Littinéraires viniques » LES ZANIMAUX MARTEAUX

UN RENARD.

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Les renards de La De à la sauce Warhol.

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Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Certains l’appellent goupil, d’autres lui disent Maître,

Sous sa pelisse rousse de Doge de Venise,

De ses yeux flavescents il regarde le monde,

Qu’il a conquis jadis, caché derrière l’église,

Les hommes étaient enfants, c’était avant la crise.

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A petits pas sanglants, sur la neige écarlate

On peut suivre sa trace. Le chasseur silencieux

Tue tout ce qui passe sous son nez de Saigneur.

Sa gueule ourlée de noir dessous sa truffe humide,

Cache des crocs pointus comme dagues de Tolède,

Faites pour égorger cœurs jolis, plumes belles.

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Quand Goupil vous regarde, il sait tout de votre âme,

Vous croyez qu’il sourit,mais le subtil ricane,

Il voit au fond de vous, vos secrets, vos arcanes,

Les ombres qui palpitent au cœur des innocences,

Renard vous bouleverse, sa beauté inquiétante

Vous donne de longs frissons à vous serrer la nuque.

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Impossible de rimer sur le nom du roublard,

Le magicien vous tient entre ses griffes noires,

Il abuse vos sens et trouble vos consciences.

Au profond de la nuit, alors survient Renard,

Il s’immisce et vos rêves deviennent cauchemars.

Sa silhouette fine, son infinie patience.

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Regardez le ramper, Goupil est une flamme

Qui lèche les pieds nus des sorcières au bûcher.

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UNE HIPPOPOTAME.

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La coquelippotame de La De.

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Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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C’est une grosse dame, Madame l’hippopotame,

On dirait un ballon qui flotte sur l’eau noire,

Une vieille danseuse qui aurait mal tourné,

Son tutu a craqué, on a du mal à croire

Qu’elle a virevolté sur les planches de Broadway.

Sous le soleil couchant, son cul, un gros tam-tam.

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Sa bouche, un nénuphar de taille démesurée,

Bâille quand elle émerge du lac Tanganyika.

Autour d’elle les grands mâles frétillent, quand ils voient

La belle bayadère et ses grands yeux dorés,

S’élever dans les airs et faire des entrechats,

Sa danse vaporeuse les met en  bel émoi.

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Le soleil au zénith, lui aussi est ravi,

Ses rayons rutilants se reflètent sur les eaux,

Sur les rives, tout autour, les animaux en fête

Font une longue ronde sous les ombres replètes,

Des stratus aériens et des lourds cumulos.

Les grands arbres se penchent et bruissent à l’envi.

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Puis le soir est tombé. Sur le velours des eaux

Des vaguelettes courtes se sont misent à ourler,

Sous la brise brûlante venue de la savane,

Un orage violent brusquement a grogné,

Une terrible pluie a noyé les troupeaux.

Les mâles ont entouré la belle courtisane.

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La dame est une gourmande, les costauds affutés,

Sous les assauts multiples, la donzelle a pleuré.

LE FRELON.

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Vespa le Capulet par La De.

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©Brigitte de Lanfranchi – Christian Bétourné. Tous droits réservés.

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Vespa est un frelon qui file ventre à terre,

Son vertex globuleux et son gastre arrondi

Le distinguent des guêpes en habits de panthère.

C’est un vrai cuirassé qui déchire les airs,

Et sa chitine épaisse ne craint pas le roulis.

Son dard est virulent, un regard, il jaillit .

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Vespa est amoureux d’une petite abeille,

En habit de lumière elle danse autour des fleurs,

Mais les clans sont en guerre, inutiles rêveurs.

Aux quatre coins des champs de gros yeux les surveillent,

Juliette fine mouche s’est cachée dans une souche,

Mais Vespa le lourdaud est un frelon qui louche.

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Il a beau la chercher, Juliette a disparu !

Puis le vent s’est levé et Vespa s’est perdu,

Quand la nuit est tombée, les guetteurs sont partis,

Les ruches ont bâillé, ils se sont assoupis.

A l’abri dans sa grotte Juliette a mouliné,

En faisant plus de bruit qu’une troupe de pompiers.

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Près de l’abeille Juliette, Vespa s’est allongé,

Longuement dans le noir leurs trompes se sont cherchées,

Ils ont mêlé leurs sucs dans un très long baiser,

Leurs ailes embrassées comme des soies damassées.

Les couleurs de l’amour brulaient dans la pénombre,

Ils auraient tant aimé que la nuit soit plus longue.

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Mais le coq a chanté, la vie s’est réveillée,

Les guerriers des deux ruches enfin les ont cernés,

La bataille fut rude, on vit beaucoup de corps,

Regards exorbités, par la mort apaisés,

Recouvrir  tout le champ, quel sinistre décor

Pour les deux amoureux aux cœurs dilacérés !

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Vespa le Capulet, Juliette la Montaigu,

Ont péri tous les deux, Shakespeare l’a voulu.

UN YAK.

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Yak-Rasta-Zen par La De.

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Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Regardez moi ! Je dors, je suis le grand yak noir.

Sous mon manteau fourré de laine et de tendresse,

Torsadée et bouclée comme un beau chant d’espoir,

Plus fort que deux taureaux, protégé par ma graisse,

Je gravis sans faiblir les pentes d’Himalaya.

J’aime les neiges fraîches, les glaces et le verglas.

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Je ne meugle jamais, je suis une âme zen,

Sous mes longs cils ourlés, le sourire de buddha

Soulage mes douleurs, je raffole du lichen

Et des rochers gelés, plus me plaît que le froid.

Sous les plus lourdes charges, les fardeaux sur mon dos,

Jamais je ne tressaille, j’avance sans un mot.

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Regardez dans mes yeux, le soleil de l’hiver

Caresse mes pupilles fragiles comme le verre,

Et les eaux cristallines sous le ciel noir de Chine,

Ont la couleur orage des encres de marine.

Je suis le grand navire qui peuple les montagnes,

Je navigue sur les mâts des rêves de cocagne.

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Je suis une âme douce revenue des enfers.

Mes lèvres sont des buvards et mes cornes de fer

S’ouvrent comme deux arcs au-dessus de mon front,

C’est une lyre étrange, et le vent du grand froid

Y joue des mélodies, en mi, en sol, en fa.

De mes yeux coulent des flots d’ambre et de poison.

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Je suis le grand yak noir, regardez moi mourir.

UN ACARIEN.

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La De visite les monstres.

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Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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L’acarien sale gueule a des dents de requin

Minuscules et aigües elle vous piquent le crâne

A trop souffler la nuit, il descend jusqu’aux seins

Endormis que vous êtes il dévore vos âmes

Sa faim est sans limites, il avale tout et rien

L’acarien est un monstre qui perce les peaux d’airain.

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Zacharia est le prince de la gente Acarienne

Un costaud, un balèze, au gros yeux globuleux

Deux billes translucides habitées par le feu

Mais tout cela n’est rien il faut voir son gros nez

Un tarin de damné qu’il porte jusqu’aux pieds

Il adore les odeurs des aisselles enflammées.

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Plus la chambre est crasseuse, plus le plumard empeste

Plus le bougre est heureux, plus la pitance est bonne

Ce n’est pas un gaillard à sucer de l’eau fraîche

Il faut que ça remugle, que ça sente le funeste.

Zach adore la vieille bête, la gironde, la daronne

Qui ne lave ses fesses qu’en sortant de confesse.

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Quand la nuit est profonde, quand la lune avalée

A laissé orphelines les étoiles chagrinées

L’acarien opiniâtre quitte le traversin

Le corps abandonné aux rêves assassins

S’offre à ses mandibules aux rasoirs affûtés

Et Zach en pleine extase mord dans le gibier.

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Cette nuit la fenêtre est restée entrouverte

Le ciel est si noir, les nuages en bataille

Roulent en rangs serrés, le vent fou est mauvais

Sous la bourrasque folle, pauvre Zach emporté

Loin très loin, terrifié, et le voilà qui braille

Plus de gigot saignant, foutue fenêtre ouverte !

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Aux cheveux d’un curé il a pu s’agripper

Mais il a rebondi, a roulé tout meurtri

Jusque chez un bébé endormi dans son lit

Zacharia épuisé, s’est refait une beauté

Dans le cou du bébé il s’est laissé glisser

A mordu la soie tendre et le sang a giclé.

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Les nuits de l’acarien valent bien vos amours.

LE PETIT RAGONDIN.

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Le ragondinet de La De.

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Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Un petit ragondin tout seul dans la broussaille

Il a perdu maman, ils ont mangé papa

Les Amériques sont loin, très loin derrière la baille

Ah s’il avait des plumes, il volerait là-bas

Au dessus des nuages, au travers des nuées

Avec les anges blonds que Dieu a emportés

Mais sa fourrure collante ne veut pas le lâcher

Autour de son terrier, de grosses bêtes fauves

Le guettent tout le jour et quand la nuit est mauve

De sa voix désolée il chante un air pas gai.

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Un petit ragondin caché sous la ferraille

Sous les bombes, éperdu, il sent trembler la terre

Le monde est désolé, le soleil en enfer

Il s’accroche aux roseaux et ça pue la ventraille

Et la viande rôtie, l’acier et le napalm

Et le sol tremble encore, il pleut des bouts de chair

Le petit se blottit. Des tas de pattes en l’air

Volent dans le ciel rouge comme des oiseaux morts

Il pleure dans sa moustache des perles, des larmes d’or

Et la rivière charrie ses rêves d’enfant blessé.

UNE HYÈNE.

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Irène la hyène de La De.

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Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Irène est une hyène, une fille de la mort,

Quand elle ouvre la gueule, son haleine putride

Affole la savane, les buffles, les butors.

Les marais eux aussi ! Sous la chaleur torride,

Leurs eaux sont corrompues par les fièvres ardentes,

Quand l’innommable hyène danse la sarabande

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C’est une boule de pus, laide comme un prurit,

Un furoncle écarlate, une glande infectée,

La bête, avec sa bande, traque les nouveaux nés,

Les vieillards, les malades, les affolés qui fuient,

Alors c’est la curée quand le sang a jailli.

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Elle est basse du cul, on dirait qu’elle a peur,

Ce n’est qu’un stratagème pour rassurer ses proies,

Elle sait cacher ses crocs derrière son sourire faux

“Je suis une bonne amie, la cousine d’un roi

Un lion magnifique au regard de vainqueur !”

Dit-elle d’une voix de miel aux petits animaux.

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L’antilope est si vive que souvent elle échappe

A la meute tueuse des hyènes déchainées

Mais reste la charogne au ventre noir gonflé,

Les chasseuses bernées ont quand même leurs agapes

Et les mâchoires puissantes se mettent à l’unisson,

Dans la nuit étouffante ricassent les noirs démons.

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Dans son sommeil Irène gémit en frissonnant,

La savane est en feu, et le vent obsédant,

 Attise le foyer qui lui lèche les flancs.

Toutes les bêtes sont mortes dans la nuit embrasée,

Elle court comme une folle sous les dents du brasier,

Un buffle au mufle noir, aux cornes acérées

A croisé son chemin. D’un coup l’a éventrée.

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Irène atroce reine, plus que toutes mal aimée,

La lune s’est cachée, et la mort ta marraine,

D’un seul coup de sa corne, tes espoirs a fauchés.

UNE CHÈVRE.

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La chèvre psychédélique de La De.

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Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Barbiche au vent joyeux la petite chèvre blanche

Au poil doux et soyeux, sabots fins, jolies hanches

Broute, broute, dévore des buissons d’immortelles

Aux longs pétales d’or, au pied des fières dentelles

Du bel Alta Rocca aux rocailles dressées

La jolie en béguète la panse dilatée.

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Elle grimpe et grimpe encore en croquant les bouquets

Sous le soleil radieux, elle arrive au sommet

En bas très loin la mer et ses moutons tous blancs

Comme sa robe claire et les marais salants

L’air pur des cimes l’enivre, elle ne voit pas que vient

Un beau pelage fauve sur le dos d’un grand chien.

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Mais la pauvre se trompe, c’est d’un loup qu’il s’agit

Une bête dantesque venue de Poméranie

Le monstre la regarde et se met à gronder

La biquette tressaille elle regrette son berger

La chèvre s’est sauvée au travers des taillis

Sûr de lui le loup fat a bien été surpris.

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Mais le grand Pastore à force d’enjambées

Sur ses cuisses puissantes a gagné le sommet

Bianchetta la chevrette adossée au rocher

Toute la nuit durant ses cornes ont bataillé

A force de se battre le loup s’est épuisé

Et d’un coup d’escopette u pastore l’a tué.

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Là-bas dans les vallées, près de l’Alta Rocca

La chevrette est célèbre, elle a su résister

Assis sur un rocher, entre ses mains halées

Un morceau de brocciu, des châtaignes séchées

Pasquale se régale, le soleil s’est couché.

Demain il fera jour croassent les corbeaux

UN CHAMEAU.

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L’Othello de La De.

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Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Blatérant et flânant, naviguant sur les dunes

Un chameau s’ennuyait bien plus qu’à Pampelune

Une bosse penche à gauche l’autre sur la droite

Et personne ne sait quand lui prend de tourner

Dans ses grands yeux navrés le reflet des mirages.

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De la scatologie à l’eschatologie ?

Quelques pas les séparent, pense le philosophe

Pendant que sa mâchoire mâchonne un bout de bois

Volé près d’une tente où dort un marocain

Un berbère abruti par le soleil tueur

Un bout de bois d’argan à la fine saveur

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Ses grandes dents carrées derrière sa lippe molle

Ecrasent le bois tendre, on dirait une folle

Dans son manteau de poil égaré au désert

Othello le chameau n’a besoin de personne

Il ne dit jamais rien, il rumine en silence

L’envie d’une pomme rouge à se caler la panse.

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Le grand ciel bleu de Prusse est vide comme l’estomac

Du chameau philosophe. L’image d’un grand pré

Qu’il ne verra jamais, là-bas à l’horizon

Bien sûr il n’est pas dupe, ce n’est pas un melon

Mais il donnerait cher pour tondre le gazon

Othello a la dalle du côté de Vierzon.

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Les palmiers sont si grands qu’il a l’air d’un gros rat

La palmeraie déjà ? Il n’a rien vu venir

Il pensait en marchant aux sonnets de Shakespeare

Jamais il ne s’inquiète, ne tombe dans l’effroi

Ses grosses pattes souples le mènent et il les suit

Il se fiche du tiers du quart et du demi.

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Blatérant et flânant, naviguant sur les dunes

Un chameau s’ennuyait bien plus qu’à Pampelune

Une bosse penche à droite l’autre tombe éplorée

Et personne ne sait quand lui prend de tourner

Ce soir il s’est trompé, il pensait à Voltaire

La falaise était haute il n’a même pas souffert.