Littinéraires viniques » 2008

LE TREIZE DE L’AVIN D’AVANT L’AVÈNEMENT…

La Mère Noël 2.0.

 

Cornaqués par La Mère Noël en bas résilles, les Chevaliers de l’AVIN célèbrent l’Avent, à leur façon délibérement avinée, le jour Saint, qui vit le Sauveur s’égarer, chez les broutarts hystériques qui se prenaient pour les Rois Mages de la création. Ils te l’ont cloué sur la Croix, vite fait, le pauvre Charpentier illuminé!

D’une main ferme, la Donzelle Éclectique, mène le microcosme vinique de sa petite main douce. Une menotte caressante dans un gant de tendresse… Elle est comme ça, pétillante d’idées, généreuse, courageuse, droite dans ses bottes mi-cuisses. Une sérieuse «Sonia» en puissance! Une bonne travailleuse, qui mène les grands Élephants du Web liquide, par le bout de la… Ouups… du licol! Et la voilà, qui plus sûrement qu’Hannibal, nous fait franchir, les Cols du Flacon et les Hauts Sommets des Arts Subtils de la Bouche, à sa pogne! A la queue-loup-loup, le Cornac Apoplectique, les Adeptes du Naturel, les Bio, pas si cons que ça… parfois, les Grands Tasteurs des belles Crèches, les Ceusses qui rêvent de vins purs, l’Iris Germanique qui lisse goulûment le mourvèdre du curé, le dé-Bauchet du Bojo, la Pipette barbue, l’Armande de Molière, les Cavistes affairés mais différents, l’Éthiquetteur décalé, le Médecin des fourrures déplumées en détresse (Ah, le saint homme, qu’Esculape le protège!), le Doctoral Désoxyribonucléïqué, Marylin from SaintÉm, la Corisette du Mas, les Bulots bi-calibrés, les Jumeaux videos, bien d’autres encore, et même le Bertho, Grand Cracheur de bons et rudes mots, lui mangent dans la moufle.

Mon éléphant nain, égaré par les brouillards, peine à gravir les côteaux de Cornas. Sous ses papattes bottées de rouge, le rhône étale ses eaux bises, dans le creux de la cicatrice sysmique, qui a fendu les sols, bien avant qu’imprudemment, ne descende le Cruxifié. Là, sur l’escarpé côtal d’en face, Robert Michel chouchoute ses lambrusques de syrah, depuis quelques lustres déjà. Un discret, pourtant encensé, abordable, qui fait bon, sans prendre ses clients pour des Quatari.

Sa «Cuvée des Côteaux» 2004 a longuement respiré en carafe fraîche. Dans le large cul bombé du culbuto de cristal, l’Esprit revient au vin. Il se déplie, s’étale, enfle, et monte au nez, avent même que l’on s’y penche. Un nez Toulousain (on sent que ça va castagner!), que domine la violette. Matière en boule fraîche en bouche, qui attaque à coups de cerise mûre, de toast noble, d’épices douces. Une syrah, qui tapisse élégamment l’avaloir de tannins encore crayeux, mais polis. A l’avalée, apparaissent fruits noirs et myrtilles. La finale s’installe un long temps, avent que la réglisse, finement épicée à la fraise, ne subsiste.

 

EDÉMOVOTITECONE.

QU’ELLE EST BONNE LA MARTINE…

Jan Steen. La mangeuse d’huîtres.

 Saint Jean des Monts sur Côte Vendéenne, en ce début Novembre 2010 de la fin du monde. Sur les 250 kilomètres qui séparent Cognac de cette Chouannerie, nombre d’Arches de Noé tentent de se construire, régulièrement démontées par les bouffades enragées d’un vent tempétueux. Agrippé comme Agrippine au poignard de Néron, soudé au volant comme huître à son rocher, les quadriceps en fusion et les bras noués, je cherche mon chemin de paradis, entre les vagues hurlantes des eaux, catapultées d’un ciel en sinistrôse profonde, par un Éole frénétique. Au bout de l’enfer liquide, le sourire chaleureux d’un homme à La Pipette curieuse qui en vaut quatre, accoudé, du bout de son sourire barbu, au bar de bois nature d’un caviste fêlé, qui règne démocratiquement sur son Carlina de Chai. Il fait bon vivre, rire et boire entre les murs de ce lieu convivial, beaucoup moins foutraque qu’il n’y semble au premier abord. Plus un espace libre sur les murs, que tapissent à la va-comme-j’te-pousse, les souvenirs sur planche de caisse des hôtes de passage, la collection de boites de sardines du patron, des dessins d’enfant, des bouteilles vides en groupes ou en pagaille, les cailloux du Petit Poucet semés par-ci par-là, et foultitude de petites choses de toutes provenances…, un étrange foutoir surréaliste et chaleureux, qui vous console d’avoir bravé Zeus en bagarre, avec Neptune en furie.

Derrière le bar, en salle, à la cave, en cuisine, partout à la fois et en même temps, Philronlepatrippe semble mener une existence stroboscopique. Entre ses mains rapides, les bouchons volent comme abeilles de liège. Sur le bar, les bouteilles, serrées les unes contre les autres, orphelines craintives, se tiennent mutuellement frais, et suent par-dessus leur verre tant elles angoissent d’être vidées trop vite, ce qui définitivement les priveraient des longs regards amoureux, que leurs jettent la brochette mal cuite, de picoleux impatients accrochés au zinc.

La soirée, vouée aux méléagrines d’origines diverses, est – Novembre oblige – intitulée «14-10-huîtres»… Plus précisément douze variétés d’Ostrea sont proposées deux par deux, soit vingt quatre mollusques salés à téter, à slurper, à gober bruyamment, à ramasser, parfois lourdement chus sur le pantalon, comme glaviots glaireux. Bref, à déguster avec des mines de patte-pelu gourmand. Autour des reines du soir, beurres AOC, du doux au demi-sel, en passant par le délicieux beurre aux algues. Histoire de pousser les molasses au-delà du canal de la luette, douze vins différents de toutes régions, mais tous blancs of course (les Vendéens ne sont pas Parigots branchouilles qui assassinent ces pauvres bébêtes sans défense à grandes lampées de Bordeaux sévèrement douellés ), ont été choisis pour les exalter. Douze vins donc, parmi lesquels le «Clos des Rouliers» 2008 de Richard Leroy me séduit à nouveau, quand il envoûte de son Chenin longuement élégant, la chair pâmée de la «Prat ar Coum» Bretonne. Mais entre toutes ces belles offertes, c’est sans conteste pour l’Irlandaise, la «Muirgen» qui finit son élevage à Cancale, que sonnent les cornemuses de la victoire. Il vous faudrait la décoller délicatement de sa coquille, puis verser une giclée blonde du «Phénix» 2009 de Guy Bussière dans son écrin, enfin vous mettre le tout en bouche, pour comprendre combien la finesse, le croquant, la douceur, la longueur de la chair, fouettée par ce «modeste» Melon du Val de Saône, vous caresse longuement le palais. D’autres vins, dont nombre vouent un culte mérité à Demeter la Grecque agricole, réussissent leurs épousailles avec les bivalves. Le Muscadet 2009  “La Bohème” de Marc Pesnot, le Sancerre  2008 de Gérard Boulay envoient, pour l’un, au septième ciel, le sarcoplasme iodé de la «Vendée Nord Ouest pleine mer», pour le second, c’est le pied tendre de la «Utah Beach» Normande qui enfle de plaisir. Tout est là, jouissance et volupté en bouche…

Mais le temps s’écoule et la parenthèse se referme. Le bitume succède à la grève venteuse, le vent persiste mais les eaux restent au coeur des cieux lourds. Au platitudes bocagères Vendéennes succèdent les reliefs doux de la Saintonge, puis les plaines et coteaux de la Charente, jaunis ou rougis par les vignes, qu’enflamme encore l’automne. Céans, l’eau, abondament bue, me nettoie les cellules quelque peu engorgées par les jus blancs, les beurres et les corps croquants des belles de mer. Mais ce jour, après deux jours, me revient l’envie d’un tour en Macônnais, en Chardonnay gourmand. Là-bas, entre les roches célèbres qui se font face, non loin du Val Lamartinien, à Uchizy, un peu plus au nord le climat «La Martine». Un vin de poète? Peut-être, mais pas Lamartinien pour un sou…

La robe de La Martine est pâle, rehaussée d’ors lumineux.

Les parfums de Martine montent au nez, bien plus mûrs qu’elle. De son corsage, qui rebondit au rythme de sa course innocente, s’échappent en volutes chaudes, des odeurs de petits matins de pâtisserie, de paniers de fruits jaunes et dorés à l’étal d’un marché d’été, de bocaux de fruits confits, de boites de Calissons d’Aix. Un bâton de réglisse retient la cascade blonde de ses cheveux. Les fleurs des chèvrefeuilles s’écartent sur son passage et ajoutent à sa trace odorante… C’est un bonheur de la suivre du bout du nez.

La suite de ce Mâcon-Uchizy, en bouche, est plus délicate….Je ne m’y risquerais pas et dirais succinctement qu’elle est est à l’avenant, une gourmandise mais avec de la matière, un jus délicieux que tend et rehausse une finale délicieusement fraîche. Martine est un bonbon dodu que l’on aime à croquer, qui gicle sensuellement entre les dents, pour vous prendre langue et palais, de toutes ses rondeurs généreuses et fruitées. Les 2006 des “Bret Brothers” du Domaine de la Soufrandière sont, pour ceux que j’ai goûtés jusqu’à présent, la gloire d’un millésime bien maîtrisé.

Ce que qui précède est pure fiction, résultat d’une récente nuit trouée par une insomnie blafarde. Seuls sont réels les mollusques et les vins cités.

EFEMOTILEECONE.

FONROQUE L’ÉQUILIBRISTE…

 Bachelard. Fonroque

Fonroque. Salle de dégustation. Octobre 2010. 

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 Le tapis de vignes vertes que l’automne caresse à peine, comme une troupe d’enfants sages, s’étale de toutes ses feuilles autour de la maison ancienne, cossue sans plus, qu’en Bordelais on érige vite en Château…

En ce dix septième jour de ce mois d’Octobre 2010, le ciel est à la bouderie. Un ciel de winemakers, bas de plafond, humide, lourd de gros nuages gorgés d’eau comme éponges grises gavées. Il reprend la lumière de l’été, le feu est en veille. Les jours raccourcissent imperceptiblement, les énergies débordantes de la saison chaude refluent et s’en vont hiberner, lentement, – au contraire de l’homme perpétuellement agité comme une puce dérisoire – sous les terres, vers les magmas brûlants… Insensiblement les sols se taisent, la vie s’enterre pour mieux renaître.

  Alain Moueix, homme d’intérieur.

 D’entre les portes lie de vin du chai attenant aux pénates, un homme apparaît. Grand, mince, à son rythme intérieur, comme replié vers son essentiel. Sans le manteau gras qui enrobe ordinairement le succès matériel. Il sourit mesurément aux visiteur matinaux. Rien de moins, rien de trop, en phase me semble-t-il d’emblée, avec les énergies paisiblement actives de ce matin calme. Fugace, l’image intemporelle d’une être en prière profane, comme un éclair bref, me pique le cœur. Dans son regard bleu pâle qu’un soupçon d’ardoise adoucit, brille une lueur, douce comme un feu apaisé au terme d’une flambée; c’est la lumière argentée d’une conscience ouverte au monde mais étrangère à la surface des choses.

L’homme ne tourne pas le dos tandis qu’il remonte, l’arrière vers l’avant, le chemin crayeux qui fend la houle des vignes vers le haut du coteau. Doucement, clairement, méthodiquement, il nous présente les dix sept hectares de lambrusques auxquelles il a décidé de donner le majeur de lui même. Certes elles sont siennes ces pamprées, au sens que les hommes donnent à la propriété, mais il est à elles autant, au nom d’un pacte muet qu’ils ont signé en secret au nom de l’équilibre des rôles. L’homme a besoin de la nature mais elle peut aisément se passer de lui. Nous ne sommes maîtres de rien, pas même de nos illusions puériles. Certes il ne nous dit pas ça clairement, mais cela transpire de ses silences.

A la tête du domaine depuis 2000, tout en douceur – hurluberlu à tête sage – , unique dans cette région plutôt conservatrice, il remet posément, avec humilité cette nature accueillante à l’équilibre. Après un passage au biologique, il approfondit sa réflexion et perçoit la naturelle nécessité des eurythmies énergétiques. Pour recevoir le meilleur il commence par soigner. Dès lors, il met la biodynamie au service de la flore des lieux. Rassurez vous, je ne me prends ni pour un Rudolf Steiner de salon, encore moins pour un Bachelard miniature et surtout pas pour un Goethe d’opérette, et vous épargnerai les leçons de douzième main, chères aux petits maîtres qui pullulent comme oïdium par temps pluvieux sur les fils de la toile. En raccourci et sous toutes réserves, il s’agit «simplement» de redonner puis d’assurer la «santé du sol et des plantes», dans la «compréhension profonde des lois du vivant», acquise par «une vision qualitative et globale de la nature»… Sagesse ancienne, somme toute, que les apôtres du toujours plus fustigent au nom de la science pure et dure, mère de l’agriculture intensive et productiviste.

Conversation devant les marmites du Diable!

 C’est dans ces chaudrons «maléfiques» que sont chauffées, infusées, filtrées, dynamisées les eaux «homéopathiques» qui seront aspergées dans le respect du calendrier lunaire – des rythmes de la nature donc – sur les sols et les vignes.

Préparats de bouse de corne de vache.

Dans la malle aux trésors simples d’Alain Moueix, la bouse transfigurée après un hiver en corne de vache enfouie en sol, dans ces pots de terre remplis d’une substance légère, aérée, odorante, aux parfums d’humus, de sous bois et de champignons frais. Certes, ces quelques exemples ne sont qu’illustrations superficielles de la “méthode” Biodynamique et toutes critiques des «spécialistes» sont, par voie de conséquence, inutiles…

Mais le temps passe dans le sourire des vignes qui se préparent au repos. Nous passons au chai. La vendange 2010 à peine rentrée fermente, parcellisée, dans de petites cuves en béton. Les levures croquent les sucres. Les parfums ambiants célèbrent les fruits, et les jus fraîchement recueillis sont les élixirs crémeux de ces framboises juteuses et humides, oui ces tétons rouges qui fondaient sur la langue à l’aube tiède d’un jour de l’été dernier. Ça se goûte comme bonbons! Dans la pénombre de la salle de repos, les fûts font oeuvre d’élevage pendant dix huit mois. 2009 nous tend la pipette. La dégustation des vins à l’école du bois m’est d’ordinaire difficile, pour ne pas dire désagréable, tant les jus apparaissent destructurés, durs, dominés pas des tanins «genre» artichaut cru. Ce matin, rien de ces désagréments habituels. Du bas de la pente aux sols argileux-ferrugineux, au sommet de la côte – terre très peu épaisse sur roche calcaire – tout est bonheur en bouche et recracher n’est pour une fois pas urgent (d’ailleurs, j’oublie à plusieurs reprises…)! De la puissance en largeur des Merlots du bas des terres, à la verticalité tendue des vignes sur calcaire, tout se resserre et s’élance en douceur. Les Cabernets-francs (15 à 20% en moyenne) sont parfaitement tendres, onctueux et mûrs. En salle de dégustation le 2007 en bouteille, long et fruité est d’une parfaite pureté de nez et de bouche et d’une gourmandise avérée qui pousse à s’en délecter. Le millésime 2008, plus puissant, concentré, ne se donne qu’avec pudeur et ses parfums de framboise, de truffe et de zan, n’apparaissent qu’à la longue. Ces vins conjuguent nez pur et bouche précise. Élégance, tension, minéralité, matière conséquente et à terme race et distinction caractérisent, plus ou moins intensément selon les années, les vins de Fonroque. Mais toujours cette pureté, cette définition nette et cette précision d’horloger de la vigne, comme si les ceps en bonne santé donnaient leur meilleur en retour.

Dans le silence, le millésime 2009 s’accomplit…

Le temps a passé si vite que la faim nous a oubliés!

Nous quittons le Domaine, bouteilles au coffre. Alain nous accompagne sans un mot de trop, toujours juste et pondéré. Dans la voiture, au sortir de l’allée qui borde l’entrée, nous sourions calmement sans plus, comme si ces heures passées à Fonroque nous avaient appris la juste mesure – si rare – qui sied aux relations de qualité.

De part et d’autre du chemin, les vignes nous saluent imperceptiblement du bout de leurs bras ligneux. Un souffle de vent léger agitent leurs feuilles, fragiles comme des éventails délicats…

 

EAUMOPATIRACODISNE.

CE SOIR JE CLAQUE DU BECK…

 Schneekugel mit Teddybaer.
 

Je ne peux toujours pas écouter Bashung sans avoir le coeur dans la gorge…

 Le soleil de Septembre brille de ses feux encore chauds, avant de nous planter orphelins quelques mois. Le monde, lui, est froid. «Les petites choses qui luisent» sont toujours «des hommes dans des chemises». Bashung plane, bel aigle envolé. Le peuple des acariens en costard-cravate, s’est remis de ses fausses inquiétudes. Putain ça repart comme en quatorze. Le top justbeforetoday, c’était les assurances vie Américaines rachetées à bas prix aux loosers que la crise – Sainte crise, encore merci – avait  jetés à la rue. Les traders flamboyants sont encore et toujours à la curée. Villages de toiles, associations médico-caritatives se sont affairées… Plus tu penses ignoble, plus la thune tombe. Les banques vertueuses aux poches lourdes ont largué les bonus comme napalm au Vietnam. Obama aurait bien voulu bien a t-il semblé, but he couldn’t…

La grippe à la mode de chez les grands labos pharmaceutiques boostés par notre ravie plantureuse, a plané sur nos civilisations frileuses. Les maladies peuvent tuer dis donc! Un scoop. Il est temps de goûter à nos jus de raisins fermentés. Va savoir…!!

Pendant ce temps là les vignerons  inconscients au volant de leurs Porsches poivrées comme Chambertin Grand Cru *, vont bientôt vendanger.

Sur le flanc des collines, comme un trait d’union vert qui relie le village de Dambach aux ruines du château de Bernstein sur la crête, les vignes souffreteuses du Frankstein peinent à produire. Orientées en arènes Est et Sud-Est, elles plongent leurs racines assoiffées au plus profond de la roche de granit à deux micas…, qui ne font chanter que les vins. La terre, enfin les sables de granit délités par le temps et l’érosion, est pauvre. A terre pauvre, vins riches mais droits ?

LES VINS DU DOMAINE BECK-HARTWEG.

La première des coquines à couiner sous mon vieux tire-bouchon qui est à l’ouverture des cols ce que Rocco est à la plomberie, c’est la «Prestige». Ça ne fait pas un pli, le bouchon «glope» comme le dernier des péteux, avec un bruit sec.

Riesling «Cuvée Prestige» 2008 :

Sur l’étiquette un peu kitsch – ce qui n’est pas pour me déplaire – en ces temps de design branchéglacéloungedéjàdémodé – dans un coin, l’ours de Dambach se régale de raisins, au creux d’un blason rouge et noir…

La robe est jaune citron pâle à reflets gris.

A l’ouverture le vin perle un peu. Pas de pétrole à l’horizon olfactif. Le nez est franc, pur et droit sur la pêche blanche, la rhubarbe crue et le citron Beldi confit dans sa saumure.

Le toucher de bouche sucré-salé est net, la matière est juteuse, un gras léger lui donne une consistance bienvenue qui attendrit et modère l’acidité bien présente. Une note de fruits jaunes arrondit la dominante citronnée qui affole les papilles. La finale correcte se dépouille de sa chair fruitée, le vin se tend comme les reins de ma belle joueuse pour laisser au palais de fines notes de sel et de noyau de prune. Finale tranchante, vachement minérale (j’emmerde la Science) en fait!

Le lendemain, le vin a été bu sur deux jours, quelques volutes de rose ancienne, de fleur d’aubépine et de jasmin aussi – fugacement – s’échappent du dernier verre, vide of course!

C’est bien bon, difficile de ne pas y retourner illico. Sur un tajine citron confits et poulet, une cuisine Thaï aussi, épicée?

Riesling Grand cru Frankstein 2006 :

Toujours cette robe pâle d’or gris.

Une belle finesse sous les naseaux, toute en citron confit, en sucre d’orge, en miel un peu, en fruits blancs, enrichie par une note de mandarine, en poivre blanc aussi et en épices enfin. Mais… un nez relativement fermé cependant, même le lendemain, qui ne se donne pas totalement. Petite bouderie adolescente passagère?

En bouche le toucher est d’une grande finesse, marqué par une impression minérale qui semble tendre et fondre à la fois les composants de la palette gustative. Sans doute la qualité première de cette «pierre franche» est-elle de donner au vin ce supplément de subtilité?? La matière est conséquente, charnue, mûre, bien équilibrée par une acidité aérienne qui cisèle le gras, le léger sucré et les fruits. Finale riche qui se dépouille lentement, jusqu’en son cœur de sel et de pierre.

Un bout de foie passait par là, Frankstein l’a vidé de ses lipides parfumés. Personne ne s’est plaint. J’ai même entendu quelques bruits suspects de succions appuyées, suivies de soupirs profonds. Le bonheur serait-il dans la bouche???

Gewurztraminer Grand Cru Frankstein 2004 :

Cette fois la robe est d’un or gris plus soutenu.

Le premier nez parle de fleurs, jasmin et acacia mêlés. Puis viennent les fruits jaunes réglissés, le pain d’épices, le miel et les épices. Un nez très fin, une fois encore.

La bouche est douce et opulente de prime abord. La matière est riche, ronde, grasse ce qu’il faut, toute en fruits mûrs réglissés exhaussés par les épices et tempérés par une fraîcheur minérale qui donne à l’ensemble un bel équilibre. La rétro sur la pêche blanche accentue l’impression épicée, presque pimentée. Très belle finale florale qui tourne au noyau de pêche finement amer pour s’étirer et se dépouiller ensuite, révélant ici aussi, la pierre salée.

Pinot noir «F» 2007 :

Robe rubis foncé, limpide. Reflets violets et vieux rose.

Mon premier pinot noir Alsacien envoie. Un nez dédié aux fruits mûrs. Cassis, fraise un peu sur fond de mûres. A l’aération des notes de réglisse, de fumé, d’épices, de caillasse.

La bouche se repaît d’une belle purée de fruits rouges frais, avec plaisir. Le vin est consistant mais reste fluide et roule agréablement. De beaux tannins fins, mûrs et légèrement crayeux émergent ensuite du velours de fruits et parlent de la jeunesse du vin. Mais ça ne gâche pas le plaisir. La finale est longue. Elle conjugue à nouveau les fruits réglissés et fumés puis s’étire et s’épure dans le temps, découvrant une minéralité fine. Un peu de sel sur les lèvres. La bouteille n’a pas fait long feu! Le pinot noir et l’Alsace sont faits pour s’entendre.

* Mais non, je blague…

 

ECAILMOLASTISEECONE.

AU SOMMET DU SAUT, LA DOUCEUR DU DOLCETTA DE L’AUBE…

 Fra Angelico. L’Annonciation.
 

 

  J’ai planté quelques bulbes de «Vinum bonum laetificat cor hominis», oubliés depuis le crépuscule des Temps, au fin fond des greniers redondants de ma vie moderne. Dans mon Jardin Secret. Là, à l’abri des vapeurs méphitiques qui me nettoient le cervelet – à le rendre transparent, fade et mimétique – luttant contre les forces contraires et submergentes des «FrontsdeBoucs» et autres «Twoisillons» anémiés, qui gazouillent à perdre becs et ongles, le long des allées convenues du «conformisme à la mode» (magnifique pléonasme en fait si l’on y regarde bien), parcimonieusement arrosés par les eaux tièdes des fleuves malingres et déminéralisés de la Précaution et du Bien-Penser associés, ils se réchauffent difficilement au Soleil mourant du tissu social bafoué. Ils croissent petitement, assourdis par les croassements assourdissants des «Winners» conquérants, et les puérils enchantements des «Datings» à la petite minute. L’Univoque Médiocrité des Petits maîtres à gouverner, pèse de tout le poids mièvre de sa puissance affichée, sur leurs jeunes coques sidérées.

Surmonteront-ils ces épreuves harassantes, et remettront-ils au jour, la joie de fouler encore les chemins de traverse, contre miasmes et diarrhées? Leurs enfants que j’espère rebelles, le vivront peut-être un jour, tandis que depuis quelques lustres, siècles ou millénaires, je sucerai la racine des derniers pissenlits à disparaître…

Je leur souhaite néanmoins, de connaître encore longtemps, les petites joies des vents coulis, des ruches prolifiques et des baisers soyeux.

Pendant ce temps – que les Itinérants de la Com hystérique déchirent à coups de quenottes, blanchies sous les brosses à reluire – quelques obscurs s’accrochent à leur amour du vin, comme autant de papillons téméraires face aux vents mauvais de la déréalisation ambiante. Sur les pentes abruptes des collines Piémontaises, le Sieur Sottimano «Ti amo imo pectore », soigne les enfants de sa vigne. Les chants cristallins des rouge-gorges amoureux, ponctuent sa tâche, de leurs ariettes mutines. Les rangs anciens de «Còtta», pointent vers les cieux leurs griffes crochues, que les premières feuilles fragiles, adoucissent. «Cùrra», et «Pajoré», chenus, courbés sous la mémoire de leurs vendanges passées, remontent au bout de leurs bras raccourcis, la sève nouvelle, puisée tout en souffrance (la vigne est de «culture» Judéo-chrétienne…), au tréfonds des sols avares. La nature vit sa vie, lentement, comme il se doit… Je ne connais pas Andréa, si ce n’est, ce que m’en ont dit mes amis, dont un sang mêlé (mi-bouchon-Lyonnais, mi-Corléone) et un amateur à poil doux, absolument fiables. Or donc, comme je les aime, je les ai crus, et j’ai pris leurs dires, pour amour comptant. Or donc bis, un homme fin, généreux – même plus que très – simple, qui vous invite à la table familiale, s’il vous sent sincère. Goûtez ses vins, ils vous en parleront.

La sinusoïde fleurie est mon chemin préféré et ce sera ma seule concession à l’attitude scientifique! École buissonnière et fourrés, fourrés de nids de plumes d’oiseaux et d’oies blanches, chemins de traverse qui vont droit aux essentiels. Contre-allées latérales, qui ne quittent pas le droit chemin, mais le bordent et jamais ne le prennent. Flâneries au ralenti, versus le temps des impatiences fébriles, des priorités et du rendement, sans engagements réducteurs, sans chapelles révérées, sans gourous enamourés. À la recherche effrénée mais lucide, d’une Liberté qui se refuse, d’un idéal, dont la force est d’être à portée, mais jamais tout à fait…

Mais il est temps de me lancer à la conquête du «Sommet du Saut» – traduction, vérifiée es-qualité – du dialecte Piémontais «Bric del Salto», qu’Andréa me donne à boire en Dolcetto d’Alba 2008. Petite douceur de l’aube? Je n’en vois qu’une, la hanche ronde et douce sur laquelle ma main au ralenti, aimerait à se poser tendrement, au réveil.

Les étiquettes d’Andréa sont sobres, pas du genre «je m’la pète comme les œufs». Noir sur crème, et fin liseré doré. Rien de très top-tendance-nom-original-à-la-con! Une sobriété, qui laisse au vin tout son mystère. Et rien de tel que le mystère, pour me fouetter les sens et l’imagination. Le congé doré, qui ajoute au charme discret de ce flacon Buñuelien, me pousse, à ces rêveries indolentes que les siestes estivales inspirent.

Sur le terroir de Neive, les très vieilles vignes de dolcetto, donnent à la robe de la douce, une profondeur pourpre intense, dont hélas manquent bien des regards, plus proches des janthines pélagiques à flotteur muqueux, que des yeux mauves de Madame de Guermantes. Ainsi va le monde, qu’il faille chercher la vie dans les yeux du vin… Discrets, introduisez-vous dans ces soirées «Wine-victims» qui sont au vin ce que le Rap est à Fauré et rassasiez- vous des jacasseries branchouilleuses des caracoles charmantes, somptueusement souquenillées, qui pullulent en ces lieux sans âme, et polluent la Toile de leurs remarques insipides et de leurs commentaires creux. Dans les rangs des vignes, au soleil déclinant, quelques pies à queue noire jacassent elles aussi. Elles se jettent-set-et-match, aussi niaises qu’affamées sur les gouttes d’or, que le soleil joueur, pose sur les tiges folles des herbes mouillées.

Un vin de mûre, sous les deux appendices, puis de cerise et de fruits rouges en foule, avec une myrtille, une seule au bout de l’olfaction et de la bouche – goutte subreptice d’acidité – qui perce la trame d’une matière conséquente, du bout de sa vivacité. Un jus fluide, glissant, qui imprègne le palais du bonheur de boire. À l’avalée, étrangement le vin est en suspens. La finale est remontante, riche de tannins serrés mais mûrs qui gratifient la bouche, après que la réglisse a passé, d’une légère et élégante amertume.

Au sommet du saut, le temps s’arrête, l’athlète suspend son vol et tutoie les Anges.

Comme s’il entrait en éternité…

Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices !

Suspendez votre cours :

Laissez-nous savourer les rapides délices

Des plus beaux de nos jours !

 

ESAUTMODETILANCOGENE.

GUILHEM LA PATTEPATTE DOUCE…

Patrice Normand. Florence Aubenas.

 Six mois dans la blouse d’une bobonne, d’une ménesse de ménage.

Noyée dans la foule invisible des anonymes besogneux, elle a laissé de côté sa peau de parisienne dorée, gâtée par la vie, sa réputation flatteuse de professionnelle – ex otage – encensée par ses pairs, respectée par ceux qu’elle «investigue». Reconnue, même par ceux qu’elle égratigne, le long de son chemin de journaliste-star-médiatisée. Elle a survécu, cette demi-année, de ses maigres gains. Arrachés à force de petites combines, de petits temps, de rognures d’heures. Glanées de-ci de-là. Misérablement, inapparente comme les invisibles que nos sociétés repues ignorent, maltraitent, humilient. Nos intouchables à nous. Qui faisons la leçon, qui nous gargarisons d’expressions de haute noblesse d’esprit, de concepts subtils, voire de concetti dérisoires. Qui hurlons à l’Égalité, à la Fraternité, à la Liberté. Qui scandons, à longueur d’élections, d’interviews, d’éditoriaux, d’œuvres toujours incontournables, de joutes aussi mémorables qu’insignifiantes, le mot «Démocratie»!!! Certes, elle n’a rien inventé, un Allemand avant elle, avait bien fait son Turc…Mais elle l’a fait chez nous, vertueux défenseurs des Droits de l’Homme et des banquiers…

Alors, merci d’avoir la voix si douce, et l’œil si tendre, Madame Florence…

«A voix douce, patte légère», et c’est de vin qu’il s’agit maintenant.

Pour voir sa tête, faut faire chauffer Gougol un moment! Il a l’air un peu Barré le Guilhem, avec sa tronche broussailleuse et la queue de son cheval (?), derrière la tête. Planté comme un menhir. Gaulé comme un massif. A défoncer les mêlées. Tu peux le lâcher dans les Pyrénées, y fera pas tâche, le Balou! Un toucher délicat sous des pattes de mammouth. Enfoui dans la masse, un cœur de mésange sans doute…

C’est tout ça que ses vins disent de lui.

Il s’est discrètement installé à Ventenac-Cabardès, sur cinq hectares de Merlot-Syrah-Cabernet Sauvignon, aux portes de l’inexpugnable Carcassonne. Il fait du vin, ni plus, ni moins. Pas de certification particulière, rien que le respect de la terre et du raisin. Et humblement, du boulot…Il décline son ouvrage en trois cuvées, plus une, qui dort encore. Dans l’ordre, «La Peyrière», «la Dentelle» et «Sous le bois», des noms simples, rien de bien top-mode. Sauf un peu la dernière, la flemmarde, qui roupille encore dans la grange, dans son lit de bois. Elle prend son temps. «Natural Mystic», la mystérieuse… qu’elle s’appelle.

Les cartons, tout frais du voyage, me regardent et je les déchire déjà des yeux. Ça sent le miam-miam à pleines papilles, ces quatre fois six bouteilles. Je cuttérise sans pitié les coques ondulées, qui pleurent sur leur intimité bafouée. Ça endort la lame, puis ça crisse, ça cède, ça délivre les goulots, sagement rangés. Leurs étiquettes, rouges, vertes et jaunes, me regardent de leurs yeux de cyclopes éberlués. «La Peyrière» cligne de l’œil, «La Dentelle» me caresse la pupille, «Sous le Bois», énigmatique, reste coite. D’un doigt léger, je leur caresse les flanc,s qu’elles ont ordinairement rebondis. Rien d’ostentatoire. Pas de culs épais, de hanches d’odalisques épanouies, de cols effilés, de design branché. Que du flacon ordinaire. Que d’la bonne bouteille standard. Que d’la bourguignonne de comptoir, sobre et élégante.

Mais pas touche. Sous le vert bronze de la lentille pellucide, le fluide rouge sombre, est encore sous le coup de l’anesthésie du voyage. Chut. Qu’il se repose un peu…Il va me falloir me perdre un temps, dans les pelotes de mohair noir, serrées comme des moutons frileux, dans ce ciel d’hiver trop étroit. Inventer les oiseaux, qui ne migrent pas encore. Courir sous les rais épais des eaux froides qui effacent les paysages. Ou dormir, rêver, espérer…

«Le propre de l’attente, c’est de cesser dés qu’elle s’arrête»*!!!

La Peyrière 2008, VDP d’Oc.

Proprement débouchée, assise près du verre, à son tour, elle poireaute un moment…Dans le verre, son pur merlot s’installe aisément. Obscure et timide, elle ne dévoile de ses charmes, qu’une timide jarretelle zinzoline luminescente.

Séduit – qui ne le serait pas – je me penche sur le vin. Le printemps est dans le verre, l’été aussi. Du fruit, du franc et pur, précis, généreux. Cerise et cassis à maturité, rehaussés d’épices. Une petite touche verte bienvenue, aussi.

Fraîcheur et douceur instantanées s’installent ensuite, et roulent en bouche une matière, qui plus encore qu’au nez, parle la langue des fruits. Et surtout, c’est bon, c’est bon, ça vous force à avaler! La longueur, correcte, se fait sur les épices. Un jus qui ne se la raconte pas, mais qui vous emmène jusqu’au plaisir.

La Dentelle 2008, Cabardès.

La robe est belle et profonde, de jais cerclée de violet. Une vague de merlot dans un océan de syrah. Impossible de se tromper pour la seconde, la queue du renard sort littéralement du verre pour me sauter au nez! De la bonne grosse cerise noire qui tâche les doigts et dont le nom m’échappe, beaucoup plus que celui du cassis qui l’accompagne, et dont je me demande même, s’il ne se serait pas mélangé en douce, à quelques myrtilles descendues des montagnes… Et bien tout ça, pour un prix très acceptable, m’épate furieusement les narines. Les dentelles sont odorantes et généreuses, par ces campagnes! Mais Cabardès qui parle d’Oc, jette son olive noire, qui nest pas d’Oïl, dans le verre… quelques épices éparses, itou.

C’est du glissant à pleine bouche, du soyeux, du taffetas, que cette «Dentelle» en bouche. Plus de matière que précédemment, mais tellement élégante et suave, qu’elle en devient comme réelle et immatérielle (enfin je me comprends). Un jus, dont la fraîcheur taquine agréablement, juste ce qu’il faut, la margoulette!!! Un jus, qui aime tellement être bu, qu’il s’attarde en bouche, sans demander la permission…

Sous le Bois 2008, Cabardès.

Une robe du même tonneau, pour cet assemblage de Merlot (30%), syrah (5%) et Cabernet Sauvignon largement dominant (65%). Toujours cette encre noire, qu’un cerne de violet éclaire, comme un œil de courtisane Nubienne. Le bouquet de fruits est ici particulièrement généreux et prégnant. C’est une valse de notes rouges et noires, qui déroule sa mélodie odorante. Cassis, cerise mûre, fraise en confiture, dansent de concert, chacune des fragrances, soutenant les autres. En contrepoint, les épices, adoucies par une touche discrète de cannelle, comme une basse continue qui structure l’ensemble.

Mais c’est en bouche que le jus glissant se fait nectar. Les fruits dansent au palais, une sardane alerte et pimpante, au cœur d’une matière conséquente, qui habille la bouche de fins tannins veloutés. Les notes acides d’un fluviol imaginaire, donnent au jus, une énergie joyeuse, qui allège le grain du vin. Une légère touche de vert grillé, rappelle la prédominance du cabernet sauvignon, qui conduit le bal.

Ah la belle série!

Une gamme de vins aériens et gourmand,s qui va crescendo. Sûr que le Guilhem qui a fait ses classes chez Montus, n’a pas chopé la tannéite aiguë!

*Marcel Truhisme, Philosophe de bastringue.

 

EGUIMOLLETIRETTECONE.