ALLO, TU VIENS COPAIN???

Faut-il encore le présenter ?

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Que les souffreteux, les étroits du col, les bloqués de l’épigastre, les énervés du bulbe, les Jansénistes, les précautionneux, les pieds plats, les locuteurs mous, les bas du bulbe, les porteurs de Rolex, les chasseurs de tendances, les mothers-fuckers; enfin tous ceux qui ont peur de vivre autant que de mourir, ne me lisent pas… ce qui suit ne les concernera – Dieu soit gagé – jamais!!!

Un moment de solitude plus lourd que les autres ou alors l’envie toute simple de voir un bon pote et partager avec lui. Solide, liquide, fluide, gazeux, vaseux, brumeux. Tout, même ce que tu ne sais même pas que tu penses! Lieux communs, confidences, moments graves des vies en joie ou en douleur. Enfin, en joie, c’est plus rare. Oreille attentive, regard qui comprend et acquiesce, indignations à la française, blagouses lourdingues, «de bite et de broc». A souhait. Rires fous, larmes à fleur, comme des enfants qui se retrouvent. Comme avant, quand on était encore «avant la vie».

Tu sais que les émotions, au mieux les sentiments, les emmerdes et tutti quanti vont déborder. Alors tu te dis qu’un vin franc, droit, sans fard ni chichis (que ça Monsieur, ça s’est pas vautré dans le Tronçais, des années!). Oui un vin qui n’occupera pas trop le devant de la scène. Qui vous laissera tous les deux vati-ratio-ciner, dégoiser, bavasser, geindre, hurler et vous fendre grassement la pêche, tranquilos!

Allo? Oui, c’est moi. Pour ce soir c’est foutu…Ben oui, je sais c’est con, mais Anne Sophie a son yoga (version Bo(bo)urge), Ginette a son club de macramé (version «j’vais pas vous faire un dessin»?). Bon, je comprends, ce n’est pas grave, une autre fois, salut mon gars…

Vertige du désespoir!

Simone n’est pas là, t’étais peinard. Un bonne soirée avec ton pote. Et vlan! Misère et putréfaction! Alors tu appelles Vanessa. Une bonne copine, sympa. C’est tout bon, ça va le faire. Elle a un côté simple mais copieux, direct mais rebondi, franc mais ferme, un vrai mec. Sauf que… Elle est libre? D’accord. Elle est déjà en route? Alors tu fonces à la cave (enfin ceux qui en ont une), au pire chez le caviste d’à côté (c’est à dire à cinq bornes). En fin fond de misère du trou du cul du monde, tu déboules en GD. Enfin tu te grouilles!!!

Mais non! J’imaginais seulement, histoire d’aligner des mots!! Tu n’as que quelques marches à descendre, parce que t’es un winner. T’as LA cave, hypergrométrée, avec des murs sains, un sol gravillonné que tu ratisses tous les week-end. Une température commak, hiver comme été. Tu lis la RVF. Quand même! T’as tout ce qu’il faut posséder. T’es au top de la vibe. T’es hype la mort de ta race! Alors tu descends. Tu fermes les yeux, tu te diriges au radar dans les longues et lourdes rangées, chargées de tous les grands flacons qu’encensent Bobby, Michou, Thierrou, Tigrou et leurs cohortes de frères en componction.

Tu tends la main, au hasard qui fait bien les choses (les truismes ne te font pas peur parce que t’es aussi un top-linguiste, un vrai structuraliste. T’as lu Benvéniste, Chomsky…). Tu sens entre tes doigts le col fin d’une bouteille fraîche. Un frisson te glisse le long des lombaires (et comme une fraîcheur dans les bas étages…). L’escalier te semble léger, les marches moins nombreuses, tu sifflotes. Sous la lumière tamisée du salon, tu regardes l’étiquette : Domaine Nicolas Maillet, Bourgogne Aligoté 2008. Ah l’Aligoté, un vin qui libère! Enfin, enfin, quand il est bon!

C’est parfait. Le Vin de l’Occasion, à la hauteur de l’évènement qui ne pourra qu’être conquérant. Un vin vif, frais. Tu le connais et tu sais que derrière sa fraîcheur, il ne manque ni de matière, ni de fruits mûrs. Léger, roulant, glissant (pour les top-tendance, je dirais même qu’il est d’une totale «digestibilité» et d’une parfaite «buvabilité»). Qui n’a connu que les fulgurances high-tech de l’inox. Tu sais qu’à la première gorgée, la bouche gagne en pureté, l’haleine se fait aérienne et les soupirs peuvent monter en toute quiétude.

Allo? Oui Vanessa?

Ah bon. Bien sûr, bien sûr. Une autre fois, cela va sans dire. Allez bon courage…Non, non, je comprends bien, la vie commande. OK, OK.

Dans copain, il y a «pain». C’est bien aussi, c’est même essentiel! Dans…

Pas de copain, pas de copine, reste la bibine.

Mais tu te reprends.

Le Nicolas fait du vin et le fait bien. C’est pas du vin de bois, mais du jus de Maillet, sacrebleu! Alors, tout seul, tu défonces… la bouteille et tu remplis ton verre aux formes graciles et féminines. À moitié. Manière d’en avoir sous le nez, de sentir le poids du vin autant que le choc des arômes. Tu lèves le Graal de cristal, aux absents, à leurs femmes et à ceux dont l’artilleur dit qu’ils les … Tu te hausses sur la pointe des pieds, pour capter les diffractions aveuglantes du soleil couchant, au travers de l’eau de vin blonde. Les rayons brisés, aux couleurs d’arc-en-ciel vibrant, te vrillent les pupilles. Tu maudis Vanessa et toutes celles qui t’ont massacré l’âme tout au long de tes misères. Magnanime, tu les, «ego te absolvo», parce que tu as le cœur tendre et la plante des pieds tannée par tous les chemins cahoteux qui t’ont conduit jusqu’à ce jour de solitude abjecte. Tu penses à tous ceux qui vont ronronner, inonder le web des bonheurs des vins partagés. Qui vont vont bêler aux lunes de toutes les rousses qu’ils ont aimées. Qui vont encenser, les vrais potes sur qui on peut compter et qu’on ne peut compter qu’au travers des amitiés qui ne copinent pas… C’est pas que tu sois en colère, non! Mais la série épaisse de désertions molles et de râteaux acérés, t’ont, un chouïa, fait bouillir le bulbe jusqu’au bout de la racine! De toute façon tu vas dénoter dans la cohorte de toutes celles et «toux ceux» qui vont sortir le vin des copains en ce «Vendredi du vin» (Sainte Iris, merci pour tout), qui vont ânonner les belles vertus qui vont avec, qui vont dessus, qui vont dessous… Alors, mon gars, lâche toi, fonce à donf, et donne leur ce qu’ils n’attendent pas. Sûr qu’à côté des douceurs, ça va faire piment. Mais tu t’en fous parce qu’au bout du compte le piment, c’est pour ton… Pas pour le leur!

Nicolas Maillet. Aligoté 2008.

La robe est jaune, pâle, rehaussée de reflets verts. Le nez est très élégant, vibrant, pur, sur l’acacia, la pêche blanche, les agrumes, la banane mûre, le coing. C’est cristallin comme un Chardonnay du Jura!!! Une belle fraîcheur, autour de tout ça, qui fait saliver. La bouche est à l’unisson. C’est bon, poire, agrumes, citron, c’est puissant, vif. Ça se boit avec plaisir et gourmandise et ça peut s’enchainer grave!!! Un vin qui rit dans la bouche. C’est long, fruité, frais. ..Pains et/ou ..Pines auraient adoré. Vraiment super fun de chez Outre-Atlantique!

Tous comptes défaits, c’est pas plus mal. T’es là, à moitié vautré dans ton canapé, seul comme un thon en mer rouge. T’as de l’espace. Tu peux virer tes puantes, te gratter les châtaignes comme un verrat onosubate Lourdais, quand le curé a déserté la sacristie. T’es pas mal, en fait. T’es ton meilleur copain. Qui est toujours dispo, lui. Ceci dit Belle abbesse, je vous emmènerais bien boire au ciboire jusqu’à la lie…

Un des tous meilleurs Aligotés de l’année.

Je me demande si ce n’est pas plutôt lui qui m’a bu!

EVIMOVETILEVINCONE!