Littinéraires viniques » 2010 » juin

C’EST VENDREDI ET LE VIN SERAIT MEDECIN DE L’ AMOUR?

 Yoshitaka Amano. Yose.
  

Foutre de Diafoirus, soyons donc de parti-pris, voire de mauvaise foi.

«Le Vin, médecin de l’Amour»? Mais quelle idée!

 Est-ce à dire qu’il faille boire pour oublier?

 Soit, qu’il faille s’imbiber pour fêter?

 La litanie douloureuse, de tous les breuvages qui ont adouci ma gorge, alors que mon cœur d’artichaut venait d’être vendangé, pigé, foulé, par les piétinements délicats des donzelles cruelles de mes jeunes années, aurait suffit à donner aux moines de Solesmes, de quoi pleurer en Grégorien pour l’éternité. En boucle, les Derviches du Couvent de PERİŞAN BABA, auraient pu toupiller de longues incantations, comme une «scansio» à l’infini. Leurs longues robes ondulantes auraient aimer tournoyer, rafraîchir mon chagrin moite, éventer mon front brûlant. Les Soufis aériens, en extase, m’auraient épargné ces libations sans fin, dans lesquelles tombent trop souvent ces cœurs martyrisés, mal égrappés, qui sont à l’amour du vin, ce que la médecine est à la subtilité de l’âme.

 Pour autant qu’il m’en souvienne, peu m’importait que le jus soit d’ «Amoureuses» issu, ou de «Vide Bourses» exsudé… Quand le manque de la délicate me taraudait le coeur et me rongeait les chairs, le plus mauvais des verdagons faisait l’affaire. L’acidité du jinglet, conjuguée à l’aigreur de l’affliction, m’arrachait, même les larmes que je n’avais plus. Alors «Saint Amour» ou pas, je m’en battais les…pampres! Illusion du piccolo en rasades, dont je me gavais… croyant m’anesthésier.

 Seth a jeté Osiris au Nil. Isis, sidérée, le pleure. Croyez vous qu’elle se soit jetée sur les jarres du Fayoum, pleines de vins forts, pour soigner son âme en détresse? Hébétée, rassasiée, elle n’eût pu courir le long des berges du fleuve et retrouver son amant, son frère, sa moitié d’âme, à Byblos, en plein Liban.

 Non, le Temps est, seul, médecin de l’Amour. Inexorablement il apaise ou décuple. Au mieux le vin, aussi délectable soit-il, peut, faute de pire, accompagner l’extinction des petits feux ordinaires dont se gorgent nos sociétés du paraître…

 Mais que cela ne m’empêche pas de célébrer les souvenirs flamboyants de celles qui, parfois, m’ont comblé. Que cela ne m’éloigne pas des douceurs réitérées dans lesquelles m’enroule – depuis que l’âge m’a gagné autant que j’ai gagné sur lui – celle dont le nom m’est plus doux que la robe frissonnante de la pouliche fragile, celle qui a trouvé la clef, celle qui m’emporte au delà des portes de l’Olympe!

 Satyre apaisé, je chevauche la grâce.

 Avec ELLE, mon ultime palindrome, ma ravissante qui me ravit.

 Et le vin, Nectar des Dieux – enfin ceux qui le méritent – célèbre à chaque occasion, les noces toujours recommencées de ce miracle inespéré. À deux, encore à deux, toujours à deux, nous trouverons dans l’humeur changeante des vins en devenir, la force de conjurer le temps. Au dessus de nos verres humides, nos yeux le sont aussi…

 Alors au lieu de le soigner, l’Amour – comme s’il était malade, souffreteux, anémié, exsangue, moribond!!! – m’en vais le bichonner, le faire reluire comme un sou neuf, le caresser comme un nouveau né, ne pas en croire mon coeur, lui baiser les pieds qu’il a mignons, lui parler à voix basse, pleurer ces larmes paisibles que le mystère appelle, lui faire sa fête, à chaque seconde, à chaque bouteille, rire, jouer, chanter, roucouler, me rouler dans l’herbe et dans les plumes.

 En un mot comme en mille Romanée Conti, vibrer, délirer, jubiler –Mozart, à l’aide! – crier, hurler, EXULTER!

 Alors je quitte sans regret les souvenirs anciens des amours mortes, que jamais les vins n’ont pu remplacer, et pour fêter l’Amour vivant qui aime l’unisson d’avec la dive, c’est un Valençay blanc 2007 d’André Fouassier que je choisis de sacrifier. Le bel amour se repait de simplicité

 Quand la galette de froment sort du four, ça sent bon, c’est la fouace. Vous y avez incorporé olives, noix, amandes, tomates, fromage…ce que vous voulez. Et c’est beau, c’est doré, épais ce qu’il faut, ça craque et ça fond dans la bouche, ça vous graisse un peu les doigts. La bonne excuse pour les lécher…

André Fouassier, c’est d’abord cette analogie improbable, pour moi. Je sais, c’est idiot, ça ne tient pas la route de la logique toute puissante. Tant pire! Rien de tel qu’une approximation – souvent, mais pas toujours – pour faire une belle rencontre. Le hasard, cette notion vague à laquelle le scientifique fait appel quand il ne sait pas, «fait bien les choses». Vive les contre-allées, les chemins de traverse, les virages et les hommes inutiles, les rebelles ordinaires, les allumés silencieux, les vaches qui pètent dans les prés, les bois morts que la mer rejette, les pessimistes joyeux, les enculeurs de mouche, le lichen au nord des arbres, les écureuils camés et Jim Morrisson.

 Le regard qui embrasse…

 La robe est pâle comme l’Ophélie de Rimbaud, cadavre exquis dérivant au gré des courants. Littéraires surtout. Quelques reflets verts la moirent…elle flotte depuis longtemps!

 «Sur l’onde calme et noire où dorment les étoiles
La blanche Ophélia flotte comme un grand lys,
Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles …
On entend dans les bois lointains des hallalis.
Voici plus de mille ans que la triste Ophélie
Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir;
Voici plus de mille ans que sa douce folie
Murmure sa romance à la brise du soir.»

L’odorat qui suppute…

Ça ne pue pas le sauvignon et c’est beaucoup!

Ce nez de vin est une bombe olfactive. Comme si surgissait du passé, l’arrière boutique d’une vieille boulangerie, à l’heure où la fouace, longuement pétrie, sort du four, et méle son parfum brûlant, aux souvenirs odorants des croissants du matin et des crêmes au beurre de la veille. Ça embaume les épices patissières, les fruits jaunes bien mûrs, la banane, la badiane et la réglisse …

Le baiser de la chair du vin…

En bouche, ça ne donne pas dans la demi-mesure. La matière est riche, puissante, pelote de fruits jaunes – toujours – et exotiques, grasse d’une réglisse anisée. Un vin qui ne passe pas sans rien dire, qui vous enchante les muqueuses comme la plus rousse des sorcières le ferait d’un coeur à l’abandon… Une acidité bienvenue perce le gras du vin, équilibrant l’ensemble, qui sans cela, se serait écroulé dans le sucre.

La finale qui tue…

La chair du vin charme et s’attarde. Puissante et souple, elle fait sa «pneumatique», Georges Orwell dixit. La crème de fruits gourmands, comme un soleil finissant, met un milliard d’années à s’éteindre. La réglisse, longuement épicée, lui succède et explose sur mes papilles ravies, que la cannelle apaise. Puis la tension du vin subiste, seule comme une lame de Tolède en Suède et s’étire, ainsi qu’un ressort libéré, pour me laisser une bouche, propre, à l’égal d’un silex sous la pluie.

Sur une compoté d’abricots tièdes, ou à l’apéro.

Et peut-être…

Juste avant ou juste après…

Encore que, pendant?

ETIMOAMOTITANCOTONE!

COMME MONTAIGNE ET ZÉLIGE EN JUDAÏQUE…

Gaston Bussières. Salammbô.

Le souvenir de La Boétie accroché à la chair et à l’âme, il galope vers le Château… Je me suis d’abord demandé si Michel Eyquem de Montaigne qui fut maire de sa ville, l’avait entendue résonner sous les sabots de son cheval…

Les pieds à l’écho de la Terre, sous le bitume et les strates empilées des histoires anciennes, je remonte la Judaïque vers la place Gambetta. Comme ça, sans y penser vraiment, l’idée que cette rue est plus une veine qu’une artère, me gratte le derrière de la tête!

Les pensées sont bizarres, elles arrivent sans crier gare, sans s’annoncer. Sans sonner du cor, elles vous prennent au corps, et s’installent. Vous êtes chez elles, plus que chez vous. Elles ont le regard dur de celles qui ont le pouvoir. Vous êtes, sans jamais vous en douter, sous influences. D’où viennent-elles? La seule certitude, c’est qu’elles ne sont pas vôtres. Les idées sont des amantes libres. Pauvres coquebins que vous êtes, avec vos poitrines pubescentes et ces épaules, que vous rejetez – maigres ou musculeux – en arrière. Et ça roule sous vos harnais de loups dociles! Vous ne pouvez que les recevoir et les servir, quand – et seulement – elles le veulent bien.

La rue continue de débobiner ses maisons, rangées comme des enfants sages, tandis que je me bats, sans espoir de victoire, contre les apophtegmes qui m’assaillent comme les derniers des Kényans. OUI, seul le bas-humour, ce très mauvais jeu de mots – celui que vous gardez pour vous, et qui ne fait rire que vous, et encore pas toujours – me libère un instant de leurs tentacules collants. Imaginez les, insidieux, visqueux, putrides et mous. À l’assaut de vos oreilles, vos narines, puis de vos sinus, ils font un bruit de frottis humide. Vous ne souffrez pas, c’est comme un malaise sourd, diffus, indiscernable. Ils s’enroulent, se glissent, se lovent, entre les circonvolutions rosâtres de vos cortex sans défenses. Puis ils vous colonisent le reptilien, vous empaument le cervelet, avant de vous sidérer le bulbe rachidien. Vous êtes foutus. À la mort de la vie! Jamais vous ne saurez, qu’ils vous manipulent, comme le dernier des margotins. Trônes ou Diaboli? Jamais vous ne pourrez, même imaginer qu’ils vous soufflent dans la tête. Vous êtes contraints de vous empêtrer, toujours plus. Vous empiffrer. Vous gaver. Consommer, croire en la sacro-sainte croissance. Ramer. Bosser. Trimer, encore plus, jusqu’à vous traîner, gémissants, au plus près de la mort qu’ils vous préparent. Et basculer, en toute béatitude vers le dam que vous n’attendez pas.

Pour le sens de la Vie, tu repasseras!

La Judaïque, elle, est droite comme un «I». Elle vient de la barrière et file vers Gambetta. Comme la Garonne vers l’estuaire. Telle la veine vers l’artère, direct au cœur. Rien n’a jamais pu la tordre. Des Romains à nos jours, son avancement n’a pas changé. Elle est longue comme une aiguille à chapeau. Paisible. Et j’avance d’un bon pas. Une petite pluie fine et pénétrante, quasi tropicale, force les bananiers à percer le goudron. La Biblique me susurre sa Kabbale, plutôt qu’elle ne me parle. Levez les yeux, et vous saurez. Un peu de ce que voudront bien vous confier ses façades noires où nichent les incubes. En longeant la Piscine éponyme, je l’entends me dire «oui». Oui, elle m’adopte et me libère de l’Octroi. La Judaïque est ma complice. Dorénavant et jusqu’à désormais, je suis chez moi.

Autant que chez elle? Pas sûr…

Une veine quand même, qu’elle m’ait accepté, pour le moment.

Le long de mon dos, la sueur a collé le drap à ma peau, comme le drapeau à l’idée de patrie. Une chape de plomb, froide comme le dernier sarcophage, me fait une tête de pierre, au martyr d’un burin sourd, qui n’en finit pas de cogner. Dam, bammmm! Comme un aveugle, qui donnerait de la tête à la porte d’un cinéma muré. Mes dents crissent, et j’entends sous mes os chanter mon sang. Poisse, matin glauque des réveils douloureux, que les rêves conglutinants empêchent. Mâchoires soudées au chalumeau des angoisses sidérantes, mains froides et pieds bouillants. Je m’arrache à la nuit comme une peau de sole. Dans la douleur des vaisseaux éclatés, à la périphérie des iris écarquillés par le souvenir brûlant de ce moment d’inconscience aigüe, à la force des petits bonheurs à venir, je m’extirpe. Étrange monde que celui des songes.

Plus vrai que nos certitudes à la mords-moi fort?

Accroché au clavier de la machine, les doigts gourds et les synapses soudées, je peine. Sous l’os, mes idées sont confuses, ma conscience sourde est gelée. Je ne suis qu’un obscur récepteur, qui allonge sur l’écran opalescent, des soupes de mots rouges, comme cette pivoine au jardin, qui ploie et se noie, sous le poids des gouttes translucides, froides et pesantes, qui la brûlent. La journée va dégouliner sans que je puisse m’ébrouer…

Sous les onglets du navigateur, sur le panka des pixels flexueux, le «Bureau»…

Je clique et reclique machinalement, les yeux à l’intérieur. Tout en haut, à gauche du burlingue de la bécane à pédaler des mots, et à croiser des fantômes, le petit logo – livre lie de vin – de cave me prend l’œil et réussit à me rabouler du monde du «je ne sais même plus où j’étais». La souris croque le nævus de texels. En deux coups de dent, elle saigne sur l’écran la longue liste des vins, et pointe une ligne que je n’ai pas choisie! Voilà que ça bégaie. Ce n’est pas moi, mais le Fatum qui décide, continûment. La «Caravent» qui passe, Languedocienne du «Pic Saint Loup», 2007, toute en «Ellipse», de «Zélige», fait mine de se donner à moi, comme la dernière des hétaïres…

Mais elle me prend, sans que je puisse piper.

Elle est nue devant moi, posée sur le bureau de cuir et de bois. Le long de son goulot maigre, une fine goutte de sang noir a roulé sur l’étiquette étroite qui la couvre à peine. Une dentelle, de fer forgé fragile, en traverse le ventre blanc. Sur son nombril, gracile est gravée, minuscule tatoo, comme l’arcane d’un tarot ancien : «Ellipse»! Sa mère est Syrah, son père Carignan et l’ami de la famille Mourvèdre. Dans le rôle du facteur : Cinsault. Sous sa peau châtaigne, je devine des trésors…

Dans le cristal fragile arrondi, elle a glissé son offrande. Sous mes paupières, closes tant je suis recueilli, les sables oranges d’un désert alangui au pied de l’atlas, vibrent d’une lumière de fin des siècles. C’est un soleil impuissant qui s’enroule autour de son grenat secret, sans jamais pouvoir en percer le soleil noir du cœur enténébré, blotti et dansant, au creux du ventre du vin.

Dans le sillage de Salammbô qui festoie aux jardins d‘Hamilcar, flottent les parfums de Carthage. Le carnage qui s’annonce est dans le vin au fumet de sang et de viande crue. Mais l’amour rôde et les fruits rouges enchevêtrés, montent en volutes enivrantes du vin qui se déploie. La fraise est masquée un temps, par le noir de fruits puissants, qu’exalte la menthe poivrée. Vin de vie, qui suinte la renaissance de ces raisins noirs transfigurés.

Mais que réservent à ma bouche craintive, ces parfums, tellement imbriqués, qu’ils en deviennent bien plus fondus que moi? L’abomination des confitures boisées, qui sont au vin, ce que je suis à la littérature? Dieux du vin, Ahura Mazdâ des effluves, Shesmou des pressoirs antiques, ne faites pas de ce vin, un de ces baumes onctueux et lourds, qui embouteillent les rayons colorés de nos cavernes, dont les néons artificiels et aveuglants, chantent l’uniformité! Puissiez vous donner à ma bouche impatiente, ce que le Languedoc, enfin recherche. Ce vin élégant, équilibré et frais, qui de tout temps, rafraîchissait les voyageurs intrépides.

L’aubier, fuligineux et tendre, de de ce jus soyeux, serti dans son écrin grenat, tapisse de ses tannins mûrs et légèrement croquants, l’épithélium craintif de ma bouche inquiète. Mais la punition redoutée m’est épargnée. Les Dieux, en ce jour, sont Amour et me donnent à goûter belle matière maîtrisée. Et de ces fruits mâtures, juste l’instant d’avant qu’ils ne basculent dans l’excès. Arrachés au soleil, quand après avoir donné la vie, Amon-Ra s’apprête à brûler les baies qui auraient oublié… qu’il peut aussi donner la mort. Bienheureux ceux qui croient aux équilibres, aux élégances, que seule la mesure permet d’ espérer.

«Ellipse» en est la preuve faite vin.

Les fruits s’attardent, généreux et friands. Puis le salto avant, que ma gorge déclenche, libère un souk d’épices cacaotées et caféiées, qui m’arquepincent la tête et les sens. Le Zellige des splendeurs Marocaines, comme un papillon invisible, a caressé d’une de ses ailes ce jus gourmand, et l’a poudré d’un voile multicolore d’aromates subtiles. Elles prennent leur temps, diablesses rompues aux subtilités des plaisirs réitérés. Fines, elles s’insinuent et me donnent à frôler l’âme mutine du vin, lentement, voluptueusement. Au bout du plaisir, la trace, droite comme La Judaïque, du socle de pierre, qui permet à la vieille rue de traverser la ville et les temps.

À se révulser les mirettes!

L’odalisque au ventre blond, qui m’est chère, dort au loin. Elle aurait aimé.

EVENMOTRETIDOUXCONE.

UN GANEVAT GAGNANT PAS GAVANT…

  

 

  De «Chamois» ailés, en «Paradis», il fallait bien que J.F Ganevat, en totale exaltation, un soir automnal d’après son dur labeur, glissât sur quelques peaux de raisins oubliées, lâchât la bouteille de marc distillée par son papa – qu’il ne faisait que regarder – se souvenant de son jeune âge… et que – enfer et damnation – celle ci tombât dans une cuvette de jus de Savagnin fraîchement pressé.

Le temps s’arrêta au cadran de la Jurassienne, tandis que Jean François, estourbi par sa chute, le crâne historié d’une bosselette zinzoline, se reposait, un peu éteint, quelque moment. Au réveil – difficile – les tempes vrillées par un tire-bouchon virtuel qui semblait vouloir lui manger les yeux de l’intérieur, fou à Rotalier, il contempla ce qu’il prit pour un désastre. Une bordée de jurons du cru lui remirent les yeux en face du bouchon.

Il comprit qu’il était temps de se glisser sous l’édredon…

C’est ainsi que cette «Apothéose», faite Macvin, vint au jour dit-on. Certes, je n’y étais pas, mais c’est ce qui se dit dans les caves, par là-bas, à voix basse… Sûr qu’un montagnard qui a fait ses classes en Bourgogne, ça fait un peu désordre en ces contrées reculées. Certains autochtones, gardiens des traditions immémoriales, n’y cultivent-ils pas l’art des sonneries à l’Olifant, les soirs d’après dégustations un peu longues? Il paraît même que le Juraco-Bourguignon et le dégustateur-sonneur aiment à faire le bœuf togetheurs.

Légendes, médisances, jalousies?

Rien de bien grave ou très méchant là-dedans. Une bien belle anecdote croquignolante et locale, qui nous change un peu des courses à l’échalote Élyséennes, dont les médias complaisants, nous bourrent les esgourdes, à longueur d’images proprettes. Autrement croustillant, que les frasques Jet-Settées des grandes bringues falotes, qui dégoulinent leurs poitrails siliconés et leurs culottes sans chevaux, sur les couvertures glaciales, des mégazines insipides, qui formatent les cortex anémiés de nos enfants fragiles…

Bon et le Macvin dans tout ça?

Tout frais échappé de la cave, il s’est installé au creux accueillant de mon beau grand verre sensuel. La chaleur, brutalement, s’est abattue sur les vignes Charentaises. Une petite brise côtière frise les feuilles tendres des arbres nouveaux nés. L’atmosphère est calme en cette soirée douce, propice au flirt vinique. Macvin, macvin, mac qui aime à goûter avec moi les vins de nos fusions… Le premier et dernier croisé, au détour d’une soirée sans relief, m’est bien loin en mémoire et portait un nom Majoral et le prénom anodin d’un tube de Balavoine. Souvenir d’une liqueur sucrée, à la finale abruptement âpre, qui m’avait fait abandonner l’idée d’y revenir un soir, même en fin d’une de ces vêprées glauques, qui font affleurer les désespoirs empilés…

Mais «Ce qui ne me détruit pas, me rend plus fort» disait l’ami Friedrich à moustaches. Alors, m’en allai retenter l’aventure illico!

Sera-ce divin ou Jurassic-marc?

J’avais cette phrase, idiome idiot, à l’esprit, quand, le front plissé et l’œil mi-clos, je me décidai à regarder le breuvage qui tremblait à mi-verre. J’essuyai à peine les rondeurs du crown-glass (spécialement taillé pour la circonstance, chez Leitz). La légère buée qui le nimbait, donnait à la mistelle, une opalescence qui fit place à la limpide brillance des ors ambrés et des calcites oranges – au bord du sang – parfaitement fondus, dès que la peau, tout juste tannée du Chamois de Ganevat, rendit au poli du cristal, sa liquidité première. Je levai le Graal à la santé du soleil finissant. Ses rayons rasants lasèrent la liqueur, qui diffracta mille arcs-en-ciels fragiles. Une robe à faire silence. Que je garderais plus volontiers au secret de ma mémoire, que l’hypothétique corps – fut-il de pur albâtre – qui aurait pu s’y blottir…

Quelque chose d’une tendre absence, me traversa le cœur…

Je fermai les yeux, embués à leur tour, et fit le vide. Je me fis nez, totalement. Plus concentré que le plus puissant des natrons Thinites, je me penchai. La fraîcheur de la cave donnait aux arômes un relief marqué. Dans l’ordre d’apparition sur scène, ce furent les fruits confits, l’angélique particulièrement. Puis la menthe et le citron vert saluèrent longuement. Le miel passa timidement. La menthe, au contraire, cabotine, n’en finit pas de s’étaler, fine et fraîche. Ils avaient attendu leur heure, pour mieux apparaître, en toute puissance. Intimement unis, le cèdre, le genévrier, le cade, qu’encadraient pruneaux au jus et purs Corinthes, prirent le temps de faire belle révérence. Sur trois jours, le bouquet fut aussi changeant qu’une brassée de courtisans emplumés.

Le baume me prit la bouche, en un grand et long baiser. L’attaque fut étagée, tripartite! A parts égales, sucre, acidité et piment m’emmenèrent en Trinité! Une vraie sphère solaire pétrie de fruits confits, de sucre candi, d’essences apicoles, s’installa, indolente. Elle tourna et roula comme un derviche fou, avant qu’elle ne laisse percer par de fines lames acides puis trouer par le jus des piments rouges…

Beaucoup de précautions en fait pour vous dire que ça finit franchement «minéral»! Quand je dis que ça finit, ça prend son temps… Ça s’éternise, ça se dépouille tout doucement, comme la strip-teaseuse dont vous avez toujours rêvé…. Au bout du bout de la finale, le noyau poivré d’une mangue, longuement sucé, subsiste.

À la re-lecture, je me dis que ce Vin pourrait être à la chair, ce que l’Amour est à la pornographie!!!

Comme une Apothéose

 

EÉMOBERTILUCOÉENE.

AU SOMMET DU SAUT, LA DOUCEUR DU DOLCETTA DE L’AUBE…

 Fra Angelico. L’Annonciation.
 

 

  J’ai planté quelques bulbes de «Vinum bonum laetificat cor hominis», oubliés depuis le crépuscule des Temps, au fin fond des greniers redondants de ma vie moderne. Dans mon Jardin Secret. Là, à l’abri des vapeurs méphitiques qui me nettoient le cervelet – à le rendre transparent, fade et mimétique – luttant contre les forces contraires et submergentes des «FrontsdeBoucs» et autres «Twoisillons» anémiés, qui gazouillent à perdre becs et ongles, le long des allées convenues du «conformisme à la mode» (magnifique pléonasme en fait si l’on y regarde bien), parcimonieusement arrosés par les eaux tièdes des fleuves malingres et déminéralisés de la Précaution et du Bien-Penser associés, ils se réchauffent difficilement au Soleil mourant du tissu social bafoué. Ils croissent petitement, assourdis par les croassements assourdissants des «Winners» conquérants, et les puérils enchantements des «Datings» à la petite minute. L’Univoque Médiocrité des Petits maîtres à gouverner, pèse de tout le poids mièvre de sa puissance affichée, sur leurs jeunes coques sidérées.

Surmonteront-ils ces épreuves harassantes, et remettront-ils au jour, la joie de fouler encore les chemins de traverse, contre miasmes et diarrhées? Leurs enfants que j’espère rebelles, le vivront peut-être un jour, tandis que depuis quelques lustres, siècles ou millénaires, je sucerai la racine des derniers pissenlits à disparaître…

Je leur souhaite néanmoins, de connaître encore longtemps, les petites joies des vents coulis, des ruches prolifiques et des baisers soyeux.

Pendant ce temps – que les Itinérants de la Com hystérique déchirent à coups de quenottes, blanchies sous les brosses à reluire – quelques obscurs s’accrochent à leur amour du vin, comme autant de papillons téméraires face aux vents mauvais de la déréalisation ambiante. Sur les pentes abruptes des collines Piémontaises, le Sieur Sottimano «Ti amo imo pectore », soigne les enfants de sa vigne. Les chants cristallins des rouge-gorges amoureux, ponctuent sa tâche, de leurs ariettes mutines. Les rangs anciens de «Còtta», pointent vers les cieux leurs griffes crochues, que les premières feuilles fragiles, adoucissent. «Cùrra», et «Pajoré», chenus, courbés sous la mémoire de leurs vendanges passées, remontent au bout de leurs bras raccourcis, la sève nouvelle, puisée tout en souffrance (la vigne est de «culture» Judéo-chrétienne…), au tréfonds des sols avares. La nature vit sa vie, lentement, comme il se doit… Je ne connais pas Andréa, si ce n’est, ce que m’en ont dit mes amis, dont un sang mêlé (mi-bouchon-Lyonnais, mi-Corléone) et un amateur à poil doux, absolument fiables. Or donc, comme je les aime, je les ai crus, et j’ai pris leurs dires, pour amour comptant. Or donc bis, un homme fin, généreux – même plus que très – simple, qui vous invite à la table familiale, s’il vous sent sincère. Goûtez ses vins, ils vous en parleront.

La sinusoïde fleurie est mon chemin préféré et ce sera ma seule concession à l’attitude scientifique! École buissonnière et fourrés, fourrés de nids de plumes d’oiseaux et d’oies blanches, chemins de traverse qui vont droit aux essentiels. Contre-allées latérales, qui ne quittent pas le droit chemin, mais le bordent et jamais ne le prennent. Flâneries au ralenti, versus le temps des impatiences fébriles, des priorités et du rendement, sans engagements réducteurs, sans chapelles révérées, sans gourous enamourés. À la recherche effrénée mais lucide, d’une Liberté qui se refuse, d’un idéal, dont la force est d’être à portée, mais jamais tout à fait…

Mais il est temps de me lancer à la conquête du «Sommet du Saut» – traduction, vérifiée es-qualité – du dialecte Piémontais «Bric del Salto», qu’Andréa me donne à boire en Dolcetto d’Alba 2008. Petite douceur de l’aube? Je n’en vois qu’une, la hanche ronde et douce sur laquelle ma main au ralenti, aimerait à se poser tendrement, au réveil.

Les étiquettes d’Andréa sont sobres, pas du genre «je m’la pète comme les œufs». Noir sur crème, et fin liseré doré. Rien de très top-tendance-nom-original-à-la-con! Une sobriété, qui laisse au vin tout son mystère. Et rien de tel que le mystère, pour me fouetter les sens et l’imagination. Le congé doré, qui ajoute au charme discret de ce flacon Buñuelien, me pousse, à ces rêveries indolentes que les siestes estivales inspirent.

Sur le terroir de Neive, les très vieilles vignes de dolcetto, donnent à la robe de la douce, une profondeur pourpre intense, dont hélas manquent bien des regards, plus proches des janthines pélagiques à flotteur muqueux, que des yeux mauves de Madame de Guermantes. Ainsi va le monde, qu’il faille chercher la vie dans les yeux du vin… Discrets, introduisez-vous dans ces soirées «Wine-victims» qui sont au vin ce que le Rap est à Fauré et rassasiez- vous des jacasseries branchouilleuses des caracoles charmantes, somptueusement souquenillées, qui pullulent en ces lieux sans âme, et polluent la Toile de leurs remarques insipides et de leurs commentaires creux. Dans les rangs des vignes, au soleil déclinant, quelques pies à queue noire jacassent elles aussi. Elles se jettent-set-et-match, aussi niaises qu’affamées sur les gouttes d’or, que le soleil joueur, pose sur les tiges folles des herbes mouillées.

Un vin de mûre, sous les deux appendices, puis de cerise et de fruits rouges en foule, avec une myrtille, une seule au bout de l’olfaction et de la bouche – goutte subreptice d’acidité – qui perce la trame d’une matière conséquente, du bout de sa vivacité. Un jus fluide, glissant, qui imprègne le palais du bonheur de boire. À l’avalée, étrangement le vin est en suspens. La finale est remontante, riche de tannins serrés mais mûrs qui gratifient la bouche, après que la réglisse a passé, d’une légère et élégante amertume.

Au sommet du saut, le temps s’arrête, l’athlète suspend son vol et tutoie les Anges.

Comme s’il entrait en éternité…

Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices !

Suspendez votre cours :

Laissez-nous savourer les rapides délices

Des plus beaux de nos jours !

 

ESAUTMODETILANCOGENE.

LA DIVINE SURPRISE…

Vraiment pas pour faire ma chochotte, mais ce bandeau sus-affiché, quand même, c’est pas beau???

Envoyé à l’instant par le demi scarabée, qui, sous ma très virulente direction, m’a, plus que largement très aidé à mettre en forme et en ligne, ce Blog! Petit Yaka de Ch’Nord, sois, ici, en live, très sincèrement remercié! Vous dire tant que j’y suis, que l’animal est, très exactement, ma moitié d’âge. A nous deux nous sommes trois…

Le Blog est encore bien jeune. À peine plus de cents jours, lui. Pourtant je lui dois déjà – c’est fou ce que je dois – plus de rencontres franches, joyeuses, sans arrière-pensées, qu’en bien des lustres, d’avant qu’il ne vagisse sur la Toile. Je ne citerai pas tous les confraternels Blogueurs – quand même le très oecuménique Sonneur Jurassien qui m’a fort gentiment « intronisé » sur son espace ultra fréquenté – avec lesquels je partage le bonheur d’aimer les Vins, tout esprit de Chapelle absent (tandis que sur bien des Fora, le combat des Egos bat son plein), et les mots surtout. Je souris de toutes mes vraies dents à toutes les charmantes qui me lisent, toutes uniques et différentes à la fois… À La très sémillante F E, à la trés pétillante T’Ch, à la près polyglotte I, à la très Parisienne M GG, la très mutine Evoenos et à toutes celles qui ne me lisent pas encore, mais dont la vie va changer dès qu’elles s’y mettront.

Un clin d’oeil appuyé, bien sur, aux Navigateurs rebelles qui préparent – et j’en suis- une piraterie de haute volée…

Mille excuses enfin, à toutes celles et ceux que mon humour de charretier et mes hallucinations itinérantes, indisposent peut-être. Qu’ils soient certains que j’aurai l’inélégance de continuer. Que toutes les Pipettes, les Mangeurs, Les Fédérésmais pas cons – les OenoBons, les Cateurs pas Vindi, les Live from Burgondia… j’en oublie, soient remerciés d’exister….

Que l’Amour de ma vie continue, au travers des difficultés, à me sourire, et à partager – en pensée pour le moment – le verre, au creux duquel scintille, devant mes yeus embués, le Nebbiolo d’Alba Duemilasette 2007 d’Albino Rocca, que je déguste, à petite lampées gourmandes, en vous écrivant…

J’embrasse goûlument, à bouche forcenée, mon Matou, le Nico, Paulo, Cyril, Sandra, Géraldine, Sylvie et surtout, plus que toutes, la mini-jolie Marilou!

Puissent les Dragons de Komodo partager ma joie!

EHUMOMITIDECONE…