Littinéraires viniques

DONDIVIN.

TANZANIA - FEBRUARY 08: Zamda, Albino girl in Mikindani, Tanzania on February 08, 2009. (Photo by Eric LAFFORGUE/Gamma-Rapho via Getty Images)

TANZANIA – FEBRUARY 08: Zamda, Albino girl in Mikindani, Tanzania on February 08, 2009. (Photo by Eric LAFFORGUE/Gamma-Rapho via Getty Images)

Texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Un petit point perdu au cœur de l’Afrique, au centre du Congo, à égale distance de l’Océan Atlantique à l’ouest, de l’océan Indien à l’est. Situé à mi chemin entre Port Elisabeth au sud et Tripoli au nord. Un point minuscule qui marche plein est. Le grand aigle croix de plumes qui vole très haut ne le voit pas. L’imperceptible, lui, a levé les yeux et suit du regard la traînée blanche du grand oiseau silencieux. Elle s’effiloche, mangée par le bleu cru du ciel. Mille kilomètres séparent le petit homme du lac Victoria, le petit homme qui marche déjà depuis longtemps, d’un pas égal, lent et régulier.

Dondivin se protège du soleil furieux. Ses rayons enflamment les herbes sèches, brûlent les sols jusqu’à les faire craqueler. Le grand soleil tueur, lave jaune, plomb fondu. Sous ses lames acides les cuirs les plus épais cèdent. Les grands animaux, foudroyés par la mort ardente, parfois s’écroulent comme de grandes forteresses que l’on croyait invincibles. Alors l’œil de feu, si puissant qu’il a troué le ciel d’encre bleue, rissole les chairs, racornit les peaux. Les momies aux faciès déformés, aux pattes tordues par l’ultime souffrance, gisent ça et là, en pleine brousse comme au bord des pistes. La terre d’Afrique est rouge, elle est faite pour calciner les douleurs, boire et masquer les ruisseaux des sangs versés. Sa poussière collante donne aux hommes en sueur des visages de sorciers fous.

Dondivin est un paria, un nègre blanc malingre à la peau livide, dépigmentée, parsemée de quelques ilots délavés, quelques tâches informes de couleur orangée. Un casque de broussaille crépue, une chevelure de paille claire, couronne sa tête fine perchée sur un cou d’oiseau fragile. Dondivin n’a jamais connu ses parents. Recueilli par une petite tribu Bomitaba, il a vécu une enfance terrible. Sa peau blanche et ses yeux d’ambre gris pâle en ont fait un semi esclave craint et moqué à la fois par les femmes et les enfants, traité durement par les hommes. Dondivin a survécu, se nourrissant en disputant aux chiens faméliques les reliefs des repas. A se battre contre les bâtards pour subsister, son corps, maintes fois griffé, mordu, s’est couvert de cicatrices livides qui dessinent sur sa peau d’étranges arabesques roses.

Pour les sorciers Africains les albinos sont des proies de choix. Ils attribuent à leurs organes des pouvoirs magiques, un nègre blanc soigneusement débité se revend une fortune. Mais le sort a voulu qu’un grand Ancien révéré, respecté de tous, le prenne sous son aile et le protège des prédateurs humains. Dès son plus jeune âge, le vieux Bomitaba lui a enseigné l’art du camouflage. C’est pourquoi Dondivin disparaît sous une épaisse pâte de terre ocre qui masque sa peau blanche. Sur ses cheveux courts, il applique depuis toujours une mixture de terre noire mélangée à la cendre et à la graisse animale, une pommade grasse qui résiste à la pluie. Mais un matin au réveil, le grand Ancien gisait raide mort sur sa paillasse. C’est ainsi que Dondivin, de plus en plus convoité par le sorcier du clan, dut s’enfuir une nuit pour ne pas finir sous le tranchant avide d’une machette gourmande.

Dans son enfance, l’Ancien lui avait raconté l’histoire de ce guerrier qui avait quitté la tribu pour aller chercher fortune sur les rives du très grand lac, là-bas, très loin à l’est. Sous les flots de ce lac les poissons avaient peine à nager tant ils étaient nombreux. De l’aube au crépuscule, les eaux frémissaient, agitées comme si un grand vent soufflait. La nuit on pouvait entendre un clapotis incessant, les éclaboussures des poissons sauteurs qui retombaient dans l’eau scintillaient sous la lune. Comme les cailloux piquetés d’extraordinaires lumières d’étoiles que l’on trouvait parfois sous terre, quand il fallait creuser l’été, pour trouver à boire sous les écailles de bronze de la terre desséchée.

Dondivin doit avoir douze ans, guère plus. Cela fait trois semaines qu’il marche à cœur perdu; pieds percés, traversant ruisseaux, brousse, savane, forêt dense. Dans cette vaste zone particulière, à la confluence des ventricules et oreillettes du continent, les énergies affluent, la vie pullule, la violence, la fureur et la mort sont partout. Le ciel est d’une beauté effrayante à la mesure de la puissance des lieux. La vie y est exacerbée, comme si les énergies de la terre décuplées et concentrées à la fois émergeaient des profondeurs brulantes de magma. La chaleur est intense, le ciel s’y vide de ses eaux, la nature y trouve ses nécessités. Tout en cette région, climat, faune, flore, haine, amour, est disproportionné. Le centre de l’Afrique, berceau de l’humanité, est le laboratoire, funeste et glorieux de tous les dieux, du plus improbable au moins confirmé.

L’enfant couvert de terre séchée marche comme un métronome. La nuit il ne dort que d’une oreille au creux des arbres morts. Feulements, frôlements, frottements, cris étouffés, galopades soudaines, cris inarticulés des gorges déchirées, miaulements rageurs, silences terribles, Dondivin, terrorisé, recroquevillé, perché à mi hauteur dans le ventre sec des arbres invente plus qu’il ne devine les ombres argentées qui traversent, le temps d’un éclair, le paysage nocturne éclairé par l’œil écarquillé de la lune menaçante. Une nuit qu’il ne dormait pas, tremblant au milieu des fourmis que sa peau tendre, étonnamment n’intéresse pas, un grand python s’est glissé dans sa cache. Le reptile aux écailles lisses s’est doucement enroulé autour du corps de l’enfant, comme une liane souple il lui a fait un manteau de chair fraîche, il a posé sa tête triangulaire entre l’épaule et le cou du garçon et n’a plus bougé. Jamais ses anneaux qui auraient pu le broyer ne l’ont serré. Dondivin a entouré le corps du serpent de ses deux bras, pour la première fois depuis des nuits, étrangement apaisé il s’est endormi profondément. Au petit matin le soleil rose orangé s’est levé, la lumière éclatante a recouvert de velours tendre les cimes embrumées de la forêt proche, la chaleur est tombée comme un marteau de plomb fondu. Lentement le python royal a levé le museau, ses yeux couleur d’ambre foncé se sont éclaircis, il a longuement regardé Dondivin, sa tête s’est balancée un instant puis il a déroulé ses anneaux ocellés, a coulé le long du tronc mort pour disparaître dans les herbes hautes. Le regard dans le vague, l’enfant a souri.

Ce matin le mur vert sombre d’une forêt dense se dresse devant lui. Derrière lui la brousse chichement arborée qu’il ne verra plus. Hier, il a dû s’enkyster toute la journée dans un tronc pourri, de peur que les chasseurs apparus dès l’aube ne l’aperçoivent. L’albinos est un trophée de choix, une proie de grande valeur. Les braconniers grimés de couleurs vives, vêtus de pagnes à franges, le savent bien, un nègre blanc vaut plus que toute une saison d’ivoire. La prise est aisée, fragile, sans défense. Soigneusement débitée – la tête à elle seule vaut une fortune – elle leur apporterait à la fois richesse et notoriété. Aussi le garçon s’est fait bois mort et n’a pas bougé. A plusieurs reprises les chasseurs l’ont frôlé, mais occupés qu’ils étaient, têtes baissées, à relever les traces des grandes oreilles, ils ne l’ont pas vu, ni même senti. Ils se sont éloignés un temps, mais Dondivin les entendait crier de rage, tourner en rond, invoquer les anciens et l’égrégore des éléphants. Mais en vain. Bredouilles, ils se sont installés le soir autour de l’arbre mort, ont allumé un feu, mangé quelques baies, une bestiole rôtie, et palabré jusqu’au matin. Le lendemain il a plu des trombes d’eau, un de ces murs blancs qui efface les reliefs, dissout les couleurs, on croirait que le monde a disparu, qu’il s’est écroulé, a fondu, que le sol l’a mangé. Tout le jour le ciel a noyé la terre. Bien à l’abri des eaux, incapable de reprendre son chemin sous ce déluge le garçon n’a pas bougé de tout le jour terne. Le soir les chasseurs sont revenus, ils ont bu des breuvages fermentés, crié, hurlé, maudit les âmes des éléphants morts, dévoré à moitié cru, tant le bois était mouillé, une gazelle naine aux grands yeux de soie noire. La nuit a été rude. Le regard éteint de la gazelle, sa robe ocre pâle, son ventre blanc et ses petites cornes torsadées, entraperçus par une des fentes du tronc vermoulu, ont fait pleurer l’enfant. Pas une larme n’a coulé. Trop d’eau. Il n’a pas même reniflé.

Quelque part, hors de vue dans l’obscurité de la forêt proche, un potamochère roux grommelle en regardant l’enfant entrer dans la forêt. La végétation est très dense, humide, le sol détrempé. Dans ce royaume vert tout est exubérant, généreux, surnaturel, la progression est lente, difficile, hasardeuse. Malgré sa petite taille et sa corpulence de sauterelle Dondivin avance péniblement, il s’enfonce à mi cheville dans le sol spongieux. Sur son passage les grandes feuilles des plantes bien plus hautes que lui balancent, déversant leurs eaux sur sa tête. Bientôt, la masse végétale couronnée par de grands arbres aux troncs volumineux dressés au milieu des lianes en guirlandes complexes qui dessinent à contre jour des toiles gigantesques, des ponts et des embrouillaminis inextricables, se dresse comme un épais mur vert. Dans ce monde mystérieux, des myriades d’insectes crissant, des serpents de couleur céladon, orange, émeraude, noir, gris, jaune, aux livrées éclatantes, des reptiles tantôt striés, annelés, tachetés, des rampants de toutes tailles, endormis dans les branches ou se glissant sans bruit d’une liane à l’autre, pullulent. Plus haut, des singes hurlent, crient ou avertissent, des singes invisibles, perchés dans les hautes branches, sautant d’arbre en arbre dans un froissement de feuilles verdoyantes, retombant en pluie lente comme une averse sèche tout autour du garçon. Epuisé, haletant, Dondivin s’est arrêté, prisonnier des plantes rampantes qui ont fini par l’immobiliser. Soudain à cinquante centimètres de son visage, un grand cobra des forêts s’est dressé et le regarde, se penche à droite, puis à gauche, comme s’il dansait sur le rythme entêtant d’une mélopée inaudible. Puis il se penche vers l’enfant, sa tête à la collerette écartée s’immobilise à quelques centimètres de son nez. Ses yeux de mercure en fusion, d’une opacité insondable, le fixent, sa langue bifide jaillit de sa gueule entrouverte pour lui frôler le front. Hypnotisé par ce diable noir et blanc Dondivin ne bronche plus, respire à peine à petites goulées prudentes. Aux alentours les singes ont déserté la canopée, les oiseaux assourdissants se sont tus, les serpents ont quitté les lianes. Un Bunaea Alcinoe géant, tête et antennes rousses, ailes de velours crème, ocre, sable et marron, est apparu, a voleté autour de l’enfant, a parcouru quelques mètres, s’est posé comme s’il l’attendait, le naja a rampé puis s’est dressé non loin du papillon. Alors Dondivin a compris et s’est mit à les suivre docilement.

Des jours durant il a marché sur les traces du papillon et du cobra, les nuits il a dormi à même les grandes feuilles arrachées, le naja tournait non loin à la recherche de proies faciles. Il s’est nourrit de fruits étranges aux chairs multicolores que le papillon lui désignait en s’y posant ailes battantes un instant. Il a croqué avec délice des larves blanches volées à l’écorce des arbres abattus, grasses, grosses, et sucrées. Il a bu l’eau fraîche tombée du ciel. Souvent, quand la muraille verte était trop épaisse un éléphant des forêts apparaissait pour tracer le chemin. Le chemin devint sa vie, le temps semblait aboli. Un matin qu’il ne pleuvait plus, le papillon, le cobra et l’enfant ont débouché dans une clairière immense. Au centre une grande mare aux eaux noires reflétait les cumulus tourmentés qui galopaient dans le ciel. Le blanc du ciel tempérait un peu l’inquiétante impression qu’elle dégageait. Des okapis, des antilopes, des singes, des phacochères, toute la faune tropicale s’y désaltérait. Près de l’eau se dressait une grossière cabane de bois brut et d’écorces. Accroupi sur le sol près d’un tas de cendres mortes, entouré de centaines de serpents entremêlés, un vieil homme nu, au corps bariolé, couvert d’amulettes hétéroclites, se tenait immobile. Le naja glissa vers lui avant de se redresser à ses pieds, la collerette tournée vers l’enfant. Le papillon se posa sur la tête du sorcier aux yeux aveugles qui souriait.

Dondivin s’est arrêté à un mètre du vieillard. Des serpents se sont enroulés autour de ses jambes, de sa taille, de ses bras, de sa gorge. Son corps blanc délavé par la marche et les pluies a disparu sous ce manteau de fête, rouge, jaune, vert, émeraude, marron, noir et gris. Le Bunaea Alcinoe s’est posé sur sa main. On eût dit un Prince innocent en habit paré pour ses noces.

Le sorcier a tiré une machette à lame courte cachée sous son pagne crasseux. Tous les serpents ont mordu en même temps. A la lisière de la forêt les oiseaux ont jacassé, les singes ont hurlé à la mort qui tombe. Au bord de la mare les animaux se sont enfuis comme des flèches de feu sous le soleil couchant.

Dondivin jamais n’atteindra le paradis rêvé des grands lacs, il ne pêchera jamais les grands poissons aux écailles d’argent. Le gros œil rond de la lune blanche éternelle se mire dans les eaux immobiles de la mare noire endormie.

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MA CARAVAGÉE.

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La De en piqué.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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 Ma Caravagée épique abeille bleue

L’azur lumière aiguë à l’obscur de tes yeux

Hiver sérieux brumeux lourdes morts offertes

Il fait si froid si cru à clouer la fenêtre.

Aux arbres en squelettes pendent les silhouettes

Des amis de Villon décharnés à la lettre

Tous les mots oubliés des amours de vélin

Et les regards éteints crevés des cristallins

Les soleils adoucis au pinceau de Vermeer

Les azuleros cinglants l’astre de Grenade

Les naseaux écumants le fumet des manades

La terre est au silence les couleurs dissoutes

Les platanes figés le long des longues routes

Qui mènent à la mer. Dans le silence salé.

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Humeur déliquescente et le spleen remontant

Du ventre des vieux livres souvenirs entêtants

Aux chairs déchirées aux pages décortiquées

Les ronces épineuses fichées aux os des âmes

Les souvenirs perdus sur la mer qui brame …

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Les larmes ont séché un grand rire a jailli

Le tissu du grand ciel s’est ouvert tout en bleu.

COLIBRI JOLI …

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La De et ses plumes.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Amour velours de Colibri,

Oiseau joli,

Envolé à tire d’aile

Au lever du soleil,

Quand le froid est tombé,

Chape de glace rose,

Au petit matin.

Chagrin.

Va, vole,

Virevolte,

Butine, tartine

Toi de pollen,

De vents odorants,

D’oiseaux charmants,

Oublie ce gland,

Seul l’écureuil

Peut le croquer,

Et tu le sais …

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Comme un cobra,

Clé de sol dressée,

Tendue, pointée,

Vers le cul nu,

Des souvenirs

Échus, Déchus.

Triste menhir,

A défaillir

Tu ne pourras,

Le temps te ronge,

Le temps t’écrase

De tout son poids.

Au fond de la mine,

Plus de charbon,

De coke ou de houille,

Ne reste que la peau

De pauvres couilles

Flétries …

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Et le granit s’est délité,

Le colibri s’y est posé,

Si beau, si doux,

Et ses plumes électriques,

Ont allumé

Le vieux rocher.

Pauvre lutin,

Trop aigre-doux,

Ta vieille trique,

Flasque burin.

La brise froide,

Le vent glacé,

Va te tuer,

Et tes ruades,

N’y peuvent rien.

Le soleil tombe

Et tu succombes,

Le temps te plombe …

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Tu es si beau,

Toi bel oiseau,

Si fin, si vif,

Tu n’es pas fait,

Pour vivre en cage,

Trop de plumages,

Multicolores.

Autour de toi,

Ça brame à mort,

Et même les chants,

De Maldoror,

N’y feront rien.

Inutile de te voiler,

L’âme et le corps,

La pauvre plume

Pas très pointue,

Ne griffe plus …

 

LE OUISTITI.

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Le ouistiti de La De.

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Il a voté pour le régime de bananes,

Tout jaune, tout gros, tout odorant, dodu à craquer,

Il se fait une joie du festin à venir.

Là-haut entre les larges feuilles luisantes,

Qui ronronnent, dolentes, en haut du bananier,

Les bananes opulentes le regardent et sourient.

Ils les épluche du regard, tremble et balbutie,

Les avale, anticipe, sa glotte se trémousse.

Déjà sur son palais ça vanille bien gras,

Ses boyaux à la fête, déjà son ventre est plein.

Au pied du bananier, c’est une grande troupe,

On vocifère, comme un essaim de guêpes folles,

Les uns de fédérer les autres de diviser,

Le ouistiti a peur de ces singes énervés,

Il a quitté la scène, renoncé au banquet

Qu’il promettait de faire. Au fond de la forêt,

Il attend patiemment que le drame se dénoue.

Alors les clans hurleurs, à grands coups de crocs blancs,

S’étripent et se lacèrent. Les babouins aux dents jaunes,

Les bonobos paisibles, macaques et capucins,

Orangs-Outangs cruels et même les gibbons,

Se joignent à la lutte. La cervelle en compote.

Bientôt, les cadavres en tas noirs s’amoncèlent,

Les combattants faiblissent, les rescapés renoncent,

Les bananes flambantes, personne n’y a touché.

Les arbres sont muets, la faune s’est terrée.

Le ouistiti malin a grimpé en chantant, le régime lui tend

Ses fruits de pulpe tiède. Le petit prend son temps,

Entre ses doigts gourmands, délicats et charmants,

La chair, au goût de joie, qu’il déguste en riant.

LA CHATTE DE MON VOISIN…

 Mirjam Duizendstra (The Netherlands) – Friends

Sabatino lève la tête quand il monte l’escalier, à l’assaut, comme un vieil hussard flétri.

A se luxer les cervicales. «Hélicoïdal», ce mot lui vient à l’esprit, chaque fois qu’il pousse ses mollets maigres dans l’escalier. Ça l’envole, ça le met en lévitation, ça le charme, ça l’enchante, parfois même, ça lui donne une petite érection. Furtive, douce, intellectuelle… Marche après marche, il gravit son Golgotha, tous les jours, enfin, tous les soirs, en rentrant du boulot. Sa nuque raide le fait souffrir à chaque fois, mais tant pis, il lève quand même la caboche, stoïque comme un Épictète modeste, obsolète, ringard, hors course. Pas une Sophia à se mettre sous la dent, que dalle, le néant, la solitude, le soliloque, le sinistre vide couilles des soirs blêmes. Il bute régulièrement sur la troisième marche, fléchit sur ses quadriceps malingres, mais se redresse au prix d’un effort qui le mange. Sa nuque n’a pas ployé pour autant, hypnotisé qu’il est par l’axe de l’escalier, qui monte droit au sommet de l’immeuble, tandis que s’enroulent, en spirales parfaites, les cercles de métal aux airs penchés, striés d’escadrins, comme la flèche centrale d’un nautile fossile.

La perfection du colimaçon, l’enchante.

A sa façon, Sabatino est un céphalopode. Comme le nautile, il est solitaire, caparaçonné, il vit dans la chambre du haut, juste après que la dernière volée de marches lui ait mis le cœur dans la bouche, grande ouverte, respirant comme un aspirateur fou, la suée au front, et le dos trempé. La jambe tremblante, il agrippe la rambarde de ses doigts blancs et minces, et penché au dessus du vide, il repart à nouveau, tout là-bas, dans les Fidji, tandis qu’il halète, le regard fixé sur l’axe de cuivre patiné qui plonge dans le vide, piqué de ses arcs de bois parfaitement ordonnés. Souvent, à ce moment de sa journée, il pense à sauter par dessus le garde-fou, vers l’Australie…. Remis de son chemin de croix, Sabatino glisse la clé dans la serrure, d’un mouvement doux, presque retenu. Derrière la porte, assise comme un culbuto sur son large cul, Jeannine, sa compagne, l’attend. Il fait silence avant d’ouvrir, histoire d’entendre le doux ronronnement de la bête, ce chant familier, quotidien, qui finit d’apaiser son mauvais cœur de poulet de batterie, martyrisé par la montée des degrés. Le pêne grince, comme le souvenir mortel qui le taraude nuits et jours. Chaque fois qu’il pousse le vieux battant de bois de la porte qui mène à son enfer paisible, il la voit la Jeannine, telle qu’elle était. Ses cheveux courts, son sourire d’amour tendre, la ligne gracieuse de ses hanches douces, ses cheveux en queue de canard, soyeuse mais drue, derrière sa nuque gracile, qu’il aimait plus que tout à pénétrer d’un doigt léger, pendant qu’elle lui parlait, ce babil doux qu’il n’écoutait pas, tant il dégustait, se repaissait, se roulant dans la houle de bonheur qui le submergeait à chaque fois.

A ce moment de la journée, ses yeux de chair défaillent et son troisième œil, celui des amours mortes, perce la matière dense de la réalité obtuse. Il croit léviter et touche au sanctuaire précieux des heures anciennes. Elle est là, tapie dans le temps arrêté, hologramme vibrant, vivante, la sorcière qui lui a lui vidé l’âme à tout jamais. Dans les rides tourmentées qui lui enfoncent les yeux, au coin de son orbite flasque et rougie, une grosse perle de phlegme, fragile comme un pleur honteux, ne roule pas. Puis le mirage récurrent se brouille, la matière reprend ses droits, l’amour de sa vie disparaît. Face à lui Jeannine la dodue, enroulée dans son épais manteau roux, rayé d’ivoire natif, le regarde fixement. Elle sait, elle a toujours su. Son œil vert mort d’amour comprend et cligne, complice. Un seul miaulement, bref et doux, venu du fond de son pelage, comme un reproche compréhensif, l’accueille. La chatte sait son malheur. Magnanime, elle lui pardonne son égoïsme aveugle, qui la voit si peu. Chatte n’est pas jalouse, elle est boule et muscles tendus à la fois, elle passe de l’extrême tension, au relâchement instantané. En une fraction de seconde. Jeannine est pleinement vivante, changeante comme un ciel sous le vent, simplement. L’instant d’après, elle est chairs apaisées bourdonnantes.

Sabatino s’écroule toujours d’un coup, pas comme le mur de Berlin. Il se liquéfie, sans plus de forces, dans le sofa verdâtre, qui l’absorbe comme une pieuvre décomposée, et sur lequel, toutes les traces de sa vie gluante s’étalent multicolores, depuis qu’il a déchiré tous les calendriers. Sur une caisse de bois retournée, sa montre, au verre brisé, disparaît sous une crasse, grasse de poussière et de vin séché. Son désespoir, constamment, l’écrase. Il pèse, lourd, froid, côtes rompues et désirs disparus. Réservoir vide, moteur éteint, culasse grippée. Derrière son visage de cire tourmentée, l’hébétude lui serre les os, comme l’eau d’un lac gelé. Alors Jeannine s’approche et le regarde, les jarrets ployés, la tête perdue dans la fourrure, attentive et patiente. Telle Bastet la discrète Égyptienne, elle est joie et chaleur constante, hiératique, éperdue. Sabatino bat furtivement des paupières, c’est le signe. Elle bondit souplement sur sa poitrine qu’elle recouvre largement, pattes écartées, museau enfoui comme pour un baiser, dans l’échancrure de la chemise, souillée par trop de chagrins, arrosés à s’arracher la vie. Jeannine est un kalanchoé vivant. Comme une éponge de fourrure aimante, elle absorbe et transmute les souffrances qui rongent la vie de son amour humain, elle est l’acide bienfaisant qui le délivre, le temps que le temps s’arrête, un peu. Il dort, entre parenthèses, muscles dénoués, apaisés. Son haleine puante agite les moustaches de Jeannine, comme un pet putride qui se serait trompé de chemin. La nuit absorbe la ville. Par la fenêtre, les battements électriques d’une enseigne qui bégaie en grésillant, strient le visage ivoirin de l’homme sidéré. La lame bleue, froide et têtue, arrache à ses yeux éblouis qui ne se ferment plus, une douleur irradiante qu’aucune larme ne vient plus calmer.

Puis la minette, rassasiée de nuages noirs, s’en va plus loin, libre, la queue ondulante, laissant sur la poitrine de Sabatino sa trace invisible. Le froid monte et submerge bientôt ce dernier îlot de tiédeur nourrissante. Alors viennent les raideurs craquantes et les saignements impromptus du corps en détresse. La mollesse le gagne, l’engourdit de ses charmes vénéneux, son corps affaibli se crispe, le forçant à se réfugier dans l’inexpugnable donjon de ses souvenirs immuables. Sabatino n’est plus qu’un corps mourant, au creux duquel, dans les profondeurs satinées d’au delà des apparences, brille encore, lumière infime, la mèche opiniâtre, rebelle et fragile, d’un espoir insensé.

Oui, il s’accroche de toute sa volonté restante, au mépris de la vie qui le fuit en rigoles écarlates, à la croyance impossible, au retour possible de l’amour de sa vie. Derrière la basane ivoirine de sa peau racornie, il respire, à petites goulées prudentes, immergé dans son âme recroquevillée, au fond, au fin fond de sa conscience intacte. La Charogne entropique le guette, prête à bondir, qui suppute un renoncement imminent. Mais il la connaît cette Garce goulue, cette Parque patiente, cette Camarde retorse; et son sourire, aux crocs jaunis par les viandes tuméfiées, qu’elle se complait à écraser, lentement, en bulles grasses, pour en faire jaillir les humeurs putrides dont elle aime à se gorger. Intérieurement (in petto, one more) Sabatino sourit. L’antidote, le jus de vie qui repoussera encore un peu, cette garce des ténèbres à l’affut, est prêt! Il est là, brillant du rouge incarnat des vignes, qui palpite à son côté. Le diamant pur du verre miraculeusement immaculé, contraste avec la sordidité ambiante. Une lumière bilieuse perce à peine la paroi souillée de l’unique ampoule, qui pend du plafond, comme un chancre à point. Par les fentes des fenêtres disjointes, un filet du blizzard glacial qui souffle en ce début décembre, joue avec la cloque phosphorescente qui balance au bout de son fil tordu, comme un pendu en loques à Montfaucon. Le halo conique de lumière cireuse dessine dans la robe du vin des arabesques délicates, qui mêlent aux ondulantes lueurs carmines, des grenats sombres, profonds comme le regard furieux d’une panthère en chausse-trape.

Un jour ancien, tout proche pourtant, il rencontrait J.P Charlot, impressionnant sumo vigneron, dans sa cave de Volnay. Lui, petit patachon vif-argent et l’imposant double-pattes, s’entendirent comme larrons, entre les bouteilles généreusement ouvertes. Jeannine, bouche bée, les écoutait ferrailler habilement, verbe haut et regards complices. Sur sa joue, tandis qu’il s’agitait, il sentait la chaleur douce de son regard noisette-pistache grillée. Tout cela surgit, entre deux secondes, du verre qui tremble convulsivement, au bout de sa senestre froncée. La vigueur et l’envie lui reviennent un peu, il se redresse, regarde le disque parfait du vin ridé par sa faiblesse, et ferme les yeux. L’effluence de pureté le frappe, ce fumet sans odeur qu’il a toujours recherché, et rarement rencontré dans les verres, est là. Oui, ce «parfum» inexistant, cette idée abstraite mais vivante, qui, de son aile si subtile, ordonne les fragrances à venir, les rassemble sans les mélanger, les fond «démocratiquement» dans un parfait équilibre olfactif, EST LÀ! Sous sa baguette invisible, montent en légions, touches de cerise au kirsch, arômes de fruits rouges en compote, senteurs de réglisse en bâton, fumets de poivres frais concassés. Petits bonheurs, furtifs, d’une rare intensité pourtant, comme si la vie lui ranimait l’esprit et lui rapetassait le cœur.

Au coin opposé de la pièce, Jeannine, en boule, extatique, sphinx rasséréné, ranime son basson profond.

Sabatino prend son temps, savoure ce moment – précieux comme le sourire si tendre dont elle l’enveloppait – qui anesthésie son inextinguible peine. Le sourire, qui étire ses lèvres, gomme les outrages de son visage ravagé, que le meilleur scalpel ne pourrait ragréer. Derrière ses paupières closes, brille l’éclat d’une joie. Dans le petit matin d’un été chaud d’antan, il glisse sa menotte dans la main chaude de son père… Enfin, ses lèvres accueillent le buvant du verre, qui tinte sur ses dents, tant sa main trémule. Une gorgée de ces jeunes «Épenots» roule, fraîche comme fruits de printemps, dévale la pente râpeuse de sa langue sêèhe, bute sur le fond de sa gorge et revient, comme un reflux gourmand, s’étaler et oindre son palais. La matière du Pommard 2008 s’ouvre et lâche ses fruits rouges en tresse, son cuir frais et sa jeunesse, puis enfle et lui emplit la bouche de tendresse liquide, comme si les forces telluriques, inondaient son corps flasque d’énergies bienfaisantes. Proches de Beaune, les Épenots sont enjôleurs… L’adolescence du vin, généreuse, l’emberlificote dans sa pureté élégante, sa tension, et sa force encore contenue.

À l’avalée, le vin glisse, soyeux, sur ses imperceptibles tannins lisses, et renvoie Sabatino à son Karma.

Le vin fait jouvence. Souvenir fugace, l’enfançon qu’il fut, pousse le bout d’un sourire…

Mais le verre vide, glisse, échappe à ses doigts morts, et se brise en miettes de diamants, sur le sol froid, tapissé d’immondices. La Faucheuse, au fond de la Géhenne, patiente, roucoule avec Dieu

ECAVEMONETICACODASNE.

SOUS LA LUNE ARC-EN-MIEL

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Avec le regard Arc-en-miel de La De.

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Illustration Brigitte de Lanfranchi – Texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Nuit blanche cœur noir et reflets gris,

Le froid a mordu la nuit dans le blanc de mon lit,

L’aube est au désespoir et le soleil aussi.

Aux horizons aveugles les chemins infinis.

Les couleurs ont fondu, comme si la vie meurtrie,

Par la fenêtre close, overdose, évanouie.

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La mémoire, ronde folle et les feuilles des arbres,

Disparues, oubliées, je mords ma langue au marbre.

Fracas d’étoiles brisées, le ballet, billes drues,

La pluie pique le sol, gicle gigue éperdue,

Belle fugue de Bach que nul n’entend plus,

Puis la Folia gémit, me ravit et se cabre.

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Sur la toile froissée, des cohortes de suie,

La pénombre est épaisse, longues nuées flétries

Rêvent de grandes batailles, de conquérir le ciel.

La lumière empêchée sous la lune arc-en-miel,

A peine le tonnerre, les éclairs ont jailli,

Ils ont fendu les bois et le fiel de mon lit.

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Se taire à perdre haleine, se heurter aux murs noirs,

Pupilles lacérées aux éclats des miroirs.

Hurler des chants funèbres, ne pouvoir ni vouloir,

Errer dans les dédales obscurs, n’y rien plus voir,

Et les jambes broyées jusqu’au ras des mâchoires.

Ouvrir les yeux d’un coup, paupières aux grattoirs.

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Voiles des songes et cris sauvages, torches brisées,

Des cauchemars étranges, mes nuits de soie glacée.

DÉFIÉ SOIT QUI MAL Y PENSE.

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Alexandre Cabanel. Nu à demi bâché.

FRONSAC, un nom qui claque, des vins tanniques, que le temps, mais pas toujours, civilise. FONTENIL, le Château, sur sols lourds et frais, argilo-calcaires ou molasses du Fronsadais, c’est 9,40 hectares de vignes, vénérables pour la plupart. C’est dire que les années pluvieuses, les argiles peinent à digérer les eaux.

Or donc, les propriétaires de ces lieux, Dany et Michel Rolland, regrettent, le temps passant, l’expérience venant, la connaissance de leur terroir s’affinant qu’après de beaux étés, parfois la pluie – certaines années – que la terre retient, affecte la parfaite maturité des raisins. Ingénieux, voire « débrouillards », ils bâchent, de plastique, histoire de voir, 1,60 hectares de merlot, en fin de cycle.

Et ceci fut fait entre du 8 août au 25 septembre 1999, date des vendanges. Les jus magnifiés de ces raisins plus sucrés, concentrés, aux tannins mûrs, furent incorporés au vin du Château Fontenil. En 2000, l’expérience se poursuit, la vigne a été de nouveau bâchée. Du 23 août au 25 septembre.

Mais foutre de moine cacochyme, les foudres de la tradition se déchaînent alors et boum, badaboum, voici, voila que le millésime 2000 est déclassé par l’INAO en Vin de Table ! Résolus à poursuivre leur expérience, tout comme à Ronceveaux, les Rolland persistent, signent et défient l’Institut, mais au contraire de leur légendaire homonyme, les Chevaliers du vin ne périssent pas en haut du col …

Et voilà pour la grande petit histoire de rien.

Jusqu’en 2004 les vignes furent donc bâchées quand le temps l’exigeait. Et l’expérience prit fin en 2005, mais les vins demeurent classés en Vin de table de France. Le DÉFI de FONTENIL, tête de cuvée du château, était né. Et rien ne le ferait, bâché ou pas, dévier de sa route.

Bon c’est pas tout ça, la petite histoire, mais les vins rebelles sont-ils bons, ont-ils goût de bâche, de bêche, de bêcheuse ?

C’était un jour, il faisait soir, une main aux attaches fines, élégamment manucurée, dépose entre mes bras qui n’en demandaient pas tant deux bouteilles. Lourdes, vraiment lourdes. Des eaux bénites, les larmes de Bernadette ? Non point, mais deux grosses bouteilles remplies de vins noirs. Forcément c’était un soir. Et le soir tous les chats sont noirs. Encensoirs, génitoires, tout ce qui est noir est mystique, mystérieux, voire voluptueux, à faire dresser les poils noirs sur la peau qui fut blanche de mes vieux bras. Un don du ciel que ces bouteilles, un ange de passage ? Je ne sais plus, j’ai, entre autres faiblesses, la mémoire qui flanche.

Le temps a passé, les bouteilles, au frais de la cave, ont prit le temps de se reposer. Sous le verre sombre les vins ont continué leur vie secrète et leur lente maturation. Et voici venu, après avoir patienté ( la patience une vertu qui se perd …), le temps de les désincarcérer, de les aérer judicieusement, d’y plonger le nez, les naseaux bien écartés, avant de les mettre en bouche.

Le Défi de Fontenil 2000 : Jolie robe sombre d’un grenat profond qu’éclaire à peine un liseré vieux rose. Le millésime se donne généreusement, des effluves gourmandes de fruits noirs, de purée de mûres et de cerises, s’échappent en nappes successives. Et mon appendice nasal s’en régale. Autour et derrière les fragrances du jardin apparaissent des épices douces, de la régisse et quelques notes fumées, puis florales, qui m’envoient, mais je n’en suis pas certain (?), flâner du côté de Toulouse …

La matière conséquente du vin s’étale en bouche, abondamment, une texture de velours à faire frémir un Cardinal. Au cœur de cette chair goûteuse qui fait la boule comme un chat, les tannins enrobés ne sont pas au bout de leur âge, et la fraîcheur du vin les accompagne en relançant le jus jusqu’à l’avalée. La finale est longue et laisse au palais une résille de tannins dont la fermeté relative prendra le temps que le temps voudra pour se polir plus encore. Un vin de quinze ans qui est encore loin d’être un vin de vieillard. Et pas un vin de bâche, assurément !

Le Défi de Fontenil 2005 : Cinq ans plus tard, cadeau de Dame Nature, un très beau millésime si je me souviens bien. Le Défi, en robe noire brillante, à décolleté sanguin, tourne dans le verre comme un derviche profane. Dans la lignée de son aîné des parfums de fruits noirs au cœur desquels la cerise domine. Et des épices, abondantes, et de la réglisse aussi. La matière est à la hauteur du millésime, riche, charnue, voluptueuse. C’est une odalisque opulente qui danse dans la bouche. Qui s’en plaindrait ? Quand elle se dévêt, ses rondeurs jaillissent et remplissent l’avaloir d’une chair pulpeuse à souhait … Après que le jus a basculé derrière la glotte, il laisse derrière lui, tout aussi enrobés que la belle orientale, un tapis de tannins en foule, encore dans la toute jeunesse. La finale est persistante, fraîche ce qu’il faut, éclatante comme la dernière salve d’un feu d’artifice estival. Un vin de dix ans mais pas un jus d’enfant de cœur pour autant !

Les vins de Fronsac ont la réputation d’être des vins très, parfois trop, tanniques. Et cela est vrai dans la majorité des cas. Mais certains, et Le Défi en est, travaillés par d’habiles dompteurs aux mains fermes mais douces, échappent à la rusticité ordinaire, gardent leur fougue, mais gagnent en race et en élégance.

Allez en paix, et n’oubliez pas : Pour prendre une « bâche » qui vous déclasse illico de l’appellation FRONSAC pour vous reléguer en VIN DE FRANCE, c’est simple, couvrez d’une bâche protectrice le sol entre vos rangs de vignes en fin de cycle. Mais si le vin est bon, voire excellent, il s’envolera quand même aux quatre arcs du monde …

PS : Les vins de Fontenil, pas des vins de mollasses !!!

ADHUGHMAS et DJÉDJIGA.

Extrait d' une sŽrie de portraits, Timia, Niger, 2001.

Photographie de J. L. Gonterre.

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Le soleil à son plein zénith était si chaud, que le sable pleurait, que le porphyre suintait, que le basalte craquait.

Les pans de la vaste tente de peaux cousues bruissaient sous le vent, qui soufflait tout là-haut sur l’Atakor du Hoggar. Le soir, à l’instant ou le soleil, plus rouge que les grenades des oasis lointaines, disparaissait, lentement dévoré par les mâchoires des chacals affamés, le froid tombait comme une guillotine sur le cou d’un oiseau. Et le gel terrible de la nuit de pure obsidienne constellée d’étoiles, si nombreuses qu’elles contestaient les puissances nocturnes, succédait à l’éclatante lumière brûlante de la journée.

Alors Djédjiga rabattait les peaux et les fixait au sol. La tente était doublée de toiles épaisses, protectrices, de grandes lattes de bois, assemblées et serrées, tenaient lieu de mur bas, dans lequel une ouverture ménagée faisait office d’entrée, close la nuit par l’auvent de cuir replié qui assurait une parfaite étanchéité. Elle s’était assise en tailleur près du foyer, s’affairait à cuire des galettes de taguella – le pain targui. La chorba, la soupe épaisse de légumes et de viande de chèvre, mijotait depuis le matin. La lumière du feu central et des bougies de suif grossier disposées au pied des cloisons de bois, se reflétait sur la toile du toit comme sur les tapis laineux qui recouvraient le sol, ces lueurs rouges repoussaient l’ombre aux limites de l’espace de vie. Au-delà de la poutre d’acacia qui partageait la tente en deux, la partie consacrée au repos de la famille et des invités, protégée par une paroi de tissus épais, était plongée dans l’obscurité totale. La jeune targuia aimait cette lumière tremblante, chaude et rassurante.

Elle avait épousé Afalku, le fils de son oncle voici peu. Elle l’avait choisi parmi les autres prétendants déclarés de la tribu, personne n’avait discuté. Monté sur son méhari blanc, Afalku, au visage de rapace, était parti à la tête d’une caravane lourdement chargée jusqu’au Tassili, loin au Nord Est. Cela faisait des semaines. Tous deux étaient des Imajaghans de haute extraction, des âmes nobles et libres, leur tribu d’origine se trouvait au sommet de la hiérarchie Touarègue.

La jeune femme psalmodiait un chant ancien en pétrissant la pâte, alternant notes graves et longues, ornementées d’aiguës brèves, un chant qui célébrait les vertus de Hin Hanan, “celle qui se déplace”, la Mère des origines, la Fondatrice de la Légende. Ses mains aux longs doigts agiles s’enfonçaient dans la chair molle qui fleurait bon la farine, elle l’écrasait entre ses paumes, la pâte, entre ses doigts fuselés, coulait en longs filaments qui se tordaient. Puis elle frottait ses mains l’une contre l’autre, dégageait ses doigts des reliefs de pommade collante qu’elle aspergeait de farine sèche, observait méticuleusement ses paumées noires de henné, avant de les replonger dans la soie de blé immaculée, pour reprendre son pétrissage. Et cela jusqu’à ce que la consistance de la taguella la satisfasse pleinement. Toute à sa tache voluptueuse, elle bourdonnait son cantabile, s’arrêtant parfois pour soupirer de plaisir. Elle écrasait ensuite sur une pierre plate les boules de pâte, pour en faire des galettes rondes, puis les posait au bord du feu pour qu’elles blondissent lentement. Une odeur de pain cuit, de grillé, d’épices chaudes, de légumes et de viande fondante, flottait dans l’air, des bulles, qui crevaient à la surface de la soupe en faisant de petits bruit gras, s’échappaient des parfums chauds de coriandre et de cumin qui relevaient tous les autres.

Djédjiga se rinça les mains dans une bassine. Trois gouttes d’eau lui suffirent. Elle se leva, et, les mains sur les hanches qu’elle avait évasées, se cambra pour se désengourdir. Ce jour-là elle était vêtue d’un melhfa rouge d’Andrinople, un grand voile qui s’enroulait autour de son corps élancé en masquant ses formes. Ses longs cheveux très noirs étaient drapés dans un foulard couleur ocre ambré, un tissu léger, presque arachnéen, qui semblait danser au moindre mouvement. Ses yeux noirs, légèrement allongés, soulignés par un trait de khôl fin, brillaient sous leurs cils épais et recourbés, contrastant avec sa peau claire. Elle avait le nez aquilin, des narines étroites, des lèvres charnues couleur de sang séché. L’ivoire blanc de ses dents régulières, qui filtrait entre ses lèvres entrouvertes, éclairait sa physionomie. Djédjiga, mince et grande, se tenait droite, les épaules dégagées, la poitrine fière, la tête qu’elle portait haute lui donnait un air racé, presque intimidant, d’autant que son regard droit ne cillait pas.

La tempête ne faiblissait pas, le vent de sable violent giflait hommes et animaux. Les targuis baissaient la tête, ils avançaient courbés, le chèche remonté, serré au ras de leurs yeux qui clignotaient, pour échapper aux morsures des grains de silice, gifles acides, qui les maquillaient de blanc comme les prostituées de Tamanrasset. De grosses larmes sableuses coulaient sous leurs turbans, s’en allaient mourir de soif sous les larges plis des gandouras qui claquaient séchement comme des bannières. Afalku surveillait comme il le pouvait les dromadaires en file indienne. Les hommes avaient mit pied à terre, mais les bêtes au port hiératique affichaient leur morgue habituelle, continuant de suivre la piste comme si de rien n’était. Tout à l’arrière de la caravane, au cul du dernier dromadaire, Adhughmas peinait à suivre. Autant Afalku dégageait une impression de puissance, d’élégance, de force maîtrisée, sa haute taille, sa silhouette harmonieusement proportionnée, sa démarche souple et son pas élastique avaient séduit bien des targuias, effrayé bien des guerriers parmi les plus valeureux, autant Adhughmas, son allure sans grâce, son corps souffreteux, son air fuyant, ses épaules étroites et ses joues creuses, donnaient une impression de servilité fausse, tant il exagérait son attitude. Mais face au chergui, il est vrai qu’il n’avait pas à se forcer, à simuler, il était bien trop léger pour faire face.

Le désert but le soleil. Ils s’arrêtèrent à l’abri d’un éboulis de rochers couleur cacao grillé, de grosses pierres rondes, érodées par les âges, les vents, fracturées par les combats incessants entre le soleil de feu et la lune de glace. Les dromadaires formaient un cercle. Les hommes, adossés aux flancs chauds des bêtes, préparèrent les trois thés traditionnels et se restaurèrent. Le ciel lacté d’étoiles brillantes, la lune à demi pleine, éclairaient le campement autant qu’un petit matin. Ils burent le thé chaud accompagné de taguellas et de dattes onctueuses. Au deuxième thé, le thé fort, celui de l’amour, l’un des targuis se mit à gringotter une complainte lancinante. L’homme, d’une voix grave, le regard vague, s’accompagnait à l’Imzad, un instrument monocorde dont les notes répétitives scandaient la mélopée. Cela faisait deux mois qu’ils avaient quitté leurs campements, alors ce chant, mélancolique et obsédant, accentuait encore leur tristesse. Mais demain, ils retrouveraient enfin leurs familles.

Afalku, les yeux mi-clos, semblait perdu dans ses pensées. Certes, il avait hâte de retrouver Djédjiga, sa peau douce, ses lèvres tendres et les secrets de ses vallées ombreuses. Le visage de sa jeune épouse, comme les braises rouges du feu mourant, palpitait sous ses paupières, pourtant une inquiétude qu’il ne s’expliquait pas le submergeait par instant. Quand l’un de ses chameliers, prit d’une fièvre aussi foudroyante qu’inexplicable, était mort en l’espace d’une nuit, alors que la caravane venait d’arriver à Djanet, ville principale du Tassili des Adjers, terme de leur voyage aller, il avait bien fallu que Afalku le remplace. Ce n’est qu’au bout de trois jours de palabres serrés, tandis que les chameliers préparaient le chargement du retour, qu’un targui, un Kel Ajjer d’une tribu d’Imrad, accepta son marché. Adhughmas et ses manières de vassal obséquieux, d’emblée, ne lui plurent pas, mais il avait besoin de lui pour le retour. Depuis lors Afalku, inquiet, le surveillait. Il tourna légèrement la tête, ses yeux rencontrèrent le regard de l’homme installé, un peu en retrait, du cercle des chameliers. Il n’eut pas le temps d’y lire quoi que ce soit, Adhughmas avait aussitôt baissé la tête sur son thé. Puis tous les hommes, dont les corps se balançaient en mesure, accompagnèrent à voix basse le musicien. Dans le silence sidéral du désert, leur chant traversait les espaces. Blotti au creux de l’amas de pierre, un fennec aux yeux de pierres précieuses, invisible, les observait. Envoûté par le chant mélodieux des hommes, il posa son museau pointu entre ses pattes et ferma les yeux. Une étoile, plus étincelante que les autres clignota le temps d’un battement de cils.

Le lendemain, à la mi-journée, ils touchèrent au but, hommes et dromadaires s’égayèrent vers leurs tentes proches. Les lois de l’hospitalité sont incontournables chez les Touaregs, Afalku invita Adhughmas sous sa khayma et le logea dans une cellule du fond, séparée de la sienne par deux autres chambres de toile. Djédjiga eut un imperceptible mouvement de recul quand l’homme lui fut présenté, mais elle ne montra rien, son visage afficha un demi sourire, elle se comporta comme l’Imajaghan qu’elle était, le traitant avec la distance courtoise qu’il convenait d’adopter, en face d’un targui de noblesse inférieure. Le soir les dromadaires, soulagés de leurs charges de semoule, de sel, de tissus, de sucre et de thé, avait regagné le troupeau. Afalku et Djédjiga partagèrent le repas avec leur invité en échangeant des politesses de circonstance.

Adhughmas ne dormait pas, les soupirs assourdis de ses hôtes, le chuintement de leurs étreintes, le bruit des tissus froissés, lui mettaient les nerfs à vif et les chairs au martyr. La beauté hautaine de cette femme splendide l’avait subjugué au premier regard, l’indifférence qu’elle manifestait à son égard exacerbait le désir qui lui mangeait les reins, dès le soir venu, dès qu’il se glissait dans sa chambre de toile. Cela dura des nuits, le jour brûlant il ne disait mot, vaquait toute la journée, traînait à ne rien faire dans la montagne, attendant, avec une impatience qui allait grandissante, la mort inexorable du soleil. Alors le froid tombait d’un coup. Le repas expédié, sous sa couverture de laine odorante, il était aux aguets, se repaissant de ses imaginations voluptueuses.

Un mois avait passé. Dans quelques jours la caravane repartirait pour un nouveau voyage, Adhughmas regagnerait définitivement sa solitude du Tassili. Cette nuit là, la lune ne s’était pas montrée, l’obscurité était totale sous la tente. On pouvait distinguer, mais à peine, la très faible lueur d’une bougie grasse dans la chambre des époux. Du moins Adhughmas percevait-il au travers des toiles une vague lueur grisâtre. A la pensée du départ proche, il fut pris d’une tristesse profonde, qui se transforma, les heures passant, en une colère sourde qui finit par le submerger. Alors il rampa dans l’obscurité, traversa les chambres inoccupées, se figea derrière la dernière toile qui le séparait du couple. Les moindres frôlements étaient perceptibles, il imaginait leurs mains caressantes, il entendait leurs chuchotements, leurs gloussements complices, il sentait leur parfum, le bruit mouillé de leurs baisers, les râles sourds venus du fond des ventres, qu’ils retenaient comme ils pouvaient. Adhughmas déplaça légèrement un coin du tissu, et ce qu’il vit le rendit fou.

Djédjiga, assise sur le ventre de Afalku, ondulait lentement, ses seins lourds, opulents et tremblants, brillaient comme deux lunes pleines sous la lumière vacillante de la bougie. Les deux amants se tenaient par les mains en se souriant. Le torse en sueur de Aflaku était tendu, ses reins cambrés faisaient ressortir les muscles saillants de son ventre plat, il soulevait sans effort la cavalière dont les reins accélérèrent d’un coup la cadence. Ils se mirent ensemble au galop en fermant les yeux.

Le poignard jaillit au moment où l’homme jouissait, le sang de la gorge tranchée éclaboussa le ventre de la jeune femme. Afalku avait ouvert les yeux, il mourut sans revoir le visage de sa femme. Djédjiga ne bougeait plus, le poignard de Adhughmas lui piquait la gorge, de sa main libre il se mit à lui malaxer durement les seins en bavant à moitié. Son regard de dément la décida. De rage, elle saisit le poignet de l’homme, le maudit en hurlant sa douleur, puis, tirant de toutes ses forces, elle se trancha la carotide sur la lame. Le sang gicla sur le visage épouvanté du targui.

Des siècles ont passé. Parfois dans la nuit du désert, on peut entendre gémir les fennecs, quand un hurlement atroce, venu de nulle part, porté par un vent maudit, laisse sa trace sombre sur le sable clair.

BRET BROTHERS MÂCON-CRUZILLE 2015.

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Le troisième larron de la trilogie Villages, le Cruzille de chez Macôn.
A noter au passage qu’à une consonne près, ce vin aurait pu faire le bonheur des banquets électoraux du banquier repenti. Voire même régaler ses pires adversaires qui ne crachent jamais sur ce, qu’au passage, ils peuvent prendre.
Or donc comme j’aime à dire, une robe de cuirasse de centurion, or laquée de bronze, d’une parfaite brillance, au coeur de laquelle palpite un coin de ce ciel gris second tour des présidentielles que je vois de ma fenêtre.
Pour les hardeurs ordinaires du vin, des chais et des éprouvettes, tout ce qui précède n’est que baratin inutile, élucubrations d’allumé du hanap, ce que je confesse volontiers.
Ceci humblement confessé, les yeux fermés, je hume le jus de l’enfant de la grume, un jus de vieille (entre 50 et 80 balais), pas tout à fait un demi hectare de vieilles lambrusques sur argilo-calcaires. Un jus qui lâche du fruit, puis du fruit, puis encore du fruit. J’en salive immédiatement un peu comme quand …
Dire aussi que la pêche mûre se pare d’épices qui lui font cortège odorant et l’exalte, et d’ailleurs rien ne vaut, en d’autres circonstances aussi, une belle pêche exaltée à souhait ….
Ceci dit bis, la pêche est jeunette et ne se donne qu’avec une retenue de bon aloi, comme il se doit pour une presque pucelle de bonne famille. Je gage qu’apès un an ou deux, ayant acquis quelque expérience, elle sera d’olfaction plus intense.
Mais quid du gosier ? Ce vin de jeunesse m’attaque franchement la papille et son acidité mûre me la met derechef (si j’ose dire) en érection. Une matière conséquente me remplit le gosier qui ne demande que ça. A rouler sur la langue, elle enfle et déverse à terme une pêche légèrement agrumée au zeste de citron, puis la pelure du pamplemousse se joint à l’orgueil de Menton, et juste ce qu’il faut d’amertume, gage d’un veillissement nécessaire, me reste au palais après que le vin gourmand a passé la glotte. Lui succèdent enfin, et bien après car la jeunette est longue à faiblir, un peu du sel de la terre et l’idée que le calcaire serait monté jusqu’à ma bouche.
Ceci dit ter, c’est déjà foutrement très bon !

CLOS DE SARCONE 2015.

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Un vin que l’on dit “confidentiel” !!

Oui encore une de ces expression à la mode de chez marketing approximatif à la con, employé à tort et à travers. Est confidentiel “ce qui a le caractère intime et personnel de la relation affective” ou ce qui est “privé, secret” etc …”
Tout simplement un petit domaine en fait, autour de 5 ha. S’il s’était agit de la région Bordelaise, alors là le marketing” j’te vends du vent” aurait parlé de “vin de garage” (ou comment inventer une expression prestigieuse avec un mot qui sent la tôle rouillée et l’huile de vidange !), autre baraguoin à la mode de chez snob, histoire de pouvoir vendre très cher des vins qui sont assez rarement à la hauteur des prix pratiqués. Mais comme dit l’autre, ça se vend … donc ferme ta gueule et bois de l’eau 😀
Or donc, quelques vignes autour de Poggiale, non loin de l’aéroport de Figari, sur le caillou fleuri égaré sur les flots bleus de la Méditerranée. En AOC Vin de Corse, because n’est pas dans l’aire couverte par l’appelation Figari.
Mais ils s’en foutent et on s’en fout !!


Une robe cardinalice, brillante comme un écu neuf, de grenat et de rubis mêlés; les jambes qui roulent sur la paroi du verre dessinent un aqueduc approximatif qui augure d’un vin suffisament gras pour bien glisser en bouche.
La cerise mûre à peau croquante domine au nez, mariée aux épices du sud, du genre “il fait chaud, promenons nous dans le maquiiiis !” d’où ressort le poivre noir, un bouquet complexe en fait que les décortiqueurs, les oenologues tourmentés et les sommeliers pétaradants, dépiauteront bien mieux que moi.
Les grappes arrachés aux sangliers amateurs de raisin sont mûres, en bouche puissance et élégance s’équilibrent et la fraîcheur des vents marins qui fouettent les vignes de Sciaccarellu, Niellucciu et Vermentinu se retrouvent au palais. C’est dire que la matière est là, qu’elle prend la place qui lui convient et qu’elle ne la cède qu’à regret. Après que fraicheur a tempéré la puissance du jus, les tannins, petits, perceptibles mais enrobés, jeunesse oblige, laissent longuement en bouche le voile que parfois le vent salé met à l’azur de l’Île …