Littinéraires viniques » Christian Bétourné

UN YAK.

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Yak-Rasta-Zen par La De.

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Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Regardez moi ! Je dors, je suis le grand yak noir.

Sous mon manteau fourré de laine et de tendresse,

Torsadée et bouclée comme un beau chant d’espoir,

Plus fort que deux taureaux, protégé par ma graisse,

Je gravis sans faiblir les pentes d’Himalaya.

J’aime les neiges fraîches, les glaces et le verglas.

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Je ne meugle jamais, je suis une âme zen,

Sous mes longs cils ourlés, le sourire de buddha

Soulage mes douleurs, je raffole du lichen

Et des rochers gelés, plus me plaît que le froid.

Sous les plus lourdes charges, les fardeaux sur mon dos,

Jamais je ne tressaille, j’avance sans un mot.

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Regardez dans mes yeux, le soleil de l’hiver

Caresse mes pupilles fragiles comme le verre,

Et les eaux cristallines sous le ciel noir de Chine,

Ont la couleur orage des encres de marine.

Je suis le grand navire qui peuple les montagnes,

Je navigue sur les mâts des rêves de cocagne.

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Je suis une âme douce revenue des enfers.

Mes lèvres sont des buvards et mes cornes de fer

S’ouvrent comme deux arcs au-dessus de mon front,

C’est une lyre étrange, et le vent du grand froid

Y joue des mélodies, en mi, en sol, en fa.

De mes yeux coulent des flots d’ambre et de poison.

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Je suis le grand yak noir, regardez moi mourir.

EN BAS D’CHEZ MOI.

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La De a vu la Dame du bar d’en bas.

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Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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A chacun,

Son dû,

Au furoncle,

Son pus,

Au putois,

Son jus.

Le ciel,

Est bleu,

La mer,

Est verte,

Comme l’herbe,

Sur la butte,

C’est l’heure,

D’aller causer,

Avec la pute,

Au bar,

En bas d’chez moi …

 

LA POÉSIE EST UNE PUTE …

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Revisitée par La De.

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Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Amour perdu de Lilliput,

Caché derrière l’occiput,

Continent blanc, terre de putes,

Filins tressés, toile de jute,

Allons donc voir les prostiputes.

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« Un jour qu’il fait nuit », Desnos

Tient fière main, tendu son os,

Faudrait beau voir que les beaux gosses,

Cheveux huilés ou bien en brosse,

Raclent les culs des basses-fosses.

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La poésie est une pute,

Qui boit à toutes les flûtes,

Rien ne l’effraie, ne la repousse,

Elle illumine même la mousse,

Hardis marins aux lances rousses.

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Sur le fumier, en tas serrés,

Le coquelicot, pétales tués,

Pousse, fleurit, tant bien que peu,

Ferait beau voir, oui nom de Dieu,

Manichéisme, dogme fastidieux !

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Alors je ris, pleure et souris,

Au ciel voilé, printemps pluvieux,

Oiseaux de feu, papier de riz,

Anacoluthe des esprits,

Vienne la paix, meurs, toi mon vit.

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A chaque heure, chaque minute,

A coups de poings, grands uppercuts

Lumière dorée, belles culbutes,

Allons donc voir, foin de disputes,

Tu chantes encore frêle turlute …

LA VIE EST REVENUE.

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Le dragon de l’Île de La De.

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Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Jamais je n’aurais dû, assis sur cette berge,

Ecouter ce dragon aux écailles d’argent,

Il pleurait tout son soul sa vouivre aux yeux de braise,

De ses grands yeux rubis coulaient des larmes d’or.

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Il me dit que la nuit quand le soleil s’endort,

La lune en habit blanc cache au creux de son sein,

Sa belle évanouie emportée par la mort,

Ses émeraudes pâles, sa poitrine d’airain.

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Triste, je regardais se perdre les eaux vertes,

Sous le vieux pont de pierre, le dragon épuisé

Soufflait comme un martyr. Par la fenêtre ouverte,

Les branches du grand saule, au vent se balançaient.

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Puis le soir est tombé, les étoiles pleuraient,

Je me suis à nouveau assis au bord de l’eau,

Grenouilles et crapauds, l’un sur l’autre enlacés,

Chantaient des airs aigus, cambrés comme des arceaux.

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Je me suis relevé, le dragon efflanqué,

A l’haleine fétide, avait brulé ma peau,

Je l’ai pris dans mes bras, l’ai porté sur mon dos

Nous nous sommes envolés jusqu’en haut du clocher.

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Quand la nuit s’est enfuie, les cloches ont sonné,

La terre s’est ouverte, la vie est revenue.

HISTOIRE D’EAU.

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Photo Philippe Crochet.

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Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Aphrodite est charmante, parisienne, un peu vaine, mais rieuse. Papillon à chair pâle, elle volette insouciante, se pose puis décolle. Elle butine comme elle frime, en robe de poupée, rose navrée. Elle boit sa vie frivole. Sur son blog, jolie môme, à petites pattes de mouche, elle conseille à tout va. En un mot comme en cent, Aphrodite est joyeuse. Petites fesses rondes, moulées comme il se doit, jolies fringues de prix, marques à tous les étages, mollets de langoustine et petits seins pointus, elle pérore, incolore, sa vie de fée fêlée.

Hier soir, elle a bu, plus que de raison. Ce matin, assise sur son trône de porcelaine blanche, elle pisse à grands jets, une urine peu claire, d’ambre très foncé, odorante et salée. D’une main désinvolte, s’est essuyée, furtive. Puis, d’un geste machinal, elle a tiré la chasse. Et le jus saturé de ses reins, mélangé à l’eau claire des toilettes, a disparu, dans un bruit de succion dégoûtant.

Sous les bitumes des villes aux sinistres gazons, sous les plaines arrosées par l’onde des rivières qui se tordent lentement, sous les monts de roches dures, les montagnes aux glaciers inviolés, sous le soleil ardent ou les froidures extrêmes, les eaux déversées convergent. Dans le sol elles s’enfoncent, se glissent, subreptices, dans les terres grasses, entre les grains de silice des sables anciens, les roches éclatées des plaques tectoniques. Pures, tombées du ciel, miasmatiques, polluées, chargées d’immondices humaines, d’humeurs infectes, de merdes digérées, de métaux lourds, de crasses puantes, bleuies, rougies, noircies, verdies, fraternelles, elles se mêlent, s’allègent et se dissolvent dans le ventre de la terre.

Les eaux sont voyageuses, intrépides, elles cascadent, disparaissent dans les gouffres noirs des mystères souterrains, résurgent quand on ne les attend plus, s’évaporent sous les soleils brûlants, retombent en pluies violentes, gonflent les cumulus ventrus qui nagent dans le ciel comme de grands ballons blancs. Les eaux sont le sang de la terre. La terre, filtreuse silencieuse, les recycle, les épure, leur redonne ce cristal d’argent, qui scintille la nuit sous la lune, à la surface des torrents furieux. Sous le char de Neptune, que tirent des sirènes sculpturales aux chants mélodieux, les grandes vagues écumantes des océans chantent, éternellement, le bonheur des eaux vives.

Le pipi d’Aphrodite s’est noyé dans le tout à l’égout. Là-dessous, ça arrive de partout, c’est anonyme, mais les odeurs trahissent, pour qui n’a pas le nez trop fin. Cela en surprendra plus d’un, qui ne fréquentent que les lieux insipides et branchés des futilités humaines, mais les eaux dites “usées” se concentrent par affinités, tout comme les bipèdes pisseurs pollueurs le font au chaud de leurs bandes, tribus, villages, cités, ou mégalopoles. La distillation rénale d’Aphrodite s’est voluptueusement unie à toutes les mictions alcoolisées concentrées nées des urètres de tous âges, lesquels, quasi à la même seconde, ont fait gicler contre les parois innocentes de tous les chiottes du monde, qu’ils soient sertis en pleine terre dans les sols des continents, ou porcelainisés à la mode “civilisée”. Il en est allé de même des urines des buveurs d’eau, de celles des alcoolos, des diabétiques, des urines animales, des merdes, des vomissures, des rejets hospitaliers et tutti quanti. Elles se sont frileusement regroupées, et les milliards de tonnes de pisse ainsi constituées, se sont, un moment, regardés en chiens de faïence ! A l’abri des regards humains, les hordes excrémentielles se mélangent, sans pour autant s’unir. Sages ou dissolues, par la force des éléments, elles finissent par se dissoudre, mais l’esprit de leurs origines demeure et la moindre molécule, dont la rareté décuple la puissance, est marquée à jamais

Dans le labyrinthe cloaqueux, les eaux usées affluaient, se transformaient en magma boueux,  roulaient, rugissaient dans les conduits tortueux, en vagues épaisses frangées de mousse marronnasse. Les hommes intrépides, qui se risquaient dans ces lieux de perdition, parlaient à leur retour de monstres glauques, aux museaux dentus et  menaçants, qui rampaient dans les galeries obscures comme le font les succubes de l’enfer. A la recherche d’âmes fraîches. Gare à ceux qu’ils engloutissaient ! Dans le bassin de décantation, où elles finissaient leur course folle, le calme revenait. Après le temps du traitement, la bouillasse débourbée, débarrassée de ses ordures putrides, était rejetée dans la nature. Loin, très loin de la capitale, dans les failles secrètes de la croute terrestre, elles s’infiltraient en secret. La nature, bonne mère, continuait le travail de purification.

Le soleil couchant frisait le sommet du Pic du Canigou à l’été finissant. La montagne, veinée de quelques rares neiges subsistantes, proches de son sommet, passa lentement du rouge violacé à l’aubergine. Les dents aigües du Pic semblaient mordre dans le saphir luminescent du ciel. Puis le noir intense recouvrit tout.

Assis en tailleur sur une table de granit, au pied de la crête des sept hommes, Benveniste admirait le spectacle silencieusement. Seuls quelques rares bêlements troublaient encore le calme environnant. Brebis et moutons, agglutinés dans le parc proche, happés par la nuit brutale, ne tarderaient pas à s’endormir. Les chiens veillaient. Benveniste se tailla de larges tranches de pain, les recouvrit de fromage frais, et enfourna le tout avec délice. Le pain, un peu aigre, attendri par le fromage encore juteux, fondit dans sa bouche. Il poussa un soupir de plaisir. L’automne n’était plus loin, bientôt il redescendrait le troupeau dans le Vallespir et reprendrait ses activités à la ferme familiale.

Le jeune homme – il n’a pas 25 ans – est un  grand gaillard costaud. Brun de peau, les yeux noirs brillants, le visage régulier et les mains calleuses, le garçon est d’un naturel réservé et parle peu, par saccades pierreuses, qu’accentue son fort accent. C’est un solitaire timide, peu au fait des subtilités de la ville.

Après avoir avalé la dernière bouchée de son repas frugal, Benveniste a largement bu l’eau de sa gourde de peau, s’est relevé souplement, s’est voluptueusement étiré, et debout sur la pierre plate, s’est généreusement et longuement soulagé. La dernière goutte expulsée lui a mis le frisson.

L’urine claire du jeune homme arrosa la terre et disparut, aspirée par le sol sec. Il fallut bien du temps, avant que les quelques gouttes rescapées n’atteignissent les eaux souterraines drainées par la montagne. Les eaux claires tombées du ciel les avalèrent. Et le cycle se poursuivit. La lavure constituée se fraya un chemin dans la roche dure, puis elle gagna le lacis complexe des anfractuosités, chemina longtemps, passant du ruisselet invisible aux rivières cachées, qui roulent leurs ondes cristallines jusque dans les cavernes et les cathédrales inviolées, glissant le long des stalactites de calcaire figées. Perdues quelque part dans le ventre accueillant de la boule bleue, ce qui restait des quelques gouttes de pisse participa au grand concert musical des eaux. Les perles claires, au creux des grands édifices sculptés par la patience infinie des humidités de la planète, jouèrent de grandioses symphonies que jamais les hommes n’entendent. Les gnomes aux pieds pointus, amoureux des sylphides agiles, attroupés au pied des calcaires sculptés qui figurent anges et démons de la création, assis sur leurs talons poilus, exultent et battent la mesure. Sans un bruit. Ils ont le cœur ému devant les ondines en larmes qui tombent, cristallines, sur les têtes mouillées des stalagmites éperdues aux chevelures folles. Bien plus au profond de la terre, passés les terres noires, les mers souterraines, les socles granitiques, les magmas bouillonnants, tapies au centre écarlate du cœur incandescent de la planète, les salamandres veillent et jamais ne remontent,

Dix ans plus tard Benveniste, un peu hagard, débarquait en compagnie de quelques uns de ses plus beaux moutons, au Salon de L’Agriculture Porte de Versailles. Effrayé par le brouhaha incessant, écrasé par la chaleur, incommodé par l’air impur des lieux, l’homme de Vallespir, assis dans un coin, regardait défiler les chaussures luisantes des hommes et les mollets blancs des femmes. Parfois un enfant lui souriait et cela lui faisait du bien. Tous ces jours, il mangea peu, mais but des litres et des litres d’eau tiède. Le troisième jour, toujours inquiet et mal à l’aise, il fut rattrapé par la faim. Une de ses voisines de misère, une blonde généreuse aux rondeurs avenantes, attendrie par ce garçon silencieux au regard perdu, lui apporta un gros sandwich de son bon jambon cru des montagnes, accompagné d’une bouteille d’eau fraîche tirée d’une fontaine d’eau de ville proche. Benveniste y mordit à belles dents, puis leva la bouteille glacée. Il renversa la tête et but à la régalade. L’eau limpide, étrangement, l’enivra. De peur de chavirer Benveniste ferma les yeux en frissonnant. Le Canigou lui apparut, debout sur la table de granit qui jouxte sa cabane, le regard avalé par la voûte étoilée, il se vit, tout jeune, naguère, pissant abondamment.

Aphrodite déambulait dans les allées du salon. Elle avait prit de la bouteille, la vie ne l’avait pas épargnée. Cela faisait bien longtemps qu’elle avait quitté le monde un peu vain des bloggeuses superficielles. Elle travaillait, simple petite vendeuse de vêtements bas de gamme, dans une galerie marchande de la proche banlieue, et vivait seule dans un studio perché au sommet d’une tour. Elle avait connu quelques amours de passage, ternes et sans lendemains. Depuis quelque temps, Jade, une chatte bicolore de race incertaine, lui tenait compagnie. Ce jour là, elle s’était retrouvée par hasard porte de Versailles. La foule caquetante finit par l’étourdir. Elle s’accouda à la première barrière venue. Elle cru s’évanouir, quand la jeune femme blonde, la même paysanne aux rondeurs avenantes qui avait nourri et dessoiffé Benveniste, la jolie fée rondelette des montagnes, lui tendit une bouteille, toute fraîche, d’eau des Pyrénées. Aphrodite la décapsula et bu avidement. Elle ferma les yeux. La tête lui tourna comme si elle venait d’avaler une rasade d’alcool pur. Des images dansèrent en sarabande sous ses paupières, des images de grands fleuve charriant des eaux troubles, de torrents de montagne tumultueux, de pluies diluviennes, puis elle se vit, souffrant et pissant, assise sur ses toilettes, un matin d’il y a fort longtemps.

Benveniste et Aphrodite rouvrirent les yeux au même instant, leurs regards se croisèrent, une barrière bleue les séparait. Autour d’eux, la foule abrutie continuait son périple le long des allées du salon, comme un fleuve de chairs emmaillotées, sur lequel semblaient flotter à la dérive, une multitude de visages indistincts. Accrochés aux barrières, comme autant de bois morts échoués le long des rives, des enfants riaient ou pleuraient. Leurs mains implorantes, tendues vers les animaux parqués, s’ouvraient et se refermaient convulsivement, comme des cœurs en manque d’amour.

La jolie jeune femme, la fée blonde aux joues rougies par la chaleur ambiante, inquiète, se pencha sur Benveniste. Elle lui prit doucement la main. Il tourna la tête vers elle. Aphrodite, décontenancée, tourna le dos. Il lui sembla que quelque chose venait de mourir. La foule l’avala. Tout en haut de la tour, allongée sur un divan rouge, Jade la chatte ronronnait.

UN ACARIEN.

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La De visite les monstres.

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Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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L’acarien sale gueule a des dents de requin

Minuscules et aigües elle vous piquent le crâne

A trop souffler la nuit, il descend jusqu’aux seins

Endormis que vous êtes il dévore vos âmes

Sa faim est sans limites, il avale tout et rien

L’acarien est un monstre qui perce les peaux d’airain.

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Zacharia est le prince de la gente Acarienne

Un costaud, un balèze, au gros yeux globuleux

Deux billes translucides habitées par le feu

Mais tout cela n’est rien il faut voir son gros nez

Un tarin de damné qu’il porte jusqu’aux pieds

Il adore les odeurs des aisselles enflammées.

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Plus la chambre est crasseuse, plus le plumard empeste

Plus le bougre est heureux, plus la pitance est bonne

Ce n’est pas un gaillard à sucer de l’eau fraîche

Il faut que ça remugle, que ça sente le funeste.

Zach adore la vieille bête, la gironde, la daronne

Qui ne lave ses fesses qu’en sortant de confesse.

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Quand la nuit est profonde, quand la lune avalée

A laissé orphelines les étoiles chagrinées

L’acarien opiniâtre quitte le traversin

Le corps abandonné aux rêves assassins

S’offre à ses mandibules aux rasoirs affûtés

Et Zach en pleine extase mord dans le gibier.

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Cette nuit la fenêtre est restée entrouverte

Le ciel est si noir, les nuages en bataille

Roulent en rangs serrés, le vent fou est mauvais

Sous la bourrasque folle, pauvre Zach emporté

Loin très loin, terrifié, et le voilà qui braille

Plus de gigot saignant, foutue fenêtre ouverte !

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Aux cheveux d’un curé il a pu s’agripper

Mais il a rebondi, a roulé tout meurtri

Jusque chez un bébé endormi dans son lit

Zacharia épuisé, s’est refait une beauté

Dans le cou du bébé il s’est laissé glisser

A mordu la soie tendre et le sang a giclé.

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Les nuits de l’acarien valent bien vos amours.