Littinéraires viniques

MON GLAIVE REVIGORÉ.

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Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

Je bois souvent cette eau d’ange et de sang

D’une source incongrue, et de laine, et qui m’assène,

Et qui n’est, chaque fois, ni pur diadème

Ni tout à fait carême, et me saigne et me détend.

 

Car elle m’est océan, et mon coeur mellifluent

Pour sa meule, hélas! N’est pas un pâle requiem

Elle qui feule, et les ardeurs de ma bouche l’aiment,

Elle seule les sait faire gémir, en bavant.

 

Est-elle lune, ronde ou brousse? Je l’adore.

Son balcon? Je le retiens, qu’il est lourd à bâbord,

Comme ceux des damnées que la vie baptisa.

 

Coeur blafard, salsepareille au mitard des sangsues,

Et, pour sa loi, ma reine, inflexible, et lasse, elle va

La malédiction, la sorcière qui règne et me tue.

LA MUSIQUE A CESSÉ.

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Les abominations hypnotiques de La De.

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©Brigitte de Lanfranchi – Christian Bétourné. Tous droits réservés.

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L’as-tu vue ?

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La feuille de papier aux laitances cinglantes,

qui te nargue, lourde d’égarements à la dérive, je flotte le mors aux dents.

Nuque raide, neurones agonisants, leurs doigts gourds m’entourloupent,

où s’en vont les esquives, les miroirs tranchants, les soleils diffractés

bleus glacés aux rutilances monochromes ?

Esquisses déchirées. Flottent les ardeurs mortes nées sur les eaux

de mercure figé. Sidération brutale, le silence s’installe et la chatte

mauvaise a croqué tous les mots.

Pas de larmes à aiguiser au fil des têtes tranchées, de ventouses écaillées,

de cocons morts à visiter, plus de canaux serpentins vers les eaux taries

des deltas à l’instant disparus !

Palpitation lente du souvenir, indicible absence, silence putréfiant,

la toile lisse du sens absent a fini par gagner la soupente

des émotions claquemurées.

Dès l’aube des chiens courants

la musique a cessé sous l’os infranchissable de la boite à jamais close

des épaisseurs nocturnes, le balancement saccadé des hésitations cotonneuses

m’enveloppe d’incertitudes douces

et de parfums suaves.

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Abomination sulfureuse des extases frôlées dans le dédale

des impossibles.

What do you want to do ?

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LES MUSICIENS MORTS.

Le petit théâtre de La De.

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Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Sur les touches blanches du cercueil obscur courent les araignées pâles aux griffes rouges.

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Elles se promènent d’un bout à l’autre du clavier.

Les longs trémolos bleus soupirent jusqu’au fond des empires perdus.

En écho, à l’autre bout de la queue arrondie laquée de noir aveuglant,

sous les lumières artificielles des salles veloutées de bordeaux patiné,

en pluie sonore,

les notes retombent, multicolores,

sur les nuques vannées des spectateurs aveugles.

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Les soies frissonnent, les queues de pie s’affaissent.

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Sous le coffre de bois lourd, deux  escarpins vernis, luisant comme des yeux aux regards éteints, actionnent sans effort

de lourdes pédales de bronze.

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Sur les dalles de marbre précieux qui recouvrent le péristyle des théâtres prestigieux,

dans les couloirs feutrés, sur la soie tressée des tapis épais longuement brossés,

les pas conquérants des grandes femmes aux longs cols de cygne blessé,

ont perdu leurs voix.

Chacun de leur pas, tellement étudié, maitrisé et élégant, s’accorde au chapelet de notes lointaines qui coulent, langoureux, liquide et gracieux sur la scène, comme la lumière frisante d’un soleil couchant sur la toile d’un Soulages voguant dans le silence de l’espace tendu

entre Vénus et Mars.

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De grands hommes que l’histoire de l’humanité mourante ne retiendra pas,

élégamment vêtus d’étoffes rares aux moires délicates, les suivent ou les précèdent,

selon leur rang supposé dans la hiérarchie muette des conventions surannées.

Le bruit de leurs bottines de cuir fin,

souples, taillées à même leurs pieds aux os fragiles,

étouffé par l’épaisseur des tapis andrinople,

ne résonne pas,

et les croquenots pour pieds de race, pleurent de désespoir.

Le sol, miroir claquant, lisse et luxueux, des marbres du vestibule immense aux fausses colonnes grecques, est, a contrario, fait pour eux qui aiment tant à parader mine de rien, et jouer du talon sur la peau froide du sol des prestiges.

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Sur les touches ivoirines du piano à queue de pie sage courent les doigts saignants des musiciens morts.

LA CHANDELLE EST MORTE.

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La De tient la chandelle.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Décembre est dans la mire

Et frissonne l’année

Et pousse un long soupir

Comme une âme gelée.

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Demain le jour en braille

Et la lumière aussi

La nature a sourit

Ce matin dans son lit.

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Oui la chandelle est morte

Quand se rouvrent les cieux

Et dans ta chambre forte

Tu entrouvres les yeux.

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La lumière a jailli

Des bois et des taillis

Le biche se réveille

Et le soleil bleuit.

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Nous irons par les mois

Les heures et les jours

Quand la lumière flamboie

C’est le temps des amours.

COUCHÉ SUR LA MER MORTE

L’Arflinquiaprèmé de La De.

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Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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A l’ombre des lumières, l’azur sourd de ses yeux,

Lapis épanoui dans la mine enfoui,

Sur la lande fleurie, les épines en fruits,

Sous les frémissements sa peau est en bataille,

Par les monts, les vallons, les forêts et les failles,

Quand les sabres fourbus d’avoir ouvert les cieux,

Sous les eaux, les sanglots qui abreuvent son lit

Abattent les mirages qui tremblent dans la nuit.

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Couché sur l’écran noir, j’aligne des mots blancs.

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Les montagnes perdues dans le fond des abysses,

Quand le chevalier mort galope, rue, entre en lice,

L’hydre, la salamandre, le poison dans le feu,

Les collines noircies ont éteint l’incendie,

Longues langues d’or en flamme sur le ciel bleu de nuit,

Les heures, ongles brisés, déliquescents aveux,

Ruptures explosives, volcans et laves lisses,

Au cœur du muscle rouge gisent les immondices.

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Couché sur l’écran bleu, courent les mots du vent.

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Sous l’os épais des crânes, circonvoluent aussi

Les guirlandes de phrases accouchées mortes nées,

Oubliées sur les landes des  nuages perclus,

Les rats aux museaux fins les rongent à l’infini.

L’encre, la bile noire, sang séché racorni,

Engluée, putréfiée à la pointe effilée,

Drames épouvantables, clairs horizons perdus,

La plume de mes doigts à la pulpe rosie.

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Couché sur la mer morte, à me crever les yeux.

LES DÉESSES SONT LASSES.

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Les quatre vies de La Di.

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Illustration Brigitte de Lanfranchi – Texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Agrippine féline, tes doigts de perles fines,

Ton sourire de satin, tes yeux de tourmaline,

La tournure de tes reins, ta cambrure zibeline,

Ta façade, ta vitrine, ta démarche vipérine.

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Aglaé triste fée, à ta main agrippée

La lance déployée sous tes doigts à hurler,

Ton sourire d’airain, ton regard extasié,

Ton dos de poivre chaud, tes rondeurs dévoyées.

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Athénée au palace, à se draper la face,

Sa chevelure rousse, son œil de jais me glace,

Assise sur le pré dans les fleurs en rosace,

Sur sa bouche vorace, le baiser d’un rapace.

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Aphrodite est en eau sous sa couronne d’algues,

Sur la surface bleue le soleil et ses dagues,

Une girelle verte lui a fait une bague,

Et les congres joueurs sur le bord des madragues.

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Les déesses sont lasses, les dieux sont courroucés,

Le sol se dérobe, les volcans sont gelés.

DANS LA CRYPTE, OUBLIÉ.

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La De fait sa Vlad.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Sur les sommets noirs, le soir, plane Dracula,

Le catafalque lugubre file au ras des monts,

Mors aux dents, sous le fouet, les cavales folles

Ramènent le maître blême aux entrailles du château.

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Loups aux crocs qui claquent, chauves laids qui sourient

De toutes leur âmes mortes, honnies, brumes létales,

Démons, sorcières, goules, chairs pâles et lustrées,

Ombres immenses, flambeaux éteints, miroirs ternis.

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Au pied des tours maudites de son château lugubre,

Toutes les bêtes fauves, regards hallucinés,

Pupilles dilatées, iris de cuivre tigre,

Hurlent à l’unisson, horrible soumission.

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Babines humides et salives fétides,

Pelisses hirsutes, légendes infernales,

Des puits noirs sans fond enfin remontées,

Aux pieds du maître impavide, domptées, elles s’ébrouent,

C’est le temps des turpitudes, des miasmes, de la boue.

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Le peuple des maudits, des chassés, des infâmes,

Enfin réuni, rêve de bouter les dames,

De déchirer leurs antres, de boire à leurs sources,

Au Graal écarlate de leurs chairs fragiles.

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Lui qui fut Vlad du temps bien avant les corbeaux

Quand les fleurs rutilaient au salon des amours,

Atours, velours, rires d’enfants des beaux amants,

Sous le ciel pur, le soleil rouge ne brûlait pas.

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Le sang chéri maudit des petits êtres frais,

A boire chaud, à même les artères déchirées,

Aux gouffres béants sous la dent, ivoire qui croque,

Lycanthropes velus ou succubes infernaux.

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Espoirs de lait perdu, soie des regards nus,

Robes qui glissent, escaliers dérobés,

Quand le soleil brillait dans le regard bleu reine,

Elle qu’il aimait entendre respirer, à mort.

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Les blancheurs vénérées, le cristal qui tinte,

A ses lèvres humides, goûter son âme douce,

Perdre la mort qui rôde, gagner l’éternité,

Il pleure dans son tombeau, les fleurs sont fanées.

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A hurler de douleur sous les terres amassées,

Depuis des lustres. Éteint au milieu des ténèbres,

A chasser l’amarante des nourrissons déchus,

Les vierges se sont pâmées sur leurs gorges funèbres.

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Il aurait tant aimé n’être alors jamais né,

Avoir pu, avoir su, échapper au destin,

Glisser entre les failles du temps des mortels,

Et n’avoir pas connu la sorcière aux dents longues.

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« Diable de feu au regard de braise folle,

Lucifer mon frère, quand tu t’es effondré,

Que n’es-tu passé loin, plutôt que de me prendre,

J’aurais bien voulu vivre les fortunes humaines !».

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Et ce rêve effrayant, ce bonheur qui l’obsède,

Elisabeta se meurt, nul pour l’empêcher,

A la mordre à mourir il n’a pu se résoudre,

Alors il se morfond le diaphane empaleur.

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Combien sont disparues toutes ces jeunes années,

Quand la mort faisait peur, quand il la redoutait,

Et ce vent qui coulait dans les cheveux des femmes,

Quand il croyait que Dieu n’était que pure bonté.

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Il se voyait alors, belle plume et grand cœur,

Se promenant au bras d’une pâle crinoline,

Organdis frissonnants, rose et bonne mine,

Et des brassées de fleurs de soleil et de joie.

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Las, plus de trépas ni de cœur pieu qui lâche,

L’éternité encore, ultime punition,

Et le noir absolu, le doux soleil nié,

Les miroirs se fendent, les ombres disparaissent.

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Maintenant il rugit comme un damné qui meurt,

Il a maudit le sort, il aurait tant voulu

Anéantir Dieu et ses anges terribles,

Et retrouver le temps de ses amours goulues.

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Le temps n’est plus, Dieu l’a trahi, rêves perdus,

D’un pieu pointu sous le sein nu, regard voilé,

Fontaine de sang rouge, comme un porc, étêté,

Sous la crypte glaciale, affamé il triomphe.

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Dans ses yeux effrayants, un ange s’est miré …

LES MOTS.

Les mots noyés de La De.

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Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Les mots on disparu, le verbe s’est noyé

Sous les glaces polaires des temps accumulés

Les saillies enfoncées dans l’oubli des nuits claires

Dans les rêves obscurs, dans les lumières éteintes

Au secret des jours creux, dans l’alcôve aux étreintes

Au long de ces années, au fil de la rapière.

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Les mots ont leur vie propre, ils font ce qu’il leur plaît

Ils viennent quand ils veulent, violents éjaculés,

Se rient du libre arbitre des conventions défuntes

Petits mots ou grands cris, les mots aux cœurs sans crainte

Déroulent leurs guirlandes et n’ont pas peur d’oser.

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Des penseurs débridés, des poètes abscons,

Aux discours lénifiants qui pendent aux balcons

En grappes de fruits blettes, en discours fanfarons

Les mots dans le secret sont comme des fanfares

Qui rugissent ou se taisent aux cordes des cithares.

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Parfois ils sont la lame, ils fendent les cœurs noirs

On ne les attend pas, c’est alors qu’ils déferlent

Étincèlent et rutilent en mille feux grégeois

Ils sont les perles rares qui brulent de savoir

Pourquoi la mort est tendre le soir au creux des bois.

D’ISPAHAN À LA HAVANE, PAR CORDOUAN ET LA TRUFFE…

Mahmoud Farshchian. Roses d’Hispahan.

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 Quel nom! Eloi Dürrbach.

Eloi tout d’abord, le Saint du même nom était orfèvre et trésorier de Dagobert. Un homme donc, qui devrait savoir ciseler, compter et s’y connaître en pantalon…

Dürrbach. D’Eloi, René était le père. Peintre et sculpteur, il fut l’ami de Fernand Léger, Robert Delaunay, Pablo Picasso. Les étiquettes qui ornent Trévallon témoignent de sa présence, hors du temps compté de la matière. Tout pour faire un vigneron, non? Dont on attend rigueur, poésie, élégance.

Deux cépages, Cabernet Sauvignon et Syrah plantés dès 1972 sur les pentes arides et calcaires du versant nord des Alpilles. Un vin «inventé», anti conformiste qui rejoint dès sa naissance le sein hétéroclite des Vins de Pays.

Ce nom, Trévallon, m’était familier, comme il l’est de tous les amateurs. 1999. Familier certes, mais inconnu de mon palais. Une première rencontre. Un mystère qu’une première, l’émotion de la découverte, le frémissement de l’approche, le recul et l’hésitation, l’enthousiasme, la crainte et l’impatience. La reddition ou la déception.

La couleur aussi du «tonitruant», du Trévallon dont j’ai plaisir à lire les emportements, plus tendres qu’il n’y paraît. Décidément, je ne suis pas sou neuf devant ce vin qui l’est pour moi, et que j’attends, dans cette pénombre de la conscience, sauvage et sensible à la fois? Un voyage dans le verre, incertain, attirant. Oui, je sais bien que tout cela n’a rien à voir avec la dégustation pure et dure, mais existe-t-elle? Tant pis pour ceux qui la prônent, et qui me liront.

Dans le verre aux courbes féminines – on boit toujours dans une coupe qui les glorifient – le vin attend depuis une heure. Tamisée au travers du grenat liquide mêlé d’orange, la lumière pure de cet hiver Hollandais. Le relief de la vie s’y meut au ralenti. Comme un hymne à l’évolution lente, il n’est pas sans rappeler la fausse transparence des eaux tropicales. Une turbidité forte, qui évoque la chair dont on parle souvent.

Imaginez le mariage rare entre une perdrix dodue et un faisan nerveux, affolés par les bruits incongrus des chasseurs, au petit matin brumeux. Vous aurez là, précisément, l’idée du fumet puissant qui frappe mes narines. L’odeur de la curée, de la plume et du sang. C’est une journée qu’il faudra à ce vin, avant qu’il ne daigne se donner davantage!!! J’ai adoré ces premières effluves, si justes, si proches de l’essence même de la peur, qui doit tordre la biche ou le chevreuil coursés dans les bois. Ce mélange enivrant des adrénalines animales. L’effroi qui sidère les viscères, qui affole le cœur et les sudoripares.

Plus tard, au lendemain d’hier, comme un paradis fragile, les roses d’Ispahan surgissent du verre, graciles, délicates et fanées…Le cuir de Cordouan ajoute ses notes à peine grasses aux arômes puissants d’une belle truffe dans sa gangue de terre humide. La boite à tabac s’est ouverte elle aussi et délivre des parfums de Havane. Le tout se fond élégamment, et enrobe d’une sensualité toute en finesse, le cœur calcaire du vin. La rigueur est bien là. Le squelette soutient la chair. De la douceur aussi, qu’équilibre une touche d’amertume.

Il va bien falloir que la bouche accueille et prenne son bonheur…Le sucre et l’amertume, comme un sureau mâché, touchent la pointe de la langue. La sensation de fraîcheur est immédiate, puis les fruits (petits, moyens ou gros, je ne sais…) percent le liquide, et tapissent les papilles d’une chair parfumée. La matière enfle sans ostentation, l’équilibre est constant, comme le rythme d’un pur sang au galop maîtrisé. Cabernet et Syrah se respectent, et s’entendent comme cépages en foire. La finale n’est pas une fin, elle s’étire en lenteur et longueur, les tanins et la craie intimement unis.

Au fond du verre vide, la pivoine s’est invitée, et Ispahan s’étale.

Le pays de la grâce… J’y retournerai.

EQUIMOLÉTIVITECONE.

THOMAS PICO CHABLIS 1er cru BEAUREGARD 2014.

Thomas Pico par Tim Atkin

Thomas Pico par Tim Atkin.

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Sacrifié le flacon. A peine a-t-il posé son cul lourd devant ma porte. Honte à toi qui ne peux attendre, petit homme impatient. Sacrilège! Tu te comportes comme le dernier des brutaux dans ce monde du vin, tout de douceur et de fraternité vraie. Pense donc à tous ces modestes vignerons, qui œuvrent dans l’ombre de leur chais nickelés, pour t’offrir le meilleur de leur art désintéressé.

Bon, oui, tu as raison Jiminy Cricket. Tout à fait. Parfaitement raison. Mais quand même, tes grands écraseurs de raisins entre leurs gros doigts, ne se privent pourtant pas d’y aller à grandes louches ! Tous les ans les prix flambent. Allegro, crescendo, vivacissimo, fortississimo, con fuoco ! Allez coco, si t’en veux – c’est qu’y en a eu peu, ou alors l’a pas fait beau, ou encore c’est un vin d’artiste, un très grand, un incontournable et tutti quanti, pipeau, marketing et orchestres à cordes – ben faut casquer, sourire et remercier les “magiciens”, comme disent certains journalistes prescripteurs, ou tous ceux qui aimeraient l’être, la poignée de censeurs, qui se targuent de faire la pluie et le mildiou dans les rangs trop souvent ulcérés des vignes et des châteaux. Ceci dit Pico ne pique pas trop.

Penché au dessus du verre, je contemple. Je regarde Beauregard droit dans les yeux. Un lac calme d’or blanc fondu, immobile. Je regarde plus encore, et voici que sur l’écran pâle de ce vin tout juste accouché, des images apparaissent. Étranges scènes, quelque peu surprenantes, inhabituelles même. Se superposent à l’or, les eaux rouges d’un lac. Des eaux, non pas roses comme celles du lac éponyme, non, des eaux rouges, sombres par endroits, incarnates à d’autres, que bordent des reflets violets. Au centre du lac, entouré d’animaux de moindre importance, des admirateurs ébahis et autres courtisans énamourés qui baillent de concert, siège, trône, le roi du lac, le gros Hippo.

Hippo le gros est en colère. Hé oui, voici que parmi ses amis à plumes – qui d’ordinaire, posés sur son large cul, lui caressent la couenne, sa peau fragile, infestée de parasites – un oiseau fou, un insolent, un téméraire, un Buphagus de rien, simple plumitif, se met à le piquer et le repiquer, toujours et encore, jusqu’à lui mettre la carne au sang ! Faut dire que le gros Hippo, faut pas le contrarier le démocrate, ni même le taquiner, encore moins le contester.

Alors il a grand ouvert sa gueule. D’un seul coup de sa puissante mâchoire, il a broyé un croco de passage, histoire de bien faire comprendre à tous ces plumeux bavards, qu’ils pouvaient à loisir l’encenser ou le piqueter gentiment, mais rien de plus. Grand silence sur tous les lacs du petit grand monde des eaux cardinalis. Puis tout le monde de s’esbaudir, d’applaudir le gros Flying Hippo hurleur, qui donne la leçon, et menace de ses foudres le(s) volatile(s) au(x) bec(s) acide(s). Et le petit grand peuple d’approuver Hippo le grand, de louer son courage et l’incandescence, un brin vulgaire peut-être, de son discours flamboyant. S’attaquer aux œuvres du grand Maître de la pluie et du beau temps sur l’estuaire, quelle indécence !

Mais le mirage se dilue enfin. Dans mon verre la robe d’or, pâle comme un sourire naissant, retrouve son étoffe et rutile à nouveau. Les futilités parasites du grand petit monde des fatuités sans importance se dissolvent sous la montée des arômes. Beauregard 2014 est encore un nourrisson dans les langes. Il babille plus qu’il ne parle. L’enfantelet sent le miel doux, les fleurs blanches parsèment ses draps, les citrons, jaunes et mûrs, verts et odorants, les épices légères, et l’odeur de la craie sur le bord du tableau quand la classe est déserte, parfument son babil. Un nourrisson aux effluves prometteuses.

Et le jus si clair de Beauregard coule dans ma bouche, attaque suavement, puis se déploie comme un bébé tout rond. Ce vin est de chair mûre, de pulpe de pamplemousse et de citron, que resserrent leurs zestes. Une chair dodue, qui enfle au palais, s’ouvre et libère son cœur de fruits ensoleillés. Une chair ferme, finement miellée, déroule délicatement ses agrumes. Surgit enfin, relançant le jus crayeux, une lame tranchante ce qu’il faut, une acidité plus fraîche qu’agressive. Chablis sans conteste. Dans le fond du verre vide, quelques notes, aussi furtives qu’exotiques. Dans ma bouche désertée, le vin longuement se donne. Sur mes lèvres orphelines, il a laissé un peu de son citron salé. Un très beau bébé. Prometteur. Nul doute qu’il deviendra grand ce poupon de beaux raisins mûrs.

PS : Pour tout ce qui concerne le domaine, les pratiques culturales et le travail au chai, lire les très nombreux spécialistes de tout, et parfois de rien.