Littinéraires viniques » 2014 » avril

LE DÉLIRE HÉROÏQUE.

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D’après A. Artaud, Le navire mystique.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Il se sera mordu, à jouir dichroïque

Aux chairs, où boiront bon mes lèvres distendues ;

Et ses outrances lasses se seront dissolues

Danses blafardes des fiels horribles, des héroïques.

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Un vers de soie, mais ronde sa trique énergique

Insolemment soumise au marbre de son cul

Et la lyre de son sein sacré sera tendue

La lampe près du phare aux fruits mosaïques.

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 Affolé par les deux, palabres solitaires.

Il se complaît au pieu, et enfin, à la paire

Il démarre sans cahots, heureux au fond du nid.

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Le bambou bien beurré songe dans le cratère.

Si ointe jusqu’au bas qui semble bien enduit

Par le gland métrique, dur, à la moelle lunaire.

CHIP AND CHEAP …

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La De a vu ça …

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Les femmes en hystérie oestrogénique,

Hurlent et trépignent pour qu’on les nique,

Sainte Nitouche, Lolita, et grosse bique,

Se jettent, connasses voraces, sur les triques.

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Les vaches folles en farandole.

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Les cons dansants, l’oeil vague, le soir venant,

Se trémoussent et gloussent comme des flans,

Huilés, fardés, pommadés, les beaux poulets,

Super sapés, tringlés, jusques aux pieds.

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Les bœufs baveux font leurs gommeux

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Les sexes glabres, en poche le gode, tous à la mode,

Et ça pleure, et ça beurre, sous les commodes,

Ça house, ça rappe, balance, même ça tangode,

De Ibiza à Ankara, jusqu’aux Pagodes.

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L’âme moderne des calcifs.

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La zik à fond, les culs rasés tous ronds,

Ça sent le suint, la chienne et le melon,

Cyrano de Vezon, Roxane de Vierzon,

Les billets glissent, poisseux, dans les caleçons.

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La poésie du fonds des pieux.

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Les femmes à la folie, qui rient, en techno transe,

Les cums graissés, poutrés, comme des phalanges,

Ensemble s’agitent, mystiques étranges,

Pendant c’temps la, Marcel à la boulange.

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Femmes de peu, mâles de pneu …

GENGIS, ALVEAR ET CHOCOLAT…

Jean Michel Basquiat.

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Sur un banc. Fatigué d’avoir à supporter les dos grouillants des misères. Affalé mais pas trop. Gengis sommeille.

Faut dire que le régime qu’il s’inflige est sévère. Mais il aime ces rêveries semi inconscientes, ces flottements, ces états lumineux clignotants, border line entre béatitude et terreur à se chier dessus. Dans sa presque torpeur, déformé comme un mirage en plein désert urbain, au loin, tremble la silhouette de Mahmoud. Impassible Gengis la gargouille sourit derrière la bouillasse fatiguée de son visage épais. Il oscille comme un pendule entre souvenirs et réalité… Les lames de bois usées du banc l’accaparent, l’hypnotisent, l’appellent, l’absorbent. C’est une faculté rare qu’il ne partage qu’avec lui-même, ces plongées intimes dans le cœur obscur des choses. La béatitude artificielle le rapproche – fraternité incertaine – du royaume des Saints extasiés qui contemplent la Vérité. Avec eux, il partage – ironie de Dieu – un peu seulement du monde des pouvoirs simples. Voyage entre les atomes, les principes, au plus près de l’essence. Au ras du vert anglais écorché de l’antique peinture, il roule le long du pinceau parkinsonien et dégoulinant de Pollock. Puis Basquiat l’enlace entre les briques rouges de l’enfer…

Livry Gargan, ce nom résonne dans la forge de son âme. Ce nom fort lui a plu. Gargan surtout et ses «G» virils, après cette sucette de Livry féminin. L’ivresse de Livry l’a pris une nuit qu’il flottait entre deux rames du métro, cette flèche souterraine, lombric insatiable, avide, qui creuse sous le bitume mortifère et digère les chemins rédempteurs de ceux qui n’espèrent plus. L’air tiède et odorant des rames pulsantes l’enchante. Les miasmes, les crasses humides qui s’agrippent, toutes lourdes molécules prégnantes offertes, aux longs poils blancs qui débordent en touffes confuses de ses narines largement épatées, lui disent l’histoire douloureuse des épaves fatiguées, entassées dans les carcasses bréneuses des wagons agités qui lui secouent les reins. Dans ces moments de bonheur intense, Gengis exulte, communie, le cœur au bord croûteux de ses lèvres tuméfiées. Les chairs abimées de son faciès plusieurs fois recousu, masque figé, cicatrices blanches et bourrelets bruns épais, le protègent plus efficacement que tous les artifices des femmes packagées qui parfois s’égarent en frissonnant, raides accrochées aux barres d’acier inertes des clapiers ambulants.

La douceur de Li la minuscule lui manque plus que la beauté arc-en-ciel des fleurs frêles qui couraient le long des lianes perlantes et torturées de la forêt dense. Maman Li qui l’avait pondu debout, jambes écartées, yeux clos, souffrance aiguë, dans une ruelle sombre qui se perdait entre les taudis maudits de Saigon la martyre, avait emporté avec elle la raclure d’amour qu’il avait connu. Quelques os de moineau fragile, quelques couches de chair maigre, un triangle jaune percé de deux fentes vives, deux lèvres en parenthèse fines sur des chicots verts acérés… Maman Li souriait encore. Ad vitam… Dans sa tête. De son enfance vietnamienne, entre violence sidérante et napalm, il avait gardé le souvenir paisible de la baie d’Ha Long. La nuit sous ses cartons humides il revoyait à l’horizon les vagues rouges qui couchaient au loin la haute mer des palmiers. Leurs têtes surnageaient un instant, puis de l’épaisse fumée âcre qui roulait comme une soupe grasse surgissaient des rasoirs de feu qui les embrasaient comme des toupets d’étoupes… Pour fuir ces terreurs acides il avait embarqué au hasard d’un port, tremblant de quitter l’horreur pour trouver la férocité du monde…

Le jour recule. Gengis monolithe de barbaque épaisse ne bouge pas. Les passants pressés ne tournent plus la tête quand ils captent à la volée sa silhouette inquiétante. La vue de ce corps hors norme, noueux, emmailloté à la diable de couleurs vives, d’informes tissus superposés, ce corps qui mange à lui seul la moitié du banc exacerbe leurs peurs latentes. Et ce visage dissymétrique qui semble avoir été recousu par une Mary Shelley en furie, noir, grêlé et luisant comme un magma refroidi. Comme une pierre de ponce brune et de jais mêlés au hasard d’une éruption. Posé droit sur la masse athlétique. Une tête de nègre caricaturée par un nazi. Le long de son dos des ombres qui accélèrent, la peur griffe leur les reins. Gengis a compris depuis longtemps la leçon des lourdes sentinelles de calcaire noirci de la baie d’Ha Long. D’entre les planches étroites et patinées du banc une lueur dorée agace soudain son œil fendu. Ce chas étroit, bridé, à la paupière courte est la seule indélébile marque physique que Li lui a laissé. Le reste de sa carcasse, ce matelas compact bourrelé de muscles surpuissants et de tendons saillants est la marque de son géniteur. La brute animale qui explosa l’étroit bassin cristallin de Li à grands coups de reins comme un bison en rut, un soir de défonce à Gò Vấp, lui a légué son Alabama natal et ses mains à casser des cornes de taureau.

Sur le gazon râpé du square Gengis ramasse d’un geste étonnament vif et doux un objet tout propre recouvert de papier doré froissé. Sous l’or un carré noir luit sous la lune, propre, neuf, pur. Les forêts poisseuses, les insectes affamés, la fatigue, la chaleur moite du Venezuela, la faim surtout l’envahissent brutalement. Souvenir terrible des années de folie quand il faisait son mercenaire fou pour une poignée de dollars et de la coke à gogo. Puis l’éclaircie soudaine dans le mur vert, l’entrée à Chuao, les fèves de criollos qui expiraient en craquant sous ses rangers tandis qu’il découpait à grandes rafales de P K, femmes, enfants, vieillards et nouveaux nés. Un sale orgasme brûlant qui lui graissait le treillis. Et cette odeur ineffable de crème douce, de chocolat, d’épices, comme un mélodieux contrepoint à l’infâme… Dans le silence retrouvé la forêt se taisait alors. Assis au milieu des fèves sèches Gengis les faisait un moment chanter dans ses mains. Ces cliquetis clairs et purs l’apaisaient. Groggy, anesthésié par les endorphines, apaisé, affamé, il les croquait ensuite à pleines poignées. Ces souvenirs le traversent, le déchirent, et l’emportent au temps des morts anciennes entre deux souffles rauques.

D’un cabas crasseux qu’il ramasse sous le banc Gengis sort une bouteille presque vide. Elle dépassait du goulot dans une poubelle croisée ce matin. Le flacon propre, sans doute bu la veille, est orné d’une étiquette flavescente sur laquelle il déchiffre ALVEAR PX XIMENEZ 1927. Sans réfléchir il se mouille la bouche d’une courte lampée, histoire de faire fondre le carton qui l’empâte. La surprise est totale quand un vin huileux et frais le nettoie et lui parfume durablement le palais. Rien à voir avec le reginglard acide, ami de l’estomac, qui lui massacre ordinairement l’œsophage. Comme s’il découvrait la douceur de la vie. Qui le rend délicat quand il enfourne, lèvres pincées et dents prudentes, le carré de chocolat «Pur Chuao». La rondeur sucrée du cacao l’envoie en volupté immédiate. Eclatent ensuite comme autant de fusées goûteuses des parfums musqués, les jus mûrs des fruits rouges et de la passion puis un cortège d’épices, badiane, café, cannelle, vanille, tabac, une ronde fleurie enfin, fleur d’oranger, hibiscus. Une larme minuscule roule entre les plis bosselés de sa joue quand une belle gorgée de vin perce la pâte tendre. Le chocolat se liquéfie en se mariant à l’élixir. Au feu d’artifice cacaoté s’unit la musique du PX. C’est un sirop de vin qui lui remplit plantureusement la bouche d’une sève onctueuse aux saveurs de pruneaux, de café, de caramel au sel, d’épices douces, de cannelle à nouveau et de sirop de cabane. Chocolat et vin s’unissent intimement à ne plus pouvoir savoir reconnaître Montaigne de Du Bellay ! Une expérience de tendresse inédite pour Gengis qui sent disparaître son habituelle sauvagerie. Puis la finale s’étire à n’en plus pouvoir, tendre mais fraîche, et laisse au palais du barbare un voile très fin de liqueur de cassis autour de laquelle roule en soie fine la vanille réglissée du chocolat…

Sous sa capuche sombre rabattue jusqu’au nez Mahmoud piteux Dark Vador de banlieue l’observe. Dans ses doigts serrés au fond de sa poche, entre un kriss et une barre de beuh, il malaxe nerveusement un sachet de crack…

Gengis sourit en levant le poing vers l’ange noir qui l’épie.

ESUMOATIVECONE.

GUÊTRES A VERNIR.

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D’après “Poètes à venir” de W. Whitman.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Guêtres à vernir ! Glandeurs, ferrailleurs, patriciens en délires !

Je ne sais ce que fuis à brailler et déchirer la nuit,

Laids poux, cervelles à masturbation, dure nuisance sacerdotale,

Jus qui bande, sacré lulu, Osez tout ! Partout donnez à crever.

Coi, je ne crie pauvre charlot chétif pour saillir ;

Droit, je lance à tout vent et tout le temps, lourd passé à vomir derrière le chant funèbre.

Je ris des hommes qui chantant au fond des reins éberlués, enfournent leurs dards blafards, vers mous, et crient puis enfournent.

Vous tuant de loin à ruminer et si peu rire,

En enfilant tout mou le général.

LE DERBITE TOURNEUR …

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Dessin aérien de La De.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Il danse à poil ou à vapeur,

Selon le temps, le vent ou l’heure,

C’est un rêveur, suceur de pleurs,

Quand il vire comme à Izmeur.

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L’oiseau blanc toutes fleurs …

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Il psalmodie, chante et prie,

Engoncé dans ses organdis,

Il saute parfois sur son lit,

Autour de lui, luisent les vits.

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Le Derbite d’amour en folie …

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Toutes les femmes alentour,

Se pâment, graissées d’amour,

Et roulent leurs billes de velours,

Leurs chairs sont folles sous leurs atours.

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En bas, en haut et à rebours …

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Elles crient son nom comme on prie,

Quand il a yeux et âme pour Ali,

Il aime aussi, jolis, les érudits,

Et les roses fendues, l’oubli.

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Tendre Derbite au cœur meurtri …

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Alors il pleure, il ne sait plus,

Fesses tendues, ou seins velus,

Quand il tourne comme un fondu,

Il sait qu’un soir, mourra pendu.

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Derbite mon frère bien trop têtu …

C’T’APRÈM, GINETTE LA GARCE VA CHEZ L’GYNÉCO …

Krishnamurti Costa. Ginette ?

Oui, ça y’est, j’en ai marre de faire ma choute sous la plume chipoteuse de cet enfoiré de Littinéraires Viniques ( ta mère comme d’aucuns, à juste litre, se moquent ) ? Allez c’est bon, je jette bas le masque, j’fais plus mon mirliflore (un mot à la con, ma dernière concession – c’est aussi bien que Wine session – , à cette plume aussi poseuse qu’acariâtre, avec ses anacoturluttes à la mords moi l’mont ). Et me voici comment que j’suis en vrai, à poils et à varices, en bas de contention troués, sous mon peignoir râpé qu’était rose avant d’tourner crade, et qui ferme pus et qu’on voit mon cul à faire un pique-nique en famille, tellement qu’il est élimé (mon peignoir pas mon cul, lui y s’rait plus souvent limé que j’dirais rien), prête à larguer mes rotoplos sur le zinc. Sauf que mon kil de rouquin je m’le dézinguerai c’soir, vu que c’t’aprèm j’ai gynéco !

Alors c’en est fini des romances à trois balles, des histoires à faire loucher mon chat, des phrases, « absconses » qu’y disent, et des chichis à la con. J’m’en vais vous causer d’la vie, d’la vraie, d’celle qui sent la rillette le dimanche et l’pâté la semaine. D’mon tous les jours quoi, d’ma vie de pov vieille garce qui s’emmerde plus qu’elle baise. Passe qu’à part l’Gustave qui m’farcit l’entre deux quand il est pas trop bourré (L’Gustave, pas ma fente), c’est à dire pas bien souvent, j’vous jure que j’me fais bien chier entre la table de cuisine et l’pot d’géranium !

Bon, ben aujord’hui c’est spécial, j’le vois tous les dix ans mon Indiana Jones du spéculum. J’aime pas trop ce genre de spéléo, sont trop froids ses bazars, ses fourchettes à huîtres flagadas, et c’te casque à lumière, ça m’rétrécit la rigole. Moi j’préfère quand ça m’chauffe et qu’ça m’fait monter l’eau au ras du lavabo, c’est meilleur pour la fête à minette. Quand qu’c’est comme ça, fini Ginette la Garce, là j’tourne direc Ginette la salope, pas genre chouchou coincée sur le dos qui bouge pas en comptant les mouches au plafond. Ah, non !!! C’est pas tous les jours qu’ça défouraille, alors le petit chauve, j’te le soigne, j’te le travaille à mort, faut qu’y m’donne tout, vu qu’moi, j’y vais à fond. C’est que j’suis vieille et moche, une ruinasse ! Alors j’compense par d’l’activité, j’arrête pas d’bouger, d’tourner comme une toupie molle sus l’dard du gars. A l’rendre aveugle. Et lui y m’dit après, putain t’es une sacrée toi, tu t’y connais dans les agaceries. T’es une gigoteuse ! Faut t’trouver la grotte sous l’gras, mais quand qu’on y est, ça souque à mort ! T’es la reine d’la barre à mine qu’y m’disent. Kerzauson, à côté d’toi, c’est rien qu’un manchot. Moi j’aime ça m’flatte. Dommage qu’y m’donnent pas un bouquet d’fleurs après.

J’aime les roses …

Les belles, les Ronsard, celles du jardin des autres, passe que moi, j’en ai pas d’jardin, j’ai qu’mes pots d’géranium. Sont beaux, j’les arrose. Sauf que l’chat, l’aime pisser d’ssus. Alors j’le zieute ce fumier, j’te l’chope, et j’y arrache une touffe pour qu’il oublie pas qu’y peut pas. C’est pour ça qu’il est tout brindzingue mon Youki, oui, j’l’appelle comme ça. On dirait un tapis plein d’trous. Ouais bon, c’est un nom d’chien, mais j’m’en fous, c’est Youki, et c’est tout !!! Toutes façons ça lui plait, vu qu’y m’a jamais rien dit.

Bon ben c’est pas tout ça, mais faut que je m’prépare. Ben ouais c’est grande toilette. C’est pas la langue de Youki, par-ci par-là qui ? C’est bon quand j’sors pas, et j’sors jamais, sauf pour les courses, mais j’m’en fout. Mais là, y’a du décavage à faire un peu partout, passe que, quand j’écarte devant l’toubib, j’aime pas quand ça craque. Deux trois brocs d’eau dans mon tub, une brosse d’chiendent, un pavé d’savon d’marseille, et j’me frotte dur la couenne. L’eau noircit vite, la crasse dégouline et ça sent la moule à l’ail dans ma turne. Youki, y s’barre sous la commode, il aime pas les éclaboussures et y s’lèche la toison en faisant des mines d’duchesse. ! Ouais faut que j’vous dise que dans ma baraque, y’a pus l’eau courante, et qu’c’est moi qui crapahute dans la cour pour remplir mes bassines. Y z’ont fini par m’la couper l’eau, vu que j’ouvre jamais l’courrier et que j’paye pas. C’est qu’j’ai pas trop d’sous. Ils z’osent pas me virer passe que j’suis trop vieille … Et y veulent pas d’histoire avec l’quartier, mon quartier que j’suis la reine depuis toujours. Enfin j’l’étais quand qu’j’étais jeune et qu’mes oestrogènes y’faisaient baver tous les matous du coin. J’en ai connu des bourgeois ! Y z’ont pas oublié les secousses que j’leur ai filées. Y’me protègent depuis ! Maintenant, j’suis la vieille duchesse de mes deux, increvable et intouchable. Moi ça m’va. Le boucher y m’file un peu de barbaque, l’épicier, des vieux légumes, des fruits pas trop pourris et j’me régale. Même Youki, il a droit à sa ration d’mou mou un peu puant. Mais lui, y s’en fout, il aime quand ça pue. Sinon y pourrait pas m’approcher, sauter sur mes genoux et ronronner comme une bouilloire, pendant que j’sirote mon verre avec des croûtes de frometon. J’aime bien les rogatons d’fromage, c’est le meilleur qu’a du goût. Alors l’épicier, y m’gâte, ça lui coûte rien, ça , et moi j’m’en fous plein la lampe …

Y’a pas grand monde dans la salle d’attente. Que d’la vieille bourge qu’a ses habitudes, qui vient s’faire reluquer chez tonton Gaston. Il les suit depuis leurs premières saillies, y connaît la musique. Quand j’entre, elle reculent dans l’fond d’la salle, les vieilles peaux. Elles savent bien que j’leur ai fait leur fête à leurs vieux gars, dans l’temps. Elle m’lont jamais pardonné ces coincées d’la ducasse à popaul, ces vieilles molles toutes raides, qui savent pas chalouper en cadence pour faire grimper leurs notaires aux rideaux ! Y s’fait vieux l’Gaston, l’est plus trop à la pointe, mais pour s’faire explorer les tubulures, ça suffit bien. C’t’un gynéco à l’ancienne, y travaille avec ses doigts et sa lampe de mineur. Y farfouille là-d’dans, y va vite fait au fond des choses, y ramasse un peu, y regarde si l’jus est encore bon. Y parle pas, moi ça m’va. Pis y m’fait pas payer. Une p’tite gâterie en douce, à genoux sous l’bureau, il aime, ça passe mieux quand y’a plus de dents, ça l’rassure, vu que j’tremble un chouïa quand même. Mais à chaque fois qu’j’lui enchante la flûte, il est tout drôle, y bafouille, ça m’fait peur. A la main y résiste mieux, mais y préfère ma bouche, y dit qu’c’est comme avec un steak chaud. Moi j’m’en fout du moment qu’la consult est gratos, j’veux bien lui faire avec les pieds. Les vioques toutes ratatinées sur leur siège, elle font des moues d’chihuahua, elles serrent leurs pifs tout crémeux et balancent des « pfffiiooouuu » toutes les cinq minutes. Pourtant j’m’ai lavé, merde ! C’est p’t’être mes loques, j’ai remis les mêmes. Ouais j’fais comme ça, j’change toutes les s’maines, je replie bien tout et j’remets dans l’armoire. Passé trois s’maines, j’lave dans mon tub avec l’eau d’ma toilette, un doigt de Paic et deux gouttes d’javel. C’est bien la javel, ça neutralise, sauf qu’ma serviette, j’ai beau l’arroser, elle reste grise et collante. J’fais comme ça, ça m’va, mais là, y’a qu’deux semaines, alors ça schlingue un peu. Pourtant j’ai fait ma Marie Antoinette, j’ai bien poudré et j’ai mis du qui sent bon qu’jai chouré à Monoprix. Mais bon les chochottes elles aiment bien m’emmerder comme ça, mine de rien ; elles la ramènent pas, vu que j’te les reclaque vite fait. Elles deviennent rouges comme des dindes à Noël, elles s’étouffent à moitié, mais elles trouvent rien à répondre, elles mouftent pas, deux trois p’tits cris aigus, et elles s’barrent en serrant leurs gros culs d’gravosses. Tout dans les fringues, rien dans la gueule. Alors pour moi, c’est d’la crème au beurre ces putes honnêtes qui font leurs fières.

J’aime bien la mode, ça m’rappelle quand j’étais luronne, ronde de partout, mais du ferme qu’avait pas peur de Newton. J’avais les lolos les plus fiers du quartier, y regardaient la lune, bien ronds avec d’belles tétines roses. Maintenant, sont plutôt raplaplas, Newton, il a fini par les avoir. Y’a rien d’plus triste que des bonbonnes vides qui t’regardent les genoux …

Salut Ginette, y’m’dit, l’roi d’la foufoune. Pis y s’tait, y laisse faire ses doigts. Y change de gants toutes les trois moules, ça lui fait des économies. Comme ça, y sont bien huilés et j’sens presque rien. Moi d’en haut, j’vois qu’son crâne tout nu, on dirait la pleine lune tellement qu’il est blanc et plein d’cratères. J’suis bien, ça m’chatouille un peu, c’est toujours ça d’pris ! Gaston, y ramasse un peu d’purée, y r’garde, pis y’m’dit, c’est bon, c’est pas pire qu’l’année dernière. La prochaine fois, tu t’laveras un peu mieux, passe que là, y’a des croûtes qui restent, ça m’gène pour rentrer. P…… ! L’enfoiré, j’ai tellement râclé qu’j’avais l’panthéon plus rouge qu’un cul d’babouin. Faudra que j’m’asseye une heure dans l’eau chaude avant de m’récurer la bête, le temps qu’ça fonde ou quoi ? Et qui c’est qui va devoir gratter l’tub à la pierre ponce, après ? Pis Pilate y’s’lave les mains deux fois, pendant que j’manque m’assommer en filant sous l’burlingue. J’lui fais son affaire vite fait, j’avale tout. C’est que j’becte pas d’la protéine tous les jours, alors je m’gave.

Et dire qu’si c’était Strauss Khan, j’serais riche à dollars !

La nuit tombe, plus noire que l’trou du cul d’mon taré d’Ursule quand qu’il était encore vivant. Maint’nant il est mort l’pauv, ça fait vingt ans. Un soir, il est rentré pas tout seul, avec une sacrée muflée dans l’musette. Y pouvait pus parler tellement qu’il était plein. Il a crevé la nuit, y s’est étouffé dans son vomi. Le salaud, y m’a bien fait chier jusqu’au bout, y m’a pourri les draps. Et qui c’est qu’a dû frotter tout l’tintoin? La Ginette, comme d’hab ! Il aimait ça la bibine, y buvait qu’du bon, sauf au bistro où qu’il éclusait du pichtegorne, vu qu’il était plus radin qu’un riche. Oh, on l’était pas pauv, l’Ursule l’avait d’la monnaie qui lui v’nait d’ses vieux. On aurait pu s’la couler douce mais c’putain d’pingre, y lâchait pas sa thune facile. Enfin, ça allait quand même, et y partageait son pinard avec moi. Du bon, du en bouteille, avec des belles étiquettes en couleurs. Y m’en reste plein. C’est qu’l’Ursule, l’avait une tite bite paresseuse, mais une grosse cave.

Alors ce soir, j’vas m’en claquer une, à sa santé !

Une tite jeune, qu’il avait rentrée juste avant d’clam’cer. J’vois pus très bien et l’étiquette a presque fondu, c’est qu’la cave, elle est plus humide que moi dans l’temps. Ah ouais, RomaSaint Viv1990 de chez Dro..in ? Bof, j’m’en fout. Du moment qu’c’est rouge et qu’ça glisse bien … Ben faut vous dire que l’soir, quand j’dépucelle une tite fiole, j’aime bien me coincer dans mon fauteuil en rotin, çui d’Emannuelle à poil dedans, avec Youki qui gratte sur mes gambilles ; enfin maint’nant c’est plutôt genre gros poireaux  tous plein d’poils mes gambettes, mais bon. Y gratte, y gratte le minet, l’est nerveux, y’a plein d’copeaux qui tombent quand j’enlève mes bas, avec d’grandes traces blanches sur ma vieille peau sèche. C’est toujours ça d’propre qu’a pas mangé d’savon, j’me dis. Donc, mon fauteuil, Youki la brosse, et du Chopin. Je m’sors un vieux disque d’sa pochette à moitié déchirée et je m’le colle sur mon Teppaz. Ouais, ouais, j’sais bien, c’est pas du gâteau, genre France Musique, ou genre, la chaîne à 20.000 balles, mais ça m’suffit et j’emmerde les noeuds pap !

Y’a que l’verre d’l’Ursule que j’lave toujours, jusqu’à qu’y soit beau et transparent. Ç’t’un truc qui m’est resté d’lui. Faut qu’c’soit propre qu’y disait, et qu’ça sente rien. Dans l’verre, houa, c’est beau c’te pierre précieuse toute brillante qu’on dirait un rubis. Je pose mon nez d’ssus l’bord, enfin la moitié, vu qu’mon nez c’est comme qui dirait une vieille courgette trop mûre. J’ferme les yeux. Et j’cours dans l’jardin d’mon grand père où qu’y avait plein d’fruits que j’croquais, en juin, planquée dans un coin. Mais quand y m’voyait ma bouche toute rouge, y disait rien l’Gédéon, y souriait dans s’grosse moustache blanche, avec du jaune d’la Gauloise qui pendait sur l’côté. Ça sent bon, trop bon, que j’pleure un peu dis donc ! Ouais c’est que l’vin, quand il est grand, ça m’fait ça, et y’a pus qu’ça qui me l’fait. On dirait même que j’sens la cerise qui croque sous mes chicots. C’est marrant comme rien qu’l’odeur, ça m’ravigote ! J’ai l’coeur qui sourit, et l’Youki aussi, on dirait presque. Dans la bouche, ça m’fait comme un miracle, comme si Sainte Thérèse elle m’embrassait. C’est du jus du bon Dieu, c’vin là, y devraient en boire plus souvent à l’messe les curés, y s’raient moins cons. Plutôt qu’à nous faire peur et à s’taper les enfants d’coeur. C’est que j’le sais moi, y’en a un qui m’la dit. Suis allé l’voir l’curé, j’y ai dit, si t’as l’battant trop dur sur la cloche, viens m’voir et laisse l’gamin tranquille ! L’a rien dit. Bon ben l’jus, il est caressant, l’a pas l’air comme ça, mais il est costaud, y t’remplit la bouche, mais tout fin, tout gracieux aussi. Avec une grosse pâte d’cassis avec du suc dessus qui m’fait des frétillements dans m’bouche et des frissons sous m’jupon (c’est rien qu’pour dire, passe que des jupons j’en mets pas). J’l’avale, même plus qu’un verre, et l’vin est toujours là, y quitte pas ma bouche, même quand j’l’ai bu.

Longtemps, longtemps…

Pis je m’suis endormie, au chaud dans ma sueur et mon p’tit bonheur, avec Youki qui roupille aussi et la bouteille vide posée à côté du fauteuil. Et Chopin qui tourne à vide toute la nuit.

Quand je m’réveille, l’Teppaz y fait, cratch, cratch, cratch …

Comme moi quand je m’gratte.

EMOMORTTIAUXCONES.

BRANQUE AUX CALANQUES.

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D’après Appolinaire. Les Saltimbanques. Alcools.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Dans la reine, ses deux seins,

Empoigne d’un bond ses reins

Bavant, glisse, verge frise

Comme un barge, les cerises.

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Et les charmants se font gluants,

Les apôtres disent en pleurant,

Foutraque, beurré, bout très digne

Dents de sagouin et luit la vigne.

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Au fond les doigts, blonds et gelés,

Le velours de l’anneau foncé,

Lourd le sphinge, beau pinaillage

Jette donc tout sur son visage.

PIERSAN TOURNE AU SAHDU …

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Sous le regard Persan de La De.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Piersan, lassé des ors du golfe, s’est envolé,

Vieux tarmo convaincu, sa bécane il a laissée,

Pauvre haridelle, au garage rouillée,

Il l’a durement, sans pleurer, abandonnée,

Pour s’en aller rejoindre deux autres illuminés,

Anciens exacerbés, aux bénéfices voués,

Sur les terres vierges, ils s’en sont, trois, allés,

Sages rishis, saints prajâpahis ont atterri,

Sous le soleil écarquillé, en terre brûlée,

Une vie pauvre, d’ascète, ils ont choisi.

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Piersan, ailes de feu, bel esprit, l’ange,

A quitté la pompe des royaumes étranges,

Las des profits qui dépouillent pauvres êtres,

Veuves ruinées, et grands fastes du paraître,

Faut bien un jour de folie gagner son karma,

Partir, espoir au cœur, oublier falbalas,

Blondes évaporées, hôtels particuliers,

Comme un sādhu, un naja baba, aux marchés,

Sur sa planche à clous pointus, il est va-nu-pieds,

A mendier, psalmodiant de longs et beaux mantras.

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Et tous les beaux émirs, ne savent plus que dire,

Et les grands financiers aux grands yeux aveuglés,

Ne cessent plus, poches vides, de pleurer, de gémir,

Leur si bien bel ami aux idées, le génie

Des plans obscurs, le prélat fou de Luxemburg,

Qui montait de beaux plans lucratifs, lui le pur,

A disparu jour maudit qu’ils étaient partis

Pousser la balle, puter, sur les gazons maudits,

Au bords des rivages tièdes de la belle Miami,

Piersan de Florence leur a faussé compagnie.

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Les trois illuminés coulent des jours heureux,

Au bord du fleuve Gange coulent les eaux de peu …

LES REVIVISCENCES DE VLAD LIKHYI …

Dimitri Tsykalov. Meat.

La plaque de verre luisante et sombre masquant le visage de la silhouette argentée déambulante qui se glissait en souplesse entre les décombres gluants de boue – si noire qu’elle semblait de charbon – ajoutait un frisson de peur brûlante, au fur et à mesure qu’elle s’approchait, à l’inquiétude vague qu’elle déclenchait tout d’abord. Mais les rares survivants qui croupissaient dans l’immonde cloaque que les jours passants finissaient de pourrir, voyaient s’approcher cet être aveugle, comme un messie galactique, comme un dieu profane échappé d’un manga… Alors ils oubliaient les douleurs, la soif et la faim et fermaient les yeux de bonheur. Qu’ils n’ouvriraient jamais plus sans avoir même su qu’on les transvidait… Les crochets éburnéens de Vlad arrachaient les gorges offertes des mourants. Le suceur se gorgeait du sang pâle qui lui rosissait les yeux. Le flux tiède des globules anémiées l’apaisait à peine.

Depuis que la terre, comme un chien agacé qui s’ébroue, avait négligemment secoué les puces humaines aux pâles faces cireuses, six jours étaient passés. Vlad qui dormait profondément, à l’abri dans une crypte lointaine oubliée depuis des siècles, avait été sorti de sa torpeur hypnotique par l’odeur délicieuse du sang, le cinquième jour. La soif atroce avait creusé son visage verdasse. Il n’était plus que cuir sec tordu, ongles fendus, tendons distendus, regard vitreux et lèvres craquelées. Son visage sans âge, lisse comme une peau de tam-tam, n’exprimait que souffrance, rage, et désir de sentir couler dans sa gorge râpeuse le liquide incarnat, poisseux et chaud sans lequel il serait condamné à souffrir horriblement. La Charogne le regarderait éternellement. De son oeil jaune sans paupière. Ricanerait en silence, mais jamais ne le délivrerait. Seul le sang, le bon sang, le pur sang, le saint sang, le bel élixir de vie, lui redonnerait la force et dissiperait le brouillard glacé qui lui broyait lentement les os. Alors Vlad avait fermé les yeux. Il lui suffisait de vouloir pour voyager. Au travers des fibres de l’espace courbe, par delà les limites du temps aboli, le maudit se mouvait. Sa malédiction avait des avantages. Certes il ne copulait plus – seul plaisir approximatif dont il avait gardé mémoire – comme du temps de son humanité, mais il inoculait à tout va, s’épargnant les désagréments de l’élevage, de l’éducation, de la rebellion. Souvent, se rappellant les tortures anciennes de la compagnie des femmes, il se réjouissait et remerciait Satan de l’en avoir à jamais délivré. Il avait quitté le monde étroit des petits orgasmes compulsifs, ces spasmes vagues qui duraient le temps ridicule de l’avalée d’une gorgée de vin, pour entrer en pays d’extase perpétuelle. Mais à condition unique d’avoir de la chair fraîche à broyer, d’entendre croquer les cartilages, éclater les larynx, puis de sucer, plus goulu qu’une goule, les humeurs exquises de la vie en partance… Derrière son épaule droite, La Camarde le remerciait, d’un geste de la faux qui le traversait en chuintant, lui arrachant un rictus de plaisir.

Vlad s’interrogeait. Derrière le masque de verre noir, dans la combinaison grise étanche, il était à l’abri des morsures mortelles du jour. En arrivant sur les lieux de ce que les hommes appelaient la « catastrophe naturelle », ce tremblement de peau de la terre, puis de la montée de l’eau, vague noire hérissée de débris divers qui l’avait privé de vies fraîches, il s’était dit « in petto » que le voyage n’en valait pas la peine. Alors qu’il s’apprêtait à repartir dans les replis de l’espace vers son refuge, il avait senti les cliquètements des atomes en transe qui le chatouillaient. Vlad en avait pleuré de rire, de ce rire gras, hoqueteux, caractéristique des seigneurs de sa race. La mer avait balayé la côte et les dérisoires « centrales nucléaires » aux coeurs desquelles, les petits humains fragiles puisaient leur énergie, étaient en pièces. Ah, ah, ah ! Vlad glapissait de joie comme une tour sous séisme de force neuf ! « Merci mes proies de vous préparer ainsi à mon repas de chairs juteuses et de moelles irradiées » Avant que les rayonnements accomplissent leur oeuvre, Vlad savait bien que le festin serait aussi long que copieux. Le sang coulerait abondamment et son corps recouvrerait souplesse et beauté. Le manteau vert électrique de son aura rechargée, n’avait pas fini d’illuminer sa nuit d’éternel affamé.

Mais au pays du soleil levant les hommes avaient pris peur et se terraient, portes barricadées, dès le soleil le couchant. Le jour ils s’affairaient en nombre à la recherche d’éventuels rescapés, obligeant Vlad à se dissimuler sous les boues encore humides, les poutrelles tordues et les carcasses concassées des civilisations vaniteuses. La rage, l’impuissance le gagnaient. La soif le reprenait. Toutes ces chairs encore fraîches qui le frôlaient, le plongeaient dans une transe silencieuse. Seuls les ridules qui agitaient la surface mouillée de son linceul de fortune auraient pu le trahir. Mais les sauveteurs qui fouillaient les masses informes des villes abattues, exténués mais opiniâtres, ne se doutaient pas qu’une strige chasseresse, hurlait en silence sous leur pas.

Des rivages de Mare Nostrum, agités par les révoltes arabes, l’odeur violente du sang, qui pulsait en geysers glutineux dans les sables du désert Lybien, lui parvint. Déjà les forts parfums du cinabre en giclées visqueuses sur les sables isabelle surchauffés lui retroussaient la lippe. Vlad écoutait les cris des rebelles exterminés par les troupes mercenaires de l’ogre de Tripoli. Cela fleurait bon les épices. Alléché par ces odeurs exquises, il plongea dans les souvenirs de sa jeunesse Bourguignonne, au temps ancien des moines de Cîteaux, quand le jeune novice qu’il était alors, au soir d’un jour de dur labeur dans les vignes, buvait à la régalade les jus frais du pinot. Les vins de la Côte de Nuits et leur parure de rubis profond étaient ses préférés. Leurs arômes sauvages, leurs fragrances fortes de gibier mariné, leurs jus corsés, fruités et frais, ravissaient son odorat et comblaient sa bouche avide, lui annonçant sans qu’il s’en doute, les tribulations à venir. C’est ainsi qu’après avoir été initié par un suceur de sang de passage qui lui mordit l’aisselle une nuit qu’il pissait à la pleine lune le vin de Vougeot dont il avait abusé, il bascula dans le monde obscur des lycanthropes.

Le sang des hommes remplaça le vin de la vigne, à jamais. Il passa du plaisir des sens à la nécessité vitale et gagna l’immortalité.

Sa conscience, engourdie par la boue tiède qui l’ensevelissait, flottait dans ce passé dont il avait oublié l’épaisseur temporelle. Seule la nostalgie vague des ceps en foule et le regret diffus des vins de Nuits émergeaient. La profondeur de l’espace et la clepsydre qui pleurait lentement le temps n’étaient plus que souvenirs, translucides comme sang anémié. Vlad Likhyi avait traversé les siècles, et les agitations spasmodiques des humains l’avaient grassement nourri. Dans l’Ordre Secret des Succubes Infernaux, il était un Maître désormais, qui assurait comme un métronome cruel la perpétuation de la race. Les empyreumes des sangs, souillés par le feu et les bitumes qui fondaient sous la chaleur du désert, se faisaient entêtants. Omniscient, Vlad savait que Mouammar, l’abracadabrant bédouin d’opérette était prédestiné, et qu’il le rejoindrait bientôt au royaumes des Démons. Du tréfonds des abîmes pandémoniaques, la voix douce de l’Architecte des Abominations susurrait qu’il lui revenait de droit d’anathématiser au plus vite le sinistre impétrant. Son séjour Asiatique le laissait sur sa faim et les petits êtres jaunes, qu’il pressait d’un croc distrait, n’avaient pas la puissance épaisse, savoureuse et nourrissante des sangs orientaux dont il raffolait. La nostalgie des grands crus d’antan, qui n’avait pas faibli, rythmait encore son destin…

Sur les mâts brisés des navires japonais lacérés par les mâchoires démesurées du cataclysme marin, les corbeaux, crachats noirs sur le paysage désolé que la neige épaisse peine à adoucir, attendent patiemment le moment de déchiqueter les viandes putréfiées à venir…

Vlad s’est matérialisé au sommet d’une dune, ronde comme la hanche dodue d’une pucelle innocente. Sous le dôme de jais du ciel sans lune, les étoiles brillent comme des yeux maléfiques, et clignotent arythmiques, sur l’argent étanche de l’armure protectrice qu’il a définitivement adoptée. Derrière le plomb translucide de la visière fuligineuse, ses yeux de citrine sale rutilent.

Debout, jambes écartées sous le velarium qui prolonge sa tente, le Guide Suprême caresse sa légion d’honneur et sourit….

ETERMORIFTIFIEECONE.

LE MÂT ET LE BOISSEAU.

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D’après Prévert : Le chat et l’oiseau.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Un sauvage, knock-out, éploré

Vibrant au boisseau trempé

C’est le seul boisseau qui l’enrage

Et c’est le beau mât du naufrage

Qu’il a sans pitié dévasté

Et le boisseau cesse de pleurer

Le mât cesse de pilonner

Et de se briser le fagot

Et le sauvage donne au naufrage

De fougueuses épousailles

Et le mât qui est épuisé

Se lâche fier au joli seuil qui baille

Du doux boisseau tout déplissé

Défripé comme une guenille

Aux arêtes lasses de perler

Si giclée, ma glu, ma mélasse, ta vasque pleine

Vrai pis, le mât

La fera baver à moitié

Et pire elle aura débordé

Feu qui l’avait embrasée

Embrasée jusqu’au fond la ronde

Ses bas, tout est fichtrement plein

Dieu, gavée au bord du groin

Cul bourré, à point jusqu’aux reins

Hardiment même les fesses, voire la raie

C’est si beau quand on peut ne pas faire pitié.