Stéphane Burnez.
Depuis 1769, officiellement (depuis les premières lumières du dix huitième en fait) et sans faiblir, les Prunier ont aimé assembler – ou non – les eaux de vie issues, après double distillation, des arbres nains à toutes petites prunes dorées. Jusqu’en 1918, de Jean à Alphonse, les Prunier ont secoué les ceps de Colombard, de Folle blanche et d’Ugni blanc surtout (98% des surfaces cultivées). A l’extinction de la branche directe, le neveu Jean Burnez, puis ses descendants ont assuré sans faillir la succession.
Stéphane Burnez, grand «Prunier», aux branches toujours agitées, qui flirte avec les deux mètres, assure la direction de la maison depuis 1987. A l’appel de son père il a quitté la Bourgogne et la maison de son oncle Robert Drouhin au sein de laquelle, pendant six ans il avait assuré la charge essentielle de courtier exclusif, pour rejoindre Cognac et ses terroirs multiples. Ami de Robert Groffier à Morey, de Jean Pierre Charlot à Volnay, entres autres, formé par son maître Max Léglise, il a apporté dans ses bagages la finesse et la droiture d’un nez et d’un palais, rompus aux subtilités bourguignonnes.
Dans le paysage monolithique des grands groupes monopolistiques, la maison Prunier revendique son statut artisanal. Dix neufs employés font tourner – très bien – la boutique… Du VS au XO, en passant par le VSOP, les assemblages sont tous bien plus vieux que les comptes 2, 4 et 6 imposés par la loi. C’est ainsi que ce sont des comptes 3 qui font le VS, des comptes 5 le VSOP et des compte 45, le XO, bon an mal an ! Alors tendez vos verres. Tant que de telles maisons vivront, il faudra s’en régaler !
Après quelques heures passées à secouer les branches du Stéphane, il vous dira, humble sans le savoir, et le regard dans les nuages : «Un grand cognac est un cognac qui m’échappe…», qu’il ne cherche pas la standardisation à tout prix mais qu’il lui préfère «la sinusoïde douce !». Et surtout, citant Franck Zappa, qu’il vise, espérant l’atteindre un jour, «la continuité conceptuelle». De son ancienne vie de courtier bourguignon, il a gardé, l’âme du chineur de bon. Dans un coin de sa mémoire, dans son petit panthéon, il garde le souvenir de cette «Borderie Réserve» assemblage minimal d’alcools des millésimes 1992 et 1993, aujourd’hui introuvable, et dont les parfums d’une finesse d’école, exempts des pommades ordinairement adjuvées, n’en finit jamais de vous ravir le nez et de vous initier aux mille baisers du kamasutra gustatif.
En vente toujours, la «Réserve de la famille» dont l’assemblage est constitué de Grande-Champagne, Petite-Champagne et Fins-Bois (celui-ci est de 1938 !), le «Vingt ans» d’âge dont les Fins Bois, coquets, en ont vingt six… Et joyaux sur la couronne, ne passez pas à côté des «Millésimes» actuellement disponibles, les 1964, 1969, 1971, 1975, 1979 et 1989 qui vous diront qu’en ces terres calcaires et argilo-calcaires, les millésimes jouent leurs subtiles partitions au sein du grand orchestre des terroirs.
Foncez et n’ayez pas peur de secouer le Prunier, ses prunes sont d’ambre et d’or…
EIMOGNITISEECONE.