Littinéraires viniques » 2024 » mai

UN RENARD.

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Les renards de La De à la sauce Warhol.

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Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Certains l’appellent goupil, d’autres lui disent Maître,

Sous sa pelisse rousse de Doge de Venise,

De ses yeux flavescents il regarde le monde,

Qu’il a conquis jadis, caché derrière l’église,

Les hommes étaient enfants, c’était avant la crise.

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A petits pas sanglants, sur la neige écarlate

On peut suivre sa trace. Le chasseur silencieux

Tue tout ce qui passe sous son nez de Saigneur.

Sa gueule ourlée de noir dessous sa truffe humide,

Cache des crocs pointus comme dagues de Tolède,

Faites pour égorger cœurs jolis, plumes belles.

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Quand Goupil vous regarde, il sait tout de votre âme,

Vous croyez qu’il sourit,mais le subtil ricane,

Il voit au fond de vous, vos secrets, vos arcanes,

Les ombres qui palpitent au cœur des innocences,

Renard vous bouleverse, sa beauté inquiétante

Vous donne de longs frissons à vous serrer la nuque.

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Impossible de rimer sur le nom du roublard,

Le magicien vous tient entre ses griffes noires,

Il abuse vos sens et trouble vos consciences.

Au profond de la nuit, alors survient Renard,

Il s’immisce et vos rêves deviennent cauchemars.

Sa silhouette fine, son infinie patience.

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Regardez le ramper, Goupil est une flamme

Qui lèche les pieds nus des sorcières au bûcher.

What do you want to do ?

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LA LIMACE.

Une limace folle au sillage argenté

Tortillait du croupion perdue dans ses pensées

Sous la lune rousse pleine elle vagabondait

Aglaé somnolait en traçant son chemin

Tout en croquant de l’herbe en suçant du cumin.

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Sur le bord du chemin un escargot croisait,

Toutes voiles dehors, sous de fortes risées

Il tirait de grands bords comme un voilier chargé

Séléné le guidait vers les feuilles gonflées

Il en bavait déjà, ses petits yeux brillaient.

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Aglaé se hissait, elle était déjà là

Quand le gastéropode aux cornes déployées

Dérapant et freinant au pied de Batavia

Vit la molle au sommet qui faisait son repas

Indigné l’escargot lui lança tout de go

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Que fais-tu là pauvre folle sans carapace,

Cette salade est mienne, lâche là drôlesse

Ou je me fâche et te punis de tant d’audace

Je t’écrase et fais de toi grasse bouillabaisse

Foi de Sire  Scargol empereur du jardin !

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Une main burinée aux ongles noirs de terre

A saisi le monarque, aussitôt il le serre

Et le brise en un rien, sa coquille a cédé.

Aglaé la limace au sillage d’argent

À l’abri d’une feuille rigole entre ses dents.

UN CHIEN.

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Le bâtard de La De.

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Hector est un chien fou d’extraction incertaine

Son gros museau baveux pleure à longueur de temps

C’est un bâtard racé à la démarche lourde

Et son cul de travers peine à suivre sa route

Il trottine de guingois, se prend souvent les pattes

Dans les trous trop profonds qui bordent le chemin.

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Sous ses sourcils épais comme balai de sorcière

Ses petits yeux chassieux coulent comme rivière

On croirait qu’il est triste quand son regard vous toise

Et qu’il pose sur vous ses deux billes d’ardoise.

Mais non il est joyeux et sa queue coupée rase

Brûle de frétiller pour vous dire son extase.

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Il trimbale avec lui le jour comme la nuit

Un doudou déchiré très vieux et très pourri

Qu’il a volé un soir toutes lumières éteintes

Le bébé a pleuré, ne s’en est pas remis,

Les parents affolés n’ont jamais rien compris

Dans la nuit sans étoiles, Hector s’est évanoui.

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Ses pattes sont si courtes, on croirait un boudin

Quand il saute du trottoir, il se lime les dents

Il aime sa maitresse et les petits enfants

C’est qu’ils sont à sa taille. De ses crocs ivoirins,

De ses dents de vieux chien leur mordille les mains

Et les bébés de rire, et leurs yeux  sont brillants.

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Quand il croise dans la rue, une bête de palace

Hector devient fou et se jette à sa gorge

Il faut le frapper fort pour qu’il lâche sa proie

Hector est un bâtard qui fait régner sa loi

Sa maitresse le gave de croquettes de roi

En espérant qu’un jour il prenne de la race.

UNE DINDE.

Sous sa parure noire, ses plumes bien rangées

Une dinde glougloute à longueur de journée

Elle a le port altier, la démarche ondulante

Ses petits yeux sont laids, sa dégaine navrante

Autour de son long cou pendent en grappes molles

Des billes de chair rouges, on dirait une folle.

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La basse cour se tait, lapin est terrifié

On ne voit que son cul qui dépasse du terrier

La dinde ivre de morgue passe comme une reine

Même le plus beau coq pleure comme une baleine

La pintade sidérée n’ose plus cacaber

Seul le bouc du crémier a osé l’affronter.

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C’est à grands coups de corne qu’il a chassé l’intruse

Et la dinde ulcérée aussi bête qu’une buse

A voulu s’envoler jusqu’en haut du pommier.

Mais son sac de cuir fin, un sac de grande marque

S’est coincé dans les branches. Vexée comme un énarque

Elle criaille plus fort, toutes plumes empêtrées.

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Dans le ciel saturé d’azur et de nuages

Un goéland l’a vue perdue dans les branchages

Le gros oiseau vorace a piqué comme un fou

Pour dévorer tout cru le soi-disant gorfou

Arrivé sur les lieux il a vu son erreur

Il a fait demi-tour, a regagné le ciel

Et la dinde est restée accrochée par les ailes.

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Mais le singe Kiki est arrivé bien vite

Séduit par la donzelle, il a brandit son vit

A embroché la dinde comme une vulgaire catin

Elle a hurlé un peu puis s’est accoutumée

A aimé tout à fait les assauts du macaque

La folle a cacabé jusqu’à lâcher son sac.

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Dans la cour le dindon alerté par les cris

A regardé la scène d’un air à peine contrit

Puis s’en est retourné dormir en son logis.

ET JE TREMBLE POUR TOI …

Illustration de La Folle De.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Ces femmes qui ne que sont des filles,

Affublées, provocantes, légères mantilles,

Me laissent sans voix et sans désir,

Mais la fille, jolie, qui est juste zéphyr,

Et fille aussi, lascive et fière,

Me met le cœur et l’âme, hors bière,

Aux fêtes rares des amours confites,

Elle, oui, frémit et me convie,

A me perdre, je veux, aux confins de ses yeux

Qu’elle a grands, limpides et si bleus …

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Douceur lycanthropique, lave exsudée,

Organsin fragile, orages déversés,

Gestes gracieux, incontrôlés, énamourés,

Qui me tendent les bras, et toutes leurs vallées,

Profondes, brumeuses, goûteuses, inexplorées,

J’y tombe, m’y perds, m’y glisse, et m’y évade

Quand, pauvre hère, perdu, honteux, en rade,

J’allais, âme partante, voler vers d’autres mondes,

Bien au-delà des fins, des mappemondes,

Loin de tes fruits, tes orbes, tes courbes rondes …

——

Tu me regardes comme une enfant perdue,

Me prends, me donne, comme ta main tendue,

Me caresse, ta voix gratte à ma porte,

Qui claque, béante, sous le vent qui te porte,

J’exulte, interdit, me perds, m’oublie,

Quand, innocente, tu me retrouves, ma louve,

Me dis que depuis que les mondes ont jaillit

Des profondeurs, des magmas et des lits,

Des visages, des corps qui ont comblé ta vie,

Enfin tu sais, ce que veut dire aimer.

——

Alors je jette au vent mes oripeaux blanchis,

Me dépouille de la rouille, de mes amours rôties,

Je hurle à la lune combien j’étais meurtri,

Fracassé, désolé, aride et foutre de pie,

A toi, si rouge sous ta pâleur, je crie,

Qu’à l’heure où sonne le déclin de ma vie,

J’emmerde les catins, les animaux aux poils drus,

Les boues figées, les eaux sales et les dards pointus,

Les extases, les glus et les dondons dodues,

Tu es là, tu trembles, et je tremble pour toi …

——

Mon quartz, ma lumière, l’obsidienne,

S’est muée, j’aime ta lune pleine …

UN ORNITHORYNQUE.

Un beau soir un canard bleu au large bec plat

Cheminait, tortillant son croupion courte queue

Le fat se rengorgeait et poussait des coin-coin

Si faux, si métalliques, que les vaches mettaient bas

Des veaux très mal foutus qui ne faisaient pas meuh

Des bestiaux à trois pattes, certains sans arrière trains.

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Alors la basse-cour monta sur ses ergots

Intenta un procès au canard  ce braillard

Les poules et les lapins, les vaches et les taureaux

Bannirent le volatile, le chassèrent du dortoir

Les canettes eurent beau cancaner tout le soir

Le canard, de très peu, échappa au bourreau.

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Il s’en alla très loin connaître le vaste monde

Des mois et des années, par tous les continents

Le baroudeur fit le tour de la mappemonde

Il traversa les mers mi-volant, mi-nageant

Et comprit un beau jour que la terre était ronde

Sa surprise fut grande, il s’assit sur un banc.

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Un soir de très beau temps, le moral au plus bas

Il trempotait ses pattes aux phalanges réglisse

Dans l’eau douce d’une mare. Le soleil au plus bas

Se regardait dans l’eau comme le dernier Narcisse

Une larme a coulé sur son bec de marbre

Il était seul et triste dépressif et malade.

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Une dame castor qui nageait en dormant

A vu le Barbarie aux grands yeux si charmants

Elle vivait toute seule au milieu d’un grand nid

Au milieu de l’étang des grenouilles et des pies

Sa jolie queue poilue s’est glissée sous ses plumes

Le canard amoureux a fait sonner l’enclume.

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Leurs amours aquatiques répétés et bruyants

Ont fait fuir les tritons les hérons et les tiques

Les plumes ont volé jusque dans les étoiles

La forêt a jasé, toutes les bêtes à poils

Aux oreilles velues ont hurlé à la mort

Castorette et canard ont chanté haut et fort.

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Quelques mois ont passé, l’ornithorynque est né

Le brochet son parrain lui apprend à nager.

LE CROCODILE.

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Le marshmallow croco de La De.

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Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Sur le bord d’un vieux fleuve, large comme la mâchoire

Des grands fauves grondants qui viennent s’y baigner,

Un tronc de bois bandé attend, rien ne le presse,

Qu’une vague de passage le remette à voguer.

Un phacochère hargneux, capable de bassesses,

Dandine en grommelant, tout heureux d’aller boire

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A portée de son groin, la voilà l’onde fraîche !

Elle est d’or et d’argent, il se régale déjà.

Accélérant l’allure, le cochon noir grogne,

L’animal est si laid, son air est si revêche

Qu’il fait peur aux ibis, aux longs becs des cigognes,

Aux oisillons fragiles, aux sombres jacanas.

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Gêné par son clavier aux dents proéminentes,

L’ombrageux sanglier trébuche sur le vieux bois,

Le choc est si brutal qu’il le déséquilibre.

Comme un éclair soudain sous un orage sournois,

Deux lames aux dents blanches, ivoires d’un gros calibre,

Et le voilà brisé par l’assaut du géant.

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Emile le crocodile est un maître tueur.

Il n’a peur de personne. Pas même des crinières

Et des muscles puissants. Sous ses paupières lourdes,

La cruelle lueur de la lumière qui sourde

De ses pupilles fendues, dignes des pires sorcières,

Tétanisent tous ceux qui frôlent sa demeure.

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En armure de cuir, massif comme un char,

Emile a refermé sa gueule de vieux soudard,

Puis il s’est endormi, la panse bien remplie.

Un oiseau s’est posé, un pluvian tout petit

L’éboueur minutieux lui a curé les dents,

A coups de becs précis, au-dehors, au-dedans.

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Un éléphant géant a vu tout ce théâtre,

Il a couru vers l’eau volant à tire-d’aile,

Trente tonnes lancées à fond de manivelle.

Emile d’un coup de queue se joue du cataphracte.

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Les yeux au ras de l’eau, Emile fait la bûche,

On dirait qu’il dérive, mais ne vous y fiez pas !