Littinéraires viniques » LES ZANIMAUX MARTEAUX

UNE DINDE.

13621416_10206527404849367_1811918062_o

Avec La De la dinde a le tournis

—–

Sous sa parure noire, ses plumes bien rangées

Une dinde glougloute à longueur de journée

Elle a le port altier, la démarche ondulante

Ses petits yeux sont laids, sa dégaine navrante

Autour de son long cou pendent en grappes molles

Des billes de chair rouges, on dirait une folle.

—–

La basse cour se tait, lapin est terrifié

On ne voit que son cul qui dépasse du terrier

La dinde ivre de morgue passe comme une reine

Même le plus beau des coqs pleure comme une baleine

La pintade sidérée n’ose plus cacaber

Seul le bouc du crémier a osé l’affronter.

—-

C’est à grands coups de corne qu’il a chassé l’intruse

Et la dinde ulcérée aussi bête qu’une buse

A voulu s’envoler jusqu’en haut du pommier.

Mais son sac de cuir fin, un sac de grande marque

S’est coincé dans les branches . Vexée comme un énarque

Elle criaille plus fort toutes plumes empêtrées.

—–

Dans le ciel saturé d’azur et de nuages

Un goéland l’a vue perdue dans les branchages

Le gros oiseau vorace a piqué comme un fou

Pour dévorer tout cru le soi-disant gorfou

Arrivé sur les lieux il a vu son erreur

Il a fait demi tour, a regagné le ciel

Et la dinde est restée accrochée par les ailes.

—–

Mais le singe Kiki est arrivé bien vite

Séduit par la donzelle, il a brandit son vit

A embroché la dinde comme une vulgaire catin

Elle a hurlé un peu puis s’est accoutumée

A aimé tout compte fait les assauts du macaque

La folle a cacabé jusqu’à lâcher son sac.

—–

Dans la cour le dindon alerté par les cris

A regardé la scène d’un air à peine contrit

Puis s’en est retourné dormir en son logis.

LE TIGRE LE LION ET LE JAGUAR.

13918603_10206696049185370_901922913_o

Le cirque de La De.

—-

Le Bengale est bruissant, le vent dans les forêts,

Les moustaches aux délices, les rayures se faufilent

A pattes délirantes, en plein cœur du Bhoutan,

Sa fourrure ondoyante, le fauve est affamé,

Le sari déchiré, sous ses griffes le sang,

Elle n’a pas pu crier, Kali gorge d’argile.

—-

Allongé sur la branche, le jaguar philosophe,

Les yeux entrebâillés, l’odorat aux aguets,

Il rêve de phacochères aux graisses délicieuses,

Se récite des vers, de belles et longues strophes,

Le souffle au ralenti. Ses rosettes tachetées,

Sur son pelage roux, comme des pierres précieuses.

—-

Sur un amas de roches, il contemple, cœur amer,

Sa crinière est plus noire que le cœur de Zemon,

La savane à la vague, le soleil est au ras,

Le lion dédaigneux, ses crocs des cimeterres,

A bâillé, langue rose, a rugi du tréfonds,

L’antilope s’est enfuie, une flèche de soie.

—-

Dans mes rêves de madras, je me suis enroulé,

Le tigre m’a souri, la jaguar a feulé,

Le lion endormi pas même n’a bronché.

Sur l’ambre de leurs yeux le ciel s’est reflété.

UN BUFFLE.

Le macho-Buffalo de La De.

—-

©Brigitte de Lanfranchi – Christian Bétourné. Tous droits réservés.

—-

Macho le buffle noir est un monstre de basalte

Sous son casque de corne érodé par les guerres

Son mufle de jais mouillé aux narines épatées

Fait un bruit de chaudière lancée à toute allure.

—-

Macho, statue de lave figée, spadassin

Marmoréen des temps à jamais disparus.

La savane était belle et la vie dissolue

Le soleil régnait, implacable assassin.

—-

Macho souvent s’endort, il rêve de ciel bleu.

De bufflettes coquettes et d’ébats langoureux.

Alors les pique- bœufs fourrés dans ses naseaux

Nettoient à coups de becs, insectes et vermisseaux.

—-

Macho, indifférent, rumine lentement,

Songeur il se souvient des féroces lions

Accrochés à son dos et leurs griffes plantées

Qui déchiraient son cuir. Et le sang ruisselait.

—-

Macho au temps jadis était un dominant

Que toutes les femelles regardaient en beuglant

Sa troupe était nombreuse, les buffletins joyeux

S’ébrouaient dans l’eau claire en jouant deux à deux

—-

Sournois, le crocodile parfois se risquait,

Avide de chair fraîche, les bufflons l’excitaient

Les yeux au ras des flots comme une branche morte

Doucement s’apprêtait à trancher les aortes.

—-

Macho d’un œil éteint le laissait approcher,

Feignait de réfléchir en prenant l’air absent,

Puis d’un geste brutal ses cornes transperçaient

Jusqu’à briser les os, le dos de l’imprudent.

—-

Aujourd’hui le soleil a perdu sa superbe

Quand il est au zénith il est plus blanc qu’un mort

La savane dépérit, rare se fait l’herbe,

Et Macho le têtu connaît déjà son sort.

LE OUISTITI.

14976232_10207469237874604_1288672574_o

Le ouistiti de La De.

—-

Il a voté pour le régime de bananes,

Tout jaune, tout gros, tout odorant, dodu à craquer,

Il se fait une joie du festin à venir.

Là-haut entre les larges feuilles luisantes,

Qui ronronnent, dolentes, en haut du bananier,

Les bananes opulentes le regardent et sourient.

Ils les épluche du regard, tremble et balbutie,

Les avale, anticipe, sa glotte se trémousse.

Déjà sur son palais ça vanille bien gras,

Ses boyaux à la fête, déjà son ventre est plein.

Au pied du bananier, c’est une grande troupe,

On vocifère, comme un essaim de guêpes folles,

Les uns de fédérer les autres de diviser,

Le ouistiti a peur de ces singes énervés,

Il a quitté la scène, renoncé au banquet

Qu’il promettait de faire. Au fond de la forêt,

Il attend patiemment que le drame se dénoue.

Alors les clans hurleurs, à grands coups de crocs blancs,

S’étripent et se lacèrent. Les babouins aux dents jaunes,

Les bonobos paisibles, macaques et capucins,

Orangs-Outangs cruels et même les gibbons,

Se joignent à la lutte. La cervelle en compote.

Bientôt, les cadavres en tas noirs s’amoncèlent,

Les combattants faiblissent, les rescapés renoncent,

Les bananes flambantes, personne n’y a touché.

Les arbres sont muets, la faune s’est terrée.

Le ouistiti malin a grimpé en chantant, le régime lui tend

Ses fruits de pulpe tiède. Le petit prend son temps,

Entre ses doigts gourmands, délicats et charmants,

La chair, au goût de joie, qu’il déguste en riant.

UN ESCARGOT.

 

 

13695872_10206582826314869_867469996_n

Go, Go l’Escargot de La De.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

—–

Il n’est jamais pressé, lentement il avance,

Car chaque centimètre est un bonheur précieux,

Surtout ne pas le prendre pour une belle limace

Qui croque la salade en ouvrant grand les yeux.

L’escargot sous son heaume, ne pas croire qu’il se lasse,

Caché dans sa coquille, discrètement il danse.

—–

Au bout des tentacules ses petits oculus

Lui donnent un regard flou, distancé, innocent,

Luma est un poète perdu dans ses pensées,

Il ne voit pas le monde, il ne voit pas le sang

Des petits êtres en foules. Mourir en rangs serrés.

L’escargot est bonhomme, amis des verts talus.

—–

Comme un œil triste et mat, le soleil a plongé

Derrière les cimes noires des hommes éplorés,

Et la nuit est tombée, ce soir c’est une gueuse.

Le silence a surgi des entrailles affreuses,

Les ténèbres effroyables envahissent les âmes,

La cagouille elle aussi laisse couler ses larmes.

—–

Escargot mon ami regarde par ici,

Je te donne cette fleur cueillie au paradis,

Tu avances vers moi en laissant sur la terre,

Des traces de lune blanche qui brillent sur mon verre,

Tu hésites et balances sur le bord de ma coupe,

Puis tu t’arrêtes et bois quand cette nuit j’étouffe.

—–

Tu n’es jamais pressé, lentement tu te traines,

Escargot mon ami regarde par ici,

Au bout des tentacules tes petits yeux rêveurs,

Avance donc vers moi et partage mon verre,

Un peu de cette eau claire tombée du ciel si noir.

Comme un œil triste et mat, soleil au désespoir.

—–

La lune s’en est allée ailleurs voir si la vie

A cheval sur son pied, l’escargot l’a suivie.

LE SACOQBOT.

13467417_10206392005824476_1110573963_o

Le produit de l’union par La De.

—-

Un soir, un coq, superbe plumage arc-en-ciel,

Bec insolent, crête flamboyante, ergots pointus,

Se pavanait, large collerette déployée,

Dandinant fort du cul, excitant les couguars,

Et autres vieilles poules, plutôt molles du fion.

Le bellâtre dédaigneux, superbe, les ignorait,

Hé là, ferait beau voir, qu’il leur jette un regard,

Monsieur, les reins vannés, ses journées sont si dures,

A contenter les poulettes aux pilons bien rasés,

Sur son perchoir perché, dans son pilou pilou,

Le coco parfumé va faire un gros dodo.

—-

Dans la nuit si calme du poulailler endormi,

Deux malins voleurs mal rasés se sont introduits,

Dans un sac de jute puant, le coco a fini.

Mais il était trop maigre pour les larrons gourmands,

Au milieu de la brousse, ils l’ont jeté, sonné.

Quand il s’est réveillé, il faisait grand soleil,

Les pattes dans l’eau fraîche, il marchait prudemment,

Il pleuvait tant et fort que ses plumes mouillées,

Lui faisaient un manteau tout à fait ridicule,

On aurait un peu cru qu’il partait à la broche

Pour finir tout doré dans un gosier bien moche.

—-

Il lui fallut des heures pour reprendre ses esprits,

S’apercevant enfin qu’il était bien perdu.

Il se mit à errer comme un poulet en peine,

Nulle âme à l’horizon, pas une poule à plumer,

Qu’allait-il devenir dans ce noir marigot ?

Dame bec-en sabot dans son habit gris ardoise

Vaquait à ses travaux, ses petits yeux cerclés

De bleu gris, d’ambre clair, scrutaient les eaux dormantes,

Son large bec claquait, elle cherchait sa pitance,

Petits poissons d’argent, grenouilles minuscules,

Mais les ondes brouillées par le vent qui soufflait,

Ne laissaient rien paraître. Et belle se désolait.

—-

Soudain le coq l’a vue, n’a pas pu résister,

La dame était bien grande, il a dû sauter haut,

Pour atteindre sa croupe sous sa longue queue grise.

Le coq est un fripon qui connait bien les femmes,

En deux battements d’ailes, avant qu’elle ne se sauve

Il l’a fort bien couverte, toute livrée battante,

Elle n’a pas dit un mot, a connu le frisson

Que vous donnent les coqs des campagnes de Vierzon.

Ils ont fait un beau nid, de branches, de plumetis,

La belle a bien couvé un gros œuf tout joli,

Quand la coque a craqué, comme ils furent surpris !

—-

C’est ainsi que naquit SaCoqBot le bâtard,

Ils vécurent très heureux, là-bas près du grand lac,

Au dessus de leurs têtes, le grand ciel bleu de laque

A pêcher et flâner, du matin jusqu’au soir.

LA SALAMANDRE.

La fille de Salamandre sur lit de sang par La De.

—-

©Brigitte de Lanfranchi – Christian Bétourné. Tous droits réservés.

—-

En plein l’œil du soleil, au plus fort des horreurs.

Le haut lieu, l’indicible, où la mort s’agenouille

De peur de voir ses voiles se dissoudre à jamais.

Au centre de l’athanor funeste, gît la bête !

—-

La noire mandragore, reine des cauchemars

Règne ! L’Impératrice des songes abominables,

Imperturbable dort ! Son regard sang de lave

Rougeoie sous ses lourdes paupières de carbone.

Quand elle ouvre les yeux les succubes défaillent.

—-

Quand elle souffle le feu les étoiles s’éteignent

Et les barbares furieux sortent de leurs cavernes

Pour se ruer haineux sur les foules perdues,

Les espaces effrayés se rétractent. La nuit saigne.

—-

Paradis et enfer ne sont pas de son monde.

La salamandre effraie sous son basalte noir,

Les cieux sont aux aguets de toute éternité,

Ils craignent qu’elle n’éternue à fendre l’univers.

—-

La reine au désespoir a perdu son amant.

Il a insulté Dieu. Dieu l’a désintégré

D’un regard assassin il l’a fait disparaître,

Dans les tréfonds glacés la froidure l’a gelé.

—-

A la noire fontaine, fragiles peaux tachées

Des filles de Salamandre en foules agglutinées,

Miniatures délicates, enfants désespérées.

Elles pleurent dans les eaux leur mère décapitée.

UNE MANTE RELIGIEUSE.

La Délicieuse amante de La De.

—-

©Brigitte de Lanfranchi – Christian Bétourné. Tous droits réservés.

—-

Abominable mante aux yeux démesurés,

Aux grands bras menaçants, accrochée à la tige

D’une rose fragile à l’aube d’un vertige,

Sous la lumière, pâmée. Comme un monstre incarné

Sur une branche morte, un diable déguisé

En Vénitienne pâle au masque enfariné.

Insectes égarés prenez garde à la strige !

—-

Elle est belle comme la mort, son sourire ensorcèle

Le papillon léger, amoureux des corolles,

Des dentelles graciles et des pistils charnus.

La mante a déployé l’éventail de ses ailes,

Peintes de couleurs vives sous le soleil perdu.

Sa tête s’est penchée entre les aréoles

Ses crochets ont frémi sous la pluie d’étincelles.

—-

Le léger a plané comme une feuille lente,

A tourné, a viré, se faisant une joie

Des sucs délicieux, de ce cœur moelleux,

Prêt à plonger sa trompe, à connaitre l’extase,

Ses antennes vibraient, le mâle était aux anges.

Ses yeux d’opale noire voyaient le monde en bleu.

La danseuse funeste, immobile, attendait.

—-

A la première attaque l’envoilé a sombré

Sa beauté envolée en pluie de soie dorée

A saupoudré le vent qui l’a éparpillée,

Et la rose poudrée doucement s’est pâmée.

La mante dévoreuse a croqué dans la tête,

Elle raffole, frivole, des cervelles en miettes,

Entre ses longues pattes suintent ses crocs sanglants.

—-

Quand le ciel est au beau, quand l’azur étincèle,

Parfois le soir venu, le jour juste tombé,

Quand l’œil écarquillé a fini de sombrer,

Celui qui s’est perdu sous les ombres futaies,

Peut entendre là-bas, sous les herbes dressées,

Le feulement furtif de la rauque mortelle.

UNE MÉSANGE.

La Chimène en beauté de La De.

—-

©Brigitte de Lanfranchi – Christian Bétourné. Tous droits réservés.

—-

Rodrigue la mésange ondule de branche en branche

C’est une charbonnière aux plumes délirantes

Elle est déjà partie quand on la rêve ailleurs.

Ses joues blanches s’agitent quand elle zinzinule

Et tremble le sabre noir sur son plastron citron.

Ses ailes vives vibrent comme des éventails

Au moindre bruit suspect le samouraï sombre

Caché derrière son bec se tient prêt au combat.

Rodrigue est aux aguets et le fier Condottiere,

Sous les feuilles dorées qui dévalent en rafale,

Sent que la vie se terre et que le froid survient.

Cachée sous le jasmin, Chimène sa femelle

A l’abri du nid chaud attend que la paix soit.

Le bonheur revenu, le fin bout de son bec

 Pique avec tel délice les graines tombées au sol,

Que le jardin se tait l’espace d’une becquée.

Rodrigue la mésange, Chimène sa compagne

Espèrent que le soleil mangera le ciel lourd.

Et sous le ciel bleuet renaîtront les amours.

UN SERPENT.

13689491_10206555183623819_1738878109_n (Copier)

L’insinué de La De.

—-

©Brigitte de Lanfranchi – Christian Bétourné. Tous droits réservés.

—-

Un boa s’insinue dans une large fente,

Sa tête est déjà loin quand sa queue est ici,

Comme un soupçon malsain qui rampe sous la soupente,

Quant à la nuit tombée, les enfants cramoisis

S’enfoncent sous les draps, tout au fond de leurs lits.

Le serpent est un doute qui glisse sans un bruit.

—–

Le reptile imbécile a gobé un lapin,

Un lapin de passage aux oreilles tendues,

Seule sa queue tressaille, son corps a disparu

Envolé, englouti, comme un vulgaire boudin.

Sur les écailles lisses du boa déformé,

On peut voir les oreilles du lapin dessinées.

—–

A digérer ainsi une telle boule de poil,

Le boa a plongé dans un sommeil profond,

Il rêve d’un gros chat allongé sur un poêle,

De lui parler tout bas pour l’avaler tout rond,

Et l’entendre miauler, étouffer, rubicond.

C’est un boa pervers, effrayant et cruel.

—–

Le serpent est un fat, ne craint ni dieu ni diable,

Tout le monde s’enfuit, et sa gueule béante

Est un four de soie rose, fascinant, insatiable,

Sa langue noire fendue comme un sabot crochu

Caresse les jeunes proies, les petites pantelantes.

Oui, le dragon sans ailes a perdu ses vertus !

—–

Vous qui vous promenez dans les forêts lointaines,

Gardez vous de rêver sur un tronc vermoulu,

Ne fermez pas les yeux, méfiez vous des fontaines,

Des lianes enchevêtrées et des regards goulus,

Parfois entre vos jambes un boa se promène,

Prêt à vous enfourner, petites ingénues !