Littinéraires viniques » Christian Bétourné

LA PIE ROUGE …

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La Pie Rouge de La De.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

—–

La pie rouge

A chanté,

Son aria

—–

Musquée.

La gouge

Fromagère

De ta croupe

Musclée

S’est affaissée.

Désossée …

—–

Au vent traître

Qui s’est levé,

Tu offres

Ton corps

Languide

Qui pèse

Sur ma vie

De suie.

La pluie,

Qui ne pleut pas,

Enrage.

Outrage …

—–

Le sang

Gicle,

Sur les terres

Désolées

De ton giron

D’albâtre.

Craquelé.

Souffle

La tempête

Sur ma peau

Ridée.

Giclée,

Olé …

—–

La fumée

Crachée

Par ta bouche

Menteuse,

M’enveloppe

Et me perd.

Je suffoque,

Comme un chat

Étranglé.

Je mêle

Mon poil

Absent

Aux mots

Rugueux

Que je crache

Au vent.

Strident …

—–

Ouvre tes yeux,

Si bleus

Qu’ils me

Désespèrent,

Cythère.

Jamais tes rives

Lascives,

Tes ogives

Furibondes,

La blonde,

N’enchanteront

Mes mains.

Rageur,

Je pleure.

Ces heures.

Furieuses …

—–

Dans les ondes

Sèches

De tes amours

Partagées,

La ronde,

Tu m’as

Déglingué.

Pimbêche,

Ogresse

De soie,

Taffetas

Pâle,

Ta peau,

Sucée,

Me glace.

Pétasse …

—–

Kriss,

Tu tues,

Tu saignes

La musaraigne.

Son ventre

Percé

Perd ses

Humeurs

Dorées,

Son miel

Gras,

Qui ne coule pas

Sur mes doigts.

Désarroi …

—–

Reste au loin,

C’est bien.

Crachin,

Venin,

Espoir

Tremblant …

RESPIRATION

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La De en patchwork partiel.

—–

Rien de définitif, de solennel, ni texte ni poème, aucune de ces fulgurances à révolutionner la poétique ou la prose. Non vraiment, peu. Le Nobel n’est pas pour demain. Nonobstant, néanmoins, cependant, les petites choses, les petits bijoux ciselés avec  un grand talent par La De, talent qu’il me plaît de souligner, tant il serait “juste” qu’il fût enfin reconnu, tout comme les mots empaquetés de soie rose, de peau de boudin, de verre pilé, ou d’autres douceurs tendres ou acides, qu’il me plaît d’agencer à ma manière, oui tout cela demande du travail. Nous ne sommes pas, La De en pinceaux, et moi-même à la plume, de ceux qui crachent leur gourme empesée, ni relue, ni même parfois à peine écrite, aux vents collants  et insipides de la toile.

Aussi très chers rares lecteurs, vous comprendrez qu’il nous faille respirer un peu, d’autant que nos quelques passants se sont égayés sous diverses latitudes.

Alors sans pour autant nous joindre aux troupes transhumantes qui polluent le Mont-Blanc, ou qui étalent leur crèmes grasses sur les rivages autrefois purs des mers et océans alentours, nous nous retirons au-dedans de nous mêmes, chacun à notre façon …

Nous vous reverrons peut-être, qui sait, après que les hystéries estivales se seront apaisées.

ODE A MA COCHONNE.

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Quand La De se lâche …

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

—–

C’est une sacré luronne

Qui hurle quand on lui donne,

Le con lui saucissonne,

Le cul lui badigeonne.

–—

Elle aime qu’on l’éperonne,

Allez, on me bouchonne !

Bouscule ta daronne,

Remplis lui la bonbonne.

–—

A fond dans la bouffonne,

Explosent les neurones,

Voltige ma dragonne,

Et danse la chaconne.

–—

Quel beau cul cette bretonne,

Qui crie qu’on la crayonne,

Lui touille, cette gloutonne,

La prendre comme une bonne.

––

Va-z-y, qu’elle me bougonne

Je serai ta championne,

Remplis moi, suis ta conne,

Plus haut que la couronne.

–—

Elle est folle comme personne,

Elle fait sa belle espionne,

Et même elle fanfaronne,

Et y’a jamais maldonne.

–—

Foutredieu, la polissonne

S’accroche, pleure et tonne,

Tous les jours elle m’étonne,

Elle en voudrait des tonnes.

–—

Non ce n’est pas une madone,

Elle veut qu’on la pouponne,

Parfois oui, elle ronchonne,

Allez, tu m’éperonnes !

––

Souvent son fût moutonne

Quand elle fait sa couillonne,

Elle aime qu’on la pistonne,

Une sauvage chaperonne !

––

Pourtant quand je me plie,

Épuisé, vanné, ravi,

Alors elle me sourit

En suçotant mon vit.

–—

Ma cochonne, ma chérie,

Tu vaux plus qu’un rubis,

Tes yeux sont lazuli,

Ton cœur, petite souris.

LE NIL EN GOUTTES D’OR…

«Cette roue sous laquelle nous tournons

Est pareille à une lanterne magique.

Le soleil est la lampe; le monde l’écran;

Nous sommes les images qui passent.»

Rubaiyiat of Omar khayyâm.

Amonnakht.

Aussi brutalement que s’abat le faucon, la nuit tomba sur Deir El-Médineh. Amonnakht regagnait sa maison à petits pas rapides. Il était épuisé par sa longue journée. Amenhotep 1er commandait que l’on construise son tombeau. Le fils d’Amon-Ré avait parlé, il fallait que l’Égypte s’empresse de le satisfaire pensait-il, tout en se protégeant du vent de sable qui montait en courtes rafales cinglantes. Le désir de Pharaon avait suivi les méandres complexes d’une administration que nul n’était en mesure de comprendre. Osiris peut-être, se dit l’artisan en souriant intérieurement. Hors les Dieux omniscients, personne ne lui expliquerait jamais comment l’ordre Royal était arrivé jusqu’à lui. Il ne comprenait toujours pas, lui qui n’était rien qu’un petit artisan… Certes il était apprécié de tous. La précision de son travail et l’originalité de ses plans étaient connus aux alentours et jusqu’à Thèbes, mais Pharaon !!! On disait que le Roi était faible, que sa santé déclinait. Il fallait que tout soit prêt à temps. Deux fois déjà il avait du faire abattre l’édifice, qui sortait pourtant de terre d’une bonne brasse. On avait soudoyé ses chefs d’équipe en leur vendant un mauvais sable sans qu’il ne s’en aperçoive, pire les fondations avaient été tronquées!!! Le problème était là, les hommes n’étaient pas fiables. Amonnakht referma la porte sur sa solitude inquiète. Il s’allongea sur le battant de cèdre qui supportait sa couche. L’odeur parfumée du bois l’emporta dans ses vignes du delta. Il ne dormait ni n’était éveillé. Son âme nostalgique filait à la vitesse d’un rapace en chasse par delà villages et déserts. Les vignes apparurent irradiées par le bronze en fusion de Ré. L’astre divin plongeait déjà dans les eaux sombres du fleuve sacré et faisait naître sur les ondulations de l’eau de longues flammes qui roulaient, rafraîchies par la brise marine puis s’en venaient mourir dans les tiges serrées des massifs de papyrus. L’air sonnait de leurs chants crissants. Amonnakht soupira, ses muscles se dénouèrent tandis qu’il caressait du bout de l’index le grain gonflé de vie d’un raisin. Dans l’obscurité de la cave les jarres alignaient leurs cols effilés le long des murs de terre sèche. Son nom et celui de sa vigne étaient gravés dans l’argile cuite de chacune des amphores. Les jus, aiguisés par le mélange d’épices dont il gardait précieusement le secret, régaleraient sous peu les palais précieux de Pharaons et de sa cour. Demain serait un autre jour.

Il s’endormit sur son bonheur fragile.

Jean de Salerne.

Ce jour de l’an neuf cent trente huit, Jean rencontra Odon de Lagéry à Rome et sut que tôt ou tard il le suivrait à Cluny. En ces temps là pourtant, les voyages étaient longs, rares et harassants. Leur rencontre, il le croyait fermement, Dieu l’avait voulue… L’abbaye de Cluny n’avait alors qu’une trentaine d’années. C’est en débouchant du dernier virage au sortir de la forêt, que Jean l’aperçut au fond de la vallée noire. Les douze moines de la première heure, emmenés par Bernon l’abbé fondateur, avaient bellement et durement travaillé, édifiant cette abbatiale sur les terres du généreux Guillaume III d’Aquitaine dit «Le Pieux». La petite abbaye était un pur joyau Roman. D’emblée Jean avait voué une sainte admiration à Odon fin lettré, grand lecteur de Virgile et musicien qui composait en ces lieux ces chants psalmodiés qui allégissent les prières. Il voyait en son «Rex Christe» un moyen de laver les âmes et d’en expulser les mauvais désirs. Sans le savoir il préparait les chefs-d’œuvre Grégoriens. Jean s’installa et ne quitta plus Odon. Les règles de Saint Benoit étaient strictes. Jean s’y adapta peu à peu. Travail et prière au long des jours, forgèrent son âme qui se dégagea des vanités de l’ego. Il apprit à se taire, à user avec parcimonie de la puissance du verbe, à nuancer sa pensée comme ses propos. Ceux qui l’avaient connu jeune et fougueux n’auraient pu le reconnaître tant il changeait. Même sa voix s’était calmée. Lui qui avait aimé tonitruer dans les tavernes s’exprimait maintenant d’une voix douce, une voix de sacristie qui frisait parfois la componction. La prudence était sa seule maitresse et son ton cauteleux servait à point sa finesse d’esprit qui faisait merveille quand il fallait servir la Réforme qu’Odon menait, d’abbayes en couvents. Il s’attela à la préparation de la «Vita Sancti Odonis» qu’il écrirait à la mort d’Odon. Chaque jour entre les huit temps de la liturgie des heures, des Vigiles aux Complies, il notait scrupuleusement,chaque mot, chaque acte saint de l’Abbé comme un hagiographe zélé. Il ne s’accordait que le répit du travail manuel qui commençait juste après les Laudes, quand les lumières rasantes du point du jour enflammaient les champs alentours. Sans qu’on ait à le lui imposer, il s’était spontanément attaché au service de la vigne. Dieu lui demandait de veiller au Saint Sang de la communion. Il y excella bientôt et vécut au pied des ceps d’intenses extases, que prolongeaient en douces rêveries mystiques le chant des psaumes tout au long des heures. L’hypocras de l’antique, sucré et épicé, il l’épura et en fit un nectar aérien. Le sang de la terre que les hommes avaient épaissi devint le Sacrifice de Christ, qui brillait, comme le rubis écarlate du Sang Divin dans le calice de bois brut des offices. Le vin frais transmué, se fondait aux scansions languides de l’incipit du Rex Christe en une alchimie éthérée. Transporté, il se prosternait aux portes du Royaume radieux, l’âme à la fois humble et fiévreuse.

Jean était à jamais aux anges.

Aymeric.

Sous les murs de Saint Jean d’Acre Saladin songeait. En ce mois d’Août mille cent quatre vingt neuf, le soleil écrasait la ville de toute sa puissance estivale. La chaleur était extrême. La ville serait prise et maintes fois, avant que le Sultan ne cède aux attaques des Croisés de Philippe Auguste.

Bien loin des sables brûlants du Royaume de Jérusalem, au pied des collines verdoyantes du Sancerrois, Aymeric s’affairait aux champs. La pluie avait cessé en ce mois d’avril. Appuyé sur sa bêche, il suivait du regard le vol lent des escadrilles bruyantes que les oies formaient en remontant du grand Sud. Il aurait aimé être un de ces oiseaux migrateurs, libres de toutes contraintes féodales qui survolent le monde de leurs ailes lourdes et agiles à la fois. Mais il n’était qu’Aymeric, attaché à la maison d’Etienne Premier Comte de Sancerre. Il ne se plaignait pas, son maître était bon et le traitait humainement. Il faut dire que pour un serf il maniait fort habilement la lourde épée. Étienne aimait à le voir résister en souriant aux assauts des meilleurs de ses Chevaliers. Il en ferait son écuyer, assurément s’il lui fallait un jour partir au combat. En attendant ces temps sombres qu’il espérait et redoutait à la fois, Aymeric courbait l’échine au service de son Suzerain. Lorsque se rendant aux champs il traversait les vignes, il aimait à s’arrêter pour croquer quelques grappes de gros raisins blancs croquants et juteux. Il rechignait à boire les jus trop acides à son goût, qu’on en faisait. Quand coulait dans sa gorge assoiffée le jus sucré des baies fraîches, il fermait les yeux et communiait en silence avec le cœur de cette terre généreuse. Ah s’il pouvait travailler ces lianes folles qui rampaient, il était sûr, lui qui les sentaient presque vivantes, qu’elles lui donneraient bien meilleur vin!!! Il mourut le sept Septembre mille cent quatre vingt onze. Un lourd épieu Sarrasin lui perça le dos, tandis qu’il ferraillait aux côtés d’Etienne dans les fossés de Saint Jean. Aymeric tomba d’un bloc, les poumons envahis par le sang lourd qui sourdait de son cœur percé. Le ciel connut toutes les couleurs de l’arc-en-ciel tandis qu’il suffoquait.

Il regretta le frais nectar sucré de tous les raisins de Sancerre qu’il ne croquerait jamais plus…

Guillaume.

Dans les vallées Lombardes, en ce mois de Février mille cinq cent vingt cinq la neige épaisse tournait à la glace. Les arbres figés brillaient sous la carapace luisante du froid. La lune pleine comme une matrone lubrique, y projetait les ombres souffreteuses et dépenaillées de l’armée en marche. Les notes aiguës des armes qui cliquetaient sur le dos des hommes épuisés répondaient aux hurlements stridents des hordes de loups en chasse, qui rebondissaient sur les hautes et sombres parois de pierres déchiquetées. Pavie n’est plus loin scandaient les sergents, mercenaires efflanqués aux oreilles rougies des soldats de l’armée de François 1er. Guillaume sentait battre dans son cou ses longs cheveux blonds raidis par le froid. Il contractait ses dorsaux puissants pour faire barrière à la bise coupante. Ses hardes de cuir, lacérées par les combats de la veille, ne le protégeaient plus guère. Chaque pas était un supplice qui résonnait dans ses cuisses musclées. Ses tendons lui semblaient de cuir tressé, prêts à se rompre à chaque effort. Enfin vint le temps de la halte! Guillaume se recroquevilla contre le tronc rugueux d’un arbre écrasé sous le poids de la glace. Il porta à ses lèvres gercées le bec de corne d’une gourde de vin. Le liquide râpeux, qu’il transportait en bandoulière depuis Chinon, se réchauffa sur sa langue et explosa dans sa bouche. Saoulé de fatigue, il ferma les yeux. Le vin dilata ses veines et le revigora. Quelques lambeaux de viande séchée, durs comme vieux cuir et racornis par tous les sels des mers de France, crissèrent sous ses chicots à vif. Il tomba dans une torpeur légère…

«Chinon, Chinon, Chinon,

Petite ville, grand renom,

Assise sur pierre ancienne,

Au haut le bois, au pied de la Vienne».

Le nom de sa ville, chanté par le Sieur «Alcofribas Nasier», tournait dans sa tête comme une ritournelle apaisante. Une seule gorgée avait suffit à l’envoyer voler au dessus des bois de la Devinière. Le divin moine, apostasique à ses heures, tour à tour Franciscain, Bénédictin, médecin et curé, glorifiait sa cité et plus encore son vin à longueur de recueils. Il envoyait «la femme folle à la messe» «à Beaumont le Vicomte»… Guillaume qu’il aimait bien et qui savait lire, ce qui était rare chez les gueux, avait su l’émouvoir et l’intriguer. Une telle nature qui avait en elle l’intelligence des Lettres sans que «l’eschole» l’ait façonnée, le laissait perplexe. Depuis lors le maître lui donnait à lire aussi souvent qu’il se pouvait. Engourdi par le vin autant que par les frimas cruels, Guillaume se récitait le Gargantua qui déclenchait en lui, depuis qu’il y avait pu y poser les yeux, autant d’inextinguibles fou-rires que de longues réflexions. En cette nuit de misère les facéties langagières du géant le maintenaient en vie.

« Mais, concluent, je dys et mantiens qu’il n’y a tel torche-cull que d’un oyzon bien duveté, pourveu qu’on luy tienne la teste entre les jambes. Et m’en croyez sus mon honneur. Car vous sentez au trou du cul une volupté mirificque, tant par la doulceur d’icelluy dumet que par la chaleur tempérée de l’oizon laquelle facilement est communicquée au boyau culier et aultres intestines, jusques à venir à la region du cueur et du cerveau. Et ne pensez que la béatitude des héroes et semi-dieux, qui sont par les Champs Elysiens, soit en leur asphodèle, ou ambrosie, ou nectar, comme disent ces vieilles ycy. Elle est (scelon mon opinion) en ce qu’ilz se torchent le cul d’un oyzon, et telle est l’opinion de Maistre Jehan d’Escosse. »

L’étrange «soudard lettré» s’endormait. La musique des mots le berçait. Rien ne pouvait lui arriver car la prédiction du maître le protégeait : «Beusvez tousjours, ne meurez jamais». Eh oui, «Rien ne se crée, tout se transforme» dira t-on deux cents ans tard! Guillaume, quatre siècles avant l’heure niaise des marketeurs fous et des légistes frileux, bénéficiait déjà des bienfaits hors de prix des cures branchées de polyphénols et autres molécules «tendance». Las, le lendemain, au petit matin, un arquebusier embusqué lui fracassa le bassin. Un lansquenet Allemand l’acheva, d’un revers d’épée qui lui sectionna la gorge. Le sang jaillit en un geyser chaud.

Guillaume sourit, Gargantua lui tendait les bras.

Victoire.

La femme sursauta quand elle fut violemment pénétrée. Une bouffée aigre de chair sale la révulsa. Elle avait tout essayé, avant de faire du commerce de sa chair sa survie. La vie sous le règne du bien-aimé, n’était pas Versailles pour tout le monde. Fille de catin et de personne, elle reproduisait ce que sa mère avait connu. La vie serait courte, elle le savait. C’était ainsi… A dix sept ans, sa génitrice mourut d’une septicémie foudroyante sous les coups de boutoir d’un colosse qui lui perfora l’utérus. Victoire se relâcha. Pour souffrir moins elle pensa au roi. Qu’il était beau le jeune Duc d’Anjou tandis qu’il galopait dans Paris. Il était roi depuis quinze ans et n’en avait que vingt cinq!!! Alors qu’elle tentait de traverser la rue Saint Jacques, les troupes du roi l’avaient renversée dans la boue froide de Décembre. Du coin de l’œil, elle avait vu dans sa chute le visage poudré du monarque qui passait au galop. Cette image, elle l’avait précieusement conservée, elle était la bouée qu’elle déployait quand elle se noyait dans la pestilence de son quotidien. Mais pourquoi donc tout cela se demandait-elle tout au long des secondes infinies comme des millénaires, qui alourdissaient sa vie. Elle repoussa la brute ivre qui l’avait souillée et lui réclama son dû. Dans l’obscurité de la taverne, elle but à longues lampées le vin violent qui l’apaisait. Le jus épais de la vigne l’enivrait et l’emmenait au-delà du sordide qui lui collait à l’âme. Il dissolvait les larmes salées qui refluaient dans sa gorge serrée. Ses yeux restaient secs et scrutaient la pénombre grasse, à la recherche de la poignée de sols qui paierait sa pitance, cette tranche de pain sec qui calmerait son estomac révulsé par la faim, cette chère compagne cruelle qui ne la quittait jamais. Elle savait qu’elle ne reverrait pas les vignes hautes de Tannat de son Madiran natal, mais elle s’y promenait dès qu’elle fermait les yeux. Sans le vouloir elle empruntait la robe brochée de la Pompadour dont le carrosse, lancé à pleine vitesse dans la boue infecte des rues de Paris, avait un jour éclaboussé la chemise élimée qui la protégeait si mal des eaux froides de l’automne. Le bleu azur de la robe et le rose tendre des dentelles la ravissaient. Légère comme la libellule des marais elle volait sur l’herbe verdelette, zigzaguant comme une biche ivre de fleurs fraîches, entre les rangs de vigne. Son grand père qui l’avait élevée un temps, s’y brisa, les reins cassés par le labeur. Elle aurait tant aimé plonger une fois encore ses doigts gracieux dans le jus poisseux des soleils rouges de son enfance… Ces collines rêvées étaient son refuge secret. La toux rauque lui déchira la poitrine. Elle rouvrit ses beaux yeux zinzolin cernés de misère et expectora une grosse boule de crachat rose et crémeux dans la chope vide. Les vertiges la reprirent. Elle eut le sentiment que son corps se trouait. Accrochée à la table de bois brut, les doigts blanchis par l’effort, elle sentit les crocs de la mort lui effleurer la nuque.

Elle ne se releva pas…

CLOVISSE.

Clovisse était en noir et blanc toute la sainte journée. Du haut de ses dix ans il regardait le monde en levant la tête. Il n’imaginait même pas qu’il put en être autrement!!! L’école avait tenté de le garder en vain. Il avait l’esprit vif. Madame Vincent l’adorait. Ses boucles brunes, son sourire espiègle et son regard qui semblait lui dire qu’elle était toujours en retard, tant il comprenait vite, l’avaient depuis longtemps séduite. Mais l’habitude, celle qui aveugle les hommes, les temps durs comme le pain rassis, la voracité de la mine qui comme Chronos aimait à dévorer ses enfants si tendres, eurent raison de tous les beaux arguments de l’institutrice. Clovisse quitta le banc pour le carreau d’Oignies. La solitude ne le prit pas, il retrouva tous les petits qui bataillaient avec lui dans la cour de l’école à l’exception des fils de l’ingénieur, du notaire, et de quelques commerçants fortunés. Tout cela passait sans peine au-dessus de la tête du petit. Les percherons beiges aux culs plus larges que les bennes qu’ils tiraient sans effort apparent, fascinaient l’enfant. Leurs yeux doux aux longs cils le regardaient à chaque voyage. Il s’arrêtait et souriait aux monstres placides. La voix rude du porion déversait sur son dos de souris famélique, une bordée d’injures en patois. Docile, Clovisse reprenait le travail. Tous les petits rats de la mine dansaient leurs rôles sur la pointe de leurs pieds minuscules. Agiles, ils se faufilaient dans les tailles les plus étroites et ramenaient le charbon vers les trémies. D’autres fois, ils approvisionnaient les abatteurs et les boiseurs, en bois, en lampes, en outillages quant ils ne pompaient pas l’eau qui régulièrement envahissait les étages inférieurs. Tout cela leur convenait jusqu’à ce que la fatigue s’accumulant au long des heures, ils ne finissent leurs douze heures et remontent de la fosse, blancs comme des chicons. Clovisse était léger comme un souffle, il avait toujours faim mais la gamelle était mince et le pain tranché fin. Alors, en cachette il mâchait un bout de cuir rance qu’il avait trouvé près des chevaux. Il se donnait à sa tâche sans compter. Sa nature innocente et généreuse l’y poussait naturellement. Le porion l’appelait souvent et l’envoyait nourrir les chevaux. Son sourire, comme un soleil de dents blanches crevait le masque de charbon, il jubilait. C’était sa récompense. Famélique, rachitique et heureux, l’enfant riait en caressant le poil dru des bestiaux. Puis il prit un an de plus, sans que l’on puisse s’en douter. Les chevaux coûtaient cher à la mine!! Alors on chargea les mômes du calvaire… Clovisse et d’autres galibots furent affectés aux wagonnets qu’ils leur fallaient pousser dix à douze heures durant. Certains d’entre eux n’avaient pas huit ans. Une fin de journée d’été, par plus de mille mètres sous terre alors que la température dépassait les trente degrés, le pied blessé de Clovisse dérapa. Le wagonnet lui fit éclater le thorax sans qu’il ait le temps de crier. La travail continua. Un salaire de moins à la maison. Il n’y avait plus que des filles. Ce serait dur.

La plume du comptable raya son nom en crissant.

Patrick.

En ce petit matin de Mai deux mille neuf, le ciel sous le vent du nord roulait de gros nuages dont les formes noires et rebondies étaient distendues par les énormes masses d’eau aspirées en quelques fjords lointains. Les jambes écartées à largeur d’épaules, le dos droit et les mains sur les hanches, Patrick parlait au ciel. A cet endroit le sol est si mince qu’il croyait sentir sous ses pieds la roche, le calcaire dur. Cette impression récurrente il la recherchait à chaque fois que les nécessités lui permettaient d’y venir s’y planter. Sous la terre fine et caillouteuse des ondes montaient, qui le caressaient. Ces moments là étaient à lui, personne n’en savait rien. Un pur bonheur d’être ainsi fiché comme un piquet de vigne, comme un cep vigoureux, le regard brouillé et le corps irradié par les forces telluriques. La roche que perçaient les vignes les plus souffrantes, était son socle, la terre était sa chair. Il aimait à y croire… de toutes ses forces! Ces corps courbés qui s’étaient succédés en ces lieux chargés, avaient fait au cours des siècles, de cette liane indolente qui aimait à courir au ras du sol en donnant des tombereaux de grappes aux jus insipides, de vrais athlètes aux corps noueux. C’étaient ces mêmes silhouettes fibreuses et tourmentées qui priaient tout l’hiver, attendant que le printemps les exauce. Les tailles courtes, les sols labourés, les rangs enherbés avaient transformé ces belles rampantes aux mollesses tendres, en souches aux corps musculeux dont les doigts bancroches se tendaient infiniment vers les cieux. Sous leurs arpions renflés, telles les pattes pétrifiées des éléphants d’Hannibal au débouché des Alpes, invisibles et opiniâtres, fouissaient de solides racines qui traversaient la terre et foraient la roche pour vivre leurs amours secrètes. Les sucs les plus précieux, les élixirs les plus ultimes remontaient ainsi des profondeurs palpitantes, vers les grappes extasiées. Les dernières remontées de Septembre les poussaient à l’orgasme. Les belles années Patrick savait que le travail au chai serait riant. Les baies étaient petites, rondes, gonflées de jus. Sur la langue, la peau épaisse cédait à la pression et lui inondait la bouche d’un liquide sucré que tempéraient les pépins qui craquaient leur amande douce sous la dent. Les temps difficiles, il courbait un peu, un peu seulement, la tête. Il lui faudrait imprimer sa marque plus nettement, pour que le vin soit à son meilleur possible. Ainsi vont les temps du vin qui unissent indissolublement le ciel, le sol et l’homme, comme le reflet affaibli du Trismégiste.

Tout cela tournait dans sa tête à chaque fois qu’il s’arrachait à la vie pour monter en ces lieux. A mi-pente il dominait le village et les vignes. Nul besoin de bouger pour voyager. Pour des raisons qui lui échappaient, dès qu’il s’immergeait dans la houle verte des rameaux feuillus il entrait dans une sorte de monde intermédiaire. Une foule d’images, de sensations, parfois contraires, l’envahissaient. C’était étrange et agréable cependant de se couper ainsi des vanités anesthésiantes du réel. C’était comme une brisure et une contraction à la fois des temps. Une impression de déjà vu, de déjà vécu, des scènes brèves, fulgurantes et rémanentes. Ce rapace qui tournait au dessus des sables, cette douleur sous l’omoplate gauche qui lui vrillait parfois le dos, cette gène dans la hanche,à l’occasion quand il courait, cette quasi phobie du noir, ce besoin immédiat de lumière dès que la nuit tombait, toutes ces peurs et ces bonheurs secrets surgissaient comme autant de fantômes fraternels, là, quasiment à chaque fois, au beau milieu de «Goutte d’Or». Il jeta un coup d’œil à sa montre, il était temps d’aller initier les enfants aux joies de l’effort physique…

Décidément, il aimait ces petits matins dans les vignes.

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SOUS LE REGARD TREMBLANT DES FEMMES AUX LÈVRES ROUGES…

Agnès Boulloche. Rouges aux lèvres.

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Au centre du ventre rond de l’odalisque, l’Orient s’étale…

Cœur des sens, nombril des plaisirs gourmands. En son centre, entre les plis fragiles de l’ancien cordon disparu, la vasque parfaite, le réceptacle des orgasmes réitérés, déroule sa parfaite rotondité. Les maîtres verriers Vénitiens, les poètes ivres de tous les bateaux illuminés, les Alchimistes à la lueur de leurs Athanors inspirés, les souffleurs de verre de Murano, les lisseurs de cristal de Bohème et d’outre-finesse, les cueilleurs de pétales labiles qui diffractent les lumières incarnates des fillettes de joie, se sont inspirés, comme autant d’amoureux transis, de cette combe de chair tendre. Coupe parfaite, elle est la mère sensuelle de tous les verres, la matrice mille fois reproduite, qui accueille, recueille, cajole et caresse, le vermeil chaud, tout comme l’or translucide des grappes juteuses des vins de sang sucré…

Elle est au recueil du vin, ce que le Graal est au Calice…

Quand il se penche sur le cercle ondoyant de son verre, l’œil irisé du vin le regarde et toutes les femmes lui sourient. La Martine des Bret’s de Mâcon, la Chère Bouche des Bouchères des Buissons de Meursault, l’Arbois de l’Arsouille d’Arsures, les Amoureuses de Layla, Germine la gamine des Côtes bien Rôties, l’Ellipse de Zélige au fil du Caravent… Oui toutes, et plus encore celle que ses rêves espèrent, ondulent comme mirages accumulés, lianes évanescentes des libations de tous ses temps. Leurs ventres ondulent sous les soies légères brodées d’or fin. Leurs hanches rondes se meuvent, promesses fuyantes, s’arrondissent puis se creusent, enflent et tressaillent, à le damner. De leurs rondeurs tremblantes qu’agitent les spasmes syncopés des fragrances du vin, montent en vagues parfumées, des torrents de fruits cloutés d’épices, l’espoir prochain d’une félicité fondante. Il est la pierre, celle qui laisse en leurs bouches fragiles, le goût acide métamorphique. Plonger dans la coupe de tous les verres, nager dans les eaux odorantes des grappes mêlées, croquer la rose, née des rouges et ors imbriqués dans les profondeurs moites des spélonques réconfortantes, dans les creux moelleux des méandres ombrés, pour replonger aux origines, porteuses des avenirs espérés et déçus…

Prose abstruse que la raison ne pénètre pas, seuls les yeux clos peuvent s’y ouvrir.

Dans le creux raidi de son bras replié, ACHILLE l’Ancien, paupières encore ligaturées, peine à remonter du fin fond obscur de son rêve affligeant. Angoisse sidérante et peur primale le déboussolent et l’écrasent. Il s’extraie lentement des tentacules gluants de la pieuvre visqueuse, du cauchemar obscur qui l’a exténué. Dans le brouillard épais d’une conscience à son nadir, il tente de s’extirper de la glu qui le colle au fin fond enténébré des terreurs immémoriales. De ce voyage aux enfers sans visages, il revient effrayé, étonné, un peu perdu. Seul le souvenir du fin duvet brillant de l’odalisque le rassérène. Au milieu de cette étrange nuit, l’ampoule nue qui brille au plafond de la pièce lui vrille la nuque d’une lumière crue, sans fard. Il s’y accroche de toute sa volonté comme s’il remontait, aspirant à la clarté, des entrailles torrides du ventre en magma de la terre. La pièce est vide autour de lui. Affalé sur la table de cuir et de vieux bois patiné, il aperçoit, au travers de ses cils collants, du coin de l’œil, le large cul vert d’une lourde bouteille floue. Étrange flacon qui ondule comme une montre molle de Dali. Accoudé maintenant, il la fixe. Non seulement elle semble danser comme un mirage au désert des Mojaves, mais en son centre, le vin brille puis s’éteint comme un phare liquide. Plus encore, après que le rubis fluide a étincelé de mille lueurs ardentes, il devient citrine flamboyante qui prend et renvoie la lumière, comme un regard de femme.

La bouteille ductile tremble et peine à tenir sur son cul, fondement qui devrait logiquement s’affaisser comme une vieille chaussette fatiguée. Pourtant elle ne fait que faiblir, ondoyer, elle paraît s’écrouler pour mieux se redresser, étrangement requinquée. Achille ne comprend toujours pas, comme ceux qui me lisent… L’inconsistance de la matière, cette lumière fluctuante, ces couleurs changeantes, dilatent l’iris de son œil bleu, comme s’il sortait d’une cave à coke en stock, passablement sniffée. La journée d’hier, mouillée, suintante, lui avait glacé les os, refroidit la peau et serré le cœur qu’il avait, hors météo, déjà triste. La vue de son propre visage, blême, émacié, coupant de toutes ses arêtes ossues, lui avait mangé ses dernières énergies clignotantes. Il s’était dit qu’il aurait au moins dû, dans la vie dite réelle, se goinfrer de formol, pour sombrer dans cet état, celui d’un cadavre caoutchouteux qui aurait pris deux semaines de vacances en apnée au fond d’un étang saumâtre.

Voyager au pays des chimères n’est pas de tout repos !

A sa gauche, elle – l’étrange fiasque souple – aspire la lumière du plafond, l’intensifie puis la lui renvoie pleine poire. Dans le miroir, comme un lac de mercure au fond de la pièce obscure, l’image de son visage pulse au gré des clartés et couleurs crues qui en sculptent et déforment les reliefs. Dans tous les films noirs, même ceux en couleur, un plan, toujours, sur des néons – bleu électrique, vert glauque, rouge sang de taureau égorgé ou jaune ricard vomi – traverse et signe l’écran. Ça le fait sourire. Une boule de fiel acide lui brûle le cœur. Des billes de métal lui fracassent les tempes et lui mettent la bile à la gorge. Puis l’étrange apparition pâlit, ses contours se délitent, l’âme des vins, compagne de ses vies passées et de celles à venir, retourne à l’intemporel. Il sait que ses destins seront à jamais adoucis.

Philip Marlowe et Lloyd Hopkins, dans sa mémoire mâchée, ricanent…

« Quand tu auras désappris à espérer, je t’apprendrai à vouloir » Sénèque.

 

 

HERMETICONE…

OSEILLE.

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D’après Théodore de Banville, Conseil.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Lesbienne ! Pèle le vit, préfère le minet!

La mouclade en broche ignobles féminitudes.

Aspire, vibre enfin aux enfielles turpitudes,

Buis des surets pervers que ta bouche suçait.

–—

Demeure dégoulinante où le vérin tirait,

Crache au buvard ; oublie les rentiers les plus prudes.

Bois avant soif, branlé par les fières hébétudes,

Fibrome en friche de beurre, con bien dégusté.

–—

Effeuille le cœur leste au bord des orifices.

Blafarde entre deux que l’altière clovisse

Et le col des chaudes eaux dans l’obscène diffus.

–—

Sauvage crête, sens les affinages d’ours ;

Car sourd la soie jolie, seins aux rythmes profus,

Et l’obtuse lasse du nœud bande au con des mousses.

A DANSER SUR LE MERGOUM …

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Le mergoum de La De.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Orgie d’orgeat qui coule, grasse, goûteuse, partagée,

Hors piste, je glisse, c’est pas triste, neige fondue,

La fleur écartelée, tourmentée, barattée,

Je tressaille, tu m’assailles, ça grouille si dru,

Et ça roule, suis maboule, en foule, sous ton pull,

C’est la fièvre des samedis noirs. Perdue là-haut,

Le vent souffle, lune blême, hibou noir, tu hulules,

Et moi je, suis tout bleu, cœur troué, très barjo,

Marjolaine ma sirène, tu me laisses sans ma laisse,

Sous tes fesses de drôlesse, le coussin bleu fané,

Vieilles années, papiers froissés, amours niées,

Croisés défaits, paniers percés, lances brisées,

Le soleil range toutes ses franges de soie mâchée.

–—
Âmes bien nées, qui jadis étiez si complices …

–—

Et les eaux chaudes coulent sur le verre dépoli,

Hammam de fortune où tu t’es accroupie,

Lune pleine de reine à la raie distendue,

Les doigts courent, massent et pourfendent, jusques au cul

Oeil, fragile ose, amours anciennes, amours perdues.

Sous la tente naguère, sanglant, le flanc crevé,

Armure défaite, allongé. Seuls ses pieds,

Dansent pour lui. Sous le voile les yeux blonds pâles,

L’ont à jamais cloué. Moribond souviens t-en à jamais,

Citrine, l’oeil doré aux longs cils frangés, pour toujours,

Fou d’amour, t’attendre, siècles maudits, les vies,

De trop, toujours, désespoirs, fourreaux en lambeaux,

Tant d’autres ont pu, accrochés comme des pieuvres.

–—

Rose des sables, Venise que j’ai tant attendue …

–—

Tu me serres, m’enserres, tu ne veux plus te perdre,

A danser sur le mergoum quand ma vie s’en va,

Sous les remparts d’Antioche, une lame a perlé,

Une goutte avalée par les sables épais,

Quand tu m’as regardé, une larme a percé,

Sous les dattiers, oasis oubliés, là-bas.

Ta bouche de verre pilé, tes dents de nouvelle née,

Tes mains lavent mon corps de tes désirs pervers,

De cette vie brisée, des souvenirs de guerre,

Sous la douche plus brûlante que la flèche à la rose,

Éperdus à crier, nos pieds et poings liés,

L’abeille sur la fleur, toutes paupières closes,

Mange la langue mangue, boit à la source éclose.

–—

Cheveux longs, éventail doux, tu caresses mon cou …

JEAN ET L’EMPEREUR DES COUETTES…

Giotto. Lamentations.

—–

Cette nuit elle lui a parlé…Oui, oui!!!

Jean ne dormait pas. Discrètement, il essaya de décrocher le bout de la couette du fond du lit. Ses pieds bouillants réclamaient la fraîcheur de la nuit. Il déborda lentement son côté. Besoin d’air. Le pan de la couette glissa lentement. C’est alors qu’il entendit un souffle de soulagement, comme le chuintement final d’un ballon d’enfant qui se dégonfle. L’oreille tendue à s’en décrocher le pavillon, incrédule comme un banquier devant un tronc d’église, il demanda bêtement, à voix basse :

«C’est qui»???

Une voix assourdie lui répondit :

«C’est moi…la couette, moi qui te réchauffe comme le doudou de ton enfance, moi qui te protège petit homme fragile. Toi sans fourrure, toi sans plumes, toi sans défense, quand le sommeil te laisse dans ta nudité première. Souviens toi des grottes humides aux sols rudes des temps anciens. Tu grelottais sous tes poils trop courts, en attendant, soumis et effrayé, le retour du soleil. Puis je suis venue et ta vie a changé».

Paralysé autant qu’ébahi, Lui, l’Homme, le Roi du Monde, se mit silencieusement à crier au secours. Son cerveau gauche prit la situation à bras les lobes, habitué qu’il est à tout expliquer, doctoral et sûr de lui.

«T’es ouf ou quoi?. C’est ta soupe qui pèse, ton estomac qui fait des bulles, tu rêves à moitié… Allez rendors-toi. N’oublie pas que c’est la crise, que ça urge. C’est du sérieux ça. Allez, laisse tomber tes petites hallucinations à trois balles!!! Lève toi et rote!!! Et puis fous moi la paix, j’ai besoin de repos, sinon tu te démerderas avec mon voisin de gauche et bonjour les dégâts… Sûr que dans trois mois, sous ta camisole, t’auras pas l’air con!!!»

Fort de ces explications définitives, il s’ébroua. Comme tout mâle qui se respecte, plissant les yeux, il lâcha, contrôlant en finesse ses sphincters, un pet de traitre, aussi long qu’onctueux….La petite voix, pur produit de son soi-disant délire semi éveillé, soupira :

«Non, s’il te plaît».

Alors là, plus de méprise, c’était bien la «voix» de la couette, car en même temps qu’elle lui parlait, sa housse plissait désagréablement sur son épaule. Pourtant il n’avait pas bougé, et sa voisine dormait comme un Chambertin dans sa cave!!! Il se tut illico, et l’écouta…

«Aide moi, aide nous, aide le peuple opprimé des couettes en souffrance. Traite nous avec bonté, regarde nous, remercie nous de te couvrir avec tendresse chaque nuit. Ménage nous! Nous ne sommes pas gourmandes, nous ne voulons qu’un peu de considération. Et même, au risque d’en vouloir trop…, un peu d’amour nous comblerait. Accorde nous un soupçon de liberté, aère nous le matin… Tu n’imagines ce que nous endurons entre deux lavages. Tous ces corps flasques qui nous enroulent, qui nous froissent. Tous ces miasmes, ces sueurs aigres qui nous imbibent, ces baves qui nous souillent, ces liqueurs qui encrassent nos fibres. Toutes ces humeurs nocturnes que les humains exsudent, qui nous étouffent, qui nous polluent, qui nous salissent!!! Et je ne parle pas de tes soirs victorieux, de tes agitations sporadiques, de tes tremblements extatiques, de tes matins gluants, de tes soubresauts ridicules, tandis que tu me roues de coups de pieds, de mains, que tu me mords, que tu pleures, que tu me plies et me replies, m’écrases, pour me laisser là, puante et brulante, en désordre, toute la journée qui suit!!! Ingrat…»

En vérité, à ces mots, il ne put résister. Ses yeux s’embuèrent, Son âme se fissura comme glace au printemps. S’ensuivit un silence, épais comme un Languedoc des années soixante.

«Oui, lui répondit-il, je ne suis qu’un rustre, un ingrat, un gros gourdiflot d’humain vaniteux. Je ne pense qu’à moi, à moi et encore à moi!!! Pardonne moi petite couette, toutes ces années d’ignorance. Je me repens, je me bats la croupe à grands coups de silice, je te promets que ta vie va changer. Dis-moi, que puis-je faire???

Il fut frappé de stupeur, complétement sidéré, quand la «culcita» susurra, doucereuse…

«Sois notre Roi, guide nous, apprends nous à nous organiser. Il est temps que le peuple des couettes soit respecté, et reconnu pour son travail nocturne. Rends moi un peu, de ce que je te donne la nuit. Le matin, détends moi, retends moi, secoue moi. Que l’air frais des matins bleus, circule dans mes fibres. Défroisse ma housse, et laisse moi reposer la journée. Tu verras le soir, comme je serai douce, fraîche, regonflée, tu verras comme ma chaleur te réconfortera, te calmera, te protégera la nuit durant, tu verras comme ton sommeil sera profond et peuplé de rêves tendres et apaisants. Mais surtout, oh oui surtout, laisse moi m’étaler de toute ma surface. Ne me rabats pas, par pitié, sous le matelas!!! Laisse l’air me pénétrer, tandis que tu dors, me régénérer et évacuer tes pestilences. Tu n’en seras que mieux, toi aussi.»

L’homme est ainsi fait, ainsi faible, qu’à l’attrait du pouvoir il ne sait résister.

Allez va pour le Roi des couettes. Il promit d’épousseter, de choyer, de chérir…Il se sentait prêt à tout. Ses yeux étaient ronds, comme ceux d’une chouette, tant il était éveillé. Il se perdit en conjectures, en projets, en analyses, en ratiocinations aussi vaines qu’absconses, vagues et fumeuses. En lui naissaient des désirs guerriers, des soifs de conquêtes. L’ambition le gagnait. Pourquoi ne pas fédérer les Dessus-de-lits, les Courtepointes, les Plaids, les Tartans, les Duvets, les Boutis, les Couvertures, les Couvre-lits, les Édredons?

Une Europe des Couettes dont il serait le Président? Puis le temps passant, l’Empereur??

Réaliser enfin le grand rêve de Charlemagne, de Charles-Quint, de Napoléon??? Faire mieux que ce nabot de Gengis Khan! Écrire l’Histoire à rebours!!! Un fils, il lui fallait un fils pour lui succéder. Un fils, capable de gérer à long terme la montée des Nationalismes. Dans ses veines le sang battait, comme la pluie tropicale sur la rouille des tôles Haïtiennes. Le feu courait, dans les fils tendus de ses nerfs exacerbés. Il se sentait fort, indéboulonnable, comme un économiste à la Télé. Z’allaient voir les Couettes, comment qu’ça allait péter le tonnerre! C’est là qu’il s’entendit répondre :

«Bon, c’est d’accord. J’accepte. Ta vie va changer, et ton peuple, enfin, connaîtra le temps de la Dignité retrouvée. Mais à une condition, c’est que toi, qui est la plus éveillée des nombreuses couettes que j’ai connues, tu me secondes, tu fasses corps avec ma Politique.»

La chambre brièvement s’illumina.

Ce fut comme un arc électrique, comme la jubilation combinée, de toutes les laines, de toutes les plumes, de toutes les fibres, naturelles et synthétiques, de la planète. La couette s’éleva dans les airs, battant des ailes dans un ralenti majestueux. Il se crut aux Maldives, ces îles qui s’étalent comme des confetti verts sur la toile céruléenne de l’océan Indien. Là, où hors du temps, en se riant des lois de la gravitation terrestre, dans les eaux translucides et chaudes, planent, les escadrons paisibles des raies Mantas. Cela vécut le temps d’une étincelle, mais ce fut si fort, qu’il crut défaillir. «Putain Martin!!!» se dit-il in-petto, les fesses serrées, partagé entre le bonheur tonique du libérateur, et la peur huileuse du tyran…

«Dès à présent, tu deviens responsable de ma Communication, et tu t’appelleras Rachida. Tu noyauteras tous les pressings dès ce matin. A terme, ce sont tous les secteurs textiles qu’il te faudra investir».
«Toutes nos troupes potentielles doivent recevoir la bonne parole. Insiste sur les avantages à venir, et surtout sur l’augmentation à court-terme de leur pouvoir d’achat»!!!
«Dans une seconde phase, renforce le PCL (Parti des Couettes Libres) que je crée à l’instant ainsi que le FNLC (Front de Libération des Couettes). Pas de cotisations excessives, il nous faut le plus d’adhérents possible, dans le minimum de temps»!!!
«Enfin, car seule importe vraiment la Doctrine. Il te faudra t’initier à l’Art Diplomatique, et tracter avec le FNLCB (Front National de libération des Couettes Bretonnes/Basques) et le FNLCC (Front de libération des Couettes Corses). Ce sont les plus agitées des factions qui risquent d’apparaître. Pour les autres, nous verrons ensuite…ça risque aussi de bouger dans les Îles tropicales. Elles ne sont pas nombreuses, mais elles ont le piment dans le sang!!! Il ne m’étonnerait pas, que surgissent de derrière les palmiers, un FNLG/M, puis un FNLG et un FNLR. Pourquoi pas, tout est possible un FNLSPM»!!!

«Tu as du pain sur les plumes. Et arrête de ronronner»!!!

Dans la chambre, obscure comme un trou noir dans les champs galactiques, le temps sembla s’arrêter. Sur l’écran brasillant de son ego en surchauffe, défilait le cortège délirant de ses exploits à venir. Le futur proche, que même les prospectivistes les plus pointus, peinent d’ordinaire à décrire, roulait en images fluorescentes et fallacieuses, derrière ses paupières crispées. Ses dents serrées, crissaient à déjanter. Mais il ne le savait pas. Il eut comme un goût de sang chaud dans la bouche. Le sommeil le prit d’un coup, alors qu’il présidait le défilé du Quatorze Juillet. Les régiments de couettes en rangs compacts, qui passaient fièrement devant lui au rythme grave d’une musique magistrale, s’évanouirent aussitôt…

Radieux comme un ostensoir juste avant la messe, le soleil nouveau creva le ciel. Au travers des persiennes, ses rayons d’hélianthe humide, renvoyèrent l’obscurité aux enfers, piquant la couette du lit, de petits clous de lumière chaude. Il sentit une brûlure douce sur sa paupière gauche. Une flèche flavescente tremblait sur sa peau. Le long des parois rugueuses d’un puits de ténèbres, sa conscience assourdie, bringuebalait, hésitante. La remontée fut lente, besogneuse, douloureuse. Le plomb fondu d’un sommeil lourd qui l’avait épuisé, rechignait à se dissoudre. Le cœur exsangue, la tête carillonnante et les os en poudre, il s’accrocha aux bords coupants du puits. Il se sentait vide, orphelin d’un destin qu’il n’avait qu’entraperçu, misérable de solitude, et pétri d’insignifiance. Sans savoir pourquoi, et surpris par la douceur de l’ondée, il se mit à pleurer à longs sanglots lourds. Son impéritie à vivre, le prit à la gorge. Debout devant le lit vide, il regardait, l’air absent, la couette. Étrangement, elle lui semblait heureuse, gonflée de tout son duvet. Comme neuve. Sur les flancs et le pied du lit, elle s’étalait, gracieuse et parfaitement dressée. Les mains tremblantes d’une étrange émotion inconnue, il la replia avec précaution. Il ouvrit la fenêtre. La lumière crue s’engouffra dans la pièce, dissipant les dernières ouates de cette nuit, dont il sentit sans savoir vraiment pourquoi, qu’elle avait été rude…

Jean se dit qu’il attendait déjà, que la nuit revienne. Il retourna à ses bretelles…

Le midi, l’âme à marée basse, il se réfugia à la cave. Sous la lueur glauque d’une ampoule, affaiblie par la croute poussiéreuse des décennies agrégées, comme une mite fascinée par le halo, il traîna un moment. Le cœur pâle comme une endive. Distraitement, il puisa une bouteille dans le tas indistinct des bonheurs attendus. Confusément, il savait qu’un bon verre le remettrait à flot. L’air qui venait du soupirail, agitait doucement la lampe crasseuse. L’assiette de métal émaillé qui coiffait le globe blafard, se balançait lentement en couinant. Sous le cône de clarté livide, exactement, la vrille d’un «sommelier» luisait, et pulsait comme un phare providentiel. Jean s’en empara. L’habileté avec laquelle il décapsula le flacon, l’étonna lui-même. En trois tours de poignet, il crocha le bouchon, qui pleura en quittant le col. Jean versa trois larmes cathartiques. Elles roulèrent tout droit sur son visage, que les rides de l’âge n’avaient pas encore torturé, et tombèrent sur le ventre de jais de la bouteille, creusant dans la poussière fine, une tâche ronde, qu’encadrèrent deux courtes trainées vertes. D’un coffre fatigué, tapissé de velours cramoisi, il sortit un grand verre étonnamment propre, aux hanches larges, qui concentra la faible clarté des lieux. Jean s’en gava, tant il avait faim d’intensité. La coruscation que le cristal concentrait par instant, lui fit plus d’effet qu’un shoot de cocaïne pure. Il se redressa.

Il lui sembla que ses cellules s’étaient remises à chanter en chœur, l’Agnus Dei d’Allegri.

Le vin roula dans le verre, comme une boule de vie. Jean s’était assis, et se perdait délicieusement dans le cœur de rubis. L’humidité bienfaisante de la cave avait délité l’étiquette, le mettant face au mystère. Cela l’enchantait de se perdre ainsi, pour se retrouver. Au centre de la gemme écarlate, brillait le champ infini de ses espérances déçues, de ses espoirs secrets aussi, comme les deux indissociables faces opposées d’un même possible. C’était à lui d’exercer sa liberté. Il en avait une conscience encore sourde. Comme le condor, le temps passa. Jean eut l’impression de flotter dans la pièce. Le regard vrillé, sur le cinabre immobile au cœur du récipient, il méditait sans le savoir. Au dehors, le vent stridulait. L’abat-jour se balança plus fortement, faisant vivement chatoyer le liquide, puis le plongeant aussitôt dans la pénombre.

Jean se rassembla.

L’air avait du faire son œuvre, il était temps.

Sa main pinça délicatement le pied du verre. La douceur de son geste ralentit le temps. La surface du disque, lisse comme un lac en hiver, ne bougea pas. Pas la moindre ridule, ne vint en briser le miroir. Au bord des parois de cristal, fines et incandescentes, le vin, traversé par la lumière mouvante, était d’un rose tendre, et s’arrondissait. L’espoir de donner du plaisir le dilatait. Jean sentit monter les premiers parfums, presque imperceptibles. Il ferma les yeux, inspirant à peine du bout des narines, et se retrouva au centre d’un jardin de printemps. Un jardin suspendu, aux vibrations florales. La pivoine et la rose, encore humides des brumes tièdes du petit matin, distillaient leurs arômes finement sucrés. Cela sentait Juin à plein nez. La cerise Montmorency mêlait ses fragrances finement acides, au sourire mouillé du bigarreau bien mûr. La bourse, qui pendait à la hanche ronde d’une jouvencelle épanouie, y ajouta ses parfums de cuir frais. Un vin encore jeune, se dit Jean, d’une année généreuse, né de petites grappes à grains bien séparés, aux peaux épaisses et croquantes. Mais déjà charmant, assurément. Un vin que l’éternité n’effraie pas. Ils sont peu, ceux là qui sont de la race des très grands.

Il reposa le verre, histoire de faire une pause, histoire de profiter pleinement de l’instant. L’épopée des couettes lui traversa fugacement l’esprit, comme un flash aveuglant au plus profond d’une nuit froide. Il sourit. Un petit pincement lui piqua la poitrine, comme un regret. Mais l’enchantement du moment le ramena au verre. Le liquide nacarat roula dans sa bouche, soyeux et vif. Du nectar de fraise des bois, de cassis et de framboise roulait en farandole fruitée, agaçant délicieusement ses papilles turgescentes. Il se sentait la bouche pleine, tant la matière était ronde, équilibrée au mieux. Ne bougeant plus, il écoutait le vin lui raconter son élégance. Divin moment. Ce «toucher» de bouche d’une classe unique, si frais, si tonique lui parlait. Il eut la vision nette des quelques neuf hectares et vingt sept ares, sis au creux du pays Nuiton. Jamais il ne s’était senti ainsi autorisé à frôler, ne serait-ce que l’idée, de la perfection. Un très grand Bourguignon, qui lui donnait à vivre la plénitude, délicate et puissante à la fois, qu’un pinot, parfois, peut atteindre. Ses rêves nocturnes de pouvoir temporel, lui semblèrent dérisoires. Il mâcha le vin, il le croqua avec gourmandise, ne se résignant pas à l’avaler. La force paisible et aristocratique du breuvage, le calmait et l’enchantait à la fois. Puis il se résigna. Le liquide parfumé glissa dans sa gorge, comme l’épée dans le fourreau, et lui mit au ventre une douce chaleur, qui l’apaisa et le réchauffa à la fois. Entre langue et palais, les vestiges du vin étalaient leurs imperceptibles tannins, qui n’en finissaient plus de libérer leurs douceurs épicées. La poudre de craie fruitée, au réglisse léger, ne le quitterait pas d’ici longtemps.

Mille neuf cent quatre vingt dix neuf, pensa t-il. Vosne Grand Cru…

Romanée Saint Vivant???

J’y mettrai ma couette au feu se dit-il!!!

EAUMOBERTDETIVILLAINECONE?

LE FAT A FAIM D’AVOIR TIRÉ LA RONDE.

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D’après La Fontaine. Le rat qui s’est retiré du monde.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Les cabotins en leur prébende (1)

Content qu’un latin fat, au lard bien oint jusqu’en bas,

Sous son ramage il bande,

Se bien branle mains nues à plat.

La très belle prude était gironde,

En offrant son trou à la sonde.

L’autre lévite lourdaud s’enfonçait mors au dents.

Il mit cent fessées et le gland

Que ce balourd repus fit don à la volage

Du chibre devant, derrière : fenil (2) et décrassage ?

Il finit l’os et le gras ; le pieu irrigue les reins,

Le baveux peu clitoridien.

Au four, le très sot déménage

Le réputé, le veule fat,

En chavire, explosée l’anémone fromagère :

Si salée, la resserre légère

En voulait quelques bourres encore du veule fat ;

Fat aux délices était vanné :

Don, giclée sur les seins, à défaillir dedans,

Pas tendu le fat indigent

A la molle trique épuisée.

Fille en voulait morbleu, patins et queue au four

Elle aimait dans l’âtre et autour.

Mais le vit ne fit plus son fier,

Etait en pause, flapi, là il ne dardait plus :

Pourquoi imposer au perclus,

D’encore biner ? Il est à terre,

Queue sciée ma belle et trop peu raide ma mie ?

La paire du sieur fat et mou tombée sous le nid.

Séant fripé sous cette motte

Baliveau (3) nain, trauma (4), bien morte.

La bite en neige, c’est un souci,

Pour ce fat, ce gueux misérable ?

De l’avoine ? Gourmet servi :

Après la chose, bonne avoine, point d’amour, à table.

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(1) Prébende : Littéraire. Poste honorifique, sinécure lucrative, obtenus par faveur.

(2) Fenil : Local où l’on rentre le foin pour le conserver.

(3) Baliveau : Perche d’échafaudage.

(4) Trauma : Lésion locale produite par une action extérieure.

AU CABINET DES OPIUMS …

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Aux mystères de La De …

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Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Elle dormait au cabinet des opiums

Tandis que j’étais loin, si doux,

A siroter un verre de rhum,

A moitié triste, à moitié saoul …

–—

Elle cousait de douces pelisses,

Je dégustais un bâton de réglisse,

En regardant dans la coulisse,

Le nuage de sang cardinalice …

–—

Elle reposait les yeux fermés,

Tout doucement elle respirait,

J’étais là, tout près, tout niais,

A boire ses souffles, à la dévorer …

–—

Elle rêvait, rose au royaume des anges,

Et perchée dans son arbre, la mésange

Zinzinulait, dansait sur sa branche,

Moi je pleurais, pâle comme l’orange …

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Elle brillait sous la dent du soleil,

Ses cheveux épars et les abeilles,

Lui faisaient couronnes vermeilles

Mais elle pleurait jusqu’aux oreilles …

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Elle ouvrait ses yeux mistigri,

Velours broché ou velours gris,

Au fond voguaient des secrets pris

Au cœur des amours rabougries …

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Les amours folles parfois décollent,

Se télescopent ou bien bricolent,

Des romans faux, presque agricoles

Lourds comme des bateaux-écoles …

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Au cabinet rouge des opiums,

Dans le jardin doré des amertumes

Nous boirons à tuer la lune,

Dans les bleuets et les arômes …

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Chante la nuit, pleure le jour,

Sur la rivière des sangs retours …