PEU AVIN QUE JE MEURE …

Picasso. Arlequin.

Tous les ans, au temps de l’AVENT, Eva Robineau publie un Calendrier de l’AVIN sur son bon Blog OENOS.

Voici donc ma contribution en ce cinquième jour de l’AVIN.

Bien des choses et des goûts nous séparent …

L’addiction aux technologies, I-Phone-Pad-Pod et autres  Face Book/Tweet, la “Geekerie” par exemple !

Et aussi, peut-être, les vins que nous aimons …

La « petite » (je peux me permettre, suis hors d’âge), que j’ai connue, Evanaissante, débutante, timide, mais néanmoins déjà tonitruante, sous son sourire d’ange de la cathédrale de Reims, a eu tôt fait de tracer son chemin dans la jungle impitoyable des fondus de vins.

Dans ce milieu, haut en couleurs, qui va du blanc opalescent au rouge violacé, en passant par le rosé à peine saumoné et le clairet rubis sur l’ongle, on trouve de tout. Le spectre est large, qui va du défenseur hargneux des vins de copeaux aux adorateurs énamourés des jus aux équilibres parfois (mais pas toujours) étranges. Le monde du vin décline toutes les arômes de la passion. On y trouve d’étranges fora sur lesquels des frères ennemis s’étripent, des amateurs chevronnés, compétents et discrets, qui dégustent et publient à longueur d’années leurs compte-rendus réfléchis et longuement pesés, de sympathiques bandes d’échevelés, tombés dans le vin avant hier, qui donnent la leçon, des journalistes à la botte, ou pas, qui font leur boulot, de vieux journaleux indépendants qui ne se la racontent plus, des blogueurs poilus spécialistes du Buzz à trois balles, des blogueurs qui ont de la bouteille et de la plume, des blogueuses roses, qui écrivent sur le « wine » du bout de leurs ongles du même métal, des athlètes du vin qui marathonnent à longueur d’année, des comètes qui traversent le ciel, le temps de quelques mots mal torchés. Enfin, de tout, on trouve de tout, un peu, et parfois trop. Et même un quasi grabataire hargneux, râleur, qui fait chier tout le monde avec sa plume acide et, comme l’écrivent ses admirateurs, avec « ses mots qu’on sé même pas que ça exciste » et ses textes « emberfilicotés écris avec de la merd saiche ».

Ben oui, Mesdames, Messieurs, le monde des allumés du pinard, du jus de lièvre fermenté, des plus ou moins grands crus, des vins de copains, des adeptes de la torchabilité maximun, de la digestibilité, et tutti quanti, c’est tout ça et plus encore …

Et merci à Bacchus.

Et merci à la diversité de s’exprimer,

Et merci, ça nous tient éveillés !

Or donc, en ce cinquième jour de l’AVIN, il importe que ce soit la fête du goulot, je reviens donc au cul de la bouteille dont au sujet de laquelle je dois vous causer. Mais l’âge, en ce début d’après midi, m’engourdit, mes paupières sont lourdes qui se ferment sur le ciel si bleu de ma fenêtre, derrière laquelle les feuilles andrinoples d’un érable, en voie de « déplumation maximum , s’agitent sous la brise fraîche. Lâcher prise et m’assoupir un moment …

Rêver un peu.

Ah qu’il est bon de voler au dessus des masses de coton albuginé, sous l’œil cyclopéen du soleil déjà bas dans le ciel d’automne. Vu d’en haut le paysage est doux. Les nuages font le gros dos, leurs courbes, que la lumière rasante rosit, sont tendres comme guimauves molles. Des rires rompent le silence des altitudes, attirant mon regard. Là, plus bas, une foule disparate, versicolore, s’étale au milieux des moelleux et candides coussins. Tous s’activent et débouchent à-Dieu-va multitudes de bouteilles disparates, dont les bouchons roulent entre les plis des cumulus ventrus. Un gaillard rebondi, au visage à demi mangé par une barbe plus proche du sel que du poivre, assis sur un gigantesque siège de barbe à papa ondulant, semble officier. Vêtu d’une ample toge jaune, il sourit, ses yeux brillent de malice, il tient à la main un hanap, gigantesque à tenir un plein jéroboam. A sa droite trône un Nabuchodonosor de Léo ville Barton 1990, à sa gauche, un Mathusalem de Clos Milan 2010 « Sans Soufre Ajouté ». Il me fait de grands signes amicaux qui m’invitent à me joindre à la fraternelle bacchanale. « C’est rassemblement œcuménique » me dit-il, agitant son hanap. Je m’approche, toutes narines épatées et reconnais les fragrances élégantes des « Chamois du Paradis » 2004 du Sieur Jean François Ganevat. Je plonge les naseaux dans un verre qu’il me sert, ferme les yeux, me bouche les oreilles pour échapper aux conversations avinées ambiantes, et me repais …

Pas facile à cerner ce chamois tandis qu’il s’offre, complexe, au nez. Le caprin liquide gambade un long moment dans le verre. Il grimpe et glisse, joueur, le long des parois de verre, sous la lumière d’un soleil déclinant. Je me régale de le voir ainsi se déplier lentement. Tout en fleurs blanches, fines, subtiles, entremêlées. Diaphanes et pénétrants, les arômes embaument. Cire douce ensuite qu’un soupçon de miel arrondit. Leur succède, une alliance parfaitement fondue de citron et pamplemousse en jus mûrs. Une dernière touche timide de pierre chauffée au soleil, clôt ce bouquet parfaitement équilibré. Un nez de pure sérénité. Qui sied bien à ce temps fraternel.

Puis le jus parfumé gagne mes lèvres. La chair de l’animal roule ses jeunes muscles tremblants dans ma bouche attentive. Les vibrations de la matière conséquente me parlent d’équilibre. Des fruits blancs auxquels se joignent quelques jaunes fragments pulpeux, s’étalent au palais, comme si l’animal se roulait dans les herbes fraîches. Puis il s’ébroue, tandis qu’il glisse en gorge comme un ruisselet goûteux. Je ne bouge plus. Le jarret tendu, il franchit le col de ma gorge, et disparaît lentement de mon champs gustatif. La trace fine de son bézoard à peine musqué, et du sol pierreux qui marquait la corne souple d’entre ses sabots, marque ma langue de sa soie souple, et me laisse le désir de le retrouver…

Quelques épices encore.

Comme un albinos aux yeux roses …

OLIF, le barde Jurassien, car c’est bien de lui qu’il s’agit, apprécie mon plaisir et m’accompagne de son hanap qu’il vide en même temps que je déguste mon verre. « Regarde autour de nous, ils sont tous là, même ceux du sud, là, près de nous; et ceux du nord, là haut; de l’est, à droite; de l’ouest, à gauche; et au milieu, les plus agités, les plus joyeux, les plus jeunes, la relève des parisiens, autour d’ÉVA ! » Ben oui, il me faut bien me résoudre et accepter la réalité, ce cinquième jour de l’AVIN est jour – non pardon, RÊVE – œcuménique.

Et croyez moi,

Ne fut-ce qu’un jour,

Ne serait-ce qu’en rêve,

C’est bel et bien beau et bon,

La magie de l’A(N)VIN !!!