Littinéraires viniques » Christian Bétourné

LE SILENCE ETERNEL DES ESPACES INFINIS, NE L’EFFRAIE PLUS…

 Image empruntée au site de l’Artiste.

 

Je ne sais pourquoi, ces nuits passées, le souvenir de Bashung plane dans la lumière absente. Que veut-il me dire pour descendre ainsi dans la matière lourde qui assourdit tant la brillance de nos âmes? Que veut-il me dire pour accepter ainsi d’engluer ses ailes dans ce monde glauque qui n’est plus le sien? Je ne sais, mais lui sait grand gré de ces instants de souffrance acceptée, à venir ainsi me visiter. Toutes les nuits grandes ouvertes sur mon regard aveugle, j’attends que sa plume m’inspire… Le requiem de Mozart, dans la magistrale interprétation de Karl Böhm, roule en vagues rutilantes et sonores tandis qu’il m’aspire dans sa ronde éternelle. Sans doute sourdent-elle en diamants sonores des plumes lisses du bel oiseau immatériel?

Alors en ce jour qui n’est pas l’anniversaire de son envol, j’exhume ce texte à sa mémoire, et maladroitement tente de prendre mon essor.

L’aigle efflanqué, à l’œil doux et à la bouche tendre est parti pour la «Tournée des Grands Espaces». Dans ses serres de soie il emporte mes larmes de levantine. Mais ce n’est pas sa dernière croisière.

Il la connait cette Tournée pour l’avoir prophétiquement anticipée de «son vivant». Pour l’avoir explorée déjà au temps d’autre vies expirées, souvent. Lui, la vieille âme qui poursuit son chemin de Sagesse. Chacune est la même, chacune est différente. Cantique des Cantiques…

La figure hiératique de ses derniers instants…

La vie a lissé les boucles de sa jeunesse et le laisse, diamant, dépouillé de la graisse des apparences. L’Arpenteur des contre-allées a troqué ses santiags de cuir dur pour les ailes fluides d’un Mercure diaphane. Les chairs de la jeunesse ont fondu tout au long de ses années hypnotiques. Il a brulé sa bougie follement, butinant comme «l’abeille» qu’il a chantée. Il a ralenti son vol, au fur et à mesure qu’il nous entrainait dans les espaces subtils de nos mondes intérieurs. Il a frôlé les tentations des vanités insanes, sans jamais y tomber…

La mort l’a sculpté jusqu’à l’os jusqu’à que ce la soupe humaine, chair émouvante de la jeunesse, fonde pour ne laisser à la vue de nos yeux grossiers que l’épure translucide d’une âme fragile et vibrante.

Lentement la mort l’a préparé, presque tendrement, comme si pour une fois elle regrettait d’avoir à nous priver trop brutalement de la chaleur dont il nous enveloppait. Elle l’a vêtu de draps noirs et de lunettes de jais, sûre qu’elle était, que son chant et la tendresse de son regard, traverseraient encore un moment l’opacité de ces temps. Pour qu’il nous donne, encore, comme jamais et jusqu’au bout de ses forces, toute l’humanité poétique qui l’habitait.

Ne te retourne pas bel oiseau, nous te suivons tantôt. Dans le silence labile de mes nuits écarquillées, ton vol lourd mais fluide, m’accompagne souvent.

 

MADAMEMOTICONEREVE.

T’ES ENCORE LA, LAYLA ?

  

Celui qui n’activera pas le lien ci-dessus se privera, à mon humble sens et très partial avis, d’un des sommets de la musique rock-chichon-devenu-beuh des vieilles années qu’elle est pas moins bonne – hein Simone!!! – , que tout ce que vos oreilles engourdies par le chant des sirènes en carton-pâte subissent à longueur matraquante de médias, soumises au joug fade et doré des profits immédiats.

Le Clapton est toujours là, inoxydable et racorni.

Ce type est une géniale éponge… Parce qu’il ne s’est «privé» de rien. Parce qu’il a tout essayé, tout lampé, tout sucé, tout avalé, comme le jeune chien fou qu’il était dans les vieilles années. Ces années-crazy, ces années ou la jeunesse de «naguère» aspirait autant au bonheur qu’aux pipes opiacées improbables. Tous ces illuminés aux yeux écarquillés, explosés par les substances, mais qui croyaient en un idéal naïf, souvent vague certes comme leurs réveils, mais généreux.

Ce type est une géniale éponge qui a survécu à toutes les doses, à tous les échecs, qu’aucune désillusion n’a dilué. Tout ce qu’il a croisé l’a nourri, il a tout transmuté à sa mode à lui, indémodable, définitive, faite pour traverser les âges comme les très grands vieux flacons. Dans les mystères intimes de sa guitare se mêlent, s’enroulent, s’enculent et se reproduisent comme autant de véroles lumineuses, les inspirations géniales, les éjaculations électriques les plus acides, les cris les plus rauques, les sons les plus saturés, les désespoirs les plus extrêmes. Comme ces soies sauvages qui ne volent pas sur les corps fragiles de nos déesses chichiteuses et tellement glamours! Sûr que les riffs exacerbés de «Crossroads» illustrent mes propos; cette basse serpentine, tenace, qui colle aux soli comme l’avidité aux regards, cette guitare mi-rauque, mi-sucre qui arrache tout ce qu’elle touche, qui déshabille, qui dépouille, qui vous «cream» le boyau, qui vous emporte au-delà de vos limites, qui explose le mur du çon, qui indispose les cons, les figés, les momifiés.

 

Faut vous dire monsieur que «Cocaïne», c’est pas sérieux. Clapton, ça lui aère les cordes. Ça crame les narines, ça crispe les neurones. De la politique, de la finance, comme du show-biz mais c’est pas une raison. «Faut dire que chez ces gens-là, on ne vit pas monsieur, on compte…» tout court ou sur vous pour mieux vous oublier.

A lui, à sa guitare féline, je dédie «Les Amoureuses» de Groffier qui honorent mon verre en ce jour de toutes les souvenances et du départ irrémédiable à venir.. 1999 est dans les limbes quand 2010 m’est un enfer qui m’y envoie…

Mutines, elles agacent le nez de leurs fragrances florales pour mieux vous préparer les papilles. Aériennes, élancées, élégantes, sensuelles, elles s’enroulent en bouche comme autant d’odalisques souples, grasses juste ce qu’il faut, pleines et juteuses, craquantes et croquantes, graves et espiègles à la fois. Ça balance en riffs exacerbés, graves, mortels, sous les aigus poivrés du diable. Sous le nez la pivoine, rose sauvage à peine éclose, ondule. En bouche, dense et charnue, la matière riche de la pauvreté du sol (comme quoi…), se donne et s’échappe tout à tour comme la plus déroutante des amantes. Elle est fraîche et rouée la bougresse, elle charme et envoûte, elle susurre et explose au même instant. Ses grâces raffinées de sylphide diaphane mais infatigable se devinent sous la soie transparente et changeante de sa robe écarlate, comme transfusée…

Belle Amoureuse que je ne connaitrai plus, Belles Amoureuses qui ne m’attendent plus guère quand ma vie s’en va au long des chemins hasardeux et attendus de l’après, je vous offre les plaisirs conjoints…de la musique et du vin que je ne boirai un jour plus.

Sur la mer calmée, les rides imperceptibles des sanglots salés s’éteignent.

«Coelum, non animum mutant qui trans mare currunt…»*
 

  Allez! Cadeau à toutes et tous, pour finir en beauté….

 

* Horace.

 

EHODIEMOMIHITICRASCOTIBINE…

LA CHAPELLE TRAPPISTE DE GEVREY…

L’enlumineur.

—-

La voix, délicieusement rauque de Lisa Ekdahl dissout subtilement les brumes sombres, lesquelles sans que l’on sache toujours pourquoi, enténèbrent parfois l’esprit et nous plongent dans un spleen poisseux, voire pisseux…

En Bourgogne, je n’aime rien tant que les millésimes réputés «froids», moyens, qui ne déchaînent pas les dithyrambes médiatiques. Le temps souvent les révèle. Ils affichent alors la Bourgogne «classique», le pinot au meilleur de son expression. Je suis certes de parti pris. Tant pis, j’assume. Inutile donc de me titiller là-dessus. Quand le Septentrion s’affirme, bravant modes et tendances, discret mais pugnace, ma vieille âme rebelle se réjouit…

La pluie, qui n’en finissait pas d’abreuver les terres assoiffées, a cessé ce matin. Le ciel se déchire enfin. Sous les nuages, l’azur patiemment attendait. Que souffle le vent de la délivrance. Débarrassé de son frac de grisaille, il brille, lavé, régénéré, propre comme l’orange bleue d’Eluard… Les nuages, épais comme l’esprit du plus subtil de nos jeunes politiques se délitent sous l’effet des hautes pressions. Le baromètre est la hausse. Mon cœur aussi. L’envie de chanter une chanson simple, authentique comme un regard sans calcul, un air qui swingue note de rien, me démange. Je n’y céderai pas, ce serait pitié, même pour les esgourdes du plus inculte des suceurs de guimauves en vogue.

Alors je chante à l’intérieur, secrètement. Les chants les plus beaux, comme les actes discrètement gratuits, sont les plus silencieux. Et je pisse à la raie de tous les courtisans fades de la terre.

Soucieux de gagner mon paradis, je tente une incursion spirituelle au pied d’une belle anciennement achetée, mais à laquelle je ne pourrais plus avoir accès, tant les temps et les prix s’envolent.

A genoux dans «La Chapelle»…

Comme un rubis rutilant que rogne insidieusement un orangé ardent, telle est la robe de ce Premier Cru de Gevrey-Chambertin que n’aurait pas renié le plus talentueux des Maitres Enlumineurs.

Les quelques notes de poil du lièvre effrayé par la pluie, se sont échappées peu après l’ouverture du flacon sobrement étiqueté. Les terres puissantes de Gevrey, sombres et viriles planent au dessus du verre. La (Petite) Chapelle 2001, qui ne l’est assurément pas, plonge ses fondations dans l’argile (?). Le soleil conquérant joue gracieusement avec les plis colorés du liquide chatoyant, ajoutant un contre point visuel chaleureux à la puissance terrienne du nez. Ombre et lumière mêlés comme les mystères de l’âme humaine, annoncent déjà le vin complet, prêt à l’élégance, à l’équilibre, à la tentation de tutoyer la perfection. Un pinot magnifié par la générosité de la terre et la subtilité de l’obstétricien de service, pointe déjà le bout de sa grappe quintessenciée…

Les parfums des forêts automnales s’enroulent en volutes odorantes autour des fruits encore sous la rosée. La framboise n’a point perdu (de sa robe pourprée…), de son jus fraîchement écrasé. Le cuir neuf pointe le bout de sa selle grasse. Cèpe et cèdre légers agrémentent les fruits. L’humus humide et le lichen aussi. Miracle de la vie en bascule, le temps mêle les âges du vin en une subtile complexité gourmande. C’est un enchantement olfactif, tout en élégance et en puissance conjuguées. Ça swingue sous le nez! Comme un amour qui s’épanouit en totale confiance.

Mais il est temps que la bouche goûte à la plénitude puisque le cœur ne le peut plus. L’attaque est fruitée, à peine sucrée et délicatement acide. La matière s’installe et roule agréablement au palais, toute en puissance progressive. Longuement rétro-olfacté le jus souple explose. Bien qu’encore sous tension, il enchante la bouche de sa réglisse épicée à souhait. La vraie puissance, droite et sans artifice dévoile une minéralité (ben oui!!!) pure, «straight ahead», sans concession aux modes éphémères (pléonasme volontaire…). Un vin franc qui dit vrai sans chercher à masquer sa longueur par une largeur de circonstance. Les tanins d’une finesse exemplaire me font irrésistiblement penser, toutes comparaison d’origines mises à part, aux plus beaux Volnay du «Charlot» de J.Voillot. Fins, à peine crayeux mais têtus, il sont la marque discrète du devenir radieux du vin. Le verre vide ne faiblit pas…

Merci à ce Jean Louis Trap(p)e(is)t(e) que je ne connaîtrai pas, d’avoir accouché sa vigne de ce liquide précieux.

Dans mon cœur fragilisé, la rivière de Lisa pleure de joie…

 

EDEOMOGRATITIASCONE.

À LA GARDE NOIRE…

La Garde Noire.

 Une Maison d’Alsace Jean Baptiste ADAM comme il y en a tant d’autres en Bourgogne ou ailleurs… Un vin le Riesling Kaefferkopf Grand Cru 2007.

Mais ADAM, je ne sais pourquoi, à peine lu, je me retrouve apnéïque en réa – qui n’est pas paradis! Un corps d’ébène qui fut puissant, vieilli, immobile. Seul le bruit cliquetant des robots crève le silence sépulcral de cette salle High-Tech. Depuis deux lustres et demi, Jean Pierre Adams survit. Coma abyssal dont il n’est jamais sorti. Karma-Coma? Ah, la Garde Noire… La gigantesque, l’infranchissable, une ligne qui n’était pas Maginot. Pas de ces boursouflés richissimes qui traînent leurs fatuités incultes, oreilles bouchées et regards vides, sur les vertes pelouses des paradis de pacotille. Les idées auraient elles leurs vies propres, leurs associations intimes, à l’insu, secrètes et qui renvoient notre sentiment de liberté pleine et entière au rayon des illusions pas perdues pour tout le monde? Trésor-Adam(s), comme si le premier homme gagnait au Loto!!! Ça se bouscule, ça s’entrechoque dans l’espace-temps. Oui c’est bizarre les neurones, ça peut occulter le quart d’heure passé et vous aspirer dans le plus profond des comas dépassés du passé…Sans doute pas des jumeaux le J.B et le J.P, ou alors une grand mère volage, séduite au coin d’une grange, au cours de je ne sais plus trop quelle guerre du siècle dernier, au temps où les les colonies et les DOM-TOM n’étaient pas avares de chair à canon bon marché… Depuis on leur sert une solde de misère… Ah la République, qu’est si généreuse avec avec les tatas et les tontons qu’en ont pourtant tant, l’est pas toujours ben glorieuse la bougrasse!!!

Parenthèse 1.

«Ô temps, suspends ton vol! et vous, heures propices,

Suspendez votre cours!

Laissez-nous savourer les rapides délices

Des plus beaux de nos jours!

Assez de malheureux ici-bas vous implorent;

Coulez, coulez pour eux;

Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent;

Oubliez les heureux.

Mais je demande en vain quelques moments encore,

Le temps m’échappe et fuit;

Je dis à cette nuit: «Sois plus lente»; et l’aurore

Va dissiper la nuit.

Aimons donc, aimons donc! de l’heure fugitive,

Hâtons-nous, jouissons!

L’homme n’a point de port, le temps n’a point de rive;

Il coule, et nous passons!»

Alphonse de Lamartine.

Jean Baptiste… Hérode, Salomé, de quoi s’attendre à une tête de cuvée!

Un vin issu d’une sélection des parcelles les mieux exposées du Kaefferkopf, comme il se doit donc… Les terres granitiques et marno-calcaires, l’année favorable ont porté et façonné ce vin que je regarde tandis qu’il roule jaune à reflets verts, au long des flancs rebondis du verre qu’illuminent à peine les lueurs plombées d’un ciel menaçant. Les cieux sont obstinément ténébreux ces temps-ci et gardent en cet automne triste, le cœur éteint et fade d’un hiver opiniâtre qui aurait sauté l’été. Seules les robes pâles des vins qui m’égaient, parsèment mes jours de soleils anciens que le verre des bouteilles exacerbe. Un peu, le temps que l’illusion d’éternité, qui me berce et nous bercent malgré nous, encore et toujours, s’atténue…

Parenthèse 2.

«Sous le pont Mirabeau coule la Seine

Et nos amours

Faut-il qu’il m’en souvienne

La joie venait toujours après la peine.

Vienne la nuit sonne l’heure

Les jours s’en vont je demeure.

Les mains dans les mains restons face à face

Tandis que sous

Le pont de nos bras passe

Des éternels regards l’onde si lasse.

Vienne la nuit sonne l’heure

Les jours s’en vont je demeure.

L’amour s’en va comme cette eau courante

L’amour s’en va

Comme la vie est lente

Et comme l’Espérance est violente.

Vienne la nuit sonne l’heure

Les jours s’en vont je demeure.

Passent les jours et passent les semaines

Ni temps passé

Ni les amours reviennent

Sous le pont Mirabeau coule la Seine.

Vienne la nuit sonne l’heure

Les jours s’en vont je demeure.»

Guillaume Apollinaire.

Non, le Nirvãna n’est pas l’absurde «Paradis» auquel accèdent les justes, il en est même l’antithèse puisqu’il n’est pas un lieu mais plutôt un état de paix intérieure totale et permanente, la fin de la croyance en un Ego autonome et tout puissant. Ah mais!!! Le voilà qui déraille encore, qui nous emmêle et nous perd dans ses errements abscons et hors de propos. A force de dérailler, il va se retrouver planté, debout sur les pédales, hors de souffle, les mollets saillants et la tête… peut-être enfin au Nirvãna?

Ce vin me conduira t-il au détachement?

Le soleil timide pousse un rayon peureux entre les ouates grises d’un ciel gonflé de pleurs en attente. Le vin flamboie un instant et brasille d’un jaune vert-gris limpide. Je baisse la tête vers la surface du disque qu’irise mon souffle paisible et attentif. Les effluves simples mais franches d’un citron qui aurait quelque peu confit me caressent les cellules olfactives. Patient et concentré je cherche d’autres fragrances. Quelque chose de fruité, plutôt blanc, me parvient. Puis quelques notes diluées, justes miellées, tendres et mûres. En point d’orgue une touche tout juste anisée. Le tout, harmonieux et frais.

Trois mille papilles prennent le relais. C’est du sérieux la bouche, y’a du monde à l’ouvrage. Le toucher est doux, à peine gras. Puis comme souvent sur les Alsace que je fréquente ces temps-ci, le fruit apparaît. De la pêche blanche qu’adoucit un soupçon de miel. Très vide l’acidité perce et tend le vin, l’élève et le gonfle. Sur la rétro, des épices empierrées. Ça finit long et très frais. J’en ai la langue qui bande.

A Brahmâ, Vishnu, Shiva.

 

EMOTICAUUUMMM…

LE TEMPS DES MONOCHROMES…

Monochromes en bande?

 

Mutin, taquin, badin, le printemps cette année!!!

«Si par hasard,

Sur l’Pont des Arts,

Tu croises le vent, le vent fripon,

Prudence, prends garde à ton jupon…»

Il nous la fait facétieuse, à la Brassens, l’espiègle!!!

Au détour d’une rue déserte ce matin, le volant d’une jupe sous le vent.

Entr’aperçue…

Et c’est le branle-bas sous le chapeau. De ce coin de tissu qui claque, virevoltant, nait au creux secret de mon imagination avide la silhouette gracieuse d’une fille gracile, trop légèrement habillée par ce temps clair, frais et passablement venteux. Sur la place écrasée de lumière le vent a nettoyé les façades blanches creusées par le Torula compniacensis. Les couleurs pètent, intenses. Les contrastes sont violents et dessinent au couteau les angles des pierres. Je ferme les yeux malgré la protection avérée de mes lunettes de biker Californien. Le jour n’est pas aux nuances… Las Bashung est mort, définitivement. Pourtant il chante encore de sa voix tendre dans ma tête absente, ses mélopées incandescentes. Sa raucité caressante n’en finit pas de me bercer.

Fidèle…

Sur la place le cliquetis sec des branches des Ginkos bilobés me ramène à la réalité. La sève monte le long des ramures de l’arbre aux quarante écus. Sous la bourre des bulbilles encore frêles et pâles, les queues de baleine se gavent du jus gras de la terre en émoi. La vie multiple, est à l’œuvre. Rien de nouveau sous le soleil. Que du neuf.

Tout ça pour dire quoi au fait ???

Simplement que j’ai sous le nez un verre de «Villa Fidélia» 2004. Vinifié, winemaké, c’est le terme, par Sportoletti en Ombrie, Italie. Rien à voir avec le vent dans les voiles. Rien à voir non plus avec Brassens, ni avec la lumière crue du printemps, ni avec les branches tremblantes sous les poussées lentes du sang de la Terre. Pourtant ce vin est lisse, juteux, gourmand, superbement fait. Pas de tannins qui cachent sous leurs aspérités croquantes les promesses incertaines d’une maturité en attente. Non!!! Rien ne dépasse certes, mais rien n’enchante, rien ne fouette les espoirs du dégustateur à l’affût. Beau, il est parfait, bon, odorant, fruité, boisé ce qu’il faut, désespérant comme une fille trop belle. Oui ce vin est muet, il n’a rien à dire, à susurrer au coin des papilles. Il n’inquiète pas. Un vin sans espoirs qui jamais ne me fera pleurer…

Je ne l’aurais pas ouvert pour Bashung.

EGLAMOCIATILECONE.

SOUS LE VOILE…

La Cotinière. Oléron. Mars 2009.

 Pour ce qui concerne ce vin, après les fermentations d’usage, les 85% de Chardonnay auxquels se marient sous la contrainte, 25% de Savagnin sont mis à l’abri sous voile pendant près de trois ans, loin du regard, loin de l’air corrupteur.

 Un vin de Burka en somme.

C’est donc l’Afghan du Jura, le Laurent Macle de Château-Chalon qui a patiemment accompagné ce Côtes du Jura 2006 dans le secret du clair-obscur de ses caves. Lui seul, le Maitre était autorisé à se glisser sous la soie cryptogamique, de temps en temps, doucement, sur le bout des papilles histoire de voir si la jouvencelle avançait en beauté. Il faut dire que le jus des vignes de vingt ans ça se ménage, ça ne se bouscule pas, ça se lisse du bout de la pipette. Il faut en prendre soin exquisément pour en tirer le meilleur vin possible. Et cette eau délicatement translucide qui moire comme une soie vivante dans la lumière chaude du chai, est plus tendre, plus fragile encore que le jeune cep. Il faut l’amener aux fermentations sans l’effrayer, dans la fraîcheur naturelle de l’hiver. Rien ne sert de la brusquer, de chercher à l’énerver en l’exposant à des températures artificielles. Les démarrages en côte abiment le moteur. La transmutation a besoin de soins discrets mais attentifs.

Tout doit être paix, luxe et volupté.

Impossible de se tromper, la robe a la couleur d’or et de vert du voile…

Sous le nez du pèlerin timide le vin s’exhibe innocemment. La noix qui n’est pas de Saint Jacques, est fraîche. Comme à peine cueillie, elle a laissé tomber sa peau d’amertume pour gagner en émotion olfactive. Le curry ami de la noix vient à son tour donner aux narines des envies exotiques. On mesure déjà à ce stade que la puissance virile du Savagnin a bien besoin de l’élégance du Chardonnay, pour ne pas tomber dans l’extravagance, voire dans l’excès. Des notes de fenouil, de poires puis d’abricot et d’anis, subtilement haussent le col.

L’attaque en bouche est tendre avec ce qu’il faut de gras pour émouvoir le palais. La matière apparaît dans toute sa puissance épicée dès que le vin se met à rouler. La noix et le curry réitèrent puis les épices que domine un poivre blanc tout frais et réglissé, apportent au vin une superbe fraîcheur. La finale sur le céleri rechigne à redescendre, le vin n’en peut plus de lever la queue.

Sûr que le Savagnin est un mâle!!!

 

EMOUSMOTITICOLLEENE.

CE SOIR JE CLAQUE DU BECK…

 Schneekugel mit Teddybaer.
 

Je ne peux toujours pas écouter Bashung sans avoir le coeur dans la gorge…

 Le soleil de Septembre brille de ses feux encore chauds, avant de nous planter orphelins quelques mois. Le monde, lui, est froid. «Les petites choses qui luisent» sont toujours «des hommes dans des chemises». Bashung plane, bel aigle envolé. Le peuple des acariens en costard-cravate, s’est remis de ses fausses inquiétudes. Putain ça repart comme en quatorze. Le top justbeforetoday, c’était les assurances vie Américaines rachetées à bas prix aux loosers que la crise – Sainte crise, encore merci – avait  jetés à la rue. Les traders flamboyants sont encore et toujours à la curée. Villages de toiles, associations médico-caritatives se sont affairées… Plus tu penses ignoble, plus la thune tombe. Les banques vertueuses aux poches lourdes ont largué les bonus comme napalm au Vietnam. Obama aurait bien voulu bien a t-il semblé, but he couldn’t…

La grippe à la mode de chez les grands labos pharmaceutiques boostés par notre ravie plantureuse, a plané sur nos civilisations frileuses. Les maladies peuvent tuer dis donc! Un scoop. Il est temps de goûter à nos jus de raisins fermentés. Va savoir…!!

Pendant ce temps là les vignerons  inconscients au volant de leurs Porsches poivrées comme Chambertin Grand Cru *, vont bientôt vendanger.

Sur le flanc des collines, comme un trait d’union vert qui relie le village de Dambach aux ruines du château de Bernstein sur la crête, les vignes souffreteuses du Frankstein peinent à produire. Orientées en arènes Est et Sud-Est, elles plongent leurs racines assoiffées au plus profond de la roche de granit à deux micas…, qui ne font chanter que les vins. La terre, enfin les sables de granit délités par le temps et l’érosion, est pauvre. A terre pauvre, vins riches mais droits ?

LES VINS DU DOMAINE BECK-HARTWEG.

La première des coquines à couiner sous mon vieux tire-bouchon qui est à l’ouverture des cols ce que Rocco est à la plomberie, c’est la «Prestige». Ça ne fait pas un pli, le bouchon «glope» comme le dernier des péteux, avec un bruit sec.

Riesling «Cuvée Prestige» 2008 :

Sur l’étiquette un peu kitsch – ce qui n’est pas pour me déplaire – en ces temps de design branchéglacéloungedéjàdémodé – dans un coin, l’ours de Dambach se régale de raisins, au creux d’un blason rouge et noir…

La robe est jaune citron pâle à reflets gris.

A l’ouverture le vin perle un peu. Pas de pétrole à l’horizon olfactif. Le nez est franc, pur et droit sur la pêche blanche, la rhubarbe crue et le citron Beldi confit dans sa saumure.

Le toucher de bouche sucré-salé est net, la matière est juteuse, un gras léger lui donne une consistance bienvenue qui attendrit et modère l’acidité bien présente. Une note de fruits jaunes arrondit la dominante citronnée qui affole les papilles. La finale correcte se dépouille de sa chair fruitée, le vin se tend comme les reins de ma belle joueuse pour laisser au palais de fines notes de sel et de noyau de prune. Finale tranchante, vachement minérale (j’emmerde la Science) en fait!

Le lendemain, le vin a été bu sur deux jours, quelques volutes de rose ancienne, de fleur d’aubépine et de jasmin aussi – fugacement – s’échappent du dernier verre, vide of course!

C’est bien bon, difficile de ne pas y retourner illico. Sur un tajine citron confits et poulet, une cuisine Thaï aussi, épicée?

Riesling Grand cru Frankstein 2006 :

Toujours cette robe pâle d’or gris.

Une belle finesse sous les naseaux, toute en citron confit, en sucre d’orge, en miel un peu, en fruits blancs, enrichie par une note de mandarine, en poivre blanc aussi et en épices enfin. Mais… un nez relativement fermé cependant, même le lendemain, qui ne se donne pas totalement. Petite bouderie adolescente passagère?

En bouche le toucher est d’une grande finesse, marqué par une impression minérale qui semble tendre et fondre à la fois les composants de la palette gustative. Sans doute la qualité première de cette «pierre franche» est-elle de donner au vin ce supplément de subtilité?? La matière est conséquente, charnue, mûre, bien équilibrée par une acidité aérienne qui cisèle le gras, le léger sucré et les fruits. Finale riche qui se dépouille lentement, jusqu’en son cœur de sel et de pierre.

Un bout de foie passait par là, Frankstein l’a vidé de ses lipides parfumés. Personne ne s’est plaint. J’ai même entendu quelques bruits suspects de succions appuyées, suivies de soupirs profonds. Le bonheur serait-il dans la bouche???

Gewurztraminer Grand Cru Frankstein 2004 :

Cette fois la robe est d’un or gris plus soutenu.

Le premier nez parle de fleurs, jasmin et acacia mêlés. Puis viennent les fruits jaunes réglissés, le pain d’épices, le miel et les épices. Un nez très fin, une fois encore.

La bouche est douce et opulente de prime abord. La matière est riche, ronde, grasse ce qu’il faut, toute en fruits mûrs réglissés exhaussés par les épices et tempérés par une fraîcheur minérale qui donne à l’ensemble un bel équilibre. La rétro sur la pêche blanche accentue l’impression épicée, presque pimentée. Très belle finale florale qui tourne au noyau de pêche finement amer pour s’étirer et se dépouiller ensuite, révélant ici aussi, la pierre salée.

Pinot noir «F» 2007 :

Robe rubis foncé, limpide. Reflets violets et vieux rose.

Mon premier pinot noir Alsacien envoie. Un nez dédié aux fruits mûrs. Cassis, fraise un peu sur fond de mûres. A l’aération des notes de réglisse, de fumé, d’épices, de caillasse.

La bouche se repaît d’une belle purée de fruits rouges frais, avec plaisir. Le vin est consistant mais reste fluide et roule agréablement. De beaux tannins fins, mûrs et légèrement crayeux émergent ensuite du velours de fruits et parlent de la jeunesse du vin. Mais ça ne gâche pas le plaisir. La finale est longue. Elle conjugue à nouveau les fruits réglissés et fumés puis s’étire et s’épure dans le temps, découvrant une minéralité fine. Un peu de sel sur les lèvres. La bouteille n’a pas fait long feu! Le pinot noir et l’Alsace sont faits pour s’entendre.

* Mais non, je blague…

 

ECAILMOLASTISEECONE.

BLANC ET/OU NOIR???

Bird House. Sébastien Sonet.

 Ces temps-ci, je me sens comme un Africain du fond des déserts arides de la misère, de la soif et de la faim. Sauf que j’ai à bouffer, à boire, à satiété!!! Ils sont tous noirs mes frères, ces blackos. Des négros, noirs à l’extérieur, tandis que chez moi, petit occidental privilégié, les ténèbres sont cachées, planquées, à l’intérieur. Quand tu crèves, quand t’as faim, quand t’as le ventre qui hurle, quand t’as plus de viande sur les os, quand à vingt ans tu marches comme un vieillard, que t’as des grands yeux d’affamé chronique… qui font de si belles photos. Des yeux qui t’avalent le visage!!

Putain, ça pète sur Paris Match!!

Ça fait chanter toutes les stars qui se font un peu de mil au passage… quand même. C’est super bon pour la télé tous ces grands yeux à mouches, c’est d’la bombe de com ça coco!!! Quand t’es noir à mort, du fin fond du Biafra, du Soudan ou autres charmantes contrées, t’as pas le luxe de la fierté, de l’orgueil, de l’honneur. Le courage, c’est de pas crever. Point!!! T’es prêt à sourire pour un peu de lait en poudre. T’es prêt à tout, même au pire. Enfin le pire tu t’en branles, c’est pas tes valeurs, c’est des mots de surfeurs, de skieurs, de collectionneurs de Rolex, de gras du bide, d’égoïstes repus… Pas étonnant que dans les stades (Rome, les jeux ne sont pas loin…), tu cavales comme un malade. C’est pas le surpoids qui te plombe, c’est le souvenir de tes faims sans fin, qui te fait fuir…

Ben oui, c’est ça le monde de la fraternité. Nous sommes tous des enfoirés.

Moi je suis un petit blanc peinard, enfin j’étais jusqu’à y’a peu. Du stress, des petits soucis sans importance vitale, des états d’âmes ordinaires. Puis ça m’est tombé sur la tête sans crier gare. Me suis senti noir dedans. La douleur, toujours, qui passe pas, qui use, qui creuse, qui taraude le coeur. Quand t’as pas faim, t’as des maladies bizarres, des maladies de petit bourge.

Mais que tu sois noir dehors et blanc dedans, ou blanc dehors et noir dedans, putain, l’enfer est sur terre???

EMOBLÊTIMECONE.

UNE GERMINE TOUTE GAMINE…

 Yves Magnani.
 
«La terre comme Terre est d’abord la sombre “poussée” (“Empujo” ) qui germine depuis la noirceur des fonds, qui enfle lentement et soudain “pointe”.»

 

Le printemps, le temps de l’empujo, de la montée des énergies de vie, de la renaissance toujours la même et toujours unique, fragile, d’amour et de joie univoques, couleurs tendres, pastels humides, pureté extrême des enfances, formes tremblantes des innocences exacerbées… Tandis que le sang des hommes coule inutilement, les lianes des vignes exultent lentement. Sur les ceps taillés au plus court, perlent les bijoux émouvants des vins à venir.

Mais que se passe t-il au fond des bouteilles tandis que l’espoir d’un vin nouveau perce à peine??? Se pourrait-il que les jus mûrs des récoltes anciennes, l’espace d’un printemps, s’ouvrent à nous, pauvres humains stupides, avides et inconscients, pour nous donner, avant de replonger dans les profondeurs mystérieuses de la maturation, à goûter un peu des plaisirs à venir???

Comme l’image fugace d’un bonheur tout proche qui se dérobe.

Car le vin gracieux, bien mieux que nous, se donne sans espoir d’un hypothétique retour. Il n’attend rien, si ce n’est peut-être l’onde de plaisir imperceptible qui irradie l’âme du buveur transi.

Le retour sur investissement n’est pas de ce monde là…

Dans nos crânes cadenassés, encastrés dans nos vies réduites, nos petites pensées écrasées sous le poids des nécessités étouffent. La grande force de vie s’échine, pousse et fulmine mais nous ne sommes pas des vignes… Rien ne nous traverse plus. La beauté a disparu de nos vies engoncées et nos terroirs, dévastés par les fausses valeurs futiles des avoirs délirants, ratiocinent, et bégaient les croyances naïves de nos idéologies mortifères coulées dans le bronze, lourd comme ma prose, de nos libertés aliénantes.

Complétement barjo ce mec là!!! Carrément métamorphique…

Le bouchon flambant neuf, propre comme un jeune sou, «plope» du col de la bouteille. J’émerge du torrent furieux de mes pensées délétères. Calme toi pépère c’est un tango!!! Arrête ton moulin à poivre!!! Laisse venir à toi cette trop jeune bouteille, cette Syrah sur Leucogneiss de ce millésime 2006 que l’on dit réussi en Rhône Nord. Les vignes en échalas y ont donné paraît-il, de forts beaux raisins. C’est de «La Germine», sise au cœur de «Tupin», une Côte rôtie du Domaine Duclaux dont au sujet de laquelle il s’agit de gloser doctement.

La robe brillante de la belle est belle.

Elle est faite pour faire danser le soleil qu’elle a aimé à mûrir. D’un grenat-violet si profond, qu’il finit dans un cœur noir comme nos illusions perdues.

Aimable et élégant ce nez! Des senteurs de pivoine discrètement sucrée nappent le haut du verre immobile. Bel accueil ma foi. Les arômes sont déjà fondus qui donnent à humer l’olive, la framboise puis les épices douces et le jambon cru à peine fumé. Une sensation crémeuse aussi.

C’est un sentiment de plénitude équilibrée – Bliss trop tôt disparue! – qui domine en bouche. La matière est ronde, concentrée en douceur. Encore une fois la Syrah trouve sa plus belle expression en Rhône Nord. Cette foutue Syrah qui peut-être si fine ou si lourde selon qui la caresse, et en quels lieux on la met à vivre. Les tannins d’une extrême finesse allongent interminablement une finale réglissée, finement. Ma connaissance des Côte Rôtie est pauvre car le prix des belles n’est pas donné. Mais ce vin de plénitude tranquille que je ne peux guère comparer à d’autres célèbres cuvées, me semble néanmoins superbe. Très expressif pour son jeune âge, il devrait vieillir avec grâce.

En attendant, c’est déjà un jus de félicité.

 

EMAMOJOUESURTITESCILSCONE.

LE GORGEON DE GORGEOIS DE BREGEON…

 Munch. Ashes.

 

Les ciels uniformément se succèdent et lâchent en zébrures serrées, leurs eaux lustrales. Depuis la couette, les succions régulières des boules d’eau qui s’écrasent grassement sur le bitume glacé, me sortent de mes torpeurs nocturnes. Un petit air frais que la pluie mouille, se glisse comme un coulis discret par ma fenêtre entrebâillée. Sur les murs de la chambre, les couleurs de l’aube grisonnent et matifient le décor d’ordinaire coloré, au creux duquel je me blottis encore. L’air est lourd du silence humide de ce petit matin. Les souvenirs, en boules de laine mêlées, roulent, incohérents, dans ma conscience renaissante. La finale d’un Gorgeois aux fruits épicés me revient en bouche tandis que je m’enroule dans l’édredon, comme le boa frileux qui se lovait en plumes violines sur les épaules dorées et souriantes de Joséphine Baker.

C’était il y a peu…

Un matin qu’un printemps précoce ensoleillait, je téléphonai, sur un coup de cœur, comme ça pour voir, entendre et sentir le bonhomme. Un ami plutôt félin, m’avait appâté (normal pour un félin apprivoisé) après qu’il eût visité ce vigneron. Mais je connais mon Margay – il est un peu comme moi en plus jeune – quand il aime, il met le paquet!!!!

Bon, il y avait aussi les avis d’autres arpenteurs, de ces amoureux fous mais lucides de leurs horizons. Des gars du cru, des bouillants, des bourrus, des écarquillés, des fondus du melon, qui fouillent le vignoble et sont de vrais amants subtils, inconditionnels mais lucides, des jus du petit Mus. Des tenaces, des sincères. Des costauds, des solides, des impliqués. Des cascadeurs du Muscadet…

À les lire, les relire, ils m’ont emporté dans leurs délires, c’est dire…

Alors, ni une ni deux, j’ai tendu la main vers le bigo.

L’André-Michel Brégeon décroche. A vrai dire j’étais un peu circonspect. Ce prénom, du genre Bobo qui sur le tard tombe amoureux du cul des vaches, ça m’inquiétait…. Encore un écolo-parisien-cadre-supérieur qui vend son vélo Hollandais pour s’acheter des biquettes, me disais-je in peto. Mais foutre d’Archevêque!! L’angoisse fut fugace. Immédiatement cramée par la vie qui sourdait de la voix du gaillard. Les atomes que l’on dit crochus, se foutent pas mal des distances et de ce que nos yeux de chair prennent pour de l’absence… Il n’y a pas que l’image, cette p…..n d’apparence qui corrompt souvent les relations, tant elle est vénérée, adulée, trafiquée et polluante. Désolé mais ce soir je suis un peu chaud. Sans doute ce Muscadoche du-feu-de-Dieu-de-Gabbro-Pluto-magmatique qui m’allume les sangs. Faut dire que du jus de concression grenue, conglomérat de plagioclase, de pyroxène et d’olivine, ça pulse dans les aortes! Je sens comme la caillasse verte de ce vin élevé cinq ans en cuve, qui m’inonde les rétro-fusées. La poudre de pavé me décape les neurones et m’aiguise la perception…Je dois être un peu “touché”.

Je digresse, je digresse, je dois faire c…r tout le monde.

Or donc, L’André et moi ça fonctionne. A ma première finesse à deux balles, il démarre pied au plancher. Et que j’te double, que j’te mets un tête-à-queue, un freinage tardif! On s’marre bien et même plus, parce qu’affinités! Ça dure une bonne quarantaine de minutes avant que je lui demande un peu de son vin, dont il trouve à me dire – un pur anti-commercial! – pis que pendre… Oualà! Pas besoin de Publireportage «Grand-Tasting» pour s’astiquer les neurones et épater le banc et l’arrière banc du gratin de VIP à la sauce Américaine, que j’te Cheers Darling à tous les coins de lounge…

Avec tout ça j’ai trop rien dit du vin, ce Muscadet, ce Gorgeois 1996. Comme un Meursault qu’aurait trahi son Chardonnay pour un Melon de Bourgogne! Pas envie de disséquer… Comment réduire à ses parties ce vin insécable, qu’il serait fou de figer par l’analyse. Ce vin est un aboutissement complexe et évident à la fois, une quadrature, une ronde de fruits jaunes mûrs, juteux et un vin sec en même temps, un jus de pierre et d’épices qu’affinent et allongent avec subtilité, un soupçon de réglisse saupoudré de poivre blanc très frais. L’expression quasi parfaite de la rencontre entre une terre, un raisin et un vigneron.

La perfection est le plus souvent proche de la simplicité. *

PS : * Ne l’ouvrez pas, il vous aura…

EGORMOTIGEECONE.