Littinéraires viniques » Christian Bétourné

LE BRANQUE.

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D’après Jacques Prévert. Le cancre.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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C’est un ânon pauvre bête

Et dans la nuit il a bien peur

Ce cambouis, mais quelle crème

Et l’ânon contre sa sœur

Ils sont à bout

Con contre pommes

Et tous les carêmes n’y feraient

Doux sein le bout vire et fend

Et il enfonce tout

Le chibre est au dos

Ça baratte au fond

Ça abrase et ça alèse,

Et au gré des cris cette ânesse

Sous la poussée du gland se fige

Du bec elle braie à tous ses malheurs

Sous le rabot noir du hardeur

Elle babouine trop sage et pleure.

POUR UN REGARD DAMNÉ …

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Le jardin d’Eden de La De ?

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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C’était un philosophe, il avait deux enfants,

L’un s’appelait Blaise, l’autre nommé Pascal,

Tous deux étaient plus roux que le bel écureuil,

Ils avaient un ami, c’était coco bel œil,

L’autre était crevé, une branche lourde de glands,

D’un grand chêne arrachée, un laid jour de grand vent

L’avait énucléé en le faisant bancal.

Les trois allaient ensemble aux chemins de la vie,

Jamais n’étaient par paires, toujours les trois maudits,

Baguenaudaient aux champs, et chassaient les souris,

Leurs jours coulaient heureux, ils n’avaient qu’un seul œil

Qui voyait pour eux trois, les fleurs et les roses,

Toujours étaient d’accord quelques fussent les choses,

Ils souriaient bonheur, même quand le philosophe

Bavassait ses antiennes, ses couplets et ses strophes.

Un jour que d’aventure ils couraient dans les champs,

Une belle rondelette au sourire charmant,

Au détour d’une meule, un beau jour de juillet,

Leur mit le sang au feu, et défaillir le gland,

Alors les trois compères, dans un seul même élan,

La renvoyèrent paître, au pré de ses parents,

Ils firent une croix sur la belle rencontre,

Remisèrent au panier, l’amour qui leur tendait

Ses petits bras dodus et ses seins débraillés.

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Jamais ô grand jamais, vous tous fous qui lisez,

Ces vers déglingués et ces rimes désaccordées,

N’oubliez que vos vies, un jour ou l’autre année,

Ne sauraient basculer pour un regard damné.

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Les belles amitiés, comme les poires au jardin,

Sont bien plus sucrées qu’une très belle catin.

FÉE EN DÉTRESSE.

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D’après Ronsard. J’ai pour maîtresse.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Fée en détresse et l’archange bougonne,

Qui boit l’encens à la frange qui bée,

C’est une Venus en pure majesté,

En tiqueté la bille de luronne.

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Quand je la broie, fille au doigt je tâtonne,

Charme la feuille, bout de mon bâtonnet,

Noeud qui durcit, ou que son aigretté,

Que je farcis ou bien que j’enfourne.

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Pour la mâture, du beurre je n’en ai peu,

La soie du dos pour me vêtir la queue,

Avec mon bois il me faut la pourfendre.

Dard aux abois, lunaire et purpurin,

Battant ça, le dur buis, le palissandre

Peut la choyer le jour, le bavard plein.

NOUS LAVERONS NOS VIES …

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Les folies de La De.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Pauvre de nous, de nos malédictions,

Comme deux malades en perdition

Nous nous soignerons,

Nous nous laisserons voler,

Comme des ballons en paix,

Nous ne nous interdirons rien,

Inventerons du soir au matin,

Même le midi, rôtis au fond du lit.

Pas besoin de gamines, d’héroïne,

De crack, d’amphétamines,

De partenaires, foireux et tronches louches,

De corps fatigués aux trop grandes cartouches,

De voyeurs cachés derrière le tain,

De tarifées vannées aux yeux de braise,

Ajoutés à nos cimaises,

Pour que nous prenions le train.

Celui de l’amour, force féroce qui gagne

L’avant, l’arrière, même les wagons,

Pendue à mon cocagne,

Moi allumé à ton con.

Ma Grisette tu seras, je serai Scaramouche,

Nous n’aurons plus qu’une seule bouche,

Laissons tout ça, mœurs tarées, aux niais,

Le vent, tempête entre leurs oreilles,

Tu es la fleur, opale sale, je suis l’abeille

A deux nous serons des merveilles.

Les yeux dévoilés, écarquillés,

Leurs larmes blanches en gelée,

Qui coulent, fragiles en buées,

Et ta bouche, ma mouche, sur mes mains,

Les miennes, collées, à l’orbe de tes seins

Tes doigts, griffes rouges, me pétriront

Vorace, je mangerai, soie de ta peau,

Comme un mort d’avoir eu très faim,

Et nous irons fondre sous l’eau,

Mollir nos ongles, racler nos peaux

Fripées, beignets salés oubliés,

Nous laverons nos vies vomies,

Oublierons nos passés

Et referons surface,

Hors de nos carapaces,

Profanes et baptisés,

Lavés, adieu vieilles cuirasses …

JE T’ÉCRIRAI UN LIVRE …

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La lectrice de La De.

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Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Je t’écrirai un livre sur des pétales de roses ardentes,

Avec l’encre volée au cœur des dieux sanglants,

Je couvrirai de lettres violettes les grands lagons de tes yeux bleus,

Sur la soie pâle de tes épaules, je poserai un drap de feu,

Pour que la nuit quand tu grelottes, tu sentes mon cœur furieux,

Il frappe, innocent, à ta porte, ouverte pour nous deux.

–—

Alors les bateaux qui pleurent sur les flots calmes de ta peau,

Croiseront les Barbares, chargés de pierres et de joyaux,

Au fond des mers, les eaux profondes de tes désirs inavoués,

Me diront de leurs voix blanches que les temps sont enfin arrivés,

Toi, te taisant, silence lourd, moi te dirai, à toi mon âme,

Arrête toi, regarde nous, là devant nous, les anges se pâment.

–—

Je t’écrirai, je serai ivre, l’histoire folle des deux amants,

Ils déchiraient aux temps anciens, comme des chiens,

Leurs chairs, leurs flancs, ronflants comme des hyènes,

Le ciel grondait, la mer hurlait, roulait ses flots bruyants,

L’orage tonnait, iris salés, les yeux poudrés des chants païens,

Pauvre fous, ignorant le jour, les velours, ivres de haine.

–—

Je t’écrirai, ma vouivre, le temps présent, la valse lente …

LAS, MON GOURMAND BISTOURI.

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D’après Tristan Corbière. A ma jument souris.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Pas de téton ni de belle vache

Paisse là, traîtresse à moelle marrie …

Con à brouter une salace

Pas une bite pourrie.

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Tas de porcs sur ta torve couche :

Ce poème, et ma rime en bouche.

Pas de pelle, pas de pipe niée :

Sale garce, du goût de ta motte,

Ma latte sucée, frein qui frotte.

Ha : Tu me fuis lasse folle à lier …

–—

– A ras ! Sur le bout ta guêpière !

Met la bête dans ta tanière

Tes deux gras tous ronds embrassés.

– A ras ! C’est bien doux ce pourpier !

–—

A ras ! Pet de poux par derrière !

– Le buis empalé : oui ça vient –

– A ras ! … et le figuier arrière …

Hé, ma sale pute ! M’aime, viens !!

ENFIN, ENSANGLANTÉ…

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Quand La De pique …

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Oser vivre le plaisir fatal

Qui emmène au-delà de soi,

Entrer dans le plaisir total

Qui fond les âmes et les croix,

Couler dans le plaisir létal

De la seringue si lisse sous les doigts.

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Vienne le temps des hors la loi.

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Arracher aux cieux en bataille,

Les yeux de ceux qui ne voient pas,

Contre tous, les accordailles,

Des voix, des chairs et des hautbois,

Quand les démons, les épouvantails,

Grincent au fond, tristes trépas.

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Meure le temps des martingales.

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Croire aux abysses, leurs eaux lustrales,

Elles glissent et caressent les peaux,

Doigts emmêles, aiguilles pâles,

Jambes croisées, quel beau tableau.

Hurlent les rois, pleurent les opales

Au vent coulis des cœurs si chauds.

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Tes seins oblongs, nos yeux farauds.

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Nous n’iront plus sourire au bois,

Ne crieront plus, cloués aux croix

Nous perdre seuls, briser nos voix,

Le longs des vies, corps de guingois,

En attendant que tu me voies,

Toi pauvre fille, petit chihuahua.

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Enfin, ensanglanté, tout près de toi.

EMMA BOVAROVA …

Oda Jaune. Once in a Blue Moon.

Emma était née misérable. Profondément. Dans un village perdu, loin des yeux de Dieu et des hommes. Au fin fond des plaines Bulgares. Dans une masure insalubre, nichée au milieu d’un conglomérat de bicoques bancales, auxquelles nulle route ne menait. Elle aurait survécu aux plus terribles cataclysmes « modernes », habituée qu’elle était à végéter de racines amères, d’eau croupie, dans le froid humide ou la chaleur écrasante qui lui serraient les os, depuis toujours. Les heures à venir, qu’il lui fallait traverser, pour espérer passer les prochaines, la clouaient au présent. Trouver sa pitance et se protéger de la rigueur des saisons l’occupait tout entière, l’obsédait. « NoFuture » était sa vie.

Un jour d’août qu’elle sommeillait, abrutie, crasseuse et nue, dans l’ombre de sa cahute, un bruit assourdissant de planches explosées, la mit en terreur. Dans le soleil, à contre-jour, une silhouette épaisse et menaçante, mangée par le soleil mourant, occupait presque toute la largeur de la porte délabrée.

Nikifor la regardait…

Il était arrivé dans un Hammer noir, rouge de boue séchée et de débris divers, par un de ces hasards étranges qui guident les prédateurs. Emma avait quinze ans. Grande, déliée, gracieuse, la misère et la saleté n’arrivaient pas à ternir sa beauté native. Ses yeux d’émeraude illuminaient son épaisse chevelure noire et ses lèvres charneuses. Sous les penailles, son corps était sinusoïde, ferme, ductile, au prorata. Elle était – pure grâce -, d’une beauté émouvante, comme un coquelicot sur un tas d’immondices. Nikifor la jaugea d’un regard de maquignon, puis il sourit de toutes ses dents serties d’or. Il sut à l’instant, qu’elle vivait de rêves et de rhizomes, qu’il la subjuguerait sans peine ni violence, lui qui n’hésitait pas à cogner. Il avait la beauté sauvage d’un loup traqueur. Grand, athlétique et souple, le catogan de cheveux noirs qui tombait bas dans son dos, dégageait un visage aux angles découpés à larges coups de yatagan affilé. Ses yeux verts irradiaient une sauvagerie contenue, le goût de dominer, de séduire, ou d’avilir par la force. Comme deux puits ardents qui contrastaient avec la beauté anguleuse et brutale de sa semblance. Seules deux fines rides profondes qui encadraient une lippe à croquer les oiseaux crus, pouvaient laisser penser, à qui savait les lire, qu’il aimait à prendre lentement les vies qui osaient lui résister.

Emma ne vit rien de cela. Elle souriait comme une enfant confiante. Le княз (Prince) était là ! Elle ouvrait grand son regard d’eau claire aux reflets gris, pâle comme cou de tourterelle, qui palpitait de la joie crédule de celles qui n’ont pas vécu. Elle sut d’instinct qu’elle était en partance. Une onde froide la traversa, qu’elle rejeta d’un cœur naïf. Elle crut qu’elle avait une faim soudaine…

L’ombre, aux jambes écartées gaînées de basane noire, ne bougeait pas. Nikifor, souriait, son visage s’adoucissait tandis que ses paupières écrasaient ses yeux, ne laissant passer qu’un mince listel verdâtre, acide comme une pomme crue. Puis il les rouvrit, claire eau de source, et sourit comme un enfant candide. Derrière son masque rassurant, il calculait à toute allure. Ne pas lui faire peur, l’apprivoiser, murmurer des mots de miel, la caresser de la voix et l’emmener en douceur, loin d’ici. Oui, comme ça, avec des chatteries, des brassées de loukoums. A coup sûr, le vent tiède des morbidesses la renverserait…

Alors il s’agenouilla devant elle et lui parla longtemps. Sa voix coulait comme un ruisselet frais, il susurrait, roucoulait des paroles douces en mode « amabile », des chants de sirènes, fluides, lénifiants, qui la bercèrent longtemps, jusqu’à presque l’endormir. Emma était sa принцеса (princesse), son ангел (ange), sa прещип (fée). Ses angoisses fondaient, comme pastèque sous langue aux durs jours brûlants des étés continentaux, quand au bout de ses errances, Dieu lui offrait cette grosse coque verte, oubliée dans un champ. Puis sa main se perdit dans la sienne, quand céda son cœur d’argile. Lovée dans les larges cuirs du gros tank noir, la tête appuyée contre l’épaule de son Prince, elle s’endormait. Ses chairs tendres, tremblantes aux cahots des pistes poudroyantes, auguraient des jours blafards…

La ville l’éblouit…

Les lumières crues de Sofia mangeaient la nuit et lui mordaient les yeux. Des gens, partout, qui riaient ou marchaient à pas pressés, frileux, le cou dans les épaules. Cette première nuit éclairée de sa vie, l’affriolait et l’affolait tout autant. Elle se pelotonna contre son beau seigneur comme un animal craintif, et lui serra le bras. Sa tempe sonna douloureuse et son épaule tuméfiée l’anesthésia, le souffle coupé, après que Nikifor l’eut violemment repoussée, d’un coup de coude assassin, sans même tourner la tête. La peur lui mangea le ventre, brutalement, l’aveuglant. Une sensation pire que la soif, la faim, le froid, lui broya la tête, la privant de penser. Elle venait de rencontrer la terreur, la vraie, la noire, celle qui sidère à jamais…

Plus un mot désormais, mais les horreurs à venir. Du fond de son corps meurtri, elle hurla en silence. Le cercueil noir freina des quatre disques et crissa dans le gravier. Une main, qu’elle ne vit pas, l’empoigna par la nuque et la jeta dans un cul de basse fosse, au fond d’une cave enténébrée. Elle s’écroula sur un bat-flanc, contre un mur aveugle. Un soupirail, mal fermé par des planches disjointes, laissait filtrer la lumière grise d’une aube livide. Chaque jour que durerait son crucifiement, on lui jetterait un pécharma froid et un verre de yaourt aigre. Il ne fallait pas qu’elle perde ses rondeurs, ni son teint de safran. Le temps fut aboli. Emma ne vivait plus qu’un présent de pierre lourde, attendant, recroquevillée, que le prochain fauve malodorant lui perce le ventre ou lui brise les reins. Elle subissait, hagarde, les assauts vulgaires répétés, ne sachant plus distinguer ce qui aurait pu être plaisir, de ce qui lui déchirait les tripes. Elle aurait voulu s’arracher la peau, se bourrer le ventre de cailloux, se coudre les lèvres à vif et se remplir la bouche de goudron chaud, pour échapper aux avilissements répétés. Cela dura plusieurs éternités. Elle se lavait à l’eau croupie, caressant d’une main mécanique le minuscule orvet qui s’était glissé sous sa couche crasseuse. L’animal, à sang froid, la réchauffait pourtant.

Longtemps après que le désespoir l’eut quittée, quand les glaces des douleurs réitérées l’eurent dénervée, deux molosses vinrent la chercher et la trainèrent au rez-de-chaussée. La lumière de l’hiver finissant lui perça les yeux de ses aiguilles acérées. Le silence régnait dans la pièce aveuglante. Des femmes la lavèrent, l’apprêtèrent, la recouvrirent de bijoux éclatants, de crèmes précieuses, de soies vivantes et de brocards anciens. La douceur de leurs mains lui parut étrange, quand elle vit la dureté de leurs regards et l’âpreté de leurs traits. Mais son corps, bleui par les coups, creusé des petits volcans éteints des mégots écrasés, piqueté de divers confetti andrinoples, se délectait de ces doigts qui voletaient sur lui comme oiseaux de paradis. Un plaisir sensuel et doux la comblait, sa conscience faiblissait. Elle flottait. Apaisée, elle ouvrit les yeux sur deux pointes noires vernissées. Les femmes avaient disparu. Emma, lentement remonta les bottes glacées, le cuir lisse d’un pantalon, le gilet court ouvert sur la tâche bleu-nuit d’un satin brillant, pour s’arrêter sur l’or d’une grosse bague ciselée. Le conditionnement repris le contrôle de ses sens, elle n’osa aller plus avant et s’immobilisa, pubis collé au sol, corps à demi levé, bras tremblants et tête basse. Une main légère glissa sous son menton, lui relevant lentement la tête. Les deux yeux verts de Nikifor la fixèrent de leurs ondes aimantes qui l’hypnotisèrent à la seconde. Sa bouche fondit sous la sienne qui lui croqua les lèvres. Le plaisir monta lentement sous les caresses lentes, les promesses et les fausses hésitations. Emma quémanda, Nikifor sourit, la prit au ralenti pour la coller au mur d’un coup de rein bestial. Il lui sembla des heures, qui ne furent que minutes. L’orgasme cinglant la brûla jusqu’à l’âme. Collée au corps de son maître, elle s’endormit un peu…

Adossé aux coussins épais, il la regardait, satisfait de son investissement. Cette idée le fit sourire. Il tenait à la main un verre précieux, taillé vulgairement, comme un diamant de pacotille, à demi plein d’un jus rubis. Le Domaine Boyar 1990, un pur Gamza, son vin préféré, rutilait dans le dernier rayon du soleil mourant. Il le huma d’un nez distrait, le regard absorbé par le corps gracieux au déhanchement enfantin, allongé et confiant. Les fragrances de fruits rouges oxydés, relevés d’une touche sauvage, l’excitaient pourtant. Il avala d’un trait le vin translucide qui lui laissa furtivement en bouche le goût des dernières framboises. Les tannins épais et rustiques lui encrassèrent le palais. Il aimait ce vin râpeux et grossier. Sa main courte et trapue, aux ongles bréneux, excoria légèrement la peau fragile, qui frissonna en se crispant un peu. Emma geignit mais ne bougea pas. Nikifor sourit, satisfait du dressage.

Elle était prête !

L’enfant, qui sortait à peine des brumes du plaisir, sut que le pire, longuement, restait à venir…

Au petit matin d’un de ces petits jours glacés qui gèle les os des rares passants en vadrouille, quelques années plus tard, on ramassa un corps mutilé au visage grimaçant. Autour du corps nu exposé aux regards, les légistes qui l’examinèrent, sortirent, blafards, tour à tour de la salle blanche. Même les plus aguerris eurent du mal à s’en remettre.

Démantibulée, brisée comme une poupée désaimée, Emma ne souffre plus…

EMOBLÈTIMECONE.

FÈVE BÉATIQUE.

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D’après S. Mallarmé. Rêve Antique.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Elle sait ce qu’il lui donne, l’oblongue au bain marie

Doux sanglot déversé durement éprouvée

Comme la folle au nid criant toute inondée

Le baveux sur ses reins pleure bon, elle rit.

–—

Dans son berceau, vit barbu, feule, l’emplâtre,

La boire, glisser au fond de la vasque éplorée ?

Elle mord le gland vain et se gorge du bellâtre,

Comme la prune, bouillante, du salaud miel craché.

–—

Son bois qui tel un phasme se posait sur la chose

Comme une turne brûlante, un cilice en l’air :

Te rends, ô lune pâmée ! Berce de ton sein, ose

Ta main qui sait qu’un leurre accule, à tout leurre pervers.

–—

Elle sait ce qu’il lui donne, l’oblongue au bain marie

Doux sanglot déversé durement éprouvée :

Comme la parque au sang, liane à jamais rêvée,

Se méprend son soudard sous ses beaux flancs rosis.

J’IRAI TE FAIRE CRIER …

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La De fait sa musique.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

—–

J’irai te faire

Tourner, virer,

Sur ma queue,

Comme une toupie folle

Sur une barcarolle,

Je t’appellerai Carole

Pour la rime,

Et Céline

Pour ma pine,

Tu seras double,

Et tes eaux troubles

Couleront à jamais …

—–

Accroché à ton cul,

Je te dirai, ma grue,

Arrache moi les larmes

Du fond de mes reins,

Allez ma fée,

Rend donc les armes,

Et avale mon frein

Tu me dirais salace,

Défonce ma connasse,

Tout au fond de mon cul

Tu seras bien reçu,

Fouette cocher …!

—–

Quand je ne peux

Rêver, baver

Sur la peau

De mon destin,

Moi pauvre gueux

Te caresser,

T’aimer, dressé,

La peau lavée,

Regard crevé,

Âme qui bée,

Mon lapereau

Tout chaud …

—–

Alors soupire

Et ta lyre,

En délire,

Qui pleure

Sous tes draps,

Ta peau,

De taffetas,

Ton œil

Qui vole

Et se recueille,

Et ton rire

Sur mon bras …

—–

Dans le cocon

Où tu reposes

Comme une alose,

Pâle et ronchonne,

Ta conque sonne.

Ma lionne,

Je n’irai pas,

Bougre de con,

Sur tes melons,

Entre tes bras,

Oui toi mon rat,

Mourir de joie …

—–

Escarbille morte,

Comme une offrande

Aux cieux pervers,

Moi qui demande

L’absolution,

Oui sans façon,

Je force la porte

De bois bandé,

Par moi gravée,

Qui mène à

L’offertoire

De mes déboires …

—–

La tête basse,

L’âme si lasse,

Le ventre mou,

Caoutchouc doux,

La queue blessée

A marée haute

Je tombe et roule,

Et je roucoule

A tes genoux,

Écureuil roux,

Coeur fracassé,

Jambes brisées …

—–

Affreuse bile

Qui griffe mes joues,

Je vomis le temps,

Hais le ciel bleu,

Crache le sable,

Et tout le feu

Qui brûle si loin,

Funestes Dieux.

Souffle le vent

Dans tes cheveux

Parfums froissés,

Sous tes baisers …

—–

Sonne le glas,

Plissent les draps,

Chantent les anges,

Tout se mélange.

Pleurent les démons

Aux yeux vairons,

Qui sont cachés,

Sous tes draps,

Triste mésange,

Coup de fouet,

Gifles cinglées

Sur ton con …

—–

Un pèse dix,

Dix pèse cent,

Cent pèse mille,

Secondes,

La ronde,

Des minutes

La flûte,

Heures

Si lourdes

Palourdes,

Le temps

Me tue …

—–

Ainsi va l’attelage,

Que tirent et ménagent

Deux chevaux fous

De toi, pauvre Lilou.