Littinéraires viniques » NOUVELLES …

BACH EN PÉTALES À BORDEAUX…

Francesco Tristano.

L’automne s’accroche et ne veut pas mourir. Ciel de safre tendre, clair et lumineux comme les yeux aux fossés de Saint Maur, azur qui flamboie du sourire chaud des femmes heureuses. Dimanche qui voit le citoyen, enfin reconnu, sortir du champ de la docilité, pour s’exprimer à sa guise, ou pas. « Primaires », ode à la liberté de choix, bien plus qu’à l’enjeu hexagonal. Je choisis donc je suis ?

Bach m’appelle.

Comment résister à ce « vieux » Maître dont l’Art traverse les temps, les modes et les affadissement de nos modernités clinquantes ? Ce que musique veut, jamais je ne résiste à ! Dans ma quatre roues non motrices, donc, j’enfile le ruban gris qui me sépare des quais Bordelais. Ça roule ma poule, au radar, l’esprit en vadrouille et le coeur à l’air, qui se protège de la passagère légère qui croise ses élans pour s’en aller comme papillon au vent. Le long des vignes déchargées de leurs fardeaux de jus, je baguenaude, pied au tapis; je me glisse le long des forêts que le rouge habille. Le temps de l’exil des énergies terrestres n’est pas loin. Elles refluent doucement. La mort de la vie végétale, en beauté ardente, sournoisement, se manifeste. Mais qui a dit que la mort se voulait noire? Non, en cet Automne tiède, la mort est belle éclatante, séduisante, qui se fait rouge. Ses assesseurs sont flavescences saturées, ocres d’Apt et cuivres patinés ! Dans un dernier souffle, les couleurs chantent et exultent, avant de succomber, exsangues, sous les glaces à venir… La mort sera synthèse noire des couleurs, quand le fuligineux térébrant aura repeint les branches souffrantes des arbres tordus, en habits d’hiver. Les pneus de la voiture bourdonnent sur le bitume, que d’ordinaire écrasent les longues chenilles processionnaires puantes des lourds tonnages. Ce dimanche, semi désert, il est méconnaissable. Le ruban semble chanter, comme jarretelles sur jolies jambes !

Le Duc de Richelieu l’a voulu, Bordeaux l’a eu son Grand Théâtre. Monumental le néo-classique de 1780 ! Puissance, harmonie, élégance et pureté. Une douzaine de colonnes corinthiennes en façade, au-dessus desquelles trois déesses et neuf muses, académiques à souhait, veillent dédaigneusement sur la place et son luxueux hôtel « Régent ». Ironie. Cet après midi, Eutorpe veillera sur la musique. Surpris je suis, au dedans, quand se dévoile un théâtre de poupée, restauré à l’identique, bleu, blanc et or, au parterre restreint, habillé de chaises étroites au confort spartiate. Plafond haut, balcons, loges et baignoires exiguës, comme bonbonnière de Diva.

J’y entre…

Dans le vestibule, ça sent l’ISF, l’Insoutenable Suffisance Financière. Y glissent peu à peu, de belles personnes, distinguées, sans trop d’afféterie. De grandes femmes aux silhouettes minces, atournées sans outrances, néo-classiques elles aussi, traversent à pas mesurés l’espace, sans faire sonner les dalles. A leurs bras délicats, des hommes, presque insipides, souvent plus petits qu’elles, étrangement ! La foule grossit. Apparaissent de jeunes âmes aussi, aux visages calmes, qui ajoutent, à l’impermanence des beautés que le temps traverse, l’énergie de leur jeunesse. Les voix feutrées disent la primauté de la musique à venir. Comme s’il fallait ménager l’air ambiant dédié à la musique, les êtres susurrent, modulent en mineur, et sourient mesurément… Comme un banc de daurades royales habituées à nager de concert, les mélomanes, sans hâte ni agacement, se coulent, en bruissant à peine, dans la salle. Au dessus des têtes délicatement coiffées, le grandiose lustre en cristal de Bohème éclaire la salle d’une lumière douce, que réverbèrent, comme des lumignons improvisés, quelques crânes dégarnis….

Sur la scène ouverte, un Steenway et quelques pupitres, attendent que la musique daigne. Francesco Tristano, silhouette mince de trentenaire enfantin, et longues jambes dégingandées, sourit, mains en prière, grand dans son costume clair, cheveux négligemment longs et bouclés, avec aux lèvres, comme une insolence légère, et du rire pétillant dans les yeux. Les partitions font bruits légers de papiers que les musiciens déplient. Violons, altos et contrebasse s’accordent au « La » du piano, dans une symphonie de sons, comme un petit avant goût des bonheurs en trilles et reprises, à venir… Le roseau frêle au piano, dirige d’un regard, d’un mouvement des lèvres, voire d’un doigt. Bach, revisité par le benjamin, résonne dans la salle, rajeuni, dépoussiéré des interprétations pesantes ordinaires. Tout n’est pas parfait, mais la musique est vivante, les musiciens sourient et ce n’est pas tous les jours, Monsieur, que dans ces milieux là…. Citron sur la meringue, le jeune musicien se lance, avec un naturel confondant – j’adooore ce truisme « fondant » et si… qui court les textes viniques – dans quelques improvisations jazzifiantes, véritables fleurs de Bach, dans la droite ligne de l’implacable beauté harmonique du maître. Ça swingue par moment jusqu’aux cintres ! Les deux heures du concert passent en accéléré, comme une vie entre deux battements de paupière de l’ange, qui sans doute, vortex invisible pour les yeux de chair, a plané, souriant, sur la scène…

Le retour est hors temps, je vole plus que ne roule. Les notes, en bouquets riches et fleuris, tournent encore dans ma tête. Le soleil bas rase les vignes qu’il habille de velours chaud, le ciel céruléen vibre déjà de la nuit qui s’annonce, s’accrochant encore à la lumière du soleil mourant. Ce soir la malemort est rouge, toujours. Brûlante, flamboyante, hypnotique, elle a déjà séduit ceux qui passeront ce soir.

Seule la musique de Bach la défie, qui a dompté le temps…

Dans mon verre qu’irise les nitescences dorées de la lumière factice, sous le halo de ma lampe, le vin luit doucement. Le milieu de la nuit palpite du silence des coeurs endormis. Je suis seul, paisible mais joyeux, et veux honorer Bach, prolonger ce petit bonheur précieux du jour tout juste passé. Et boire la musique du vin rosit par l’âge, qui m’attend. Célèbrer en silence, communier, remercier, réunir, ne faire qu’un avec le monde de la beauté et des sens exaltés.

Je suis le corybante qui danse au son du vin…

« Les genévriers » 2001 de La Réméjeanne sont en grenat majeur, dont les années ont à peine rosi les baies. La robe, quasi ecclésiastique, absorbe la lumière qui la fait moirer, tandis qu’elle tourne dans le cristal, comme une valse de Strauss. La nuit, souvent, les robes grésillent de plaisir, au pied des lits agités… En trilles odorantes, le vin caresse mes narines curieuses, de ses fragrances fruitées de prunes noires, de mûres en gelée et d’épices douces, de cuir et de garrigue, que relèvent à point nommé, quelques volutes furtives de poivre et de cade mêlés.

Le vin, dont l’âge a heureusement arrondi les angles, coule en bouche, comme une boule de ce bonheur goûteux, que le sort malicieux mets parfois sur la route de celui qui ne l’attend pas… La matière, conséquente et fluide à la fois, fait la roue, libérant ses flots fruités, que sa réglisse puissante enrobe. Tout au long du cérémoniel, le vin libère ses petits tannins fins et mûrs, qui tapissent le palais de leur poudre délicate et fraîche. Après l’avalée, le jus ne faiblit pas pour autant, et les traces délicatement salines qu’il laisse aux lèvres, sont la signature de terres marquées, sans doute, par le calcaire ?

Le silence de la nuit éclate alors des souvenirs conjugués de Bach l’aérien, et de l’empreinte joyeuse de ces « Genévriers » Allegro Assaï … !

Dans le verre vide, prune et mûres en compote, papotent…

EMOPÂTOMÉECINONE.

LA REMIGE, NI PUTE, NI SOUMISE…

Lucian Freud. Autoportrait.

 

Que sont ces que, ces qui, qui font pis que pendre, quand se cloque ma syntaxe, qui se disloque sous les coups de courtes queues coquines et se fracture, os à l’air, lorsque les qui craquent et croquent sous ma tectrice patraque ? Stylistique anachronique, analytique, anarchique ? Variations apoplectiques, antirabiques, antipathiques, analgésiques ? Maniérisme académique, aristocratique, arthritique ? Rien d’artistique, de poétique, d’ascétique, ? Que de l’asthénique, de l’asthmatique, du pathétique ? Que d’la barrique bucolique qui sonne cacophonique, aux coins carrés de ma prose cadavérique ! Qui peut prétendre bouffer autant de que, que moi, qui reste coi, quand couinent les caciques canoniques, qui se coincent les coquilles dans les cantiques et la casuistique de mes délires catastrophiques ?

Jean-Raymond s’en tamponne le coquillard !

On sonne à la porte. La factrice ronde lui sourit des canines, l’œil froid et le stylo pointé comme une arme blanche. Signez là. Oui. Merci madame. Deux cartons pleins. Encore. Il n’en revient toujours pas. Il pleut des bouteilles pleines de délices à ne plus que savoir en boire. Pourtant il ne demande rien à personne. Ni lèches ceps, ni sucettes sucrées sur les pages luminescentes qui éclairent partie de ses nuits. Jean-Raymond tape et retape sur le clavier noir qui luit sous la lampe. A sa gauche, un verre à long pied, à cul large et à bouche étroite, à demi plein d’un liquide au cœur duquel brille le filament incandescent d’où pulse le cône artificiel jaune brumeux qui enveloppe son espace et le protège des dangers térébrants de l’ombre impénétrée. Immobile et patient, le liquide odorant comme un lac d’agrumes épicés, l’attend. Mais Jean-Raymond n’est plus là. Seuls ses mains sont vivantes.

Il rêve du bout des doigts…

« Oui, le sinistre « Fils de Machine à Laver » is dead. Le rouge au front il a rencontré les Forces Spéciales du pays du Deuxième Amendement. Le choc a été frontal et définitif. Ite Missa Est ? Tu parles que non Gaston. On signale un requin pèlerin au large de Saint Tropez, la Mecque des ors affichés, des airbags surgonflés, et des implants revigorants. Il va bien s’y trouver une villa sur les hauteurs, y faire la bombe et prêcher aux Rolexmen, toujours prêts à s’en mettre plein les fouilles, pas archéologiques pour un sou, les vertus du commerce de la Kalach

Au cœur d’une nuit sans caprice, tandis que l’insomnie le caresse de ses ongles crissants, il apprend la nouvelle et se rendort enroulé dans sa Burqa de plumes tièdes. Bashung plane entre les mondes et chante dans son demi sommeil ce « Comme un lego » qu’il aime tant… Dès qu’il dort, il s’envole. Moineau anonyme, il suit avec difficulté les brasses puissantes des grands aigles. De là-haut, tout là-haut, « …voyez vous tous ces humains danser ensemble à se donner la main…à ne pas voir demain comme ils seront… vêtus d’acier, vêtus de noir… on voit de toutes petites choses qui luisent, ce sont des gens dans des chemises…dans le silence ou dans le bruit… comme un damier ou un lego… ». Les courants ascendants l’entraînent en spirales fulgorantes au-delà des apparences. L’oiseau translucide crève les nuées qui ne le mouillent pas. Il boit au cœur du soleil le miel de l’éternité qu’il espère. Mais les pesanteurs de l’espace étroit et du temps contraignant rognent les ailes de son rêve, à l’heure où l’aube pointe sa lumière sale, au vrai moment qui voit les vampires terminer leurs « after » gluants et refermer les couvercles lourds de leurs cercueils vermeils. Le fil d’argent, comme un lasso translucide, le ramène sur la terre plombée des pesanteurs multiples et destins urticants. Il s’étire, s’ébroue puis se fige. Au travers de ses paupières closes, le jour saigne et rougeoie comme un œil crevé qui palpite encore. Nu comme un lombric mort, les pieds sur le carrelage glacé. Il grimace un rire. N’est pas la Vénus Anadyomène qui veut ! La traversée du jour et des certitudes épaisses de ses frères bipèdes l’attendent. « Aucun express ne m’emmènera vers la félicité… ».

Mais il ne quittera pas « La Contre Allée ...», l’herbe y est fraîche, elle longe et musarde le long des ruisseaux, de Pinot et Chardonnay le plus souvent, des rus multiples et chatoyants, entre les pierres desquels roulent les jus du Melon de Bourgogne, les élixirs de Rieslings dorés sur tranches de cailloux roses, les filets incarnats du Cabernet très Franc ou Sauvignon, du Merlot mûr sur astéries, qui laissent à sa bouche orpheline les traces finement salines des calcaires fossiles de la rive droite, et comme un filet tendre de silex chaud au détour d’un affluent de Chenin. Toutes ces sources secrètes, ces résurgences cristallines, ces torrents de plaisirs lui sont encore inconnus. Ils décideront l’heure venue de s’offrir ou non à lui. »

Trip sinistre dont il sort bouche sèche et doigts crispés. Tête lourde et dos voûté. Jean-raymond se dit que cette nuit n’est pas la bonne, qu’il peine, qu’il pioche ses phrases, qu’il rame à contre-courant, que ça ne coule pas du bon jus de mots frais. Dans un coin gris de sa conscience, caché derrière son cervelet rose strié de veines rougeâtres, quelque chose le gène, lui bouffe la mémoire vive, le ronge et l’empêche de pondre ses habituels œufs meurettes. Il feint encore de ne pas savoir et lutte contre la lumière intérieure. Bon d’accord, ces p…..s de cartons, de caisses qu’on lui envoie, il ne les a pas demandées. Non, merde non, elles arrivent ! Oui mais pourquoi ne dis-tu rien, enfant de salaud ? Pourquoi les acceptes tu, espèce d’empaffé, de faux cul, de Jésuite foireux. Tu n’es plus crédible ! OK ta crédibilité, tout le monde s’en branle, tu n’es rien, ni personne. Mais toi qui te vois, qui sais, ça devrait suffire à te foutre la honte. Et la morale alors !!!

Ainsi va la vie du blogueur de rien, désargenté, soumis aux tentations de SaintDenis, du Clos de la Roche et autre roi Chambertin, cols étroits et larges culs, jus soyeux et glissants qu’il lorgne, lippe humide, doigts crochus et bourse plate.

Jean-Raymond se marre dans son pilou.

Tout cela n’est que fadaises et cauchemars éveillés. Par Bacchus, il aimerait être ainsi sollicité, il aimerait tendre les bras aux cartons de la factrice, mais sa page, hors ses griffouillis, est vide, vierge de toute trace de commerce espéré. Il est certes au désert, mais n’est pas Saint Antoine soumis aux affres de la tentation. Son désert est sa nuit, le sable ne gratte que ses paupières, et le verre près de lui, il a parcimonieusement économisé pour pouvoir le remplir. La lampe suinte toujours sa lumière jaunâtre qui peint le vin d’une couleur artificielle. C’est un jus, blafard comme un soleil d’hiver de Vermeer, qui prend de fausses teintes d’ambre dans les mensonges de ce triste borgnon. Limpide et transparent en vérité, sa pâleur étincelle des promesses qu’il espère. C’est un François Crochet de Sancerre 2010, payé en bels et bons euros, qu’il croche d’une main ferme. Jean-Raymond est dès lors, hors délires, hors rêveries. Seul compte ce sauvignon blanc qui vagabonde sous son nez des arômes délicats d’agrumes fumés. Pomelos et citron jouent ensemble l’air de la jouvence fraîche. L’attaque en bouche est vive, le toucher, vibrant et cristallin. Les papilles se dressent sous les piques juvéniles du jus des vignes graciles. Les épices sourdent du vin qui lave la bouche à grandes giclées de citron et pamplemousse mêlés. Cette nubilité a de la présence cependant, et surprend par sa consistance naissante. Elle reste vive après avoir dévalé la pente du gosier, et laisse à l’avaloir, plus longuement qu’attendu, sa fraîcheur poivrée de blanc et le fumé de sa terre à silex.

Le vin de vie a dissipé le délire comme la pluie lave le paysage.

In petto.

N’est pas né le libertiphage madré qui le contraindra…

EELIOTMONESSTICONE.

HOUELLEBECQ ET SAINT DENIS…

Andy Warhol. Sel-portrait.

Son côté féminin a déjà fait sa ménopause…

Son alter qu’il croit sérénissime, son masculin couillu, résiste. Il bande, de toute sa volonté, les quelques hormones qui survivent encore à la catastrophe annoncée. La lutte est âpre mais sans lendemain. On peut en suivre les péripéties sur son crâne plat. Le long catogan qui lui bat la nuque – lourde métaphore – il se le débourre amoureusement tous les matins, histoire de se donner au monde le poil bien lisse et brillant. L’entretien de cette quenouille à moitié déplumée de haridelle sur le retour, qu’il nourrit avec amour chaque jour qu’Éros éjacule, à grands renforts de baumes exotiques issus de cultures bios et durablement développées, il s’y consacre sans faillir. Au sommet de son crâne et de sa couronne de douilles en péril, comme l’olivier torsadé d’un César à l’antique – le sculpteur homonyme, coqueluche de la jet-set Tropézienne, déflore son salon d’un de ses pouces phalliques – luit un dôme gras et quasi déplumé, en voie de déforestation amazonienne.

Féministe militant, adorateur béat de Gisèle Hilima la grande prêtresse pétitionnaire qu’il révère, il rêve souvent en secret, de Julia Krastevi (dont il a longtemps suivi les séminaires abscons à La Sorbonne, en auditeur libre, entre deux cours d’archi…). Dans ces moments d’inconscience reposante, il la prend à la hussarde, nue sur une photocopieuse recyclable, dans l’arrière salle d’une bibliothèque crasseuse. Paradoxe déchirant, las des intellectuelles rigides aux reins bloqués par un structuralisme abstrus et un cortex surdéveloppé, depuis que Bérénice l’a planté pour une catcheuse américaine bodybuildée, souvent Sollers à la petite semaine et Bataille les jours fériés, l’emmènent à l’orgasme solitaire !

Depuis peu Charles-Hubert délaisse les très surfaits Bordeaux marmoréens, et consacre partie de ses rares loisirs à sillonner, au volant de son luxueux chariot à la limite du malus écologique, les vignes enherbées des néo vignerons qui élaborent dans le demi secret de leurs chais bricolés, en d’incertaines contrées encore sauvages, des vins dits «Naturels» sans soufre ajouté ou presque, patiemment cultivés et élevés par ces fous intègres qui ne roulent pas encore sur l’or. Et puis toutes ces étiquettes innovantes que l’on dirait designées par Philippe Sturck, son charmant voisin du Cap Ferret, l’enchantent… Ah, sa maison pure planche du CapFer, il aime à s’y retirer quand il n’en peut plus des agitations du «Huitième» et des diners en ville, incontournables. Sa vie d’éditeur indépendant n’est pas de tout repos, hélas ! La possibilité d’un havre, ce petit territoire niché dans la pliure d’une carte Michelin, sa particule élémentaire, cette plateforme de bois brut face à la mer, cette extension du domaine de ses luttes citadines, il l’aime tant ! Quand la voix, robot tendre, du GPS murmure : «Tu es arrivé Hubby», il manque défaillir.

«Che» l’impeccablement toiletté, son Afghan péteux à la truffe fouineuse, joue avec des paquets d’algues vertes humides qui croquent leur sable blanc sous ses dents spasmodiques. Il les agite et les recrache en toussant et s’étouffant à moitié, puis se rince la gueule en mordant à coup de dents crissantes les vaguelettes salées qui le poursuivent. La brise tiède de ce printemps faussement précoce agite les larges pans du pantalon de lin sauvage sous lequel se rétractent délicieusement les maigres cuisses, déplumées elles aussi, de l’inénarrable «T’Chub», ainsi qu’affectueusement le surnomment ses peu nombreux intimes, les soirs qu’il déprime, à moitié vautré, l’oeil glauque et la lèvre humide d’un alcool de marque, dans le carré VIP d’une boite branchée sans âme. La plage déroule ses vagues figées à l’infini… Comme dans ces pubs pour parfums vulgaires. Au loin, les dunes poudroient, aveuglantes. Comme dans ces pubs pour crétines siliconées. T’CHub frissonne, l’air vif l’étourdit un peu, il respire à petites goulées pointues comme un emphysémateux prudent. Son regard d’alcoolique qui se refuse à l’admettre, flotte et semble se vider. Frileusement il resserre les manches du pull de soie vierge pur cocon des Andes, négligemment nouées autour de ses épaules étroites qui dépassent à peine de son bréchet de poulet malingre et bizarrement saillant entre ses pectoraux convexes. Les quelques centaines de mètres qu’il a parcourus sous le vent l’ont épuisé. Que n’a t-il point pensé à enfourcher son Quad électrique ! «Che» n’est plus qu’un point flou sur la grève scintillante. Comme dans une pub pour cabots de luxe. Sa voix de fausset, à peine raucie par les tombereaux de Celtiques sans filtre qu’il inhale à longueur de «co-working- intense» dans les «reading-camp» et les «discovering-new-sheet-author», quand ce n’est pas dans les «co-eating-working-fucking-hard» avec ses rabatteurs intercontinentaux, peine à percer le souffle aigu du noroît suret qui maintenant forcit. Il cherche maladroitement à siffler entre ses doigts engourdis de poupée ivoirine, mais ne réussit à cracher qu’un peu de salive translucide qui s’agite en longs fils épais opalescents sous son menton saillant. Une douleur à pleurer, aigüe comme le pic à glace d’un tueur froid, lui perce soudainement la poitrine et lui dévaste le bras droit. Le ciel livide vire lie de vin, s’obscurcissant. Sous ses genoux pointus, le sable exsude deux aréoles humides tandis qu’il se désarticule, toutes forces envolées, comme un piquet qui se brise. La langue fétide du chien gémissant lui lèche la bouche à coups de râpe chaude. Ses lèvres verdâtres, crispées par un rictus à la Munch, voudraient crier à l’aide, mais elles n’en peuvent mais.

Sous le soleil orange qui, lui semble t-il, pulse lentement comme un œil énucléé, la nuit de l’inconscience l’avale et l’apaise doucement…

Saint Denis veille sur lui. Dans sa bouteille. Comme un phare obscur dans la clarté de ce jour irréel. T’Chub est perplexe, entre deux désirs tiraillé, il peine à faire surface. Ce cheveu d’aubert fin qui le relie à l’autre en bas qu’il sait être lui aussi, l’intrigue un moment. Puis la bouteille le rappelle au plaisir de l’instant d’en haut, puis il replonge vers les sables étincelants, puis il revient, puis… De n’en plus savoir, la tête lui tourne. La soif d’en bas, qui le gagne en haut, finit par l’emporter et fixe sa conscience balbutiante. Pourtant, le cul entre deux mensonges il connaît, lui qui a toujours crié avec les pauvres et bu avec les riches, signé à gauche et fait son beurre à droite. Les écrivains exotiques, mal payés, qu’encensaient les chapelles littéraires pro-asiatio-mongolo-crypto… il s’en est grassement repu.  Adossé à un chêne centenaire, gland au milieu de ses pairs qui lui piquent les fesses, Charles-Hubert se sent léger comme une bulle au bout d’une paille. La prairie verte est drue d’herbe tendre et de fleurs translucides aux couleurs saturées. Andrinople épaisse, ambre coruscant, azurite profonde comme une ecchymose mature, zinzolin coeur hyalin clignotant, constellent l’épais gazon céladon. Etrangement son regard traverse l’épaisseur des choses. Là-bas, tout en bas, bien que minuscule, il se voit nettement, tâche dérisoire allongée sur les sables du Cap. Comme dans une pub pour la Croix Rouge. Toute proche de son corps, vue de cette distance, sa maison blonde, comme une petite boite à secrets, semble l’attendre. Comme dans une pub pour investisseurs madrés. Il lui suffit de jouer du cristallin pour passer d’une scène à l’autre. Mais l’énergie douce du vieux rouvre le ramène à la réalité champêtre. A sa gauche, de guingois sur son cul de verre opaque, Saint Denis l’appelle. Sous le généreux pretexte de porter à la lumière des mondes démocratiques, les résistants de toutes obédiences, emprisonnés dans les cloaques pénitentiaires des dictatures galonnées sous bien des continents, Charles-Hubert s’est largement graissé les rognons. Oyster massif et chaussures Testoni dos de croco. Humble et bienveillant, toujours à la pointe des combats télévisuels, ne ménageant ni sa peine, ni sa com. Une référence, au parti !

La soif augmente, ses lèvres transparentes craquellent et le ramènent au flacon luisant. Sur l’étiquette, un peu kitsch à son goût, il lit : «Clos Saint Denis» Grand Cru 2005, Domaine Henri Jouan. Quand Dionysos est sous verre, le paradis n’est pas loin ! La bouteille est ouverte, le bouchon neuf à peine marqué de rose git à son côté. Le verre est beau, cristal fin, hanches ovoïdes et buvant rétréci. Comme un Riedel dans un trois étoiles. Sans qu’il ait à bouger le bras, le graal translucide monte vers lui, à demi plein d’un jus rubis foncé aux bords épiscopaux. La possibilité d’une délicate fragrance de violette réanime ses narines blêmes. En volutes invisibles, des particules élémentaires de fruits rouges et de cuir frais réactivent ses glandes salivaires endormies. Comme si Houellebecq était dans le verre, l’extension du domaine olfactif se poursuit… Puis le liquide soyeux lui délie la langue et dresse ses papilles en une délicieuse turgescence oubliée. L’idée de l’élégance délicate, alliée à l’harmonie miraculeuse, à la finesse palpitante et à l’équilibre tremblant, mais toujours à la mesure de la chute possible, passe du concept inappétant à la réalité affriolante. La matière pulpeuse joue et s’étale sur son palais conquis. La carte du vin délimite le territoire de sa bouche. A demi lévitant, il laisse l’élixir passer coulant, caresser sa luette et franchir le détroit pellucide de sa gorge. Les tannins de levantine, frais et relevés de réglisse légère, s’étirent, sans jamais vouloir cesser, dans le temps arrêté au cadran de la mort espérante. Le choc du terroir la renvoie aux enfers.

Tout là-bas, sur la terre très brutalement dense des territoires encartés, le soleil couchant rase les grains dorés. Une silhouette noire se penche, et pose un masque sur la bouche tordue du corps étendu dont les côtes ont cédé sous le massage cardiaque. Dans une gerbe furtive de lumière verte, la mer a éteint l’hélianthe de feu affolé, juste après qu’il a fulgoré sur le casque d’argent du pompier.

Le fil de lune s’est brisé.

La mort et la vie, cavales sauvages, souvent se chevauchent…

« Think rich, look poor ». Andy Warhol.

ESMONOPTIOBCONE.

DANS LA BRUME VERTE DE SES YEUX NOISETTE …

L’absence.

«Il fait nuit sur la ville et sur elle»,

Se dit-il à longueur de jour, et à langueur de nuit…

La fée électrique a quitté son réseau et parasité le sien… Monophasé, biphasé, triphasé, déphasé. Qui brûle, qui détruit, qui éclaire, qui annule la nuit ou l’y envoie pour le reste des temps ternes qui lui restent. Ça passe ou ça casse. Lumière aveuglante des nuits de l’absence obligée. Blues bleu, écailles mordorées, cuivres brunis des saxos rutilants dans le halo d’un cœur sous insuportable tension. Solitude brute dans la foule en transe. Éclairs brûlants, morsures intenses, chair rôties des suppliciés d’Alcatraz. Sous la lumière diffuse d’une ampoule de peu, l’enfant d’antan s’accroche au sein de l’amour absente. Soleils sidérants des artifices. Flammes glaciales des sourires de façade. Regards jaunes des renards alcooliques aux dents aigües. Éblouissements factices des fêtes tristes. Feulements sibilants des fêlures en do mineur cachées sous les ressouvenances labiles. Arcs orageux, plus secs que tous les os calcinés des crématoires. Odeurs putrides des corps ardents de Calcutta. L’ombre efflanquée de Bashung plane sur les charniers au croisement des déserts surpeuplés. Comme une orange aveuglante, la Terre, ce soir, est blues électrique, ondoyante, flamboyante comme mille étincelles sous l’arc céleste. Sous son crâne, les fils rouges, bleus et blancs s’entremêlent comme des lombrics extasiés, et sans grâce, il disjoncte. Il entend les cliquetis secs de ses synapses qui fondent, le froissement poisseux de son cortex en surchauffe, les crissements soyeux de ses nerfs en pelotes douloureuses, les grésillements indignés de sa raison dépassée.

Dans le fin fond de ses entrailles, son âme en pagaille, tressaille…

«Le foyer, la lueur étroite de la lampe ;

La rêverie avec le doigt contre la tempe

Et les yeux se perdant parmi les yeux aimés ;

L’heure du thé fumant et des livres fermés ;

La douceur de sentir la fin de la soirée ;

La fatigue charmante et l’attente adorée ;

De l’ombre nuptiale et de la douce nuit,

Oh ! tout cela, mon rêve attendri le poursuit

Sans relâche, à travers toutes remises vaines,

Impatient mes mois, furieux des semaines !»

Paul Verlaine. «Le foyer, la lueur étroite de la lampe».

Manger le temps à pleines dents pour qu’il ne soit plus. Boire à longues gorgées goulues pour n’avoir plus soif. Dévorer pour ne plus avoir à se ronger les sangs. Tuer tout ce qui passe pour ne plus avoir à vivre. Détester pour oublier d’aimer.

Artaban peine à se convaincre que «le petit chat est mort» et bien mort. Même carrément décomposé. Depuis le temps… Il a beau lui souffler dans la tête à longueur de longueur, le minou ne bouge plus. Il est loin là-bas qui frétille dans une autre lumière. Mais rien n’y fait. Il a tout essayé.

La camomille.camille,

les bonbons.bb,

lescarottesrâpées.fessesroses,

leFengShui.jp,

lesvinsnaturels.bobo,

lesanxiolytiques.came,

les somnifères.dodo,

leswinesdeswineries.bx,

lesvinsd’auteurs.snob,

boitesdenuitsglauques.bit,

lesproduitsillicites.dope,

lesescortgirlshorsdeprix.kiki,

mythique.com,

t’esdanslamerde.fr,

acouillesrabattues.ch,

masoeurmonange.ciel,

bourretoilagueule.be,

connard.org.

Tout, absolument tout ! Rien n’y a fait.

Artaban geint en silence, dans le secret muet de sa conscience qui clignote. Derrière sa gueule en coin qui intimide même les putes, ça tourne en rond. Il n’en sort pas de cette absence qui lui a vidé le cœur et pourrit le sang. Ce sang rouge, qui aimait tant à vivre, à pulser, à faire son palsambleu, son très froid aussi et qui, depuis lors, n’arrête pas de le lâcher, de fuir, de couler, d’inonder ses draps et ses mouchoirs. Putain de vérole de moine borgne ! Crever comme ça, en se vidant, comme une sale chiasse rouge, comme une malédiction incontrôlable ? Artaban ne veut pas. Il a beau renâcler, hurler du fond de ses nuits noires écarquillées, rien n’y fait, rien ne stoppe sa vie qui s’échappe sans prévenir, à grosses giclées chaudes et collantes, la nuit, le jour, entre chiens comme entre loups… Finir comme son Pépé Jean qu’il aimait tant, lui semble la seule voie qui lui reste. Plein de tous les vins qu’il aime. Alcoolo digne. Par nécessité, choisir le bocal. Devenir la poire qui baigne dans son jus, en équilibre dans sa bouteille, figée, confite, sidérée. Attendre que le niveau monte, jusqu’à avoir l’œil jaune qui flotte dans le sauternes épais.

Un jour, un très beau, plein de ciel vert et de chants d’ivrognes beuglants, ce sera le verre de trop, l’ultime goutte – celle que les pochetrons destinent au caleçon – qui lui explosera le foie. La bile en flots verdâtres lui envahira les tripes, dévalera ses boyaux dans un ultime rafting, pour faire tâche jaune sur son calbut. Au même instant – il a toujours aimé la précision – il flatulera son dernier pet chuintant et expirera ses dernieres bouffées fétides d’air vicié, d’entre ses lèvres croûteuses. Nul doute que son corps, macéré avant l’heure, mariné à l’extrême, pourrira subito. Il donnera toute instruction pour être enfoui au plus vite, à même la terre, entre deux rangs de vignes propres, au flanc d’un coteau pentu. La viande rassie, avariée avant l’âge, de sa dépouille, fera la joie du biotope. Insensiblement, il atteindra ce à quoi il aura toujours aspiré, la légèreté de l’être…. Purifiées, allégées, épurées, par ses seuls vrais amis les asticots et les lombrics gras, rouges de son sang nourri aux subtilités des Bonnes Mares et autres jus de croix de Romanées sublimes, sa substance transcendée biodynamisera les vignes de ses amours.

De sa main qui ne tremble pas encore, il vrille le bouchon tendre de cette bouteille qui va l’enchanter. Le pet sec et sonore de la libération salue son bonheur imminent. Le liquide noir aux reflets violets que la lumière ne peut pénétrer, tapisse les flancs lisses du verre de cristal fuselé. Aussitôt la czardas ensorcelante des fragrances subtiles commence. La pureté des arômes le ravit. Défilé des élégances. La violette sourd du verre, à peine perceptible, fugace, furtive. Lui succèdent les parfums sauvages du genièvre, de l’orange confite qu’épicent la menthe et les épices poivrées. Les yeux clos, il savoure. Puis après que le bord du verre a trouvé son chemin, les fruits toniques de la chair de ce vin onctueux lui prennent la bouche et lui rappellent la caresse tendre disparue. Un instant qu’il voudrait éternel, la fraîcheur que la vie lui refuse, lui entrouvre les mondes subtils de la paix définitive. Il se retient d’avaler, de respirer, de penser. Il lâche prise un instant, libéré des douleurs de l’absence. Ses papilles turgescentes captent la candeur tendre et apaisante du flot racé que sa bouche tiédit. Il ne bouge plus, entièrement captivé par le velours qui s’étale en volupté et réconforte son âme dolente… Passé la luette, le vin n’en finit plus de le transporter – Aladdin sur son tapis volant – longuement, comme naguère le faisait le regard lumineux de sa belle parjure à jamais envolée.

Un jour peut-être, celui qui se régalera, comme lui, de cette élégante syrah 2006 du «feu de Vulcain», rendra grâce à Robert Michel, d’avoir trimé, sa vie durant au flanc du Coteau de Cornas.

Dans les millésimes à venir, les racines longues des vieux ceps fureteurs auront pompé ses humeurs délitées mariées à la terre. Dans le fond du verre vide d’un buveur de bon, des particules quasi invisibles danseront la valse triste de sa vie perdue, lui donnant en filigrane le bonheur qu’il n’aura pu connaître….

Dans la brume verte des yeux noisettes de la belle louvoyante,

Se désagrège l’écume des vénérations mourantes.

EEMOPERTIDUECONE.

LA TERRE EST SOMBRE ET SIRIUS EST EN SYRAH…

 Sous le regard des deux lunes de Sirius…

—–

De là-haut, la terre est à pleurer, tout est beau. Et pourtant…

Plus beau que somptueux même, magnifique, voire féerique par endroits. Hors caresse de l’astre roi, la Terre, longtemps, fut nuitamment, de pur jais, insondable. Sa face sombre est maintenant piquetée d’étincelles, d’éclats, de fils de lumière, d’étoiles artificielles, dont les ganses de velours palpitantes soulignent les continents en les arrachant aux ténèbres. Les Fils de Sirius, qui croisent à l’occasion, n’en croient pas leurs antennes. Cette vieille terre, la «boule des débiles», comme ils l’appellent entre eux depuis l’aube des temps, cette vieille reine de rien, cette chiure de constipé du bulbe, qui souillait l’Univers, resplendit depuis peu (comme un clignement de paupière, à l’échelle sidérale). D’aussi loin qu’ils s’en souviennent, dans la totale obscurité galactique, son côté sépulcral ne se détachait pas des espaces à perdre la raison, et nombre de fois, leurs vaisseaux l’avaient évité de justesse. Quelques Flèches d’Orion, toujours téméraires, ont laissé quelques traces de leurs trépas brutaux sur les flancs des Andes, dans les déserts Australiens aussi. Les fourmis bornées, qui rampent au creux de l’extrême densité terrestre, se grattent – l’occiput pour les rares plus futés, et le coccyx pour les autres – depuis des millénaires, à la vue des étranges stigmates de toutes formes, qui balafrent par endroit, le sol dur du caillou stupide… Ces peuples ailés, que ne contrarient plus les pesanteurs de toutes natures, ces formes ultimes de l’évolution, pour lesquelles le 2.0 renvoie à l’époque reculée des fractales dichroïques (l’équivalent de nos Calendes Mésopotamiennes), stationnent volontiers dorénavant, au large de la honte du système solaire, fascinés par les sols dont s’échappent ces langues de lumière qui trouent, comme des aiguilles vibrantes, les ténèbres épaisses. Certaines contrées semblent même avoir totalement déchiré le manteau mortel des nuits, tant leurs énergies palpitent, jusqu’à aveugler les spectateurs de l’espace.

Des masses de ferrailles, en tonnes tourmentées, tournent autour de la Terre, satellites abandonnés et autres immondices humaines, polluent déjà l’espace. L’Homme est un Chieur Universel, une abomination sidérale et sidérante, un puits sans fond de bêtise concentrée, de fatuité vide et d’égoïsme délirant. C’est en très raccourci, ce que sait l’Étre (?), invisible tant il est substance légère et subtile, qui observe la Planète qui fut bleue. Oui, vous dire aussi que Léon (je lui donne un nom pour plus de commodité), ne pense pas, il sait. Et oui, d’emblée. En relation constante avec le grand livre de l’Akasha, il a accès à l’ensemble de l’histoire détaillée de la Terre comme à celle de l’Univers d’ailleurs. Akasha, la grande “Bibliothèque”, au sein de laquelle sont imprimés dans l’Ether, images, pensées, actes, paroles. D’avant les origines au plus lointains avenirs, tout est dans le «livre» éthérique, de ce qui a été, aurait pu être, est multiplement, à ce que pourrait être l’infinité des futurs possibles. N’imaginez surtout pas Léon engoncé dans une combinaison flashy, aux commandes d’une grosse ferraille à propulsion hypra – prostatomique. Bien sûr que non, misérables petits adorateurs de l’I-Phone 4 ! Léon n’est qu’énergie pure.

La perfection est simplissime…

Ce que Léon veut, Léon l’obtient, instantanément. Absolument tout lui est possible. IL est hors matière, sans être pour autant pur esprit. Mais il ne peut vouloir et atteindre, que ce qui est en parfaite harmonie avec l’équilibre du Tout. Léon ∞-∞ de Sirius est l’aboutissement de l’évolution, tandis que l’homme en est l’avant commencement… Vortex impalpable, luminescent, volatile et mouvant, Léon de Sirius est pur Amour, ni plus ni moins. Des contrées les plus insensées lui parviennent, les bruits, les vies, les joies, les douleurs des Mondes. Alors, en équilibre à la périphérie terrestre, il souffre abominablement. Le fracas de la terre, les souffrances des martyrs de chairs molles, les pensées terrifiantes des êtres de boue grasse, l’épouvantent.

Mais que fait-il là? Qu’espère t-il? Nos inconséquences le lacèrent, nos cupidités l’effraient, le culte imbécile que nous vouons aux accumulations sans fin l’épouvante, l’étrange adoration qui nous attache à ces tas de petits papiers froissés, à cet «argent» puéril, à ce métal, aussi mou que doré, le navre. Mais ne le décourage pas! C’est qu’il m’observe moi, oui moi, moi qui suis à l’Alpha et l’Oméga, ce que la défécation des mouches est à la mécanique Quantique.

«Étonnant, non?»

Enfin moi, non, mon ego m’égare! C’est plutôt ce verre, remplit de pur liquide rouge, qui le fascine. Ce modeste sang des vignes dont il s’abreuvait jadis, il y a si longtemps, plus longtemps encore que naguère, du temps où l’espace et le temps l’emprisonnaient dans une coque de viande rouge et d’os blancs, du temps où la pesanteur l’écrasait, au temps où il traversait ses expériences humaines, du temps des limites, de l’aveuglement, du désespoir, là-bas, sur les murailles de Saint Jean d’Acre, prisonnier d’une lourde armure brûlante sous le soleil de Palestine. A chaque fois que les misères de l’incarnation – et il a bourlingué le Léon, de la banlieue de Cassiopée à Sirius, en passant par ses quelques dix mille séjours chez les bouseux d’en bas, il a connu bien des expériences, de la plus infâme à la plus tendre (les dents de nacre d’Isabeau, sa démarche à peine chaloupée, ses cheveux drus, le creux tendre de sa hanche, son regard qu’il avait cru si franc, cette dague acérée qui lui vide le cœur, ce sang, ce sang, toujours ce sang…) – s’abattaient sur son échine, pourtant ployée, quand il sentait ses forces le fuir, sa raison faire feu d’artifice, il se réfugiait entre les bras berçants de Sainte Syrah. À travers les âges, Sœur Syrah a accompagné son lent chemin de géhenne, elle l’a consolé, lui a redonné des forces, du courage, lui a lavé la conscience, lui a, à chaque fois rappelé, que le chemin de l’évolution, l’élévation progressive de l’âme, demeuraient le but. Au fur et à mesure que ses vies s’empilaient, Léon sentait bien que sa perception du monde, puis des mondes, évoluait. Non, non, là j’embellis, je brode! Léon, a trainé pattes et galères des vies durant, essayant de survivre, basta! Mais aujourd’hui – ce présent transcendé – l’être spirituel qu’il est devenu, accède au langage absolu, à la Musique des Sphères, à l’expression suprême de toutes les langues des mondes empilés. Dans sa conscience pleinement ouverte, le verre pansu qui brille, et le rubis étincelant qui palpite en son sein, l’émeuvent au plus haut point.

Léon irradie mon chakra coronal de sa présence muette. Hommelet grossier et aveugle, je pédale maladroitement sur mon clavier de plastique figé, lorgnant du coin de l’œil ce vin qui se réchauffe lentement, perdu au fin fond ignoré de l’infini de la création, atome nanoscropique, gouttelette dérisoire, infime particule de vie.

Le cristal limpide, rempli à mi hauteur, tremble, au cœur de ma nuit. Du disque fragile, invisibles et prégnantes, s’échappent en volutes fragiles, les chants sucrés des pivoines en fleurs. Léon pleure en pleine communion avec mes sens extasiés. Les arômes Rôti(e)s de cette Côte sont déjà fondus, qui donnent à humer l’olive, la framboise puis les épices douces et le jambon cru à peine fumé. Une sensation crémeuse vient, en finale olfactive, anoblir le bouquet épanoui de cette syrah tendre. Perché entre les étoiles qui constellent le vide interstellaire, Léon tremule au souvenir des grappes croquantes qui ont ensoleillé ses anciennes douleurs. Il ne fait qu’un avec moi, étroitement enlacé à ma vie qui l’ignore. Ses vibrations hautes, rehaussent les miennes, et je frissonne sans savoir pourquoi. Une étrange émotion me gagne. De mes yeux clos, coulent à flots tièdes, des pleurs qui m’enchantent et me consolent. Mon esprit obtus ne comprend pas, mais la sensation est si douce, si pleine, si noble que je me laisse ouvrir, comme la bouche de mon amour sous ma langue humide.

Le jus frais, finement extrait, des raisins de septembre 2006, inonde mes papilles attentives. Un sentiment de plénitude et d’équilibre me prend à plein corps. Tout là-haut, Léon chatoie. Sa substance délicate se moire d’arcs-en ciel fragiles, et les chants éthérés des chœurs supposés Angéliques, vibrent à l’unisson. La matière mûre des fruits rouges éclatés sous la presse, déferle en vagues successives. Le mot pâmoison vit au palais de ma bouche consentante. Léon lance le cri silencieux qui apaise, et fend, un instant, le mur d’airain des ignorances crasses. L’harmonique de son chant inaudible arrête le temps, unifie les vies polymorphes, et mets l’univers en symphonie. Le vin est le creuset de la création, il fait jour un instant éternel dans ma nuit, mon amour est à mes cotés… J’exulte. L’incroyable puissance douce de Léon est sur moi, en moi. Mes cellules grésillent comme oeufs au plat, ma carcasse grince de toutes parts comme une vieille machine en surchauffe. Pourtant je suis en jubilation, il me semble presque léviter, une onde surnaturelle me traverse, m’allège et me porte…

Je meurs à l’étriqué et m’ouvre à l’immense.

Pour la première fois, je saisis l’essence de la Joie, je danse sur l’ineffable, me heurte à l’indicible… Par la grâce de Léon, l’Illuminé Céleste, cette Côte Rôtie 2006 du Domaine Burgaud devient la quintessence de ces syrah septentrionales, que la fraîcheur des coteaux magnifie. Le vin coule dans ma gorge, et Léon l’avale. La robe scintillante du Sirien pulse comme danseuse Espagnole sur récifs tropicaux, quand la lune ronde, opalescente comme un oeil aveugle, éclaire la nuit terrestre. Ma conscience vacille, clignote, au bord de l’abime, prête à se fondre dans l’espérance. Mais le temps d’après, bien proche pourtant, n’est pas encore venu. Alors j’avale le vin, qui dévale mon oesophage accueillant, pour gagner mon centre. C’est une poudre de tanins juste réglissés, fine et croquante, très longue en bouche, au bout de cette liqueur de félicité, qui me ramène devant l’écran de mes écritures titubantes.

La nuit n’en finit pas.

Harrassé je me sens, sans trop savoir pourquoi. Cette syrah somptueuse, m’aura, sans doute, un peu estourbi…?

Reviens Léon…;-)

 

EC’ESTMOTIFOUCONONNE?

LE VINÃS du VILAIN…

J’étais là, plutôt calme, paisible mais concerné et réciproquement, lorsque que la petite enveloppe que tous les joueurs de clavier – pas toujours tempéré –  connaissent, s’afficha au bas mon écran… Je la vis d’un œil distrait, occupé que j’étais à enrichir la littérature mondiale non aseptisée – douce maîtresse fidèle (ça ne court pas les rues) – que je m’enorgueillis de servir. Oui, de ma plume tendrement acérée, je caressais un texte de petite façon. Mes doigts couraient sur le clavier comme ceux, déliés, d’un petit Mozart de quartier, halluciné. Cindy Lauper me berçait de sa voix rauquement chaude, revisitant un vieux blues intemporel qu’elle portait à l’incandescence… Mes sens à moi, les miens «mine», qui ne sont même plus des souvenirs tant le grand âge les a polis, étaient paisibles, lovés, endormis, anesthésiés… Moi, lui, le jadis conquérant que les éléphants d’Hannibal avaient pris comme modèle, lui que l’on surnommait il y a des lustres l’Anaconda des Carpates, reposait endormi comme un spaghetti trop cuit, au creux solitaire de mon, son  jeans trop serré. Mais que sont devenues les belles, aujourd’hui endormies, qui râlaient extasiées entre mes bras musculeux, les hanches broyées sous mes cuisses de Charolais, la gorge râpée à hurler leur bonheur de vivre sous mon joug audacieux et impitoyable? Il était tard, la nuit silencieuse déroulait son taffetas de jais. Cindy se faisait brûler les cordes et susurrait un «Early in the mornin’» tendrement souligné par la voix de cajou du vieux B.B King. La «Lucille» du vieux Lion montrait ses dents de dentelle sonore, en riffs délicatement espiègles. Tout pour être bien, en harmonie avec les vibrations subtiles du temps suspendu de cette nuit, profonde comme une gorge de velours funéraire.

C’est alors que l’inénarrable Fausse Bonhommie palpita à son tour au bas très plat de mon miroir à pixels. Agacé par ces manifestations parasites, je laissai mon ouvrage en plein tissage et m’enquis, pressé d’en finir pour mieux y retourner. D’un clic rageur j’ouvris FB, découvrant ainsi qu’une charmante Argentine (parmi les innombrables groupies qui virtuellement m’assaillent jours et nuits) me proposait d’aller visiter sa pampa broussailleuse. D’ordinaire je néglige, or là, va savoir pourquoi (encore que la photo de la belle, son regard surtout..!) je la mis, prudemment, de côté. Je décachetai ensuite l’enveloppe virtuelle pour me voir proposer le VdV#30 *. Je lus en diagonale, immédiatement interloqué et très nettement, comment dire… revigoré par la prose suggestive des Bulots à Deux Têtes. Couillus les HEF-BAISE’S Brothers, me dis-je in petto! En voilà un sujet motivant qui va faire palpiter le Web morne plaine et les toiles d’araignées qui envahissent d’aucuns. Toi le premier vieux gars somnolent, me redis-je in duo petto. Par un miracle (donc inexplicable) insensé, les deux informations quasi simultanées n’en firent qu’une, s’emboîtant comme les pièces d’un puzzle potentiellement ardent. Ah, les ressources de… l’esprit humain sont insondables. Un tel sens de la synthèse convergente devrait à terme, le jour où l’homme se sera débarrassé de ses traders (bizarre j’avais pensé «travers»!) et autres avides marchands de moulins à vents, hisser l’Humanité au sommet de l’échelle de la Tolérance et de la Fraternité. Je ricanai un long moment et proprement interloqué, je m’agenouillai devant tant de sagacité de moi-même.

Banco me dis-je in trio petto, y’a pas à hésiter, aux VdV#30 tu te dois de fournir et du bon! Rassuré par la consultation de mon compte en banque, je contactai la Chica qui me dit se prénommer Passionnata et lui annonçai mon arrivée par le premier vol. Là-bas me dis-je in-quarto petto, si t’as bien senti le coup, ce sera feu d’artifice et viande charnue à gogo. Bon pour le moral et les VdV#30 réunis! Ah là là, me dis-je requinqué in quéquetetto petto, que ne ferais-je pour honorer le vin des Bulots… en attendant mieux.

Confortablement assis mais à-moitié endormi, je survole les Îles Malouines et me dis in sex-toto petto que ça commence à sentir bon les chevauchées Patagonnes. Ha, caracoler à cru, accroché à la crinière humide d’une cavale sauvage! Les éperons aiguisés, la touffe sous le vent des cimes, les ongles enfoncés dans le gras de la bête non sulfitée, un régal Nature-Bio et assurément dynamique! Au dessus de ma tête, dans mon bagage-cabine en bambou de Sumatra mélaminé, étanchéifié à l’extrait de Bonobo, repose une belle, amoureusement emmaillotée par mes soins. Une très charmante Castillane à la pulpe tendre, fraîche, humide et généreuse sans doute? Une Señora patiemment élevée plus de six ans par Don Rafael López de Heredia y Landeta en Rioiia Alta dans la bonne ville de Haro. De Tempranillo y Garnacha y Grociano y Mazuelo vêtue, la Graciosa du millésime 2000, devrait aider à donner, à l’instant où le monde bascule, ce qu’il faut de folie pour conquérir la gaucha

De Buenos Aires à Paraná dans la province d’Entre-rios, cinq cents kilométros vite franchis, juste le temps d’une saillie de puce dont l’hôtesse de l’aérodyne à hélices fait les frais dans les courants d’air des Andes (?), coincés que nous fûmes (elle surtout) comme deux embryons de loutres enragées dans les toilettes façon utérus de souris, et hop, me voici débarqué, charmeur défraîchi, frétillant, requinqué et prêt à tout, voire plus. Au sortir de l’aéroport, au loin, à contrejour, nimbée par le soleil couchant, ELLE¿ Vêtue au chausse- pied d’une robe rouge sang de taureau, la lèvre éruptive, l’œil noir profond comme un lac volcanique, elle se tient droite, fièrement, la main appuyée sur ses reins cambrés. A ses côtés, une petite boulotte, raide, courte et lourde du bas, taillée dans une andésite de l’Aconcagua et dont les hautes pommettes parlent l’indien des hauts plateaux, s’accroche, mâchoires et doigts serrés, au licol d’un Criollo à la robe Isabelle, aussi nerveux qu’elle semble placide. A sa taille, enroulées et paisibles, des boléadoras se balancent. Une onde glacée, sans raison apparente, me traverse furtivement le corps. La vision de l’Abbé Faria dans son cachot humide de l’île d’If l’accompagne, et je regrette le temps d’un battement de neurone, de ne pas être à ses côtés…

Passionnata me reluque l’œil mi-clos comme une maxi maquimignonne experte. Sous ses longs cils épais, une lueur corrosive sourd comme la lave bouillonnante d’un volcan éructant. «Hola que tal¿», m’assourdit-elle d’une voix rogommeuse, « Te presento mi amiga Chupa». La naine épaisse qui l’accompagne ne bouge pas d’un centimètre, caressant d’un doigt court l’une de ses bolas. Me vient l’envie subite de la planter à coups de massue sur l’Île de Pâques! Chupita s’ébroue subitement et montre d’un geste avorté, deux autres Criollos à l’arrière plan. Je crois comprendre que le Pie au regard torve m’est destiné tandis que la robe alezane du troisième, dont les muscles tressaillent sous la peau tendue de veines épaisses, porte sur le dos une selle de cuir ouvragé au pommeau saillant comme un épais bouton, faite pour protéger la culasse tubéreuse de la flamboyante Argentine moulée dans son fourreau écarlate. Dans mon esprit surchauffé plane le spectre de l’AVC foudroyant. In septuo petto, je lacère de mes dents acuminées la levantine diaphane tendue à craquer sur les hanches épanouies de l’odalisque. La vision des globes charneux jaillissant du bombasin, délivrés de leur prison soyeuse, et dans la fente desquels frise un andain compacté qui s’ouvre sur une luxuriante vallée – il me faut l’avouer – m’épouvante un peu! Dieu ne me sera d’aucun secours, puisse Éros m’inspirer, que le bon père Sigmund me protège de cette polymorphe vorace!

«¡ Vamos changuito! Ahorita mismo te llevo a la pampa, que alli te tengo preparado un asado de ternero al palo. Buena carne para ti, con  musica de Carlos Gardel. «¡ Ay! Francesesito querido!». «¡ Puta Madre!» m’entends-je expirer in octuo petto, «¡ Qué caliente  va estar esto!» Le long de mes muscles lombaires tendus à l’extrême, une sueur passablement hormonée qui me fait sourire nerveusement, se met à couler à grands flots…

Le vent souffle, en courtes rafales hargneuses, sous le belombra décharné dont les branches courtes et bistournées se découpent sur le ciel à l’orage. Les criollos tondent avec méthode l’herbe des pampas comme des coiffeurs tétrapodes. Le crissement des bromes dactylées, broyées sous leurs mâchelières épaisses, résonne – atonal – sur la basse continue que tient l’aquilon. Sur les piquets de bois brut, des quarts de bœufs rôtissent. Les graisses butyreuses gonflent, grésillent et éclatent en longs jets évocateurs. La vue de ces axonges brûlantes que la chaleur façonne, fascine Passionnata dont les doigts raidis massent convulsivement les chairs ardentes de ses tétasses aux trayons turgescents. D’un mouvement brusque des hanches, elle se tourne vers moi. Ses mamelles ballotent et la lave coruscante de son regard hypnotique me foudroie, comme un moineau anémique sur une ligne haute tension! Je tombe à la renverse, littéralement sidéré. Ma conscience vacille. Au dessus de moi, la pélasgique amazone déchire, d’un geste convulsif, la fine pelure tendue à en culer, de son angusticlave dégoulinante de désir glouton et s’enduit la poitrine de chimichurri gluant. «¡¡¡ Cóme me !!!» bave t-elle!  Mais comment vais-je pouvoir besogner cette Papagena barbare avec ma petite Flûte Enchantée me demandé-je, in nonuo petto, avant de m’évanouir pour de bon…

La chaleur de la lampe de bureau renversée sur mon bras gauche m’a roussi les poils et m’a rosi la peau. Ma tête, renversée sur mon bras droit est douloureuse, mes cervicales, raidies par ce sommeil comateux, craquent quand je me relève, hébété. La bouteille de Viña Tondonia, patiente, n’a pas bougé. Imperturbable comme une duègne blasée, elle attend que je veuille bien l’honorer. Carafée ce matin, elle repose et se gave d’air dans son cristal. Les reflets de la lampe l’irradient et sa robe de rubis patiné joue avec la lumière chaude. Il est quatre heures du mat, six heures de sopor visqueux me dis-je in dixtuo petto. Étrangement j’ai soif de vin frais et d’air doux. D’odeurs subtiles et fragiles aussi. Le vin m’exauce. Fruits rouges sous la rosée du matin, cerise mûre, pivoine fragile au sortir d’une fine pluie d’été, autant de fragrances vibrantes que rehaussent et magnifient des parfums de vieux cuir, de sous bois au matin d’un automne roux, de chocolat noir aussi et de tabac. Un nez complexe, fondu, élégant, racé. En un mot, DISTINGUÉ.

Le fumet presque disparu d’un taureau au bout de sa volte, pourtant subsiste en tête du bouquet…

Est-ce cela, amplifié par ce texte à écrire pour les VdV#30, qui m’a assommé? Peu importe désormais, la bouche m’appelle. Ai-je pu un jour avoir aussi soif de finesse, de douceur et de tendresse de vin qu’à l’instant, me suis-je une dernière fois esclaffé… in sesquicentuo petto! En préliminaire, mes lèvres reçoivent l’offrande, tout d’abord demi corps, de ce Rioja d’altitude. Fluidité de la matière et fraîcheur me caressent les petites éminences coniques qui saillent sur ma langue papilleuse en prière. Puis le demi-corps se fait chair pulpeuse et fondante qui libère un orgasme de flots fruités rouges, tendres et mûrs comme une brassée goûteuse de bécots goulus. Ça roule en bouche et palais, ça serpentine autour de la langue, ça enflamme le corps et l’âme. A l’avalée, le vin s’étire comme la belle au réveil qui suçote le chocolat amer qui enduirait un pruneau… La finale pulse longtemps dans ma gorge apaisée et dépose sur mes muqueuses à vif, ses imperceptibles tanins polis.

Ne cherchez pas la suite de cette histoire ébauchée dans vos souvenirs, dans votre présent non plus, et moins encore dans votre avenir…

Elle m’appartient.

* Vendredis du Vin N° 30.

EVIVAMOARGENTICOTINANE.

LA BASSE OSTINATO…

Monsieur de Sainte Colombe.

—–

Le soir d’un beau matin du monde, Madeleine se pendit.

Obstinée comme la basse qu’elle tenait admirablement, et pour que vive la musique, elle sacrifia l’amour qu’elle vouait à Marin Marais. Elle, qui maîtrisait l’art du toucher de la basse de la viole, choisit – symboliquement(?) – la corde, comme la septième, que son père avait ajoutée à l’instrument. Monsieur de Sainte Colombe avait poussé l’archet à ses sommets. Marin prenait la suite. A l’ascète succédait le Baroqueux, comme si la mort, qui raidit les membres, accouchait de la plus ornementée et sophistiquée des musiques.

Quelques siècles plus tard, le soir tombait sur la ville, implacable comme la crise assassine qui s’était abattue sur les milieux financiers. En ces temps moroses, rien ne bougeait plus guère. Les rues, lavées par une pluie battante, brillaient comme une vieille argenterie tout juste briquée. Du cœur des hommes, ne coulait dans les membres engourdis, qu’un sang tiède, les réchauffants à peine. La vie semblait ralentie, alanguie et se traînait.

La désespérance glacée touchait aux âmes…

“Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l’esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l’horizon embrassant tout le cercle
Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits ;

Quand la terre est changée en un cachot humide,
Où l’Espérance, comme une chauve-souris,
S’en va battant les murs de son aile timide
Et se cognant la tête à des plafonds pourris ;

Quand la pluie étalant ses immenses traînées
D’une vaste prison imite les barreaux,
Et qu’un peuple muet d’infâmes araignées
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,

Des cloches tout à coup sautent avec furie
Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,
Ainsi que des esprits errants et sans patrie
Qui se mettent à geindre opiniâtrement.

– Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,
Défilent lentement dans mon âme ; l’Espoir,
Vaincu, pleure, et l’Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.

 Spleen, Les Fleurs du Mal. Charles Baudelaire.

Alors que je ne m’y attendais pas, je quittai ce continuum aussi funèbre que mortifère. L’espace et le temps se contractèrent, en un point dur et brillant comme rosée au soleil. Les portes salvatrices de ma bibliothèque imaginaire, s’ouvrirent au cœur du trou noir. La lumière fut… mais autre.

Un coup de dés, parfois, abolit le hasard sinistre des heures sombres.

La pièce spacieuse brillait dans une lumière douce et irréelle. Aux quatre coins, la lueur rasante d’une monumentale lampe Tiffany, dessinait sur les torsades ouvragées des cuivres anciens, des langues de feu roux. Les murs, aux lourdes tentures de velours vert sombre, semblaient tissés de vignes luxuriantes, comme aux heures du soleil couchant, quand les chiens coursent les loups…Les rangs serrés d’in-quarto aux cuirs patinés, luisaient et vibraient faiblement, le longs des rayons alourdis par d’anciennes cultures disparues. Sur les vastes Chippendales, creusés par le poids des corps lourds qui les avaient jadis sculptés, chatoyaient les soies, vives mais élimées, du temps du retour des Indes. Des ventre obscurs des lourds vases, qu’avaient tournés les vieux potiers aveugles qui firent la gloire posthume de l’Empereur Yung-Lo, montaient en bouquets odorants, des brassées de roses opulentes, que le temps cruel avait séchées. Les siècles s’étaient accumulés en strates glorieuses, amassant en ce lieu de toutes les Histoires, les vestiges surannés des magnificences perdues de quelques traditions défuntes. Comme autant de sentinelles immémoriales, accrochées à intervalles réguliers à la bibliothèque, au ras des Apothéoses du Tintoret et de Rubens, qui montaient jusqu’au plafond à coffrets, sculptés dans les bois les plus précieux, de longues échelles en argent repoussé, serties d’émaux arc-en-ciélés, semblaient clore la pièce, et contrastaient avec l’extravagance des courbes indolentes, et des couleurs insolentes, qui montaient du sol jusqu’à mi-hauteur. Des tapis en nombre, venu de Mongolie, d’Orient et d’autres pays maintenant disparus, se croisaient en figures incertaines mais élégantes, sur le parquet sans âge de pur ébène en point de Hongrie. Ils étouffaient depuis toujours et jusqu’à jamais, les craquements des lattes, usées par les pas de tous ceux qui ne les avaient sans doute, jamais foulées.

Tout au centre, dans une semi-pénombre se tenait une table haute dont la marquéterie d’or, d’argent, de nacre, d’ébène, de cuivre, d’ivoire et d’écaille, vibrait sourdement. Au milieu de la table, sur un plateau d’émail, se tenait un cristal de Bohème, véritable bloc d’orfèvrerie, qui avait forme d’aiguière à long col. L’artiste qui lui avait donné sens, l’avait sculptée, façonnée, taillée comme un diamant de la plus belle eau. Ses innombrables facettes, minuscules comme autant de squames patinées, exacerbaient la lumière d’or pâle qui ruisselait et courait à chaque vibration. Les scintillements perçaient le liquide fuligineux serti au cœur du bijou et inondaient les parois de lueurs brasillantes et sombres. Le jais le disputait à l’œil de tigre, tandis que surgissaient le grenat et le rubis profond pendant que la scansion de la citrine, zébrait comme un éclair acide, le cristal mouvant.

Pierre, l’œil atrabilaire, versait avec la componction d’un Nonce du Vatican, le vin dans les verres aux panses accueillantes. Le liquide sombre glissait comme une huile légère et roulait au ralenti le long des parois. Agatha tendit le bras la première. Sa longue main gracile et translucide, aux doigts jaunis, saisit le pied du verre qu’elle porta à hauteur des yeux. Marguerite, Marguerite bis et Pierre, firent de même. Moi, qui me sentais opaque auprès d’eux, les observais.

Ils ne semblaient pas conscients de la présence des autres et agissaient en solitaires. Mais par extraordinaire ils étaient synchrones, en phase à chaque instant. Les lumières douces qui les entouraient et les traversaient à la fois, trahissaient leur étrangeté. Pierre leur dit qu’il avait ramené ce vin d’un de ses plus proches voyages. D’Espagne en fait, pas loin de Jerez. Il ajouta qu’il s’agissait d’un OSBORNE P.X 1827, SWEET SHERRY. Les deux Marguerites qui n’étaient ni sœurs, ni amies, ni mêmes contemporaines, firent des mines de vieilles chattemites gourmandes. Toutes deux étaient disgracieuses, mais l’une avait été belle en sa jeunesse Indochinoise. L’alcool et le tabac l’avaient prématurément flétrie, et sa peau tavelée de vieille rose enfumée, plissait affreusement. Marguerite «bis», née Cleenewerck de Crayencour, vivait sur le Mont Noir, dans les Flandres Françaises; mais le plus clair de son temps elle résidait Outre Atlantique. De sa fréquentation assidue des femmes, elle avait gardé les épaules, la taille et les hanches, de la même largeur; le goût des boissons sucrées aussi. Elle avait sa tête de vieille babouchka épanouie, la lippe avantageuse et le regard qui fulgurait, par intermittence, d’entre ses paupières mi-closes. Quand on regardait son visage rond aux pommettes hautes, on l’imaginait sans peine vivre sous une yourte. Pierre avait le port rigide d’un marin de carrière, le temps ne l’avait pas écrasé. Svelte et cambré, il semblait inaltérable et sans âge. Il fut, si l’on en croit les gazettes, le seul Académicien capable d’un salto arrière sur le dos d’un cheval!!! Sur d’autres flancs, en d’autres lieux et loin des regards aussi, ai-je ouï-dire…

Le dernier, ignoré des autres, je levai mon verre.

La nuit du vin était d’encre…

Le cœur impénétrable du vin semblait ne jamais pouvoir connaître la lumière des matins tièdes. Tout autour, en vagues successives et changeantes, des orbes colorées ondoyaient. La perspicuité ambiante, omnipotente et omnisciente, de sa baguette aléatoire et folle, dirigeait la symphonie polychrome. Ce n’étaient que lueurs sourdantes qui brillaient et se recouvraient, mêlant l’or foncé à l’ambre clair, le cuivre patiné à l’orange sombre. Le vin tournait dans le ventre du verre comme un derviche fou, comme un chrême épaissi, concentré par les âges empilés. La liqueur fardait la surface lisse des hanaps séculaires, d’un baume gras qui réfractait la lumière mordorée et qui prenait, à travers sa viscosité tendre, les moires subtiles de la palette du plus raffiné des orientalistes.

Puis vint le penchement des nez…

Jamais auparavant je n’avais senti un vin bourdonner…Du disque, épais comme le ventre de la plus sensuelle des odalisques, montaient en vagues des fragrances sucrées. Agatha qui roucoulait comme une tourterelle énamourée, y perçut toute les crèmes chaudes des cafés Italiens. Marguerite, burinée par les tabacs Cubains, s’enivra de Havanes odorants et de pâtes d’amandes croquantes. Marguerite bis, rompue aux senteurs de la Nouvelle Angleterre y décela les effluves chaudes du pain d’épice brûlant, du miel de châtaignier, du caramel salé et toutes les aromates des marchés tropicaux de Louisiane. Pierre le pérégrin, se perdait dans les étals Yéménites, les souks Marrakchis, les poivres Jamaïcains et les fragrances salées des mers intérieures…Oui me disais-je, acquiesçant à leurs exclamations voilées, tout y est. Mais en dessous, au centre et par dessus, encore et sans cesse, c’est le pruneau dodu, longuement macéré dans le thé poivré de menthe, qui fait entendre comme la lamentation ardente d’une basse obstinée.

Enfin ce fut la communion de l’avaloir…

Pierre avait la tête ailleurs. Il conversait avec l’Aziyadé androgyne qu’il finissait d’écrire. Agatha était au large du Devon, perdue dans la jungle de l’île des Nègres, orchestrant les méfaits du juge machiavélique. Marguerite ahanait entre les bras de l’amant, sous le marteau lourd duquel, elle accédait au Nirvana. Ses yeux révulsés et les fines gouttelettes qui ourlaient ses lèvres, trahissaient son trouble. Marguerite bis se balançait en silence. Elle était Aphrodissia qui cache la tête de son amant dans ses jupons. La mort de Pierre la vit naître, mais le mystère de l’imaginaire les fait oeuvrer côte à côte cette nuit, le temps d’un voyage au cœur des vibrations de tous les mondes imbriqués. Et moi, l’instigateur, le démiurge involontaire, je les regarde comme s’ils étaient mes intemporels compagnons de plume…Le vin qui avait coulé sans bruit dans les verres – c’est bien ma première fois – se glissa entre mes lèvres comme un basilic de Cyrénaïque à l’haleine brûlante. Il se lova et fit la boule, immobile au creux de mon palais. Je n’osais l’imaginer, de peur que l’acuité de son regard ne me foudroie. Son venin urticant creusa l’oléolat, déversant son suc fruité, son poivre chaud et sa cannelle douce, sur mes papilles en pâmoison. Ce fut un indicible moment d’extase gustative. On entendait voler dans la pénombre dorée, les fantômes jaloux de tous les jouisseurs passés et à venir. Puis il fallut se résoudre. La finale s’étira infiniment. L’expédition sur le Nil blanc démarrait. Mille huit cent vingt sept, infime molécule, glissa et déploya l’assourdissante odyssée de toutes les histoires des amours humaines, au fond de mon gosier.

Le paon faisait la roue…

L’univers implosa et la bibliothèque se désagrégea. En un chemin inverse, je traversai le trou noir de toutes les morts et de toutes les naissances. Ils s’en étaient allés.

Par la fenêtre grise, comme au fond de ma gorge, la basse, obstinément tenait la note…

ECREDOMOQUIATIABSURCODUMNE.

LE PHARE ET LA BOUGIE…

Phare dans la tempête.

Ce n’est pas grand une bougie ordinaire blanche. A peine plus que sa flamme. Ce n’est pas comme un cierge de Cathédrale, épais de pure cire, turgescent et ornementé. Non.

Une bougie à la mode d’Épinal, c’est une âme perdue, en souffrance. Ou alors triste, dans la peine, comme un cycliste dans le col du Tourmalet. Une pauvre petite chose, qui ne sait que se consumer. Pas comme le flambeau, mahousse sur-dimensionné, qui ne brûle qu’intensément, le cul piqué au milieu d’autres costauds couleux, dans le fond d’une église Romane, en conversation privée avec le Ciel. Qui fait son appareilleuse…

La bougie, vieille comme la chandelle qu’on méprise, qu’on ignore, qu’on oublie, ordinairement le plus souvent – qui de pure cire, même pas n’est faite – sort du tiroir de l’arrière cuisine, quand la catastrophe s’abat. La calamité, le cataclysme, le séisme, l’abomination naturelle, qui relativise, d’une pichenette calcinante ou liquéfiante, nos certitudes de petits civilisés arrogants. Plus qu’elle à portée d’espoir, pour y voir un peu clair au fond de la panique. Mais y font quoi, les pompiers, la police, les politiques? Le froid de l’eau, ça brûle le feu! Quelques millénaires de civilisations, toutes plus triomphantes les unes que les autres, qui crament ou se noient, comme nos certitudes béates.

Puis il y a la bougie mine de rien, minuscule, des anniversaires. Chétive, qui a déjà célébré, qui attend, pauvre âme, que ça revienne.

De l’autre côté de la vie, il y a le phare, cette vieille tour impavide, blanchie sous les écumes acides, d’une vie de peu. Mais solide, impérieuse dans les tourmentes. Dure comme un basalte venu du chaud-froid des âges. Habituée qu’elle était à dominer les mers ourlées, à rire des vents furieux, elle se croyait définitivement indestructible, insensible, dénervée. La nuit était son alliée, la solitude sa richesse. Construite de pierres d’orgueil, soudées par le ciment des certitudes, surmontée d’une lanterne de métal éblouissante, qui de son œil jaune puissant, perçait par tous les temps, les orages les plus noirs. Un torrent de pure chrysocale brûlant, une cataracte d’ambre en fusion, qui calcinait les émotions, qui exterminait les sentiments les plus enracinés, qui faisait mer domptée à ses pieds.

Nulle jamais ne la dulcifierait…

Mais la bougie, sans y pouvoir rien faire, le phare l’a aimée d’emblée. Elle l’a pris, comme l’araignée translucide, dans sa toile de cristal labile. La totale surprise dans le jais du moment. Un de ces noirs, tellement sombres et poisseux, que l’on croit que c’est girandole. Dans l’innocence aveugle d’une conscience, pitoyablement aguerrie aux désespérances ultimes, il prenait son ronron pour la vie. La petite lueur, fragile aux vents, lui a mis le feu aux haillons. Il l’a regardée. Dans l’instant vibrant d’un regard extasié, elle l’a à jamais glycériné. Elle l’a englouti. Face au lumignon gracieux, à la flamme fragile, le vieux Faros a secoué tous ses embruns, plus que sous la pire tornade…Dans le secret de ses entrailles soudées à la terre, nourries de tous les tellurismes, il a sangloté, aveuglé par la lumière transmutante de cette flamme minuscule. Des propylées ignorées se sont effondrées, des macles rutilantes, des adorations vertigineuses ont afflué en vagues pures, délicates, câlines, fondantes, ondoyantes, éblouissantes et veloutées. Les marchés de Samarcande ont déroulé leurs chatoyances épicées. Les Borées furieux sont devenus plus doux que les tendres zéphyrs de l’Odyssée. Le hiératique éruptif a vacillé.

L’Oeuvre au blanc a succédé au désordre noir, il entrevoyait l’incandescence prochaine…

Mais la bougie a la vie brève et sa flammèche vacille au moindre soupir. Le sien, trop intense, l’a soufflée très tôt. Son châssis de cire volage s’est désagrégé bien vite. Elle s’est éteinte, laissant derrière elle une mofette, délétère comme un cautère profond.

Le phare a vacillé sur son brisant salé…

Il fallait bien que des «Preuses» désaltèrent les lèvres craquelées du Preux. Que le sel de ses yeux morts rejoigne les vagues saumâtres des cyclones retrouvés. Alors il pensa à Dauvissat, l’autre, à Jean, de Chablis qui lui offrirait bien un flacon de ses «Preuses» 1992 pour lui débourrer le cœur et l’âme…

A petites causes grands effets. C’est ainsi qu’un flacon se débouche.

L’étain que l’âge a fendillé, dévoile un bouchon humide. Sous la vrille d’acier, il éclate en fragments, comme un melon noir, sous le bois d’une matraque!

La lumière déclinante de ce soir pré-printanier, traverse la robe de ces Preuses, révélant un or ,teinté de gris vert.

Des touches de jasmin qu’anoblissent de légères touches de fleurs de menthe, qui seraient dites de tête, si le vin était un parfum. Puis vient le cœur. De profondes fragrances de citron confit se marient aux mirabelles et aux mangues juteuses, ainsi qu’à quelques notes apicoles. Et c’est au fond, bien sûr, qu’apparait la terre, humide de ses cailloux. L’attaque est pure suavité de fruits jaunes mûrs. De prime abord immobile, c’est une matière d’une grande douceur qui marque la bouche. Au fur et à mesure qu’elle s’installe et roule, c’est une puissante rondeur, grasse à point qui prend le relai. Nous sommes dans le cœur jaune des fruits, tombés entre les rayons de la ruche. La boule, conséquente, vrille et tournoie encore, comme ce que devrait ête une belle cohérence sociale… A chaque tour, elle se dépouille un peu plus de ses falbalas fruités, et se tend. Nue, enfin, elle se donne, rétro aidant, jusqu’à la craie de ses os, jusqu’au silex encore chaud qui loin d’abattre la bête, la sublime. La finale arrache la chair, jusqu’au dernier lambeau. Ne restent, jusqu’à plus tard, que la pierre tiède, le sel des mers anciennes et le poivre blanc, que soutient une juste vivacité.

De bien belles gueuses que ces Preuses, qui n’ont pas fini de faire grimper aux rideaux des bonheurs viniques, ceux qui oseront les forcer un peu…

EDEOMOGRATICIASCONE.

LA BONNE GROSSE TEUF!!!

Robert Delaunay. Joie de vivre.

Il y a des repas, des soirées, comme ça… que l’on espère ou que l’on redoute.

Comme au bon vieux temps de la conscription, je comptais les jours inconsciemment. Plus le temps passait plus l’angoisse poisseuse montait, plus mes journées étaient perturbées, plus je faisais «c…r» mon monde. Désagréable sans raison, infâme sans complot, désabusé sans avoir tout vécu. La Bérésina du moral. Même Ma Mie, qui jamais ne rassit, perdait son sourire. Le spectre de la séparation planait.

Mais l’homme a des ressources que la femme ignore.

Vous dire, c’est bien le moins, qu’il me fallait accueillir amicalement et dignement Jean-Théobald, ancien de Sciences-Po, tâcheron à la Sous-Préfecture, constamment occupé à ourdir de sombres machinations à l’ombre de la machine à café, histoire «d’asseoir son autorité» tout en faisant «rebondir sa carrière». Jean-Théoche parle comme on tranche le jambon, la lame est sèche mais s’endort dans le gras. Sa diction en pâtit et l’intérêt de sa conversation faiblit. Jean-Babald s’écoute plus qu’il ne partage, c’est sa force et c’est mon soulagement. Pas besoin de lui répondre, un hochement de tête ponctué d’un «hummm» intelligent, suffit à lui faire accroire que vous buvez ses paroles. Dans la musique murmurante de son discours insipide je me sens rajeunir. Ah l’air niais que je savais prendre, au long de ces jours et ces cours interminablement linéaires que nous infligeaient certaines blouses grises, tandis que d’autres nous montraient les étoiles…

Marie-Esméralda l’accompagne, ordinairement. Beaucoup plus libérale, elle vogue sur les eaux tumultueuses et glauques de l’investissement, très mystérieux, comme il se doit. Elle en parle en termes vagues et sibyllins, redressant un buste qu’elle a conquérant. Son expression favorite qui clôt invariablement la conversation tandis que ses sourcils font flèche de tous poils, est d’une rare pertinence. «C’est du lourd…» dit-elle. S’ensuit un silence, pesant comme une gueuze dans la poche d’un noyé. On sent la présence vibrante du «Consortium de ceux qui en ont plus que vous ne sauriez l’imaginer», peser sur nos pauvres nuques de quidam de seconde zone. Les couleurs éclatantes de ses atours sont au bon goût, ce que la Ministre actuelle est à la Justice… Enfin, elle égaie. Ses saillies dévastatrices sont à l’humour, ce que serait «Black Sabbath» en concert à l’Abbaye de Solesmes. Elle, je l’aime, et son rire encore plus…Rien ne l’effraie, aucun surmoi, aucune limite, c’est de la galette pur beurre. Un vrai bonheur gourmand de la piloter, droit dans les récifs, quand la soirée se fait interminablement sinistre. Jean-Théobald vacille bien un peu, mais reprend invariablement le fil de ses palpitantes aventures professionnelles. Alors je flatte à nouveau La Marie, je la branche, je l’amorce, je la comprime et ça repart. Paf, une blagouille et c’est un rire infiniment aigu, tranchant comme un Bourgogne blanc 1996, qui attaque le cristal, qui coince et se déchire comme un shrapnell au dessus du Chemin des Dames. A la longue ça produit son effet et le Jean-Théche s’épuise. Ma douce s’éteint, un sourire plus navré que fané aux lèvres…

Voilà en gros, ce qui très bientôt, nous attend.

Une nuit, délaissant mon ouvrage, je me mis en tête de sortir de l’ornière conviviale qui, inexorable, approchait. Allez me dis-je vers les deux heures du mat, laisse toi aller, laisse émerger ta créativité, point besoin de créatine pour te débarrasser, en t’amusant, de ce poids qui te mine. Quitte à déclencher «innocemment» un petit scandale domestique, autant l’orchestrer, le «Deus machiner», y aller carrément, à la hussarde et te bien amuser, poil au nez!!!

Dix neuf heures quinze et ça sonne!!!

Je rajuste mon survêt élimé et passe une main fébrile sur une barbe de trois jours. Après avoir longuement hésité, je me suis décidé à me doucher et je le regrette déjà. Je me sens moins crédible, moins dans ma peau de ce soir. Ma douce, le regard écarquillé, n’a pas le temps de dire son désarroi que déjà j’ouvre. En cinquième, pied au plancher j’attaque, l’œil brillamment engageant. C’est un accueil princier, que celui qui les voient pour une fois balbutier, tandis que je les roule dans le bonheur tonitruant que j’étale, épais comme la croûte odorante d’un parmesan hors d’âge. L’alezane à la robe brûlée comme la crème éponyme, en tressaille de contentement. L’onde de plaisir qui la parcourt fait trembloter son fastueux poitrail qui porte sans faillir un somptueux et pesant pectoral de pur Lapis-lazuli. La crème au Lapis… Nefertiti est dans nos murs. Sa bise est tendre et sa main caressante me dit clairement sa délectation. Ses lèvres, qu’elle humidifie compulsivement, se couvrent de bulles fines comme le cordon du meilleur Sélosse. Légèrement en retrait, Jean-Théobuche est déstabilisé. Comment va-t-il s’y prendre pour reprendre la main??? Mais je tiens les rênes fermes et souples, et conduis mon attelage de percherons jusqu’au canapé. La tâche de vieille peinture blanche, qui illumine mon vieux falzar de bricoleur incompétent, répond à merveille au costard à rayures mode-branchée qui galbe les cuisses de fonctionnaire de mon bon Jean-Teiche. Rien à craindre. Concentré, il ne voit et n’entend rien, il réfléchit et affiche sur ses lèvres le sourire absent de celui qui cherche la façon dont il va amener son discours.

Une brève lueur chafouine éclaire un court instant son regard…

Eurêka!!! Bon Dieu, mais c’est bien sûr!!! Le vin, il va me parler vin. Il est certain ainsi de retomber sur ses pattes. Ça tricote sous son crâne. Le spectacle vacillant des synapses qui surchauffent est total. Un régal!!! Gourmand, je me délecte de ses paroles à venir. Ah, son Bordeaux de dessous les fagots, son Haut-Médoc des familles, son Château Glamouzeux, archétype flamboyant des soupes de tanins verts, ennemi du fruit et de ses déviances enjôleuses, chantre du pur jus de tonneau, intransigeant, immémorial, parangon sinistre du croisement approximatif entre le Nouveau Monde et la Tradition dévoyée. C’est le temps anthologique de la grande «Odyssea». Je le connais par cœur son grandissime picrate, pour m’y être blessé les gencives et l’idée de ne pas avoir à le boire, me réconforte d’avoir à l’entendre. A petites lampées tièdes, je m’en vais le déguster. Le cancre de mon enfance donne le meilleur de lui-même, et j’affiche le visage illuminé du crétin extasié. Seigneur que c’est bon, j’ai dix ans… Souchon est mon frère.

Et il fonce bien sûr et met le paquet. J’ai tout bon, je ne bouge plus, j’esgourde encore et toujours plus. Je flatte l’animal quand il faiblit et l’approvisionne en nourritures roboratives. C’est qu’il a besoin d’énergie mon Jean-Tuche. Il a beaucoup de choses à dire, avant de virer subtilement vers son pré carré, le premier étage de la «Sous-Préf», lieu de pouvoir par excellence, centre névralgique à partir duquel, d’une d’une main ferme, il contribue grandement à la gouvernance avisée de l’ombilic du monde qu’est le «Bureau de l’Identité et de la Circulation».

Discrètement je m’éclipse et prépare le Grand Blanc dont je vais les régaler. Ce soir pas question de mégoter, il me faut frapper fort les papilles et les imaginations. Avec des précautions de ballerine fraîchement ménopausée, je débouche et carafe un beau blanc sec, sobrement dénommé «Le Jus de nos Treilles», un VdPdJdlF, le dernier en rayon, arraché de haute lutte, à une mamie assoiffée de dentifrice liquide. J’irrupte, le col gracieux à la main, marchant avec les précautions feutrées d’un pingouin dans le bush Australien. Le regard épouvanté de ma très douce croise le mien… Elle se demande ce qu’elle fait là, ses pommettes qu’elle n’a d’ordinaire ni rouges ni brûlantes, la trahissent. Pas question de faiblir. Hardi mon gars, l’heure est venue de la dégustation… enfin la première. Dans les verres adéquats, la robe est belle, d’un jaune qui enchanterait les œufs anémiés des grandes surfaces. Pétant ce jaune. Boosté à «l’E 1912» que ça ne m’étonnerait pas. Jean-Tèche annonce :

– «Yquem»???

-Non, non lui dis-je, les Sauternes je crois, sont des liquoreux.

-Ils font un «sec», rétorque t-il d’une voix qui arrêterait un TGV lancé.

-Merci mon Jean-Jean, t’es pas le genre à tomber dans le premier piège à gland venu lui réponge. Ah t’es un bon toi!!! Allez, renifle et prends ton temps, c’est une rareté, ça n’a pas d’âge.

-Le sec est une rareté, le millésime c’est autre chose, assène t-il. Yquem vinifie quelques bouteilles les très grandes années…

Je ne dis mot et me contente d’opiner. Pas question de contrarier un tel maître. Quelle soirée édifiante qui me renvoie à plus de modestie. Le sec d’Yquem, en voilà une info… Marie des Asturies est toute ouïe, elle dévore son Théobuche des yeux et déguste à courtes lampées gourmandes, l’eau de vin brûlante. Proche de l’extase, elle lévite et pense à son canard. Il faut bien que, parfois, Thé-Thé se repose.

Ce blanc, il faut bien en parler, mais très peu, il n’y a pas grand chose à en dire. Pas de nez si ce n’est une légère odeur alcoolisée. La bouche elle, grimace et s’en souviendra, tant le liquide est agressif, acide un point c’est tout. Un beau candidat à la distillation. Voilà pour «l’Y d’Yquem»!!! Prévoyant, j’avais servi des entrées douces et crémeuses qui furent au vin de parfaites antidotes. Ma première expérience Sado-Maso. Très réussie.

Une grande souffrance peut conduire à un grand plaisir!!!

Une réputation, ça vous colle à la peau. «Grand» amateur de vin, ou plutôt perçu comme tel, nul, et surtout pas Jean-Thoche, ne pourrait imaginer boire chez moi, autre chose qu’un beau flacon, a minima!!! Et voici ma bouteille de rince-dentier, qui par un coup de baguette magique, se transforme en «Y»…Faute d’être un buveur d’étiquette, me voici contre mon gré, grand pourvoyeur en flacons prestigieux, ce qui est loin, très loin même, d’être la réalité.

Mais la fête continue, le temps vient de hausser les niveaux et d’entrainer Marie-Smémé au pays merveilleux des Grands Rouges de légende. C’est une vraie, une bonne, une grosse goulue gourmande. Vous la reconnaitrez aux légères chaleurs qui colorent son teint mat, comme à l’exquise brume qui perle sur sa lèvre supérieure duveteuse, dès que le moindre mets – de la vieille tranche de saucisson, à l’Ortolan sur sa broche – accroche son regard. Une cliente. Une sérieuse. Une appliquée. Qui aime ça et en redemande.

Une daube, cuite à n’en plus pouvoir et largement dopée aux épices et au Piper Negrum, entre en scène. Artistiquement confite dans son plat à Tajine, «comme là-bas», elle épate, elle éblouit, elle ravit, elle comble le regard de mes hôtes, sensibles, comme des milliardaires Russes, à tout ce qui rutile. Histoire de rester dans le ton et de remettre deux thunes dans le bastringue, je me lance dans un long discours creux et convenu, enfilant les truismes et les lieux communs comme autant de perles de bazar, pour expliquer l’accord mets-vin à venir. De quoi faire un article, aussi ronflant que prétentieux, dans le dernier des magazines «pipole dans la vibe», dans le genre «Hédoniste Rive-Droite». L’auditoire boit du petit lait, le bonheur d’entendre les inepties dont il se repaît à longueur de vie  l’enchante. Avec des précautions d’ostéoporosé, je dépose sur la table une carafe rouge, d’un Gevrey 2007 de derrière les gondoles. En moins de temps qu’il n’en faut au bâtard qui fréquente mes poubelles, pour engloutir une carcasse de poulet, la daube est dévorée par mes carnassiers. Le Gevrey (je ne donnerai pas le nom du négociant, si ce n’est qu’il a beaucoup flirté avec un politique à bandeau…), dont la classe est inversement proportionnelle à l’éclat artificiel d’une robe qui a connu les joies d’un filtrage digne d’une station d’épuration, coule à grandes rasades dans les gosiers délicats de Clodomir et Frédégonde. Le pinot anémié par des rendements Champenois, et affaibli, ou plutôt, assassiné, par un carafage intempestif, fait illusion au pays des vanités. Des arômes de «pas mûr», de racine fraîche au nez, une matière aussi maigre qu’acide en bouche, et une finale, oubliée dans les vignes, ou les vestiaires du PSG!!! Joueur et rassasié, Jean-Thûche fait son connaisseur, et disserte un moment sur les subtilités du millésime et la mâche du breuvage. Il est vrai que pour la mâche, la rafle verte ça aide…Un bémol cependant, des tanins, trop légers à son goût, qui m’ont laissé les gencives rétractées à ne plus pouvoir sourire des jours durant. En conclusion, c’est «Apocalypse Now», une comparaison rapide entre Bordeaux, réduit au Château Glamouzeux, l’égal des tous meilleurs et la Bourgogne toute entière…Ridicule cette pauvre Côte d’Or, balayée, éradiquée par la vindicte éructante d’un Jean-Thiche passablement secoué par le Gevrey. Vaincu, je baisse la tête. Magnanime, il sauve du naufrage l’exceptionnel Côte de Nuits qu’il a gaillardement éclusé, lui trouvant quelque chose de Girondin!!! Youpie, suis content.

C’est le temps de l’achèvement, le moment de l’hallali, l’instant cruel ou le torero sanglant se penche sur le Minotaure, la main visqueuse et le descabello tremblant.

L’instant sucré voit se matérialiser, sur la nappe tâchée, un énorme gâteau, plein de tout et d’autres choses encore. Un spécial «Sous-Préfecture», dodu, objet surréaliste, incongru en ces temps difficiles, enfant d’un pâtissier Allemand et d’une crémière Bulgare, un truc à tuer un innocent. Mais où a-telle pu dénicher – ou plutôt décoller – une pareille monstruosité, ma si douce qui n’y touchera pas??? Un anti Viagra !!! Va falloir que Théob se fasse une «deux litres» de Bandamor en rentrant, s’il veut se retrouver avant la fin de la semaine… Mais bon la basse-cour est fournie, les ersatz vrombiront de toutes leurs piles. La Mousmée est éberluée, figée, arrêtée, hypnotisée par l’engin. Elle a trouvé son Graal, l’Himalaya de ses rêves, l’anti Weight-Watcher, celui qui vous ruine en lippo-succions hebdomadaires, mais qui vous graisse l’œsophage de bonheur. En aurai-je une part, ou un fragment??? La bouteille frappée tape dans l’œil semi vitreux du cadre diminué. Un vrai bémol le Jean-Touche plus une, il s’est un peu répandu et les rayures de son costard tire-bouchonnent. Le bout des fesses sur le bord de la chaise et la nuque au milieu du dossier, il n’a plus grand chose du meneur d’hommes qui fait trembler les cantonniers alentours. C’est un gros effort qui le redresse et ses épaules, un peu moins larges que la chaise, peinent à lui remonter le fessier qu’il a façon «culbuto». Mais à l’impossible il est tenu et s’il veut se rafraîchir les amygdales, engluées par la friandise à l’eau lourde de ce Monbazillac dégoté au fond du fond d’un Hyper de campagne, une méga promo sur une infusion de canne à sucre qui ferait la fortune d’un dentiste avisé en mal de revenus, il va falloir qu’il se reprenne fissa. Pour être jaune il est jaune ce bougre de vin, un vrai canari fondu qui colle aux parois du verre tel un actionnaire à ses dividendes. Le propriétaire serait Canadien, que ça ne serait pas une surprise, du «suc de cabane» gras et lourd. La cérémonie de la dernière dégustation de la soirée se poursuit. Sous le nez, ça sent la betterave cuite à la cannelle. En bouche, les dents souffrent, et les plus fragiles se fendillent… La finale est difficile à estimer, tant la pâte colle au palais!!! Mais ce n’est qu’un avis très minoritaire, Marie-smalda et Jean-Béoche sont aux anges, l’œil révulsé, le menton maculé et le verre vide. Quelques regrets, vite résorbés, me chatouillent la conscience, le temps que Maritche, hébétée et heureuse, en plein trip de surconsommation frénétique, me sourit…Le café, pourtant bétonné, ne les améliore pas vraiment. Un second, à tuer un Italien, les laissent insensibles. Point besoin d’insister, il suffira de prier.

Alea jacta est…

Le lendemain vers quatorze heures, tout juste réveillé, l’homme de pouvoir, d’une voix retrouvée, me remercie.

Ouffff.

EPLEINMOLATIPANSECONE!!!