Littinéraires viniques » Christian Bétourné

MON ULTRA …

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Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

—–

Je t’aimerais

Mon ultra

Salope,

Je serais ton

Foutraque

Lumineux.

Enfoncé

Dans ton cul,

A te sentir

Vibrer

Comme

Ma cloche

Fêlée.

A pleurer

Pour que ça dure

Et reste

Longtemps,

Infiniment,

Dur …

—–

 Dans tes yeux

Innocents

Au regard

Ambigu,

Je verrais se lever

Les désirs

Inconnus

Qui durcissent

Tes seins

Et enflamment

Ton cul.

Tu seras

Ma loche,

Mon ultime,

Qui s’accroche,

Qui dévore,

Incorpore,

Crache,

Ma bravache,

Ma cravache,

Ma baveuse

Extasiée,

Mon diamant

Ciselé …

—–

 Ton nez

De furet

Curieux

Furieux,

Baveux,

Promènera

Partout,

Renifleras

Comme une folle

Les odeurs

Fortes

De mes viandes,

Mes purulences

Parfumées.

Tes joues

Caresseront

Ma hampe

Au bord

Des crampes,

Et tu m’engloutiras

D’un coup,

Jusqu’aux genoux …

 —–

 Entre tes seins

Gonflés,

Tu poliras

L’épée

De mon envie,

Durcie.

A gestes

Répétés

Tu la feras

Flamber.

Mon cœur,

Amour,

A mort,

Tu m’emmènes

Chanter,

Hurler,

Pleurer,

Jurer,

A jamais …

—–

 Toi la

Sorcière

Aux charmes

Déployés,

Ton cul,

Mon papillon,

A déclenché

La poudre,

Qui sur ta peau

Transie,

Laisse des traces

Lourdes,

Dont d’une main

Émue

Tu tartines

Ton cul,

A le faire luire

Comme

Un phare

Dans la nuit.

Giclées

Beurrées …

—–

 Ma ronde

De minuit.

Tes escarpins

Si fins,

Allongée

Sur le lit,

Tes yeux

De félin,

Ton sourire

Comblé,

Ton vagin

Purpurin,

Dévasté,

Conque

A bout

De souffle,

Comme une chaloupe

Tes hanches.

Je calanche …

—–

 Amour.

ACHILLE, AU PARVIS S’EST PROMENÉ …

Bougereau OrestesW. Bouguereau. Oreste.

 

Achille a décidé de se bouger un peu …

De sortir de cet enfermement dans lequel, il le sent, il se complaît un peu beaucoup. Allez c’est dit, plus que décidé, il bougera ce week-end, osera s’aventurer plus loin qu’à la périphérie du cocon, il prendra le train, affrontera les foules affairées, il goûtera la présence absente des citadins, oui, à Paris, s’y perdre un peu, se gaver de bruits, d’odeurs et de couleurs, noyer sa solitude dans le grand lac des destins qui s’ignorent, couler ses pas dans les rails des sacs de peaux en représentation, regards tendus vers les horizons absents, surfaces lisses, intouchables.

De l’institut à la gare, quelques minutes qui font vite une heure, à tergiverser, à rebrousser chemin, à repartir, à hésiter, à geindre en silence, à compter ses pas. Le quai, enfin. Achille s’est appuyé contre un mur, à côté d’un banc vide, c’est l’heure d’après le rush du matin, après que la foule somnolente s’est engouffrée dans les entrailles, dans la ferraille, entre les portes, agglutinée, s’est fourrée, farce composite, dans les anneaux du lombric. Sous le soleil, les rails brillent, et les reflets coruscants lui brûlent les yeux qu’il a à demi fermés. Pendant, qu’à Montparnasse, le vers luisant chie sa bouillie multicolore, Achille, patient, attend le suivant. Il compte les mégots, tête basse, tous freins serrés pour ne pas repartir. Quelques capuches en grappes, avec des mains qui bougent, poussent des cris rauques, ricanent, se séparent, se bousculent, puis se reforment en jetant des regards alentours, les yeux comme des crochets, en quête de regards à pouvoir provoquer. Mais ne voient pas Achille enfoncé dans son mur, des mégots plein les yeux, qui tremble en douce, de peur et d’exaltation, à rejeter la mort au loin, vers les capuches, sombres comme les enfants de la camarde. Une casquette, tête de mort au front, visière basse, s’est approchée de lui à le frôler, l’odeur brutale, celle des hormones accumulées, aigries par une peau mal lavée, le frappe en plein plexus, Achille n’a pas bronché, a empêché sa trouille de sourdre, d’alerter l’odorat sous la visière, de prévenir le reptilien sous le cortex du crâne épais qui lui fait face. Une main se lève vers lui, griffue, menaçante, accompagnée de mots rauques qu’il ne comprend pas, écoutilles closes, fesses serrées, il ne bouge pas. La main s’agite, puis d’un coup sec, insultant, le frappe négligemment, dominatrice, sûre d’elle, de son pouvoir. Dans les yeux d’Achille, les yeux bleus de l’enfant se sont ouverts plein d’une rage immédiate, mortelle, incontrôlable, qui envoie le genou gauche d’Achille, s’écraser d’un coup vif, précis, si rapide que personne ne l’a vu, dans ce bas ventre naïvement offert, comme une invitation. Casquette sursaute puis se replie sur lui même, sans un cri, souffle coupé, avant de tomber à genoux, les deux mains serrées sur ses couilles meurtries. Remontées au ras des dents. Casquette a vomi. Dans la chaleur du soleil, les roues du train ont crissé longuement, Achille a sauté dans un wagon, les capuches entourent Casquette qui hurle enfin. Les portes se referment en chuintant. Le ver de fer a filé. Les capuches, en mal de vengeance, courent. En vain. Lumbricus leur montre son cul …

La dernière marche du train descendue, Achille est happé par la fourmilière. Pressé, il doit se mettre au rythme de la file qui file, fluide et compacte à la fois, vers le bout du quai. Alors il se colle au premier pylône croisé, et laisse se tarir le flot. Quelque peu oppressé, il se concentre sur sa respiration, qu’il met en mode abdominal, à longues goulées profondes. Ça pue l’air stagnant, chargé d’odeurs, lourdes comme des femmes harassées, parfums fanés de jambes gonflées, de vêtements souillés, d’œstrogènes artificiels, de beautés factices, de fesses irritées, et de prurit congestifs. Fragrances épaisses aussi, de poussière grasse, de plastique chaud, de sièges écrasés par tous les culs du monde, de sueurs froides, d’aisselles humides, de graisse figée, qu’exhalent les bouches ouvertes des machines à l’arrêt. Mais ces odeurs de vie en marche forcée lui plaisent, ça sent les destins qui se croisent sans se voir, les amours ratées pour un métro à prendre, les remugles de Verdi sans la musique, le requiem sans Fauré, ça pue le pot de déconfiture. Achille s’en gave au ras du cœur, au bord des lèvres, jusqu’à n’en plus pouvoir. Un instant le quai se vide, juste avant qu’une autre fournée n’arrive d’un enfer périphérique, qu’une autre coulée de lave humaine ne recouvre le pavé. Alors il lâche son pylône et court vers la lumière qui pointe son mercure fondu, au fond là-bas, vers la sortie.

Achille marche depuis des heures, le longs des boulevards encombrés qui se ressemblent, monotones et sans limites, c’est la deux cent cinquantième rue qu’il traverse, au mépris des feux, comme s’ils n’étaient pas tricolores, agressé par les klaxons indignés des agités dans leurs caisses métalliques, roulant au plus vite, occupés à sauver le monde d’un désastre imminent. Montparnasse, Saint Michel n’en finissent pas. Achille ne regarde même pas les voitures, il avance d’un bon pas et compte les croisements. Au hasard, après avoir traversé la seine et continué tout droit, il laisse Sébastopol, bifurque sur sa droite et débouche du côté de Beaubourg, par Rambuteau. Les petites rues adjacentes lui plaisent et le retiennent dans un périmètre restreint. A deux pas de là, le brouhaha du plateau de Beaubourg lui parvient. Percussions, flûte en volutes passagères, cordes diverses le bercent et l’attirent. Alors Achille part à la dérive, tire plusieurs bords, au gré des notes, rebondit de vitrines en échoppes, se laisser bercer par les blanches, ensorceler par les noires, captiver par les croches, les trilles qui traversent l’espace comme des arcs-en-ciel, aux couleurs douces ou rutilantes, selon. C’est comme un labyrinthe complexe qu’il parcourt, à l’oreille, envoûté, l’esprit en berne, il avance à l’intuition, au mystère, il ne touche plus terre, il vole entre deux espaces, entre rêve et réalité, à demi inconscient, sa conscience sourde à la barre. Et débouche sur le parvis de Beaubourg qui n’est pas Notre-Dame. Sur la pente qui descend vers la cathédrale douteuse, aux tours de fer-blanc et d’altuglas, bateleurs à dreadlocks, jongleurs maigres, haridelles en extase, groupes d’illuminés aux sourires doux, acrobates incertains, hercules à bretelles, gratteurs de cordes à linge s’en donnent et se donnent. L’air est doux, ça sent le graillon et la frite chaude, le kebab et la bière tiède, les promeneurs, chalands, marie-salope en pause, clopes tirées à longues bouffées, aux bouts plus rouges que les glands qu’elles ont branlés, tout un monde d’humains à l’arrêt, déambule, écoute, s’arrête, se déhanche en cadence, quelques couples s’embrassent à bouche que veux-tu dans l’indifférence générale. La vie, cette garce, les réunit un instant, solitudes agrégées, apparentes proximités. Entre eux s’étendent les déserts béants des indifférences, seul les baladins les rapprochent, le temps que leurs notes cristallines, leurs feux éphémères, se dissolvent, s’éteignent. Leurs regards ne se voient pas, ne se sourient pas, leurs paroles pourrissent au fond de leurs gorges sèches, seule la mort, sublime pute aux fards éclatants, les réunira, à temps, pour longtemps, sans qu’il s ne sachent jamais qu’ils ont crevé ensemble.

A l’écart, Achille ne voit que des dos qui lui racontent leurs histoires, il imagine, riant en silence, les faces de ces dos, leurs visages, leurs corps dénudés, ces flopées de bites qui pendent dans leurs culottes plus ou moins sales, ces armées de chattes déplumées, rasées, fermées comme des grottes tristes, fendues par les soies, les cotons, tous ces petits bateaux qui voguent sur l’océan des pisses déversées au cours des ans, sur les mares molles des merdes douloureusement chiées. Comme un camaïeu de tons bruns, comme les feuilles qui s’entassent à l’automne sous leurs pieds innocents. Achille a ri, soudain, d’un rire perlé, comme des pets de lumière noire, sous le soleil dru.

Son rire se casse d’un coup, lui bloque la gorge, il étouffe, cherche l’air longuement, le ciel rougit, le pavé verdit, son estomac se révulse, il vomit à l’intérieur, la bile lui déchire le ventre, c’est comme une dague effilée qui lui perce les tripes, comme un Groenland qui lui glace le cœur, tout s’assombrit, il s’écoute et s’entend mourir, ses jambes mollissent. Puis l’air siffle entre ses muqueuses bloquées et afflue, ses yeux s’ouvrent à demi, les couleurs s’apaisent, le monde redevient triste, bien plus sombre encore que la minute d’avant son étouffement. C’est qu’entre une blonde bouclée et un crâne tondu, furtivement il a cru apercevoir, le temps de sa mort ratée, un profil émouvant, florentin, une tête baissée sur un oud, et cette aigue-marine qui luit comme une escarboucle au coin de son œil, et ne le voit pas …

 Et il a regretté,

A pleuré,

De tout son corps,

De n’être pas mort …

Achille le dispersé peine à se rassembler. Son regard est encore là-bas, jadis, accroché aux arabesques vénitiennes, à ces boucles menues, lianes perdues à la courbe de ce cou gracile, il caresse de sa pupille désemparée les ellipses gracieuses de ce corps-à-corps perdu, foutu. Pourtant sous ses mains étalées, il sent le grain poli de son vieux cuir, de cette patine de bronze luisant qui recouvre le présent de son bureau. Ses doigts se crispent, il s’extirpe de son putain de passé comme une pieuvre de son rocher. Une vision qu’il redoutait, qui l’a rattrapé au coin de cette nuit, pleine de lune, tant pleine à interdire la nuit ! Il aimerait à cet instant pendre au gibet, pourrir, balancer sous le poids des corbeaux affamés, rire de toutes ses dents cassées sous ses lèvres tuméfiées, arrachées, sanglantes, et que son haleine putride plus figée encore, empuantisse les mondes ! Mais non, il est toujours là, ratatiné sous la lumière éclatante de sa lampe neuve, à croire à l’éclosion de ce qui couve en lui depuis des années qu’il a passées à ne pas savoir qu’un jour, une nuit peut-être, une mouette huppée, seule de sa race, aux ailes immenses, amerrirait, gracieuse, rémiges frétillantes, sur la piste vierge de son cœur extasié. Que de ses pattes palmées, elle grifferait, si douce et si sauvage, la surface lisse de ses eaux pacifiées. Et poserait son ventre de duvet léger sur le sien, fatigué. Alors, il a tourné les yeux, oublié un instant le passé, désiré le futur, a saisi d’une main ferme la tige de son cristal brillant, s’est perdu sous la robe ensoleillée de ce vin délicat, a levé la coupe fraîche à son nez en attente, a respiré les parfums délicats des fleurs qui le ravissent, les fruits mûrs et charnus, la dentelle de naphte qui les exaltent, et porté à ses lèvres la chair légère, grasse et ronde de cette Petite Arvine du Domaine des Crêtes, sis en Val d’Aoste, née en cette année 2005, généreuse et si fine. Et ce vin l’a longuement caressé, s’est déployé jusqu’aux confins de son palais, a roulé sur sa langue, n’a plus fini de lui donner, encore et encore, à goûter au plaisir sans fin de son jus racé. Puis le vin a basculé, lui laissant aux papilles, interminablement, la trace accrochée de sa terre crayeuse, réglisse subtile, à peine salée …

 Oiselle tremblante,

Sous ta peau

D’albâtre,

Tes plumes

Précieuses,

Indécise,

Viens t-en,

Enfin …

 

EENMOATTITENCOTENE.

SUR LA PIERRE DURE …

A la cime

S’en aller,

Oser

Grimper,

S’accrocher,

Glisser,

Se redresser,

Jarrets crispés,

Tendons

A se rompre,

Je saigne,

Ma musaraigne,

Tu règnes.

Quand s’estompent

Mon espoir,

Ma gloire

Et ma rime

Je frime,

Et me blesse,

Aux éboulis …

Sur la falaise,

Suspendu,

Comme un presque

Pendu,

Le vent,

A mes oreilles,

M’entends

Tu ?

Toi qui sommeilles

Au creux

Des bras

Rugueux,

Musculeux,

De l’être cher,

Qui caresse

Tes chairs

Disparues.

Ventre velu,

Torse

Tendu,

Il t’as crochée

Au ventre,

Blessée,

Tu es perdue …

Ciguë,

Tu me tues,

Me désespères,

M’exaspères

Le soir venu.

Quand à la fraîche,

Pauvre ventrèche,

Mes ongles,

Ma ronde

Gironde,

Griffent

Les draps.

Ma soie,

Où que tu sois,

Je sens ton souffle

Qui court,

Lourd

D’amour,

Sur les eaux

Blanches,

De tes soupirs.

Délires,

Ma voix

Pâlit,

Mon cœur durcit,

Pauvre Mowgli,

Sur sa branche,

Calanche.

Opale ternie …

La Gironde

Gronde,

A l’estuaire,

Le courant,

L’onde,

Roule

Son flot

Puissant.

Fou de

Bassan.

Bassin,

Crachin,

Tu tangues,

Comme la barque,

Aux Parques,

De ton lit.

Le roulis,

T’éblouit,

Il débarque,

Et t’enduis.

Le ciel d’azur,

Fille si pure,

Dore tes mèches,

Et tu souris.

Reine comblée,

Amour gelé …

Sur la pierre dure

Du sommet,

Un faucon

S’est posé,

Déplumé …

Rien n’y fera,

Tu n’es pas là.

ACHILLE EN QUARTZ BRISÉ …

christian rex van minnen4christian rex van minnen.

 

ACHILLE s’est recroquevillé.

Comme un ressort comprimé depuis une semaine. Ses lames l’ont raidi, tous ces jours de lourde solitude. Muscles noués, cou douloureux, trapèzes en feu. Son estomac s’est rétréci, c’est une boule de mercure brûlant qui lui bloque le plexus, l’oblige à respirer comme un asthmatique en crise. Dans le fond de son ventre, la vrille aiguisée du ressort lui perce les tripes continûment. « Bonjour monsieur Achille », la voix, douce pourtant, de Landonne, résonne dans son crâne comme un coup de massue sur un tambour d’acier. Achille sursaute, lève un peu les yeux, qu’il avait fixés sur les joints gris du carrelage. A peine. Son regard s’arrête sur le bas de la longue robe de coton blanc qui balance au ras des boucles d’argent des chaussures vernies de la salope qui l’a planté toute une si longue semaine. Qu’elle a dû passer à se faire baiser comme une pute !Une haine, violente comme un amour nié, le ravage, il ravale sa lave incandescente, et son estomac maltraité se relâche et éructe. Malgré lui, Achille a lâché une rafale de rôts sonores comme des pets, il bégaie de gène et de surprise, jette des regards affolés alentours, persuadé que le pavillon entier s’est arrêté de vivre, qu’une foule de regards, plein de reproches, convergent sur lui. Mais non, les givrés, sourds et indifférents, vaquent, s’affairent, somnolent. Landonne elle-même n’a pas bronché. « Allons-y » l’entend t-il dire d’une voix égale …

Achille s’est assis, le dos voûté comme un mort dans un cercueil. En secret, il espère qu’elle va le consoler, s’excuser peut-être de s’être absentée, avec un bon sourire et une lueur de regret dans les yeux. Au lieu de ça, elle défroisse un peu sa robe de sa main courte et rondelette. Taiseuse, comme à son habitude, elle sourit ce qu’il faut, le regard engageant et attend. Dans les chairs d’Achille, c’est Trafalgar, le ressort se tend un peu plus, vrille et perce encore, lui déchire le bas ventre et crisse sur les os. Il croit que son bassin va éclater, que ses jambes vont se détacher, qu’il va mourir dans un bouillonnement gluant de sang noir. Jamais il n’a été aussi prisonnier des forces qui le paralysent, et qui viennent, il le sait bien, de lui, de lui seul. Mais sa raison n’est plus à la barre, elle est toute entière submergée par ces émotions, qui le possèdent sans qu’il puisse les contrôler. Dans son esprit en surchauffe, un enfant vert de rage, pleure sans discontinuer. Entre les petites mains potelées, si puissantes pourtant, il sent sa raison craquer. Dans le lointain, il entend une voix faible, presque inaudible qui murmure « lâche, pleure, dis … ». Mais non, il ne peut pas, un énorme rocher lui obstrue le gosier, il bafouille quelques pierres écrasées, coupantes, et se tait. « Et cet enfant malheureux ? » dit Landonne, « Qu’a t-il à vous dire ? » …

Achille s’affaisse, respire comme un moribond, hoquette, se racle la gorge, ravale le rocher qui peine à passer, crache à nouveau, avale encore, déglutit, la bouche en carton, sèche, à demi paralysée. Longtemps. Un peu d’humidité sourd enfin de ses salivaires, il s’entend répondre « Le petit lapin est malheureux, ze veux mourir …. », tandis qu’une vague salée, chaude, lui recouvre le visage, de longs sanglots ruissellent sur ses joues, mouillent son jeans, tombent en grosses gouttes grasses qui éclatent sur le sol comme des quartz brisés. Et d’un coup de hurler « pourquoi es-tu partie ! », pour aussitôt se geler, surprit de ce qui vient de lui échapper ! Non, non, rouge, confus, il s’excuse, bafouille, se prend à mélanger des mots, des sonorités plutôt, étranges, effrayantes, vides de sens. L’image d’Olivier éructant, jetant au ciel en longues bordées crachées ses incantations colorées, lui traverse l’esprit. Sa maladresse, son audace le déconcertent, il ne perçoit plus que le blanc d’un ailleurs révolu, comme surgit d’une faille furtivement entrouverte. Landonne vibre floue, cotonneuse, tremblante, comme au travers d’une brume d’eau. Achille secoue la tête, arrose autour de lui, ses pleurs décorent la robe de la femme de tâches translucides, il est perdu, entre ce présent déboussolant et les ombres étranges, disparues. Le temps d’un éclair, fulgurant, aveuglant. Le noir est revenu.

 Le silence aussi.

La dernière seconde de l’heure lui tombe sur le cœur comme un camion de briques, quand Landonne lui dit « A jeudi, il est temps ». Elle lui sourit aussitôt, hoche la tête, à peine, et ce rai de lumière dans ses yeux, ce visage qui semble basculer vers lui, le calment à l’instant. Mais un peu seulement, juste de quoi accepter la séparation. Et de redire pour se rassurer « A jeudi, c’est sûr ? ». Sans répondre, Landonne lui a serré la main.

Élisabeth l’a arrêté au passage, pour une clope, il l’a repoussée méchamment. L’a regretté aussitôt, a rebroussé chemin, a pris la vieille langoustine entre ses bras, l’a bercée, lui a donné sa clope. Elle a gloussé de plaisir, il a rit. Un peu jaune. Derrière la vitre du bocal, Olivier, les sourcils froncé, l’a regardé. Pas touche, pas méchant avec Élisabeth, lui signifie t-il, d’un œil noir. Achille s’est approché, a posé ses mains sur celles de l’Archange fou, a posé sa bouche sur la sienne, séparées par la mince épaisseur de verre. Une infirmière intriguée s’est approchée, « ça va monsieur Achille … »? Sans répondre il a filé vers sa chambre, les larmes sont revenues, chaudes, à gros bouillons, des citernes de pleurs acides venus des enfers, l’envers des Danaïdes. A pluie chaude, douche décapante, il s’en va mêler les eaux lourdes aux eaux légères et fumantes de la douche, dissoudre les fantômes, au moins un temps, de répit, de repos.

Rarement Achille s’est senti aussi fatigué. Fracturé jusqu’à l’os. Entre deux pressions contraires qui le broient jusqu’à la dernière cellule. Le drap qui le recouvre le brûle comme s’il était dépiauté, il n’est que frémissements douloureux, incompréhension, affolement du cœur et du souffle, dans sa chair meurtrie par une force impitoyable, il lui semble craquer, exploser sous les mâchoires de tenailles multiples qui l’attaquent de tous côtés, lui mettent les muscles en bouillie, les os en poudre, les organes en purée. Et ce cœur au bord d’exploser, d’arroser de sang coagulé les murs de sa chambre, de propulser ses cellules défaites jusqu’au cœur de la galaxie.

Se coucher, sombrer, s’emmurer, s’enkyster, mourir dans le sommeil, dans la ouate brumeuse d’une vie végétale, à l’écart, à l’abri, protégé des désillusions, mourir longtemps, au moins jusqu’au jour de sa vraie mort, jusqu’à la délivrance finale, comater, voyager dans les rêves, frôler les ailes moirées des anges. Comme l’enfant aux yeux bleus, s’accrocher à son désir, braver le sort, tenir, façonner, réduire le monde, ce monde qui l’a naguère trahi. Vomir, tuer, violenter, ceux qui l’ont abandonné, toujours, dans la solitude des espoirs déçus, des nécessités refusées, flouées, niées. Achille, lentement, cède, ses soubresauts se font plus espacés, ses balbutiements aussi, sa salive, en bulles translucides, s’accroche à ses lèvres comme une vie fragile prête à crever. Jusqu’à ce qu’il s’envole et s’écroule à la fois. Chute vertigineuse, ascension foudroyante, Achille et l’enfant, écartelés, suppliciés dérisoires, se sont endormis. L’enfant se noie dans la mer morte et hurle à sa mère perdue, Achille plane dans le silence éternel des espaces infinis qui ne l’effraie plus (merci Pascal …). En longues rondes lentes, oiseau céleste, il tourne, l’ombre des envergures gigantesques, que le soleil fou projette sur lui, le protège des rais coruscants qui pourraient le réduire aux cendres qu’il espère, appelle et supplie de le délivrer. Dans le ciel noir, plus rien n’a d’importance, les couleurs rassemblées disparaissent, les riens conjugués retournent à l’unité des origines. Achille a plongé plus bas, est monté plus haut que le monde des rêves ordinaires, comme si la VIE, cette garce magnifique, lui faisait cadeau, entrouvrant les portes des mystères, le temps du temps arrêté, d’une fraction, d’un millième de seconde, d’un battement de ses cils recourbés, de son regard aimant d’amante, posé sur lui. Et le régénérait instantanément, le gavant d’énergie, avant que le combat, son combat pour sa petite vie à lui, continue.

Achille s’est réveillé en sursaut, et s’est surprit à murmurer, dans un hurlement doux, « mais que je t’aime, que je t’aime, diabolique salope » … ! Non, non, pas le Achille de cette histoire à dormir debout, non pas lui, mais Achille le désagrégé, le vioque en voie d’extinction, que guette, dans la nuit profonde de cet entre deux jours silencieux, la camarde à la faux sifflante. C’est qu’entre ses paupières à demi ouvertes, dans le hanap familier qui accompagne ses nuits de peu, brille la courbe brillante d’un pur rubis, que le rayon clair de sa nouvelle lampe de bureau perce à peine. Un de ces pinots d’enfer, grand consolateur de ses nuits délétères. D’une belle année, 2010, jeune comme il l’a été lui même, longuement carafé (le vin), du Domaine Escoffier, sis en Burgondie, terre bénie, un premier cru d’Aloxe Corton, « Les Chaillots ». Sous son nez, la plus belle fragrance fruitée qu’il a connu, desserre ses narines, une cerise pure, mi griotte, mi merise sauvage, à peau fine au ras du noyau, monte, magnifique, à baver sur ses braies. Une cerise, bien assise sur un panier de fruits rouges, cassis, framboises, qui l’exhaussent plus qu’ils ne la marient. De fines épices accentuent le relief délicat de ces épures de fruits. Le jus se faufile entre ses lèvres, un matière, puissante mais sans affectation, roule et s’enroule, graisse ses papilles, dépose la fraîcheur de ses tanins enrobés et mûrs, juste avant de basculer, glotte passée. Délices délicieux d’épices en liesses, de terre respectée, de terroir décliné, de raisins sublimés …

Dans les douves

Inondées,

De sa mémoire

Balbutiante,

Des lèvres ourlées,

 Ont souri.

 Sophie ?

EDISMOPERTICÉECONE.

QUE NULLE NE GOBE …

Désert de Gobi,

Que nulle ne gobe,

Quand j’aimerais tant,

Ton corps pesant,

Assis, sur

Le rebord

De la fenêtre,

A regarder

Mes yeux,

Si lumineux,

Devant

Ta main ardente,

Qui bafouille

De plaisir …

  —–

Cavale

Démoniaque,

Dressée

Sur tes

Ergots fumants,

Tu cries

Et tu tempêtes.

Te souris

Tendrement,

Diable fumant.

Le calumet dressé

Vers ton autel

Profane,

Tu fulmines

En bavant …

  —–

Défroqué,

Prêtre fou

De tes charmes

Envoûtants,

Je donne

A ta bouche

Qui supplie,

La plus belle

Des hosties,

Qui croque,

Puis fond,

Sous ta dent …

 —- 

Ta langue,

Papilles dressées,

Turgides,

Quasi exsangues,

Tant le rouge

Est à ton front,

Délicate

Et gourmande,

Se régale,

De l’obélisque

Tendre,

Qu’elle enroule

Comme à Memphis,

L’offrande

Tendre …

 —– 

 J’étais à l’Esplanade

Un invalide,

Place Vendôme,

Tu m’as entraîné,

Dressé,

Roide

Décompressé.

Mât du cirque

Des amours folles,

Mât de cocagne

Des désirs

Exacerbés.

Ma reine,

Néfertiti

En majesté …

 —–

A me prendre

Et me reprendre

Encore,

Tu t’es évertuée.

Pressé,

Vidé,

Anéanti,

Jusqu’à l’épinière

Tu m’a pris.

Donné, je t’ai

Coeur éclaté

Reins brisés,

Âme ravie …

 —– 

Lapis

Lazuli,

Mon cœur,

Ma vie …

ACHILLE EST UN PETIT LAPIN …

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Landonne est en stage …

Pas de rendez-vous, cette semaine. Rien que le quotidien du pavillon. Olivier dans son bocal enfumé, comme un hareng gras qui jamais ne se dessèche, ravagé par la graisse et le tabac, qui rumine, psalmodie ses cantates étranges, occupé tout le jour à combattre les démons menaçants de ses rêves noirs, archange flamboyant face aux forces obscures de son imagination en délire, boudiné dans ses vêtements collant de crasse, de sueur et de suint accumulés, son gros cul souillé qui lâche ses eaux odorantes, et parfois même, quand un sourire béat illumine ses lèvres grasses, défèque de gros paquets de merde épaisse qu’il écrase en se tortillant voluptueusement sur le divan pourri, que les nettoyages quotidiens aux détergents puissants, que les filles de salle utilisent à grands coups de brosses à poils durs, n’arrivent jamais à désodoriser, Olivier s’étale, occupe la scène comme un pacha obscène. ACHILLE assis tout à côté de lui, sur un fauteuil à la toile élimée par les culs des foutringues qui se sont succédé au fil des ans à ruminer leurs misères, l’écoute, fasciné par la beauté lumineuse de cet être au visage diabolique. Ses longs ongles pointus virevoltent au bouts de ses énormes serres maigres, comme des épines empoisonnées, ses mains puissantes jaunies par la nicotine dessinent dans l’air d’étranges arabesques ésotériques, il bave généreusement de grosses bulles de salive jaune, entre lesquelles ses mots se graissent, et coulent de sa bouche comme des mantras gluants. De temps à autre, Achille acquiesce, Olivier rit à se déboîter la mâchoire et repart de plus belle, à cracher ses consonnes gutturales et ses voyelles liquoreuses. Le temps se fige. Parfois, sous ses paupières closes, les monstres d’Olivier grimacent, mais leurs yeux immenses, jaunes et aveuglants, aux pupilles fendues, ne l’effraient pas. Olivier veille, il se lève, tonitrue, et les monstres se dissolvent dans la gelée du temps suspendu.

 Élisabeth volette comme un papillon mourant, trottine, s’assied, ouvre, referme trois fois son baise-en-ville rouge, quémande une clope, ramasse un mégot, l’enfourne dans son fourre-tout fatigué, se rassied, recommence son manège des heures entières, ne se lassant jamais. Son rituel la rassure. Quand elle aperçoit Achille au sortir de sa chambre, elle claudique vers lui, à tomber, le croche par un bras, l’entraîne vers le vieux banc près de l’entrée, et se colle contre lui, lui raconte son frère, son père, qui vont venir la chercher, le temps de deux respirations, le taxe d’un cigarillo, puis s’envole vers d’autres aventures, mille fois répétées, en couinant de plaisir. Elle a tracé son chemin, avec ses pauses, ses conversations, ses repères, une contre-allée, à l’écart des conventions humaines, qu’elle arpente immuablement, le royaume dont elle est la reine incontestée, que nul, jamais ne lui volera.

Le soir, avant le coucher, Achille s’astreint à jouer au tarot, impossible d’y couper, ses comparses l’attendent et s’exclament, joyeux, quand il arrive en traînant les pattes. Les cartes tournent, les tours se se succèdent, les points s’amassent, ça crie, ça s’énerve pour de faux, ça fait comme si ça vivait. Achille s’efforce, mais le cœur n’y est pas, et cet autre rituel, qui le rassurait il y a encore peu, ne suffit plus à calmer l’angoisse qui le tord à la pensée de la nuit prochaine, aux affres qui vont lui manger son sommeil, aux rêves qui vont se succéder, comme les giboulées glacées qui cinglent les fenêtres noires du pavillon, au travers desquelles les lueurs jaunes des lampadaires, clignotants sous les bourrasques, lui rappellent les yeux terrifiants des monstres d’Olivier, et les gouffres effrayants à venir.

Ils ont tous avalé leurs médocs, Achille en a planqué la moitié entre joues et gencives, les cerbères ont refoulé les camés dans leurs chambres, le pavillon « C » plonge dans le noir. Emmitouflé dans une robe de chambre, Achille cuit sous ses couvertures en attendant le voyage éprouvant qu’il redoute chaque soir. Et Landonne qui fait sa belle en stage, cette garce l’a abandonné !!!

L’enfant est assis sur la table de la cuisine, la cuisinière à charbon ronfle sous le vent fort d’hiver, à ses pieds, Mickey, étalé de toute sa fourrure épaisse, ronronne, et le bambin babille en le montrant du doigt. Assis sur une chaise, son père lui fait face, le visage tendre et souriant à la hauteur du sien. Ses paroles douces sont murmurées, et le son de sa voix grave et mélodieuse berce le mioche, qui l’écoute attentivement en fronçant son petit nez. Il n’a pas deux ans, commence à saouler son monde avec son baragouin, mais comprend tout ce qu’il entend, et ressent plus encore sans doute. C’est l’histoire d’un petit lapin perdu dans la forêt, la nuit, au milieu des grands arbres noirs ; il a froid le petit lapin, il a faim aussi, et se sent perdu sans sa maman et son papa qui le recherchent en criant son nom ; « lapinou, lapinouuuu … ». C’est qu’il les entend bien, alors il court droit devant lui, vers les voix de ses parents, mais il boule sans cesse, se griffe aux branches basses, se pique aux orties, sa fourrure de bébé lapin n’est pas assez épaisse pour le protéger vraiment … L’enfant aux yeux écarquillés, emporté par l’histoire, ne bouge plus, respire à peine, il a chaud, trop chaud dans sa grenouillère de coton épais, comme le lapin exténué par sa course. Son père mime l’histoire à grands gestes, sa voix monte en puissance, redescend, gronde, s’apaise, repart, se fait fluette quand il imite le lapin, grave quand il évoque l’obscurité effrayante du sous bois, le hululement du Grand Duc, le bruissement des feuilles sous le vent, le hurlement du loup qui se rapproche, les couinements du lapinou apeuré. L’enfant a plongé dans les yeux d’azur de son père, il mime lui aussi le déroulement de l’histoire, gauchement, il est ce pauvre lapin en détresse. Qui trébuche sur une racine, roule sur le dos et se retrouve entre les pattes d’un loup gigantesque, grondant, babines retroussées, qui le regarde de ses énormes yeux jaunes veinés de sang. Mais les parents, accompagnés d’une meute de grands chiens féroces, déboulent et chassent le loup. Les retrouvailles, enfin. La maman lapin serre très fort son petit entre ses pattes. Alors l’enfant, tombé au fond des yeux de son père, se met à hurler, bras tendus, en appelant sa mère. Désespérément. Qui ne vient pas. Son père tente de le calmer, le promène dans la pièce, l’incite à caresser le chat. Qui méfiant s’enfuit. En vain, le petit hurle de plus belle, le visage inondé, il étouffe à moitié, devient cramoisi, puis bleu de rage. Quand sa mère accourue le soulève de terre, il enfouit le nez dans son cou, crache, tousse, pour finir par geindre doucement et ses mains frappent le dos de maman. Il a cru qu’elle ne viendrait pas à son secours. Assis sur les genoux de sa mère, caressé par la grande main de son père, il se calme, ses yeux brûlants se ferment peu à peu. Grosse fatigue. « C’est l’heure du dodo » murmure sa mère. Alors il se raidit d’un coup, échappe aux mains de maman, papa le rattrape de justesse par un bras, l’enfant se met à brailler de plus belle. La terreur noire, celle qui le réveille au milieu de la nuit, le submerge. Nonnnn, mamman, mammannnnn …

Achille, épuisé par sa nuit, ouvre les yeux péniblement. Et se met à ricaner douloureusement. « Putain de lapin à la con, putain de môme de merde, putain de … » Sa pensée, il ne sait pourquoi, soudain butte et se bloque. « Ah oui Landonne sera là, on est lundi, elle est rentrée cette lâcheuse ». Sous la douche, assis, jambes croisées, il se gave de plaisir liquide brûlant, se sèche, s’habille un peu mieux qu’à l’habitude, et visage pâle et yeux cernés, s’en va petit déjeuner sobrement. Ce matin, il a oublié son envie de courir par les sentiers, le bonheur de rencontrer Oscar. Il a oublié, tant il a hâte, tant il a la trouille de retrouver Landonne, et d’avoir à ne pas se taire. C’est que la séance risque d’être rude, difficile de reprendre la parole figée depuis une semaine, de pardonner à Landonne son absence, lui qui a vécu ce temps, si long, comme un lâchage.

 Achille s’est assis sur le banc,

 Près de l’entrée du pavillon,

 Et poireaute,

 Blanc de peur …

 Le monde a changé, Achille le désossé a dû changer sa vieille lampe de bureau, sa fidèle s’est éteinte d’un coup, s’est électrocutée elle même, un soir qu’il écrivait ses obscurités, elle s’est mise à grésiller, sa coulée d’ambre chaud a tari quand elle a fumé jusque sous son socle. Des éclats de verre sont tombés dans le vin, son rituel n’a pas eu lieu, pour la première fois ! Il a jeté le vin, consumé par les remugles du passé. Dès le lendemain, Achille est parti à la recherche d’une lampe neuve, il aurait voulu trouver la fille de la précédente, mais il a vite compris que cette race, faute de mâles, était éteinte depuis des lustres (sic). Dépité, Achille a ramassé la première garce qui lui a sourit, au détour d’une interminable rangée d’illuminées, dans une surface qui n’avait de grande que le nom. Une blanche comme le prénom de sa grand-mère. Il a sourit lui aussi, ils sont partis, bras dessus, bras dessous, elle surtout, dans sa boite multicolore. Puis une idée lui est venue, se trouver une ampoule qui donnerait la même lumière que celle qui embrasait jadis les yeux de Sophie. Oui, une source cristalline aux reflets d’aigue-marine, sous laquelle il baignerait dans une lumière magique, tremblante, caressante, céruléenne. Ses rais phosphorescents l’envelopperaient dans un cône parfait, un paradis secret éternellement tempéré, une piscine d’amour liquide, et l’hologramme de Sophie, en suspension dans l’air, là, pour lui, pour toujours. Pour jamais … Il a eu beau tourner, virer, écumer les magasins chics et les souks périphériques, chercher sous les manteaux des dealers d’amour, se perdre sur la Toile de l’araignée virtuelle, jusqu’aux confins de la Mongolie Extérieure, jusqu’au bord du monde, des mondes, il n’a pas trouvé, la mer liquide des temps passés à ne pas pleurer, infranchissable, l’a arrêté. Cette rêverie au milieu des caddies, des fantômes affairés, aux yeux blêmes, aux haleines fétides, avides de pizza et de jambon gluant, en rangs serrés, comme une horde de mouches bleues sur un cadavre, ce contraste, il en prend conscience soudainement, il éclate de rire, un rire lourd, épais, grinçant qui trouble la morosité du lieu, et dessine dans les yeux des mouches quelques facettes de réprobation noire. Mais Achille s’en branle grave trop ! Comme des années auparavant, il s’est assis dans la galerie marchande d’un bistro sans âme et a bu une bière tiède au goût de carton …

 Sophie,

Sophie, Sophie,

Mais pourquoi,

Pourquoi,

N’es-tu jamais

 (Re)venue ?

EDÉMOPITITÉECONE.

TU ES L’ORAGE …

Tu es la fleur

De ma peau,

Je suis la peau

De ta fleur.

Malheur …

—–

Pourtant,

Tu es l’orage

Qui ravage

Ma vie,

Mais n’éclate

Jamais …

—–

Rien ne bouge,

Pas un doigt,

Seule la fleur

Dépérit

Et se noie …

—–

Sur la route

Qui s’en va

Là-bas, si loin,

Qu’elle n’a pas

De bout.

Pérou …

—–

A nager

Sous les eaux,

A croire

A tes nageoires,

Atrophiées …

—–

Tapis Persan,

Dolent,

S’y allonger

Soudés.

Où êtes-vous,

Ma Lou.

Emmiellerais,

Je vous …

—–

Brassage

Si doux,

Manger

Votre,

Aimerais,

Lait

Coagulé …

—–

Flancs

Caressés,

Griffés

Brûlés,

Langue

Mordue …

—–

Laine

Tressée,

Poires

Pressées,

Fesses

Ventouse,

Sur ta pelouse,

Comme une bouse,

Étalée …

—–

Cri

Éclaté,

Quartz

Fendu,

Quark

Ventru,

Iris,

Lapis

Tordu …

—–

Viens t-en

Aimer,

Jade

Maussade,

Aigue

Aigre

Du temps

Perdu …

—–

Osmose,

Ma lose,

Ose,

Repose,

Murène

Trop pleine,

Loss,

Mon os,

Entraperçu …

—–

Obsidienne

Ma chienne.

MOUTONS BLANCS …

Seul,

Cette nuit

Mon coeur

A la peine

Écoutera

Ta voix,

Qui ne sera

Pas là,

Occupée à dire,

D’autres mots

De soie …

Sous les draps,
Dans le vent
Qui souffle
En tempête,
Rien ne sert
De hurler,
Comme un loup
Dépecé.
Ses yeux crevés,
Ne voient plus rien,
Sous ses paupières,
Mortes,
Ses souffles
Épuisés,
Ne passent plus
Ta porte.

Lumineux,
L’extasié,
Qui roule
Sur ta peau,
Ignore,
Que dans la nuit,
D’autres yeux
Aveugles,
Aspirent,
Soupirent,
Mangent
Ta peau,
Et coulent
Leurs eaux,
Lourdes et
Gelées,
Figées.
Tout ce temps,
Ses mains
Acceptées,
A ton horloge,
Ont sonné.

Mais que vienne
Me délivrer
La dague,
Lame crantée,
Regard vague,
Œil énucléé,
Poitrine lardée,
Ventre crevé,
Tripes coulantes,
Fumantes,
Puantes,
Exposées.

Mon sang

S’en va,
Là-bas
Couvrir ta peau,
De gouttes rouges,
Comme des rubis
Éparpillés.

Entre tes cuisses,
Lisses,
Délices,
Réglisse,
Dardé,

Qui donne
Au cœur pâmé,
Le plaisir infâme,
Tant espéré.

Souffrir,
Mourir,
Exsangue,
Valse lente,
Troublante,
Carangue,
Aux flancs
Argentés,
Tu tangues,
Coeur éclaté,
Corps comblé.
Âme voilée.

Sur la pierre froide
De mes espoirs
Perdus,
Je putréfie,
Roide
Et perclus.
Les fleurs,
Beurre fondu,
Boutons d’or,
De ma mort
Programmée,
Fleurissent
En grappes
Tremblantes.
S’en est allé,
Le printemps,
Le ciel azuré,
Branches chargées
Des feuilles vertes
Qui caressent,
Et balancent,
Sous le vent,
Berce
Les moutons blancs.

Linceul sali,
Je pourris.

ACHILLE EN CHAMBARDEMENT …

caravage-david-et-goliath-1606-07Caravaggio. David et Goliath.

 

Achille s’est assis.

Un peu raide sur sa chaise face à Landonne. Ce jour elle s’est drapée de vert, d’un de ces vert bronze velours à rendre jaloux Véronèse qui l’enveloppe bizarrement. Il ne boude pas, mais la regarde simplement sans sourire. Landonne suit son manège des yeux, il la détaille curieusement. Elle ne dit mot, ne marque rien, ne s’en offusque pas, accepte tranquillement qu’il ait fini de l’observer. Mais il la voit plus qu’il ne la regarde. Pour la première fois il a l’oeil franc, un peu intimidé quand même, le front haut, les mains posées sur les genoux, pas vraiment détendu, pas serein non plus mais calme. C’est alors qu’elle lui sourit, un sourire rassurant, doux, naturel, le sourire mesuré d’une femme qui ne cherche rien, n’attend rien, mais ne refuse pas. Achille se fend d’un rictus tremblant et chevrote un «Bonjour madame Landonne» qui lui vaut en retour un «Bonjour monsieur Achille» à voix moyenne. Puis un petit blanc que rien ne casse s’installe, un petit blanc léger comme un aligoté de l’année, ni pression, ni angoisse, ni peur, le temps qui roule paisiblement. Rien ne semble dépasser chez cette femme pense Achille, lui qui donne volontiers dans les excès cela le surprend depuis le début, voilà quelques semaines déjà … De silence obstiné ou plutôt de silence épais, bouche cousue, dans l’impossibilité de former un mot, une syllabe, pas même de soupirer, à user des heures entières son énergie, à respirer de la pointe des dents.

L’araignée n’a pas reparu depuis le moment où le regard bleu de l’enfant a fulguré, alors qu’il venait de tomber et que dos collé au sol gras, l’éclair avait jailli du ciel de son inconscient, fracassé la porte du présent, lui jetant en pleine face ces yeux d’azur dont les pleurs anciens l’avaient instantanément inondé, le laissant hoqueter comme une poupée cassée, pitoyable. Vivre ces instants, aussi brefs qu’intenses, avait été pour Achille une épreuve redoutable, déchirante et il regrettait presque la comptine de l’aranéide avec laquelle il vivait depuis quelques temps déjà. C’est qu’elle avait fini par lui donner la rage cette putain de bestiole, tous ces combats de jours et ces nuits de cauchemar, l’avaient quasiment occupé à plein temps. Mais maintenant ce petit bonhomme fragile et si puissant à la fois, c’était nouveau, il ne savait pas par par quelle menotte le prendre et surtout il détestait au plus haut point ces émotions liquides qui le gagnaient sans qu’il puisse leur opposer la moindre digue, comme à la terre les vagues de la mer en furie. Landonne ne bronchait pas, six semaines qu’elle reposait sur son gros cul – la génétique fait bien les choses – pendant qu’il bouffait les heures à la sauce blanche pour ne pas les parler.

Achille inspira un grand coup, sa respiration resta bloquée quelques longues secondes, puis au moment où l’étouffement le gagnait et lui mouillait les paupières, il ferma les yeux – l’image d’un saut dans le vide lui traversa l’esprit – il hoqueta et le bouchon qui lui obstruait la gorge depuis des semaines céda d’un coup comme un barrage sous l’assaut des eaux trop longtemps retenues. Il se vida d’un jet qui dura longtemps sans doute, il ne savait plus, les mots affluèrent, en désordre d’abord, ce fut comme un long vomissement acide, douloureux et soulageant à la fois. En vrac, pêle-mêle, il balança, la chambre, le lit blanc à barreaux, les rêves de cet enfant puissant, la terreur qu’il lui communiquait, les tortures du nounours, les gémissements mal tus dans la chambre, la peur qu’ils déclenchaient chez le nourrisson et qui résonnaient en lui, qui le cinglaient plus durement qu’un fouet sur la croupe d’un cheval fou. Son esprit lui criait de se taire mais il ne l’écoutait pas, les torrents, les cris, les imprécations qu’il déversait étaient plus forts que le regard meurtrier de l’enfant qui de toutes ses forces tentait de le subjuguer, les hurlements de l’araignée hors d’elle, que la honte qui le submergeait, que le regard supposé de Landonne qu’il ne voyait pas. Son cœur de pierre, ses tripes nouées, son plexus brûlant, ses yeux prêts à éclater, tout ça se détendait doucement ; et ce bien être qui lentement s’installait n’avait pas de prix. Achille crachait, chiait, vomissait, expulsait à la face de Landonne muette, des flots d’énergie noire, accumulée depuis des lustres sans qu’il le sache. Étrangement il se sentait mourir et renaître à la fois. Il se tut aussi brutalement qu’il avait hurlé, car il avait inconsciemment braillé tout ça, et sa voix méconnaissable, la voix tonitruante de sa si vieille rage avait franchi les murs de la pièce et inondé couloirs et salles alentours. La porte de la pièce s’ouvrit, une infirmière très inquiète accompagnée de deux costauds, apparut. Landonne leur sourit et les renvoya d’un geste de la main. Achille a demi levé, le corps en arc de cercle, poings serrés, jambes dures et ventre de bois, tout entier à son long dégueulement, n’avait rien vu, rien entendu, il était sourd et aveugle au monde, à ce foutu présent qu’il tentait de retrouver … «Il est l’heure» dit Landonne de sa voix blanche. Achille avait fini de se redresser et se tenait presque sur la pointe des pieds. Il ouvrit les yeux et la lumière crue du soleil qui perçait la fenêtre l’éblouit douloureusement. Il lui semble percevoir la réalité au travers d’une soie blanche en fusion, le monde comme une photo surexposée, Landonne, blafarde, exsangue, fondue dans la pièce sans relief, comme une crème fondante, seules ses pupilles foncées tranchent sur la scène à deux dimensions.

Elle répète doucement, «C’est l’heure monsieur Achille» …

Achille a sourit timidement. D’une voix cassée, rauque, il lâche un « oui » pierreux, tousse, se racle la gorge mais rien n’y fait, il peine à parler, se sent vidé, épuisé, rincé. Dormir. A dormir il aspire. Partir, se noyer dans les plis doux d’un sommeil sans rêve, un sommeil lourd, un sommeil de mort. Les bruits du monde, oui il est au monde, il est le monde. La vie revient peu à peu. Il s’assied un instant, sourit dans le vague, marmonne quelques mots incompréhensibles, même pour lui, baragouine, le regard en dedans, comme un aveugle, soupire, soupire encore. La pièce retrouve ses formes et ses couleurs, Landonne, son corps massif, son sourire aussi. C’est bien que ce soit fini pour aujourd’hui, pense t-il, son corps est douloureux, l’image d’un écorché vif dégoulinant de sang tiède et dilué clignote un instant puis s’éteint. Achille est parti sans un mot, il se sent mou, comme un papillon fragile accroché aux bords secs de son cocon qui balance dangereusement sous l’à peine brise qui souffle sans que personne sauf lui la sente. Il traverse les salles, longe les couloirs en traînant les pieds, en dedans il entend son être brisé cliqueter comme un sac de verre pilé.

La nuit est tombée, Achille n’a pas bougé, il a froid, plus que nu sur son lit, ses yeux écarquillés regardent le mur blanc de sa chambre, s’y perdent à se crever. Ni la faim, ni la soif ne le troublent. Il parvient, en se tordant comme un tronc démembré, à se glisser sous les draps, à s’enfoncer jusqu’à ce qu’il soit entièrement recouvert. Dans son cercueil de coton rêche il se réchauffe lentement au rythme de sa respiration humide et le contact douloureux du tissu s’estompe peu à peu. Achille sombre, tombe, s’enfonce dans son lit, comme un fruit mûr s’écrase sur la pierre, pour se dissoudre enfin dans le silence poisseux d’un sommeil de mort.

La mère a posé l’enfant à même le carrelage glacé, au pied de la cuisinière à charbon qui ronronne plus que Mickey le chat noir à la gorge étoilée de neige, Mickey se méfie de ce petit être dont le regard d’azur a prit des reflets mercure quand il lui a collé sous le museau ce tison rougi, enfoncé pour l’heure dans l’œil sanglant, au centre des flammes bleues mouvantes qui brasillent derrière la grille menaçante de la cuisinière ronflante. Le froid bleuit les fesses et les jambes du bambin, le feu lui chauffe le dos à presque brûler. En face de lui, gigantesque monstre à demi affalé, son père somnolent, à demi nu, dont les pieds baignent dans un large bassine émaillée remplie d’eau fumante. A genou devant lui sa mère le lave, le rince et le relave. C’est qu’après trois jours et trois nuit de travail intensif dans le froid, le vent et la crasse des bassins de radoub l’homme est harassé, effondré même. Ce corps gigantesque l’effraie, qui le domine de toute sa masse et sur lequel sa mère s’affaire en lui tournant le dos. Entre le froid et le chaud qui l’assaillent en même temps il ne sait plus. L’enfant, bras tendus, pleure à chaudes larmes, son regard se voile, le chat s’enfuit en râlant, la scène tremble, les perspectives se défont, se croisent, comme si Goliath à chacune de ses respirations enflait, remplissait la pièce tandis que la femme penchée, en adoration, réduite à peau de chagrin, se dégonflait comme une baudruche crevée. L’enfant étouffe à demi, sa poitrine menue bat comme un petit soufflet de forge désespéré, ses doigts crispés brassent l’air humide, sa mère qui le serrait nuit et jours dans ses bras esseulés ne l’aime plus … Tout ou rien, amour ou haine, sans même le savoir ces sentiments extrêmes, excessifs et mortifères, l’imprègnent à jamais …

Achille le déboussolé ne bouge plus. Derrière ses yeux clos la scène a du mal à s’estomper, il respire à petits coups douloureux, ses mains crispées tapotent sporadiquement son clavier et sa page se couvre de signes incohérents. Dans le noir sans fond de cette nuit, hors du temps ronflant des hommes qui dorment, il peine à retrouver ses esprits. Alors il se concentre sur la lumière chaude de sa vieille lampe qui lui caresse le crâne de sa langue d’ambre fidèle. Le froid ambiant lui mord le dos, lui glace les jambes et son rire triste crève le présent silencieux. Il s’ébroue en frissonnant, ouvre les yeux et découvre dans le miroir de son écran aveugle, l’instant d’un soupir qui lui semble le dernier, le visage fantomatique de l’enfant disparu.

Dans la combe ronde du verre à longue tige de cristal, se mêlent au centre du rubis patiné qui repose alangui, les flammes opalescentes du lumignon et les moires orangées des années empilées qui patiemment gagnent la robe de charbon ardent qui résiste encore à l’empreinte implacable du temps. Sur le lac paisible de ce vieux Cahors « Expression » du Château Lamartine qui a dormi depuis 1996 dans sa cave, il se penche. Les parfums délicats des prunes mûres et des cerises juteuses le rassérènent puis viennent à ses narines pacifiées des notes de vieux cuir, d’épices douces, de cigare, de cèdre, de chocolat noir et de café. Les yeux embués il cherche dans le jus crémeux qui lui emplit la bouche un peu de paix, un soupçon de bonheur. La purée de cerise lui caresse un instant le palais avant d’enfler et de déverser longuement sur ses papilles reconnaissantes un flot de fruits mûrs, épicés et suaves. La matière charnue, dense, s’allonge et dépose son taffetas de tannins enrobés sur sa langue avant de s’en aller réchauffer son corps frigorifié. Achille ne bouge plus et savoure la réglisse, le chocolat et le café noir qui répugnent infiniment, comme l’enfant qu’il a été, à le quitter.

L’ampoule de la lampe,

D’un coup a grillé.

Sophie sans doute,

Du fond des âges,

L’a soufflée.

EHAPMOPÉETICONE.

DÉLIRES DE GLU …

C’est une histoire étrange,

Celle d’un ange,

Qui se mélange,

D’une mésange,

Entre deux eaux.

—-

 Eaux lustrales,

Mygale

Velue,

Désirs,

Déçus.

—–

  L’ange pleure,

Quand la mésange

Se tourne,

Vers d’autres peaux.

A devenir barjot.

—–

Il a crié

Dans le désert,

Où nul ne l’entend,

Sa rage et sa misère,

A se briser les flancs..

 —–

 Mais la mésange

Ne sait plus, si

Elle aimera l’ange,

Toute une nuit,

Dans un grand bruit.

 —–

 Volcan maudit.

—– 

 Rage grise,

Folie explose

Comme une rose

Qui s’est éprise

D’un radis.

—– 

 Le long des rails,

Putain de vie,

Va t’allonger,

De tout ton long,

Et crève sale con.

—– 

 Pauvre lion,

Aux dents limées,

Va te bouffer,

Comme un enfant

Berné.

—– 

 Va donc te pendre,

Plutôt que t’éprendre,

D’un beau poison,

Qui te bouffe

Le gazon.

 —–

 Exorciser encore,

A tâcher j’y travaille,

Douloureusement,

A couper la paille,

Qui me fend.

—–

 Garce, la vie dure,

Tranche, coupe épure,

Arrache ce gland,

Qui me tue,

Fouaille, puant.

—–

 Qui se tend,

Qui me nargue,

Innocent,

Ange déchu,

Dans ton cul.

—– 

 Fantastique,

Ciel lubrique,

Corps céleste,

Coup de trique,

Ange béant.

 —–

 Toi qui bêle,

Tourterelle,

Jouvencelle,

A ta nacelle,

Je me pends.

—– 

 Conspuée,

Concernée,

Ton compère,

Congénère,

Congruent.

—–

 Étrange sylphide,

Ronde et languide,

Condor écarquillé,

Compulsif,

Je te biffe,

 Mon kiff.

 —–

 Converse

Perverse,

Congelé

N’a pas de bulles,

Peau de tulle,

Conciliabule.

 —–

 Congrès

Éberlué,

Comme la fée,

Tu me suces,

Le nez.

 —–

 Étincelant,

Aux Étoiles,

Concupiscentes,

Je me casse,

Les dents.

—– 

 Conacry,

Noire Sacristie,

La folie gagne,

Encense,

Je danse.

—–

 A la folie.

 —–

 Confort,

La compote,

Contre le fort,

Mon concierge,

A la main.

—–

 Je me bats.

 —–

 Ma mi-temps,

Concomitant,

Au mitard

Exaspérant,

Je suis.

 —–

 Pourquoi,

Ma foi,

Ma moi,

Ma loi ?

Perclus,

Combattu.

—– 

 A la prune,

Chaude,

En maraude,

Condamné,

Pauvre gland dû.

 —–

 Accroche toi,

Aux branches,

De la pieuvre,

Verge folle, si blanche,

Sur ta hanche

Un oiseau s’est perdu.

 —–

 Convenu,

Combattu,

Comprimé,

Entre tous,

Révéré.

—– 

 Pierre de lune,

A ta hune,

Me suis pendu,

Mordu,

Foutu.

 —–

 Merlu

Confit,

Confus,

Déchiqueté,

Contrit.