intimement à ne plus pouvoir savoir reconnaître Montaigne de Du Bellay ! Une expérience de tendresse inédite pour Gengis qui sent disparaître son habituelle sauvagerie. Puis la finale s’étire à n’en plus pouvoir, tendre mais fraîche, et laisse au palais du barbare un voile très fin de liqueur de cassis autour de laquelle roule en soie fine la vanille réglissée du chocolat…

Sous sa capuche sombre rabattue jusqu’au nez Mahmoud piteux Dark Vador de banlieue l’observe. Dans ses doigts serrés au fond de sa poche, entre un kriss et une barre de beuh, il malaxe nerveusement un sachet de crack…

Gengis sourit en levant le poing vers l’ange noir qui l’épie.

ESUMOATIVECONE.

QUAND SAIGNE LE COEUR DU VIGNERON…

Botticelli. La Madone aux cinq anges.

 

Attack Massive, voix d’ange et coeur battant…

Cognac, loin des vignes à vin que j’affectionne.

Certes le Bordelais est juste là, passé ma cour. Pourtant je ne baguenaude plus sur les bords de la Gironde depuis vingt ans au moins. Mais je garde l’âme du guetteur, silencieux comme ces Sioux capables de scruter les vastes plaines des jours entiers, sans bouger, à chercher le bison blanc… A l’affût jours et nuits. Silencieux, enfin pas toujours… Je lis, j’écoute, j’observe, je suppute sans l’être pour autant, j’entends, je questionne, puis je laisse faire l’alchimie subtile dans l’obscurité de ma conscience sourde. Les informations glanées se télescopent, se corroborent, s’empilent, s’entassent, s’opposent, se neutralisent, bref, font leur chemin, librement. Dilettante je me veux et je n’interviens pas dans leurs échanges ou leurs conflits. Ça mijote, ça macère, ça glougloute, mes levures endogènes travaillent en silence.

L’ inconscience est ici une culture de la confiance.

Un beau matin, tout est en place, mes neurones ont classé le fatras, mon coeur a crémé le tout de sa lucidité paisible et je décroche. Le téléphone. Oui, un simple téléphone sans aucune de ces indispensables «applications» genre, micro-ondes-vibro-masseur ou mon frère (jeu de mot pitoyable qui se veut illustrer la vanité insane de ces petites machines à branler l’ego). Ça court dans les câbles, ça se connecte, ça bidouille dans les airs, dans le sol et miracle, me parvient, de là-bas, de quelque part en France, voire de Navarre ou de Bourgogne, ou d’autres contrées encore, récemment rattachées, la voix d’un homme que j’arrache un instant à sa vigne. Et de deviser. D’écouter, de palabrer parfois à l’Africaine, d’échanger, de rire, de déconner grave souvent et très vite. Et ça fait mouche toujours… Quelque chose du royaume de l’indicible, ce lien étrange qui se moque des fils, des cables, de l’absence, nous unit, les atomes crochent, nos âmes, par devers nos egos, se plaisent et ça n’en finit plus.

Quelques jours après les cartons pleins de bouteilles sont à ma porte. Souvent, très souvent, je n’ai rien encore payé, tandis qu’au loin, il rogne, il effeuille, il ébourgeonne, il s’affaire, paisible et confiant, dans les rangs des lianes qu’il accompagne, les pieds dans la terre qu’il aime, le coeur à parler aux vignes muettes qui ne lui répondent qu’au chai.

Et puis un jour que vous n’attendiez pas, tandis que vous sirotez paisiblement, en prenant le temps, un verre de vin sombre et odorant, après qu’il s’est détendu dans la carafe à large cul dans laquelle vous l’avez mis à son aise. Après qu’il a déployé, prenant le temps qu’il doit et mérite, ses ailes odorantes et fragiles, trop longtemps à l’étroit dans la bouteille sobrement étiquettée «Amidyves» 2007, vous apprenez, au détour d’un petit message de pixels bleus, que le mec qui s’est échiné à vous préparer ce jus qui vous extasie grave, a posé son chapeau entre les rangs de ses vignes ! Définitivement. Olivier B, qui en a marre de grimper les Côtes du Ventoux, à lâché son sécateur à caresser la syrah… Instantanément vous comprenez ce que le mot sidération veut dire. Pourtant le vin dans le verre, qui brille doucement à la lumière arficielle, au coeur de cet hiver sinistre, embaume et vous empalme la langue, comme le meilleur des baisers d’amour que vous avez jamais reçus. Vous frissonnez jusqu’au bout de la moelle, de plaisir et de tristesse confondus.

Quelques bouteilles des vins de ce vigneron au chapeau me restent. Je ne suis pas prêt de les boire. Mais je dis à ceux qui ne le connaissent pas, de l’assaillir de demandes, de le recouvrir de bons de commande, de l’asphyxier sous des monceaux de mails, de débarquer chez lui, «tout nu avec une plume rose dans le cul». Que les plus belles femmes du web vinique, nues commes des riedels graciles, frottent leurs seins lourds, leurs sexes phéromonés, leurs hanches agiles et charnues sur lui. Qu’elles s’empalent en ondulant et hurlant, qu’elles le chevauchent comme des cavales sauvages, qu’elles le vident, qu’elles l’épuisent. Qu’elles l’emmènent jusqu’au plus haut  des barreaux de l’échelle des plaisirs, qu’elles le roulent dans les farines levurées des orgasmes volcaniques et biodynamisants, qu’elles soient Chiennes et Madones, Mamans et Putains, qu’elles le libèrent de ses colères, et qu’elles impriment au creux de ses reins, le souvenir ému de leurs désirs dévorants. Qu’il repose exsangue et bégayant, le cep apaisé, sur leurs flancs tropicaux qui palpitent encore. Sorcières célestes, qu’elles le charment ! On ne sait jamais…

Pendant tout le temps qu’Olivier B s’est échiné,

Madoff faisait du lard dans son loft,

Sûr qu’il tirait le diable par la queue pourtange,

Le Diable, magnanime, rêvait la vie des Anges…

EFAISMOPASTIL’CONCONE…

À LA GARDE NOIRE…

La Garde Noire.

 Une Maison d’Alsace Jean Baptiste ADAM comme il y en a tant d’autres en Bourgogne ou ailleurs… Un vin le Riesling Kaefferkopf Grand Cru 2007.

Mais ADAM, je ne sais pourquoi, à peine lu, je me retrouve apnéïque en réa – qui n’est pas paradis! Un corps d’ébène qui fut puissant, vieilli, immobile. Seul le bruit cliquetant des robots crève le silence sépulcral de cette salle High-Tech. Depuis deux lustres et demi, Jean Pierre Adams survit. Coma abyssal dont il n’est jamais sorti. Karma-Coma? Ah, la Garde Noire… La gigantesque, l’infranchissable, une ligne qui n’était pas Maginot. Pas de ces boursouflés richissimes qui traînent leurs fatuités incultes, oreilles bouchées et regards vides, sur les vertes pelouses des paradis de pacotille. Les idées auraient elles leurs vies propres, leurs associations intimes, à l’insu, secrètes et qui renvoient notre sentiment de liberté pleine et entière au rayon des illusions pas perdues pour tout le monde? Trésor-Adam(s), comme si le premier homme gagnait au Loto!!! Ça se bouscule, ça s’entrechoque dans l’espace-temps. Oui c’est bizarre les neurones, ça peut occulter le quart d’heure passé et vous aspirer dans le plus profond des comas dépassés du passé…Sans doute pas des jumeaux le J.B et le J.P, ou alors une grand mère volage, séduite au coin d’une grange, au cours de je ne sais plus trop quelle guerre du siècle dernier, au temps où les les colonies et les DOM-TOM n’étaient pas avares de chair à canon bon marché… Depuis on leur sert une solde de misère… Ah la République, qu’est si généreuse avec avec les tatas et les tontons qu’en ont pourtant tant, l’est pas toujours ben glorieuse la bougrasse!!!

Parenthèse 1.

«Ô temps, suspends ton vol! et vous, heures propices,

Suspendez votre cours!

Laissez-nous savourer les rapides délices

Des plus beaux de nos jours!

Assez de malheureux ici-bas vous implorent;

Coulez, coulez pour eux;

Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent;

Oubliez les heureux.

Mais je demande en vain quelques moments encore,

Le temps m’échappe et fuit;

Je dis à cette nuit: «Sois plus lente»; et l’aurore

Va dissiper la nuit.

Aimons donc, aimons donc! de l’heure fugitive,

Hâtons-nous, jouissons!

L’homme n’a point de port, le temps n’a point de rive;

Il coule, et nous passons!»

Alphonse de Lamartine.

Jean Baptiste… Hérode, Salomé, de quoi s’attendre à une tête de cuvée!

Un vin issu d’une sélection des parcelles les mieux exposées du Kaefferkopf, comme il se doit donc… Les terres granitiques et marno-calcaires, l’année favorable ont porté et façonné ce vin que je regarde tandis qu’il roule jaune à reflets verts, au long des flancs rebondis du verre qu’illuminent à peine les lueurs plombées d’un ciel menaçant. Les cieux sont obstinément ténébreux ces temps-ci et gardent en cet automne triste, le cœur éteint et fade d’un hiver opiniâtre qui aurait sauté l’été. Seules les robes pâles des vins qui m’égaient, parsèment mes jours de soleils anciens que le verre des bouteilles exacerbe. Un peu, le temps que l’illusion d’éternité, qui me berce et nous bercent malgré nous, encore et toujours, s’atténue…

Parenthèse 2.

«Sous le pont Mirabeau coule la Seine

Et nos amours

Faut-il qu’il m’en souvienne

La joie venait toujours après la peine.

Vienne la nuit sonne l’heure

Les jours s’en vont je demeure.

Les mains dans les mains restons face à face

Tandis que sous

Le pont de nos bras passe

Des éternels regards l’onde si lasse.

Vienne la nuit sonne l’heure

Les jours s’en vont je demeure.

L’amour s’en va comme cette eau courante

L’amour s’en va

Comme la vie est lente

Et comme l’Espérance est violente.

Vienne la nuit sonne l’heure

Les jours s’en vont je demeure.

Passent les jours et passent les semaines

Ni temps passé

Ni les amours reviennent

Sous le pont Mirabeau coule la Seine.

Vienne la nuit sonne l’heure

Les jours s’en vont je demeure.»

Guillaume Apollinaire.

Non, le Nirvãna n’est pas l’absurde «Paradis» auquel accèdent les justes, il en est même l’antithèse puisqu’il n’est pas un lieu mais plutôt un état de paix intérieure totale et permanente, la fin de la croyance en un Ego autonome et tout puissant. Ah mais!!! Le voilà qui déraille encore, qui nous emmêle et nous perd dans ses errements abscons et hors de propos. A force de dérailler, il va se retrouver planté, debout sur les pédales, hors de souffle, les mollets saillants et la tête… peut-être enfin au Nirvãna?

Ce vin me conduira t-il au détachement?

Le soleil timide pousse un rayon peureux entre les ouates grises d’un ciel gonflé de pleurs en attente. Le vin flamboie un instant et brasille d’un jaune vert-gris limpide. Je baisse la tête vers la surface du disque qu’irise mon souffle paisible et attentif. Les effluves simples mais franches d’un citron qui aurait quelque peu confit me caressent les cellules olfactives. Patient et concentré je cherche d’autres fragrances. Quelque chose de fruité, plutôt blanc, me parvient. Puis quelques notes diluées, justes miellées, tendres et mûres. En point d’orgue une touche tout juste anisée. Le tout, harmonieux et frais.

Trois mille papilles prennent le relais. C’est du sérieux la bouche, y’a du monde à l’ouvrage. Le toucher est doux, à peine gras. Puis comme souvent sur les Alsace que je fréquente ces temps-ci, le fruit apparaît. De la pêche blanche qu’adoucit un soupçon de miel. Très vide l’acidité perce et tend le vin, l’élève et le gonfle. Sur la rétro, des épices empierrées. Ça finit long et très frais. J’en ai la langue qui bande.

A Brahmâ, Vishnu, Shiva.

 

EMOTICAUUUMMM…