Littinéraires viniques » Christian Bétourné

SUR LA BRANCHE DROITE DE L’ÉTOILE.

1920px-Van_Gogh_-_Starry_Night_-_Google_Art_Project

La nuit étoilée. V. Van Gogh.

—–

Sur la branche droite de l’étoile polaire le petit Prince conversait. Un humain qui serait opportunément passé par là n’aurait vu qu’un enfant soliloquant, pourtant la réunion était plutôt animée autour du sujet du jour « La pérégrination des âmes ». Toutes les grandes figures qui œuvrent à la bonne marche des mondes étaient rassemblées autour de l’enfant radieux. Tous ceux que les humains avaient révéré, ou adoraient depuis l’origine des temps, étaient là massés en foule bigarrée autour du blondinet translucide. En fait ils n’étaient qu’un, et seuls ces benêts d’humains croyaient, bon siècle mauvais siècle, à la multiplicité, et ces idiots de s’étriper au nom de Ahura Mazdâ, Thor, Quetzalcoatl et autres avatars !

L’heure était grave, tous s’interrogeaient. Sur terre les fourmis humaines, non contente de de battre entre elles comme des puces excitées sur les feuilles des rosiers, s’attaquaient maintenant aussi à Gaïa. Oui, d’un commun accord avec lui-même « Le Multiple en Un » avait fait sien ce nom. Un instant il avait hésité, le petit Prince lui préférait « La bleue comme une orange », mais l’avatar de deuxième rang avait eu beau insisté, plaidant la cause de la poésie source de paix et d’harmonie entre les homoncules, rien n’y fit et « Le multiple en Un » qui avait eu, mais peu de temps quand même, un faible pour la civilisation grecque, avait tranché pour Gaïa.

Mais quelle idée d’avoir créé, dans un moment d’ivresse mystique, cet essaim d’âmes innocentes, puis de l’avoir lancé, démuni de toute sagesse, dans les méandres sans fin du temps ! « Le M en U » avait cru qu’à se frotter à la dure vie sur terre, les jeunes âmes s’affineraient, accumuleraient les expériences, des plus atroces aux plus nobles, en tireraient les leçons, vies après vies, pour une fois venue la fin de la géhenne, accéder à l’immortelle sagesse. Alors « Le M en U » les absorberait pour en faire les guides de sa prochaine création.

Mais errare Deum est … Les nouveaux avatars travailleraient à suivre le chemin malaisé de la nouvelle fournée imaginée par « Le M en U ». Ainsi sur les voies impénétrables au commun des mortels, les humains devenus immortels poursuivraient l’Oeuvre Divine.

Tout cela aurait été bel et bien beau, mais … Oui il y a un mais, au fond du gouffre dense de l’incarnation les hommes peinaient à tirer les leçons de leurs ignominies, de leur férocité, de leur goût du pouvoir, et plus que tout, de leur absolue dévotion au veau d’or. Ils avaient beau inventer, église après église, dogme après dogme, repeindre au cours des millénaires « Le M en U » aux couleurs de leurs intérêts du moment, rien n’y faisait. Là haut dans les espaces infinis les Dieux en Un balançaient.

Les échanges allaient bon train entre de longs silences qui couvraient des siècles, parfois des millénaires. Ahura la lumière fulgurante brillait et chacune de ses paroles mangeait les ténèbres. L’éternelle lumière, transcendance des transcendances, voulait que l’humanité aille à son terme. Thor le colossal, à chacun des coups de son marteau géant, déclenchait de puissants éclairs qui faisaient trembler le cosmos et vaciller les planètes apeurées. Défenseur de l’humanité, il parlait d’exterminer les géants aux pieds d’argile érigés par les hommes corrompus. En un seul grondement de tonnerre il se faisait fort de remettre de l’ordre sur la planète bleue en déliquescence, et de renvoyer à la Matière Primordiale les irrécupérables. Quetzalcoatl l’enragé, ivre de pulque, grand dévoreur d’humains, agitait ses gigantesques plumes de serpent et hurlait jusqu’aux confins sidéraux, qu’il fallait d’urgence, d’un trait, un seul, exterminer cette engeance maudite. Le soleil lui même, ballotté par la force folle des agitations avatariennes crachait au travers des galaxies sidérées de longs tentacules de feu aveuglant, et nombre de galaxies effrayées se réfugièrent au fond des trous noirs. Le « M en U », l’omniscient, père de la création, se taisait.

Le minuscule Petit Prince, indifférent au vacarme, ce cillait pas. Au beau milieu du tumulte le fil d’argent de sa canne à pêche frémit, et le bouchon de pur diamant s’enfonça dans les ténèbres. Le silence s’installa quand il se mit à sourire de plaisir, puis à rire. Un gloussement délicat, un rire de perles, de pierres précieuses, de pétales plus chatoyants que des aurores boréales, un ruisselet de notes d’or et d’argent, d’orichalque et d’eau pure, cristallin à faire pleurer les anges, si beau que la musique des sphères, elle-même en oublia ses harmoniques !

Tout en bas, Elle et Lui, devenus Thibault et Wahiba, puis Foulques et Génevote, Ysoir et Béranger, Florentine et Zaca, accrochés au fil d’argent, muaient de peaux en peaux, lentement leurs âmes s’enrichissaient. Oui, ils étaient peu, très peu, perdus au sein de la multitude, qui, souffrances après souffrances, échecs après espoirs, inconscients de ce qui se jouait, s’évertuaient à surmonter les obstacles, attirés qu’ils étaient, comme de fragiles lucioles, par la promesse de l’amour rédempteur.

« Le M en U » l’omniprésent, la quintessence des quintessences, l’ultime recours, l’infiniment conscient, l’alfa et l’oméga, planait, plus léger que le plus fin duvet invisible, imprévisible, impénétrable et muet. L’enfant était l’Amour en Lui, fragile mais indestructible. Il ne regretta pas d’avoir appelé l’aviateur aux ailes brisées près de Lui. Non, foutre non !

Le petit prince ferma les yeux pour mieux y voir. Il s’élança comme un oiseau joueur au dessus des landes d’Écosse. Sur les hauts du vent hurlant le ciel était si bas que les nuages effilochés défloraient les bruyères. Les odeurs de sol mouillé, de tourbe et de suint de mouton lui parvenaient, et sur ses fins cheveux pâles l’air iodé de la mer proche accrochait des odeurs d’embruns. Et ses longs cils blanchissaient, s’alourdissaient sous le poids des petites bulles salées qui lui brouillaient la vue. L’air vif l’étourdissait un peu et il riait aux éclats. Oui l’enfant était joie, légèreté et amour tendre. Le jeu continua. Sous ses paupières il lui suffisait de dessiner d’autres paysages, alors il y était, tout simplement. Face à lui un vent de sable roulait sur les dunes, un vent orange venu de loin, qui surprenait tant le désert était jaune. L’enfant plongea, il aimait ça, raser les sols, épouser les surprises du relief. Il frôlait les amas de pierres grises, vert sombre, et même rouges, éparpillés sur l’immensité brûlante. Le soleil fouettait la terre et clouait toute vie au sol mais le petit s’en moquait comme de vêpres, il volait si vite et si près du sol qu’il laissait sur le sable des vagues régulières que les hommes ignorants attribuaient au vent. La tempête de sable l’enveloppa, les grains de silice le giflèrent, l’envahirent, mais cela ne le priva pas de vue pour autant, et il rit de plus belle quand un fennec caché derrière un rocher sursauta à son passage. Il s’arrêta net et plongea son nez dans la fourrure épaisse. L’odeur sauvage de la bête criant sa peur lui piqua les yeux. Il en pleura de plaisir.

Puis il vira et ses ailes diaphanes, invisibles aux yeux de chair, frémirent et chantèrent l’hymne des vies possibles, le ciel devint de jais brillant, les étoiles apparurent, radieuses à pleurer. Maintenant l’enfant planait aux confins des mondes connus, jouait avec les puits enténébrés qui relient les espaces et les temps. Le passé, le présent, l’à-venir ne faisaient plus qu’un. Le petit prince rayonnait, et de ses yeux d’émeraude pâle jaillissaient en longs jets de lumière intense les eaux translucides de l’amour. Et l’infini se révélait, et le « M en U » lui souriait. Les avatars se turent enfin.

Très loin de là, Elle et lui venaient de mourir, Wahiba pleurait, sans savoir pourquoi, Thibault qu’elle venait de poignarder, Béranger aux yeux crevés gisait dans la charrette, le sang de Zanca, sous les décombres de Venise, se mêlait à celui de Florentine. Les temps n’étaient pas encore venus …

Assis sur la branche droite de l’étoile, le petit prince fronça les sourcils puis sourit. Tout allait pour le mieux sur l’orange bleue, ça avançait bien. « M en U » devait être content, malgré les rugissements de ses avatars, Hollywodiens pour certains, Bollywodiens pour d’autres, sa création allait bon train. Enfin, vue de la branche droite …

L’OISEAU DE PARCHEMIN.

10477698_10204044140329306_888730938_n (2)

L’oiseau de La De perd ses plumes.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

—–

Terriblement rigide l’oiseau de parchemin,

Violemment perfide sur les eaux immobiles.

Prudemment allongée sur un sofa timide,

Tristement elle songe aux temps anciens volés.

Rudement molestée, assassinée,flambée,

Patiemment elle pense, oublie le volubile,

Abominablement seule, la foule des chagrins,

Acharnement stérile et les regards humides,

Larmoiements en bataille et les poignets noués.

Allégrement s’en va, le tarmac est désert,

Bouleversement des sens, au pied la pyramide

Accroissement, les angles et tous les os brisés,

Si rudement conquise, le coeur en cantabile.

Au cambrement des reins pliés sous le fardeau,

Candidement elle chante un air en fa mineur,

Et bravement elle dit des mots hauts en couleur,

Sordidement la vie a tiré les rideaux.

Furieusement cinglée par les vents désirés,

Déchirement léger des soies encore sauvages,

Grésillement, la peau et les cris dentelés,

Glissement et soupirs, croisements et ravages.

Très gravement penchée sur le vélin du temps

Le crissement acide des pinceaux empalmés,

Les grognements grondés retenus si longtemps

Et les soupirs fugaces des colères embaumées.

—–

Fourmillement des sens, embrasement des peaux.

OUVRE TES YEUX …

1606491_10201288227633211_1900641650_o

La Vision de La De.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

———-

Ouvre tes yeux, si bleus,

Ferme mes yeux, si vieux.

———-

Pourquoi ne pas

Dire que je sais

Ce que tu ne sais

Pas, barbe à papa.

———-

Ouvre tes yeux sacre bleu,

Ferme mes yeux, tu veux ?

———-

Gratte mon dos

Baie d’Ajaccio,

Le pain tout chaud

Sommeille, crapaud.

———-

Ouvre grand les deux yeux,

Ferme mes yeux, tombent les cieux.

———–

Aube dorée

Tu t’es levée,

Quand épuisé,

Je vais tomber.

———–

Ouvre les yeux mon camaïeu,

Ferme mes yeux honteux.

———–

Croque la pomme,

Fume la gomme,

Jus délicieux,

Pauvre rogneux.

———-

Ouvre l’un, je ferme l’autre,

Ferme l’un, ouvre la porte.

———-

Volcan éteint,

Au creux de la main

Passent les trains,

Le cœur serein.

———-

Ouvre les yeux, le jour sableux

Crisse les yeux de mes adieux.

———-

Et ta beauté, île farcie,

Déserts d’Abyssinie,

Pauvre bel Arthur

Tout en fêlures.

———-

Ouvre les yeux, un pas de deux

Ferme mes yeux, casse les oeufs.

———

Et tous les livres

Qui jouent du cuivre,

Nul ne m’enivre,

Comment survivre.

———-

Ouvre tes yeux, sourire radieux

Ferme mes yeux pas si joyeux.

———-

Au sommet du cratère,

Des courants frères,

Brûlent derrière

Les Condottières.

———-

Ouvre les deux, bondieu

Ferme mes yeux pardieu.

———-

Toutes les chipies,

Fond des gourbis,

Amours salies,

Tristes houris.

———-

Ouvre tes yeux sur ton azur

Ferme mes yeux sur ma blessure.

———-

Toutes les grenades

Des faubourgs de Bagdad,

Aux portes d’Islamabad,

Éclatent en myriades.

———–

Ouvre les yeux, cailloux soyeux

Ferme mes deux, pauvres pouilleux.

———–

Soleil triomphant,

Tu sonnes l’olifant,

Et tous les éléphants,

Désirs braillants.

———-

Ouvre les yeux, désirs foireux

Ferme les liens, chantent les gueux.

———-

Au fond de l’oeil,

Au bord du seuil,

Tremble l’orgueil,

Meurent les feuilles.

———-

Sur la mer de tes yeux, si bleus

Coulent mes yeux, boules de feu …

BUISSON CHARLES. MEURSAULT V.V 2013.

Meursault-Vieilles-Vignes-2010-Buisson-Charles

Mon premier « Buisson » depuis le millésime 2008.

En ce temps-là Patrick Essa était encore, mais de moins en moins, bien qu’encore très affûté – un sportif vigneron. Et là, en cet Avril 2013, froid et pluvieux, voici que je retrouve un vigneron sportif. Bien sûr le temps a passé pour lui et pour moi, mais je le soupçonne de s’adonner maintenant aux footing à quatre roues, nerveuses les roues, foutrement !

Ceci n’est pas que plaisanterie amicale, joyeux buveurs qui me lisez peut-être, car – il y a toujours un car tant qu’on n’est pas en Mai(s) – cet après-midi là donc, pendant que nous dégustions (Trois hommes dont un vigneron Bordelais qui redresse « La Voûte », un passionné de la Rive Droite et mézigue, et deux femmes, l’une humant en écrivant, et l’autre qui mine de rien ne perdait ni une goutte d’or, ni un mot, et qui a pour habitude de n’en penser pas moins), car donc, le truisme éculé qui veut que les vins ressemblent aux vignerons qui les accompagnent, à mon grand désespoir, moi qui pourfend d’ordinaire les lieux communs, je suis bien obligé d’avouer qu’encore une fois, ce jour-là, ce P ! de truisme à la c !, oui je le fessecon, m’a gentiment envoyé dans les cordes.

Bien. Et le vin dans tout ça ? Non, je ne vous ferai pas le coup du roi du pif qui détaille jusqu’aux ultimes fragrances des vins, j’éviterai aussi de me lancer dans une métaphore buccale suggestive à connotations gourmandes et féminines en vous listant les fruits divers et juteux qui se cachent derrière la rigueur des vins de Patrick, en découvrant comme il convient de le faire, que la particularité des terroirs qui portent les ceps dont proviennent les grappes mûres qui, judicieusement pressées, ont, après avoir traversé les affres des fermentations alcoolo-malolactiques et reposé aux flancs des rondeurs barriqueuses taillées dans les beaux bois de France et patati et patatraque, non !

Mais je vous le dis, comme je le pense, j’ai bu les vins d’un vigneron sportif que le temps a arrondi – certes un peu mais rien d’excessif dans les courbes élégantes de cet amoureux des vins et de la vie. Je vous dis plutôt que la race est là, que l’équilibre l’accompagne, que l’élégance n’est pas en reste dans les flacons qui ont rempli mon verre, que la relance et la fraîcheur sont parfaitement maîtrisées, que le sel a caressé mes lèvres, et que cet homme là a su mettre dans ses vins cette sensibilité, aussi discrète que subtile, qui l’habite, mieux et plus encore qu’il y a quelques années.

Et pour terminer, ce billet iconoclaste, vous assurer, à genoux devant la croix de la Romanée-Conti, que les vins que j’ai dégustés ce jour-là chantaient leur terre et les calcaires de son sous-sol. Peu disert le vigneron sportif, mais chacune de ses paroles était marquée du sceau de la réflexion, longuement menée au cours des ans. Le temps a fait son œuvre.

Enfin ceci dit, je suis bien certain qu’il n’a pas perdu son caractère de … qui le faisait jadis monter dans les tours, aussi haut que son splendide bolide d’aujourd’hui. Certaines lueurs dans ses yeux, subreptices, me l’ont confirmé.

FLORENTINE ET ZANCA.

albrecht-dc3bcrer-lion-1494

Le Lion de Saint Marc. A. Dürer 1494.

—–

Elle avait une jolie frimousse, des ongles sales, de petits yeux noirs, de ces yeux pointus au regard trop souvent perçant, glacial et méchant; mais chez elle il était étonnamment doux et confiant. Son visage au front bombé, à la bouche minuscule et charnue, rouge comme une burlat bien mûre, tout rond, un visage de porcelaine précieuse, un sourire de poupée ancienne. Mais une épaisse touffe de cheveux noirs bouclés l’auréolait comme une menace diffuse. Florentine était son nom. Elle seule savait la crasse sous ses ongles, alors la coquette, pour cacher la misère, recouvrait ses longues griffes de pigment rouge qu’elle volait dans les boutiques des broyeurs de couleurs. Giacomo Frataguzzi était l’un deux, il voyait bien le manège de la brunette, mais l’homme était brave et fermait les yeux …

Elle sortait à peine de l’enfance qu’elle n’avait pas eue. Une mère minée très jeune par la phtisie, toujours à fuir de bauges en taudis, à gagner trois sous à la force de son cul qu’elle avait large et capable d’accueillir plusieurs donateurs à la fois. Entre ses seins abondants, fermes jusqu’aux bouts bruns posés sur deux larges rustines pustuleuses, elle avait toujours su faire cracher au bassinet les imprudents rapiats qui croyaient avoir pu se soulager les génitoires à bon compte. Or donc une maîtresse femme qui ne s’en laissait pas compter. Ses errances continuelles laissaient Florentine tout à fait libre de grandir à sa guise. Alors elle courait toute la journée dans les ruelles étroites, dérobant un fruit par-ci, un bout de pain par-là, puis s’enfuyait en riant sur ses petites jambes nerveuses, sourde aux cris des commerçants qui la coursaient en vain. Dans l’encoignure d’une porte elle croquait le butin de ses rapines, l’œil aux aguets, prête à déguerpir à la moindre menace.

Dans la Cité de Saint Marc, riche et puissante, Florentine n’était qu’un petit chat noiraud, une pauvresse sans importance. L’eau courait sous les ponts de Venise charriant son lot d’immondices, et il n’était pas rare de voir dériver un cadavre d’animal ou d’homme parfois. Dans les ruelles on pouvait entendre les cris des hommes en lutte. A Venise, dès que le soleil prenait ses quartiers de nuit, dans les venelles étroites les fers prenaient l’air, des comptes se réglaient, des gens étaient assassinés pour d’obscures raisons. Les gondoles aux nez de rats, noirs et pointus, fendaient le courant de la marée montante. Florentine cherchait un abri, la pluie froide détrempait sa chemise rapiécée, les ponts étaient déserts, les hommes avaient quitté la ville en guerre. Francesco Bussone conduisait à la conquête des terres Lombardes une armée hétéroclite de mercenaires à la solde de la République de Saint Marc.

Elle se faufila par la porte entrebâillée d’une taverne enfumée de sa connaissance dans l’obscurité réconfortante de laquelle elle aimait à se réchauffer, elle se glissa entre les tables bondées autour desquelles des hommes, presque tous hors d’âge, taquinaient des prostituées déliquescentes et exténuées. L’unique pièce était sombre comme un cul de basse fosse, et les grosses bougies jaunes et coulantes, disséminées au hasard de la pièce, donnaient à la scène des allures infernales. Sur les murs sales les ombres des occupants dansaient comme des succubes en bacchanale. La jeune fille s’accroupit au coin de la cheminée, se frotta le ventre et les bras, secoua sa tignasse détrempée, et la chaleur du grand feu la réchauffa un peu. Près d’un des murs ruisselants, un jeune homme attablé la regardait à la dérobée. Florentine, habituée qu’elle était à se méfier d’un rien, s’en aperçut aussitôt. Grand, mince, le visage fin à la bouche large, aux lèvres minces surmontées d’un nez aigu, ses yeux pâles aux paupières lourdes laissaient filtrer au travers de cils sombres et recourbés un regard absent, rêveur, tourné sur lui-même. Des vêtements bleu nuit, informes, maculés et fripés, flottaient autour de son long corps maigre. Affalé sur son siège, ses jambes chaussées de hautes bottes fatiguées tressautaient par moment, la droite surtout tremblait continûment. Florentine lui trouva l’air fragile et inquiet. D’ordinaire distante avec tout ce qui était masculin, elle eut instinctivement envie de le protéger et se trouva troublée par ce qu’elle ressentait. Elle frissonna. Zanca fut surprit quand il croisa ces yeux brillants dans l’ombre. Au cœur de ces pupilles rétrécies les flammes de l’âtre se reflétaient, inquiétantes. Le regard de la petite ne cillait pas et la lumière vive de ses yeux de perles noires le transperça plus sûrement que la plus effilée des dagues. Il tressaillit et bredouilla dans sa barbe naissante qui lui faisait figure de lynx famélique. Le garçon était aux abois. Jusqu’à il y a peu il appartenait à la garde de Ermolao Donato le chef des Décemvirs. La mort récente de celui-ci le laissait sans le sou, et ses talents de spadassin sans scrupules ne lui rapportaient que misères. Juste avant que Florentine ne le cloue d’un regard à sa chaise, il se demandait comment quitter la taverne sans avoir à payer sa chope de mauvaise bière. Outre ce problème à résoudre, il surveillait fiévreusement, comme un animal poursuivi par la meute, à longueur de jour, se réveillant la nuit au moindre soupir sous le pont qui l’abritait, la moindre âme alentour. La garde de Donato était traquée, il le savait, et tous ses membres devaient disparaître.

Florentine observait les reflets mouvants qui se poursuivaient sur les murs de la taverne. Elle aimait, quand la vie lui donnait un peu de répit, regarder le monde. Les humains surtout, leurs dégaines, et ce qu’elle percevait d’eux confusément. Et l’étrange Zanca, qu’elle ne connaissait pas, contre toute prudence l’attirait. La petite, elle avait un peu plus de quinze ans mais ne le savait pas, se leva et s’en alla s’asseoir à la table du garçon qui baissa les yeux. A chaque fois qu’elle vivait une émotion particulière, Florentine sentait entre ses cuisses battre les flancs tremblants d’un cheval imaginaire, et l’odeur de la bête absente lui montait au nez. Face à Zanca, ce fut si fort que le cheval se cabra, ce qui la fit se redresser brutalement sur son siège et s’accrocher des deux mains au rebord de la table de bois brut. Le jeune homme sursauta, elle lui sourit simplement, les paupières du garçon s’affolèrent, il se recroquevilla un peu plus. Florentine y vit s’envoler un papillon et cela l’émut aux larmes. Sans se soucier de ce qui les entourait, la petite lui parla bien une heure sans presque s’arrêter, si ce n’est pour respirer. Le silence de Zanca ne la gênait pas, elle voyait bien à son regard qu’il l’écoutait vraiment, et la ride profonde qui marquait son front trahissait son intérêt. Par moments sa bouche frémissait, ses yeux se voilaient. Alors il se reprenait, redevenait méfiant pendant qu’il balayait du regard la pièce entière. Puis il revenait vers elle, se contentant de pencher un peu la tête pour surveiller discrètement la porte du bouge. La jouvencelle, de sa voix étrangement grave lui racontait Venise, ses chapardages, sa vie de bourlingue, ses petites joies et ses petits secrets. Elle gloussait par moment quand son histoire devenait triste, et son rire de mésange charbonnière, fait de trilles aiguës, mettait au plafond enfumé de la pièce de grand lavis de ciel bleu. Zanca oublia ses peurs et s’esclaffa à plusieurs reprises quand elle lui confia, en chuchotant presque, comment elle dépouillait prestement de leurs bourses trop lourdes ceux qui la laissaient s’approcher. Plus la foule était dense, plus les badauds au marché se marchaient sur les chausses, meilleure était la récolte !

La température montait dans la taverne, le feu ronflait et les boissons accentuaient la chaleur. Les esprits s’échauffaient, les rires allaient crescendo, les gaupes à demi renversées sur les tables étalaient leurs charmes fatigués sous les canailles avinées qui plantaient leurs chicots dans les chairs écroulées. Ça sentait l’aigre et le gibier faisandé. La porte s’ouvrit sous la poussée de gens d’armes bruyants aux épées d’acier luisant. Zanca se laissa tomber sous la table, Florentine se retourna et jeta à la face des soudards une bordée de quolibets bien sentis. Les rires fusèrent, qui décontenancèrent un instant la troupe, plus habituée aux réactions de peur qu’aux moqueries d’une enfant. La gamine, coutumière des fuites en catastrophe, prit le garçon par la main et l’entraîna vers une fenêtre ouverte à l’opposé de l’entrée. Ils bondirent dans la rue, vifs comme deux chats en chasse, et se mirent à courir de toutes leurs jambes dans la ruelle sombre qui descendait vers le canal. Florentine filait en riant, et Zanca, gêné par la flamberge qui battait sur son flanc, serrait les dents et peinait à soutenir la cadence. Le garçon glissait sur le sol humide tandis que les pieds nus de la pucelle faisaient merveille, évitant les obstacles du sol inégal, dérapant en souplesse dans les virages serrés. Bientôt il ne sut plus où il se trouvait, mais Florentine qui connaissait Venise comme sa poche multipliait les changements de direction, quittait les rues fréquentées pour des passages étroits et déserts dont les murs des hautes maisons qui les bordaient étaient presque à se toucher. S’ils avaient pu lever la tête, ils auraient eu peine à voir ne serait-ce qu’une des étoiles scintillantes qui constellaient le puits sans fond de la nuit Vénitienne. Bientôt les bruits cliquetants de leurs poursuivants s’estompèrent et le silence s’installa. Zanca à bout de souffle s’affala contre un mur, la jouvencelle, nullement éprouvée se laissa glisser contre sa poitrine. Il l’entoura de son bras, spontanément. Stupéfié par son audace il se dégagea aussitôt, mais la jeune fille se blottit plus encore. Il sourit dans l’obscurité. Le parfum musqué des cheveux l’entourait, il respira doucement et cela le ravit. Son souffle se calma, son corps aux muscles durcis par l’effort se détendit, il était bien, et se mit à espérer que cette quiétude odorante durerait infiniment. Le babillage de Florentine l’émouvait, elle lui posait mille questions auxquelles il n’avait pas le temps de répondre. La tête lui tourna quand deux lèvres humides et douces butinèrent sa joue. Sous ses paupières closes, un vol de colibris s’égaya.

Le sommeil les gagnait, ils respiraient en cadence, ils avaient chaud. On aurait cru deux oisillons blottis l’un contre l’autre dans un nid de plumes douillettes alors qu’ils reposaient sur le sol boueux d’une venelle crasseuse. Soudainement un bruit sourd venu d’en dessous de nulle part les fit sursauter, une tuile s’écrasa à côté d’eux, puis une seconde, puis plusieurs à la fois. Très vite des éclats d’argile dure les griffèrent ou crépitèrent sur les murs. En cette nuit de 1451 la terre tremblait violemment et Venise vacillait. Puis une pluie de pierres folles, de plus en plus lourdes, arrachées aux murs branlants des maisons, une pluie de caillasses, une pluie tueuse, s’abattit sur eux. Les deux jeunes gens terrorisés ne comprenaient pas ce qui se passait, les yeux levés ils voyaient trembler les étoiles, c’était comme si le ciel s’effondrait, comme s’il se désintégrait, et des pans entiers de la voûte céleste, noirs comme la peste, s’écroulaient sur la ville. Une tuile tranchante heurta le crâne de Florentine, le sang gicla et lui brouilla la vue, elle s’écroula à demi inconsciente. Zanca se jeta sur elle, la terreur l’avait gagné, ce qui advenait dépassait son entendement, mais dans un réflexe qu’il ne réfléchît pas il protégea de son long corps maladroit la petite blessée. Et se mit à pleurer.

La terre trembla à nouveau, plus longuement cette fois, la pluie de gravats s’intensifia, ça tombait de tous côtés, le garçon sentit jusqu’au plus profond de ses os la terrible rage des éléments, il s’allongea plus encore sur le corps de la jouvencelle inconsciente, et lui qui avait toujours détesté les croyants, leurs bondieuseries et les fastes insolents de l’église toute puissante, se mit à prier comme le dernier des pleutres. L’amour le submergeait, il promit à Dieu, à cette puissance voilée qui hurlait sa rage à la face des hommes en cette nuit de terreur, d’endurer les plus atroces supplices, il jura de jeûner aux pieds de Saint Marc, à laisser fondre jusqu’à ses os s’il l’exigeait. Mais Dieu demeurait sourd, inflexible et cruel, la terre en folie voulait exterminer cette race maudite, Dieu n’avait plus foi en l’homme.

Les hauts murs surplombant le couple enlacé qui ne faisait plus qu’un seul corps cédèrent d’un coup et s’écroulèrent lourdement autour des amants qui ne le seraient jamais. Et Zanca crut au miracle, Dieu les épargnait ! Mais la dernière pierre, plus lourde que la Marangona du campanile de Saint Marc, juste après que le silence fut revenu, écrabouilla les têtes fragiles des deux enfants. Dans Venise apaisée, seuls les cris des blessés épargnés par la fureur des cieux résonnaient encore.

Bien à l’abri dans les caves de son fastueux palais, Franceso Foscari, pensif, se resservit un verre de ce succulent vin de Vénétie qu’il affectionnait tant. Ses armées finiraient bientôt, une fois la terre calmée, par venir à bout de ces Lombards détestés. Dans la pièce d’à côté, les premiers bubons de la peste noire rongeait déjà les enfants du Doge …

LES LARMES DE TON ÂGE …

10573291_10202593336140108_1280829876_o

Sous l’oeil de La De.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

—–

Tu es l’ailleurs

Qui glisse

Entre mes doigts,

Le sable

Que nul ne retient,

L’eau qui tue

Par son absence,

Le vent

Qui balaie

Les feuilles rousses

Et dépouille

Les arbres…

—–

La lame

Qui déchire

Mon flanc.

Arrache moi

A la mort

Qui guette,

Souris moi

Au soleil

Levant,

Petite âme,

Jolie flamme,

Tu me desquames,

Et me laisse

A la rame

Trop longtemps …

—–

Chevalier noir

Du désespoir.

Tes poires …

—–

Sur le sable blanc

Qui borde la plage,

Je m’allongerai,

Sur le banc

Qui luit au large,

J’irai m’étendre.

Et j’attendrai

Que la lune

Soit pleine

Pour la mordre

A pleine dents,

Soleil

Sanglant …

—–

Je marquerai

Au rouge

Ta peau pâle,

Au fer brûlant

Tes seins

Opalins

Et mes doigts

Curieux

S’égareront

Sous ton jupon.

A ta menthe poivrée

Je m’enivrerai …

—–

Épée noire,

Bouclier blanc,

Fourreau gluant …

—–

Et tu ne voudras pas,

T’agiteras,

Te rebelleras,

Me cracheras

Au visage,

Les larmes

De ton âge,

Me grifferas,

A me tirer

Des perles

De purin,

Jusqu’à ce que,

Je meure

Du mien …

—–

Goule,

Ma houle,

Tu roules …

—–

Arracher ta cuirasse,

Jeter au feu,

Ton bouclier,

Extirper

De ton cœur,

A pleine bouche

Vorace,

A me briser

Les dents,

Tout ce qui

L’étouffe

Et me bouffe

La rate

Au court-bouillon

Mon raton …

—–

Oeil du diable,

Tes tours pendables,

A cheval sur mon râble …

—–

M’enflamme,

Me brûle

Ou me glace,

Selon que souffle

Sirocco

Ou Noroît.

De proche

En loin,

Mon coeur,

En quartiers,

Se prend

Pour la lune

Qui monte

Ou décroît …

—–

Trémousse moi,

Dans ton détroit,

Engloutis moi …

—–

Ma gaulée,

Au sourire

Gaulois,

Qui me laisse

Pantois,

Mais droit

Comme un « I »,

Au fond

De mon lit,

Jusqu’au jour,

Où,

Ce sera

Lou-garou

Et Lilou.

Je me garde

Debout …

DES BOUQUETS NOIRS.

11158117_10203921190575639_383614996_n (2)

La Zig De Zag.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

—–

Foutu comme l’as de pique

Visage de porc-épic

Une vraie tête de zig-zag

Des yeux comme des aimants

Et ce regard très vague

Qui n’est pas très perçant.

—–

Le soleil a fondu

La pluie s’est abattue

Chaque fois qu’il est sorti

Les rues se sont vidées

Le monde s’est aplati

Les enfants ont pleuré.

—–

Crois-tu que j’ai hurlé

Ameuté le quartier ?

Non je lui ai souri

Pauvre femme ou bel homme ?

Qui avait l’air transi

Me prends pas pour une pomme.

—–

Dites bonnes gens charmants

Armés de vos tridents

Vous devriez plutôt

Allez il est grand temps

Faire la bête à deux dos

Et vous limer les dents.

—-

Personne ne comprend rien

A ma petite chanson

Seuls les chats et les chiens

Ronronnent à l’unisson

Moi même je me demande

Si je m’appelle Cassandre ?

—–

Le soleil s’est couché

Puis il s’est relevé

Quand on ne le voit plus

C’est pas qu’il est perdu

C’est qu’il laisse la lune

Montrer son trou du cul.

—–

Une histoire sans morale

Je préfère avoir mal

Plutôt que de baver

Mieux vaut loin s’en aller

Cueillir des bouquets noirs

Sous les soies des peignoirs.

ZOULOU, MÊME SI …

12047352_10204846681472333_1150337642_n

L’étrange papillon de La De.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

—–

Je suis,

Le reître

De tes Seins,

Qui se dressent

Pour moi.

Les fruits,

Du roi.

Au claquement

Humide,

Torride,

Languide,

Turgide,

Du lingam,

Si fort,

Métaphore

De mon doigt …

—–

Je suis,

L’ami,

Le frère,

Dans la ouate

De la natte

Qui pleure,

Langue rose,

Qu’enfle

La soif,

Velours

Tressé,

Dos courbé,

Et qui

Miaule,

Bouche

Édentée,

Pour son lait …

—–

Je suis

L’entomologiste,

Hermès,

Trismégiste,

Qui te cloue,

Papillon

D’émeraude

Taillée.

Couteau

Gluant,

Au lit

Qui tremble

Sous tes reins,

Te plante,

Ma lente,

Toi qui

Poudres

Mes yeux

Qui plongent

Dans les tiens.

Viens …

—–

Je suis.

Celui qui

Hume

Dans le vent

Le parfum doux,

Mon ange

Bleu,

Qui enlace

Tes cheveux.

Partout,

Zoulou,

Tes brumes

Me parfument

Tu es, ma Lou,

Mon enclume,

Ma prune,

Pas brune

Pour un sou,

Partout …

—–

Je suis

La ceinture

De chair

Qui enserre

Tes flancs

Qui dansent

Au rythme

Fou,

Ma bayadère,

De tes délires

Brûlants.

Sanglant

Je meurs,

Pur beurre,

Me noie,

Suis

La proie

De tes doigts.

Ta bouche

Me mouche,

Je louche …

—–

Je suis

Puni,

Meurtri,

Flapi,

Groggy,

Zoulou,

Chou,

Caillou,

Mes reins,

Lombaires,

Tu es ma chair,

Mon air,

Ma vie …

—–

Ma palette est large

Et mon pinceau

Furieux!

—-

Alors,

La sève

Brûlante,

Perdue,

Cherche

Ta vasque

Accueillante,

Étroite,

Serrée,

Pour dépôt

De bilan.

Jus de gland,

Miel d’amour,

Intérêts

Payés,

Rubis

Sur toi.

Délivre moi …

—–

A l’écrire,

Je sens l’émoi

Monter en moi,

Se concentrer

Au bout de la tige

Qui larmoie,

Déjà …

—–

Au fond du jardin,

Ma dolente,

Pantelante,

Sous l’arbre à fruits

Qui bruisse

Sous le zéphyr,

Au puits,

J’irai croquer

La cerise rose

De ton désir …

—–

Pierres

Concassées,

Concupiscence

Exacerbée.

Marteau broyeur

De ton cœur.

MA CARAVAGÉE.

11118318_10203915808761097_1485460978_n (2)

La De en piqué.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

 —–

 Ma Caravagée épique abeille bleue

L’azur lumière aiguë à l’obscur de tes yeux

Hiver sérieux brumeux lourdes morts offertes

Il fait si froid si cru à clouer la fenêtre.

Aux arbres en squelettes pendent les silhouettes

Des amis de Villon décharnés à la lettre

Tous les mots oubliés des amours de vélin

Et les regards éteints crevés des cristallins

Les soleils adoucis au pinceau de Vermeer

Les azuleros cinglants l’astre de Grenade

Les naseaux écumants le fumet des manades

La terre est au silence les couleurs dissoutes

Les platanes figés le long des longues routes

Qui mènent à la mer. Dans le silence salé.

—–

Humeur déliquescente et le spleen remontant

Du ventre des vieux livres souvenirs entêtants

Aux chairs déchirées aux pages décortiquées

Les ronces épineuses fichées aux os des âmes

Les souvenirs perdus sur la mer qui brame …

—–

Les larmes ont séché un grand rire a jailli

Le tissu du grand ciel s’est ouvert tout en bleu.

FRELONS D’AZUR.

Sans titre 1

Frelons d’Azur

Rauques

Timides

Aux paupières d’Arménie

Frangées de songes

De nuits d’Or

Hésitantes et ardentes

Palpitées et chuchotées

Crème de cerise

Vampée musquée exquise

Gouffre d’onde sèche

Billes de pur mercure

Fluides et glacées

Éloigner ce qui pourrait

Museler ce qui saurait.

—–

Tes yeux, mon âme.

—–

Aux parfums emprisonnés

Mélancoliques miroirs

Piquetés de rires fous

Aiguillons de Saphir souple

Étincelles de tendre Zéphyr

Versatiles

—–

Mon âme, tes yeux.

—–

Torrents d’enfance

Caracolent

Dévalent mes flancs

Neiges ensoleillées

Éboulis chaotiques

Avalanche punique

Débâcle entre mes hanches

Laves éternelles

Au bleu lapis

Nacré de noir cobalt

Et d’asphalte pourpre

Brûlent mes lèvres

Ouvertes

—–

A jamais.