LES LOUPS AUX YEUX FARDÉS.
La De fait sa louve.
Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné – ©Tous droits réservés.
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Le long du pelage des loups aux yeux fardés,
Le vent court qui glace le sang noir des humains.
J’irai lécher leurs dents, caresser leur pelage,
J’irai les embrasser longtemps à plein museau,
J’irai baver ma bile sur leurs proies exsangues,
Ils me regarderont, leurs regards seront fous,
Nous écouterons ensemble mugir les tempêtes,
Le noroît gémira à éclater les troncs.
Nous gémirons de peur, j’arracherai mes doigts
Nous gratterons nos dos aux arbres hérissés,
Les grand lacs gèleront, les cygnes en mourront.
Ils me diront sais-tu, je ne répondrai pas,
Et quand nous aurons faim, nous saignerons la lune,
Nous serons bien, ailleurs, perdus dans le grand nord,
A déchiffrer le temps au lichen des arbres.
Mais quand les ours noirs affûteront leurs griffes,
Ivres, en grommelant ils chargeront en bande,
Alors les loups et moi nous ne ferons plus qu’un,
Nous les dépècerons, nos crocs seront si longs,
Si rouges de leurs vies que nous boiront leurs âmes.
Nous ferons des enfants et ils auront leurs gemmes,
Et les pierres précieuses qu’ils sèment sous leurs pas,
Ils seront tous si beaux que tu en pleureras,
Ils apprendront à lire aux racines des bois,
Ils mangeront leurs pères, et maudiront leurs mères,
Dans le lit des rivières ils pêcheront leurs rêves,
Hurleront des cantiques sauvages et pleins d’effroi.
Regarde les courir ces pauvres innocents,
Avec leurs mains si pleines, la folie verte au ventre,
Leurs cils bruns plus longs que quatre cent éons,
Un cerf à la lisière mort de les avoir vus,
A bramé bien plus fort que tous les soirs de rut.
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Ô toi qui sais, toi qui vis, toi qui pries, si fort,
Dis moi encore, oui, avant que ma vie ne défaille
Qu’au long des steppes folles, je connaîtrai les loups.